Cession de fond de commerce et dépôt frauduleux de marque 
Cession de fond de commerce et dépôt frauduleux de marque 
Ce point juridique est utile ?

Le logo d’une société est présumé lui appartenir dès lors qu’il est exploité au nom et pour le compte de la société. Le dirigent de la société, même s’il est à l’origine de la création dudit logo, en le déposant à titre de marque, peut engager sa responsabilité vis à vis des repreneurs / cessionnaires de la société. 

L’enregistrement frauduleux de marque

Comme illustré par cette affaire, l’enregistrement frauduleux de marque peut être retenu. Pour rappel, l’article L.712-6 du code de la propriété intellectuelle dispose que :

“Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice.

A moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l’action en revendication se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la demande d’enregistrement”.

Affaire Alterriva 

Une gérante a déposé le 28 décembre 2016, également en son nom propre, la marque verbale française n°4325349 ALTERRIVA CEREMONIE. Le dépôt de cette marque effectué moins de deux mois après le prononcé de la liquidation judiciaire de la société Alter Riva et 15 jours après la cession du fonds à la société Funérick reprend pour signe d’attaque, fortement distinctif, le terme ALTERRIVA, qui est celui utilisé par la société qu’elle dirigeait.

Cession de la dénomination sociale de la société 

Or, la gérante ne pouvait ignorer au moment du dépôt de la marque litigieuse que tous les droits sur la dénomination sociale, le logo et le nom commercial ALTER RIVA, avaient été cédés à la société Funérick, libre à celle-ci de l’exploiter comme elle l’entendait dans le cadre de l’activité de pompes funèbres qui était cédée. 

Le fait de déposer une marque comportant le nom ‘ALTER RIVA’, en lui adjoignant le terme ‘Cérémonies’, terme utilisé habituellement pour l’activité de pompes funèbres, a donc été effectué en faisant fi des intérêts de la société Funérick, repreneur du fonds de commerce de la société ALTER RIVA, pour l’empêcher de jouir paisiblement de la dénomination sociale et du logo ALTERRIVA, réduisant ainsi considérablement la portée de la cession du fonds de commerce pour le cessionnaire.

L’intention de nuire retenue

Le fait que la gérante et sa société AlterRiva Services utilisent le logo AlteRriva en lui adjoignant le mot ‘Cérémonies’, pour exercer dès la cession du fonds de commerce, une activité concurrente de celle de la société Funérick relative aux services funéraires, vient caractériser l’intention de nuire au moment du dépôt.

La juridiction a donc constaté que la fraude était caractérisée et a ordonné le transfert de propriété de la marque verbale n°4325349 ‘AlteRriva Cérémonies’ au bénéfice de la société Funérick, cessionnaire du fonds de commerce.


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 13 MAI 2022

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 19/22000 – n° Portalis 35L7-V-B7D-CBCPY

Décision déférée à la Cour : jugement du 17 octobre 2019 – Tribunal de grande instance de PARIS – 3ème chambre 1ère section – RG n°17/16749

APPELANTES AU PRINCIPAL et INTIMEES INCIDENTES

S . A . A L T E R R I V A S E R V I C E S , s o c i é t é d i s s o u t e – r e p r é s e n t é e p a r M m e V a l é r i e Y-F, agissant en sa qualité de mandataire ad’hoc – ayant eu son siège social situé

[…]

[…]

Mme G Y-F

Née le […] à Londres

De nationalité française

Exerçant la profession de chef d’entreprise

[…]

Représentées par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque L 0010

Assistées de Me Alain CLERY plaidant pour la SELARL CLERY – DEVERNAY, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES AU PRINCIPAL et APPELANTES INCIDENTES

S.A.S. FUNECAP IDF, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

[…]

[…]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 753 216 704

Représentée par Me Mathieu SEYFRITZ de la SELURL MS AVOCAT, avocat au barreau de

PARIS, toque B 746

S.A.R.L. FUNERICK, prise en la personne de son liquidateur amiable, M. C X, domicilié en cette qualité au siège social situé

[…]

[…]

Immatriculée au rcs de Créteil sous le numéro 825 109 549

Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque G 334

Assistée de Me Frédéric BOURGUET plaidant pour la SELAS FIDAL, avocat au barreau de LILLE, case 102

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport

Mme Laurence LEHMANN a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Brigitte CHOKRON, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, Faisant Fonction de Présidente, en remplacement de Mme Brigitte CHOKRON, Présidente, empêchée, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 17 octobre 2019 par le tribunal de grande instance de Paris,

Vu l’appel interjeté le 28 novembre 2019 par la société AlteRriva Services et Mme G Y-F,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 31 janvier 2022 par Mme Y-F et la société AlteRriva Services représentée par son mandataire de justice Mme Y-F, appelantes et incidemment intimées,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 30 janvier 2022 par la société Funérick, société en cours de dissolution prise en la personne de son liquidateur M. X, intimée et appelante incidente,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 31 janvier 2022 par la société Funecap IDF, intimée et appelante incidente,

Vu l’ordonnance de clôture du 3 février 2022.

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

La société Funérick est une société à responsabilité limitée, spécialisée dans les services funéraires, créée par acte sous seing privé du 9 décembre 2016 et immatriculée sous le numéro 825 109 549 au registre du commerce et des sociétés de Paris depuis le 20 janvier 2017. Elle est depuis le 2 mars 2021 en cours de liquidation amiable et représentée par M. D X, ancien gérant désigné comme liquidateur.

La société par actions simplifiées Alter Riva, également spécialisée dans les services funéraires, a été créée par Mme Y-F désignée présidente, suivant acte sous seing privé du 10 février 2014. Elle est immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris depuis le 26 février 2014. Elle a racheté le fonds de commerce de la société Pompes Funèbre Gaudry par acte sous seing privé du 7 mai 2014 suite à une promesse unilatérale de cession du 11 février 2014.

Les sièges sociaux des sociétés Alter Riva et Funérick sont situés […].

La société Alter Riva a fait l’objet d’un premier jugement d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire le 13 septembre 2016 puis d’un jugement le 8 novembre 2016 prononçant la liquidation judiciaire et désignant la société EMJ en la personne de M. Z en qualité de liquidateur.

Dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire, la société Funérick, alors qu’elle était encore en cours de constitution, a acquis le 7 décembre 2016 le fonds de commerce de la société Alter Riva comportant les éléments incorporels suivants :

– la clientèle, l’achalandage,

– les fichiers clients,

– la liste des contrats obsèques conclus par l’intermédiaire de la société Alter Riva (Annexe 5),

– les supports commerciaux et publicitaires,

– les permis, enregistrements et autorisations administratives,

– le droit de se présenter comme successeur de la société Alter Riva,

– la dénomination sociale Alter Riva, et tous les droits y attachés, ainsi que les enseignes, logos, labels et noms commerciaux utilisés par la société Alter Riva,

– tous les droits de propriété industrielle et intellectuelle dont la société Alter Riva est titulaire et notamment les adresses emails rattachées, brevets, dessins, modèles ainsi que les marques dont est propriétaire la société Alter Riva,

– les progiciels, les logiciels, les programmes et fichiers informatiques de toute nature, que ces derniers aient été développés en interne ou en externe,

– le droit au bail des locaux sis […].

La société par actions simplifiées AlterRiva Services, a été créée par sa présidente Mme Y-F et immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris le 5 avril 2016. Elle a pour activité déclarée l’étude, le conseil, la communication et la formation dans le monde funéraire. Son siège social est fixé au domicile de Mme Y-F dans le 15ème arrondissement de Paris.

La société Funecap IDF est également une société de pompes funèbres immatriculée sous le numéro 753 216 704 au registre du commerce et des sociétés de Paris depuis le 8 août 2012 ayant son siège social dans le 14ème arrondissement et de nombreux établissements sous divers noms commerciaux et notamment Pompes Funèbres A.

Elle a notamment un établissement situé […] exerçant sous l’enseigne et le nom commercial Pompes Funèbres A.

Le 22 décembre 2016, la société Funecap IDF s’est attachée les services de la société AlterRiva Services pour la mise en place d’un plan de communication ayant selon la lettre de mission signée entre les parties pour objectif de repositionner la marque dans un projet d’entreprise et de relancer via des actions de communication la dynamique de l’entreprise vis à vis de l’extérieur.

Mme Y-F et la société AlterRiva Services ont été pour leurs activités hébergées gracieusement dans les locaux de l’agence Pompes Funèbres A située boulevard Ménilmontant.

Le 2 juin 2017, l’avocat de la société Funérick adressait à Mme Y-F un courrier de mise en demeure lui reprochant :

– de continuer une activité concurrente à la société Funérick par le biais d’une nouvelle société SAS AlterRiva Services dont elle est la présidente, société immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris depuis le 5 avril 2016, d’entretenir une confusion entre cette société et l’ancienne société Alter Riva cédée à la société Funérick et de détourner la clientèle cédée à la société Funérick au profit d’une autre société concurrente la société Funecap IDF, avec laquelle elle serait liée,

– l’utilisation du nom de domaine http://alterriva.net de la société Alter Riva qui aurait dû être transmis à la société Funérick,

– l’utilisation du logo Alter Riva de la société Alter Riva cédé à

la société et protégé par le droit d’auteur,

– l’utilisation d’une marque semi-figurative française déposée en son nom personnel le 6 mars 2014 utilisant le slogan «Alter Riva, une empreinte pour l’éternité» déposée en fraude des droits de la société Alter Riva l’utilisation d’une marque verbale française déposée en son nom personnel le 28 décembre 2016, quelques jours après la cession, «AlteRriva cérémonies», une empreinte pour l’éternité»,

– un démarchage déloyal des clients de la société cédée à la société Funérick vers la société Funecap IDF.

Le même jour, une mise en demeure était également adressée à la société Funecap IDF.

Le 29 juin 2017, Mme Y-F répondait que les noms de domaines lui appartiennent en propre et que la société AlterRiva Services est une entité différente de la société Alter Riva, créée avant la liquidation judiciaire et ayant une activité d’étude et de conseil, sans habilitation préfectorale en matière funéraire.

Le conseil de la société Funecap IDF répondait le 19 juin 2017 confirmant l’aide apportée par la société AlterRiva Services en matière de communication mais déniant tout acte de démarchage illicite et précisait qu’elle ignorait d’éventuels agissements de ladite société visant à se domicilier à l’adresse de Ménilmontant ou à se présenter comme «épouse A services funéraires».

Par actes du 24 novembre 2017, la société Funérick a fait assigner Mme Y-F, la société AlterRiva Services et la société Funecap IDF, devant le tribunal de grande instance de Paris, aux fins d’annulation des marques litigieuses, et sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire.

Le jugement du 17 octobre 2019, dont appel, a :

– déclaré la société Funérick recevable en ses demandes additionnelles,

dit qu’en exploitant le logo

Mme Y-F et la société AlterRiva Services ont commis des actes de contrefaçon de droits patrimoniaux d’auteur de la société Funérick sur ledit logo,

– fait injonction à Mme Y-F et à la société AlterRiva Services de cesser tout usage de ce logo, sous astreinte de 200 euros par infraction constatée, ladite astreinte commençant à courir passé un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement et pour une durée de 6 mois,

– condamné Mme Y-F et la société AlterRiva Services in solidum à payer à la société Funérick la somme de 4.000 euros en réparation de son préjudice moral au titre de ladite contrefaçon,

– annulé la marque semi-figurative ALTERRIVA n°4074060 déposée par Mme Y-F dans les classes 35 (conseils en organisation et direction des affaires), 39 (informations en matière de transport ; services de logistique en matière de transport) et 45 (pompes funèbres, services de crémation),

– ordonné le transfert de propriété de la marque verbale n°4325349 ‘AlteRriva Cérémonies’ au bénéfice de la société Funérick,

– ordonné la transmission, une fois passé en force de chose jugée, de la présente décision à l’INPI à la requête de la partie la plus diligente, aux fins de transcription au registre des marques,

– dit que Mme Y-F, la société AlterRiva Services et la société Funecap IDF ont commis à l’égard de la société Funérick des actes de concurrence déloyale,

– condamné in solidum Mme Y-F, la société AlterRiva Services et la société Funecap IDF, à payer à la société Funérick la somme de 25.000 euros en réparation de son préjudice subi au titre de la concurrence déloyale,

– ordonné à Mme Y-F et à la société AlterRiva Services de remettre les codes d’accès du site internet à la société Funérick sous astreinte de 500 euros par jour de retard, ladite astreinte commençant à courir à compter d’un délai de 15 jours suivant la signification du jugement et pour une durée de 6 mois,

– fait interdiction à Mme Y-F et la société AlterRiva Services d’utiliser le signe ALTER RIVA pour toute activité en lien avec les services funéraires, et notamment au sein de sa dénomination sociale, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, ladite astreinte commençant à courir à compter d’un délai de 15 jours suivant la signification du jugement et pour une durée de 6 mois,

– dit que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes,

– rejeté les autres demandes de la société Funérick,

– rejeté les demandes reconventionnelles,

– condamné in solidum Mme Y-F, la société AlterRiva Services et la société Funecap IDF à payer à la société Funérick la somme de 11.000 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné in solidum Mme Y-F, la société AlterRiva Services et la société Funecap IDF aux dépens de l’instance,

– dit qu’entre les débiteurs, la répartition des indemnités, frais irrépétibles et dépens se fera de la manière suivante : dans la limite de 20% pour la société Funecap IDF, 50% pour la société AlterRiva Services et 30% pour Mme Y-F.

– ordonné l’exécution provisoire du présent jugement sauf en ce qui concerne l’annulation de la marque semi-figurative n°4074060 et le transfert de la marque n°4325349.

Postérieurement au jugement, le 17 décembre 2019, la société Funérik a cédé son fonds de commerce à une société Groupe Métropole Funéraire puis le 2 mars 2021 l’assemblée extraordinaire des actionnaires prononçait la dissolution de la société Funérick et désignait M. X liquidateur.

La société AlterRiva Services faisait aussi l’objet d’une liquidation amiable au 31 décembre 2019, Mme Y-F étant désignée comme liquidateur. La clôture des opérations de liquidation a été réalisée le 23 juin 2020 et la société radiée du registre du commerce et des sociétés.

Par une ordonnance présidentielle du 29 septembre 2021, le tribunal de commerce de Paris désignait Mme Y-F en qualité de mandataire de justice pour représenter la société AlterRiva Services devant la cour d’appel pour la présente procédure.

Sur la qualité à agir en appel de la société Funérick

Mme Y-F et la société AlterRiva Services soutiennent que la société Funérick serait irrecevable en ses demandes de confirmation du jugement déféré en raison de la cession de son fonds de commerce en date du 17 décembre 2019 au profit de la société Groupe Métropole Funéraire incluant la cession des éléments incorporels qu’elle aurait acquis de la société Alter Riva.

La cour constate qu’à tort la société Funérick argue de l’irrecevabilité de cette fin de non-recevoir en application de l’article 789-6° du code de procédure civile, issu du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, qui donne une compétence exclusive au juge de la mise en état pour en connaître.

En effet, ladite disposition issue du décret n° 2019-1333 n’est applicable qu’aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, ce qui n’est pas le cas de la présente instance d’appel initiée par déclaration d’appel du 28 novembre 2019.

Pour autant Mme Y-F et la société AlterRiva Services ne peuvent être suivies lorsqu’elles allèguent de l’irrecevabilité de la société Funérick à agir en appel du fait de la cession de son fonds de commerce réalisée le 17 décembre 2019.

En effet, il n’est pas contestable que l’action initiée le 24 novembre 2017 porte sur des faits qualifiés de contrefaçon et de concurrence déloyale commis antérieurement au 17 décembre 2019 et des demandes d’annulation ou de transfert de marques basés sur des droits incorporels dont la société Funérick revendique la propriété au jour de l’acte introductif d’instance.

De plus, l’article 2-9 de l’acte de cession communiqué par les parties fait état de la présente procédure et du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris et précise que la société Funérick «assumera les conséquences d’un éventuel appel (‘) et sera diligente dans le suivi de cette procédure de sorte que le Cessionnaire puisse défendre ses intérêts dans la consistance et la parfaite jouissance du nom commercial Alter Riva transféré par les présentes».

Dès lors la société Funérick, dont il n’est d’ailleurs pas contesté qu’elle était recevable à agir en première instance, l’est également pour se défendre sur l’appel interjeté par Mme Y-F et la société AlterRiva Service et l’appel incident de la société Funecap IDF et en ses demandes incidentes relatives aux montants des condamnations prononcées par les premiers juges.

En revanche, la société Funérick sera déclarée irrecevable à agir s’agissant des demandes formées devant la cour d’appel dès lors qu’elles sont relatives à des faits commis postérieurement au 17 décembre 2019, date à laquelle elle a cédé son fonds de commerce à la société Groupe Métropole Funéraire, qui n’est pas dans la cause, ayant seule, à compter de cette date, intérêt ou qualité à agir.

Sur le logo

Les parties s’accordent à considérer que le logo litigieux se présentant comme suit :

bénéficie de la protection offerte par le droit d’auteur et que celui-ci a été utilisé par la société Alter Riva.

La société Funérick qui considère avoir acquis de la société Alter Riva le droit patrimonial sur ce logo reproche à Mme Y-F et à la société AlterRiva Service des faits de contrefaçon pour l’avoir utilisé postérieurement à la cession du fonds de commerce.

Les appelantes ne contestent pas cette utilisation postérieure mais indiquent que ce logo aurait été créé par M. E B qui l’aurait cédé à titre gratuit le 10 juin 2014 et à compter rétroactivement du 6 janvier 2014 à Mme Y-F qui en serait seule propriétaire et ne l’aurait jamais cédé à la société Alter Riva.

Elles produisent une lettre accord en date du 10 juin 2014 et une attestation de M. B datée du 29 novembre 2019.

La cour constate que ces documents ne peuvent à eux seuls justifier de la propriété du logo au profit de Mme Y-F alors même que la cession à des tiers était prévue par la lettre-accord et qu’il n’est pas contesté que le logo avait été créé pour être celui de la société Alter Riva que Mme Y-F a constitué suivant statuts du 10 février 2014.

Mme Y-F n’allègue, ni ne justifie qu’elle aurait fait usage de ce logo, dont M. B est l’auteur, avant que la société Alter Riva ne l’exploite.

Or, en l’absence de revendication de l’auteur, l’exploitation non équivoque d’une oeuvre par une personne, physique ou morale, sous son nom fait présumer, à l’égard des tiers recherchés pour contrefaçon, que cette personne est titulaire sur l’oeuvre du droit de propriété incorporelle de l’auteur, sans qu’il soit nécessaire d’exiger de celle-ci de rapporter la preuve d’une cession des droits.

Dès lors, les droits patrimoniaux relatifs à ce logo appartenaient à la société Alter Riva et ont bien été cédés à la société Funérick le 7 décembre 2016, celle-ci ayant, à son tour, cédé ces droits le 17 décembre 2019 à la société Groupe Métropole Funéraire.

La société Funérick était ainsi au jour de l’exploit introductif d’instance titulaire des droits patrimoniaux sur le logo et elle est bien fondée à poursuivre les actes de contrefaçon allégués commis entre le 7 décembre 2016 et le 17 décembre 2019.

Il ressort des éléments versés au débat que les appelantes ne contestent pas avoir utilisé le logo pour les besoins de leur activité comme signature, en y ajoutant en très petits caractères le mot «cérémonies» ce qui ne modifie pas la reproduction illicite du logo.

Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a retenu à l’encontre de Mme Y-F et de la société AlterRiva Service des actes de contrefaçon de droit d’auteur et les a condamnées in solidum à payer à la société Funérick la somme de 4.000 euros et ordonné sous astreinte de cesser toute utilisation du logo.

Sur la marque semi-figurative n°4074060

L’article L.711-4 du code de la propriété intellectuelle, applicable à l’espèce, énonce que :

« Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment :

a) A une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle ;

b) A une dénomination ou raison sociale, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public

c) A un nom commercial ou à une enseigne connus sur l’ensemble du territoire national, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ;

d) A une appellation d’origine protégée ou à une indication géographique ;

e) Aux droits d’auteur ;

f) Aux droits résultant d’un dessin ou modèle protégé ;

g) Au droit de la personnalité d’un tiers, notamment à son nom patronymique, à son pseudonyme ou à son image ;

h) Au nom, à l’image ou à la renommée d’une collectivité territoriale”.

L’article L.714-2 du même code dispose :

« Est déclaré nul par décision de justice l’enregistrement d’une marque qui n’est pas conforme aux dispositions des articles L.711-1 à L.711-4.

Le ministère public peut agir d’office en nullité en vertu des articles L. 711-1, L. 711-2 et L. 711-3.

Seul le titulaire d’un droit antérieur peut agir en nullité sur le fondement de l’article L.711-4. Toutefois, son action n’est pas recevable si la marque a été déposée de bonne foi et s’il en a toléré l’usage pendant cinq ans.

La décision d’annulation a un effet absolu”.

Mme Y-F a déposé le 6 mars 2014, en son nom propre, la marque semi figurative française n°4074060 enregistrée pour les services et produits de «conseils en organisation et direction des affaires, informations en matière de transport; services de logistique en matière de transport, pompes funèbres et services de crémation», ci-dessous reproduite :

Cette marque n’a fait l’objet d’aucune cession au profit de la société Alter Riva et dès lors n’a pas été cédée à la société Funérick lors de la cession du fonds de commerce, le 7 décembre 2016.

Elle a été déposée postérieurement à l’immatriculation de la société Alter Riva au registre du commerce et des sociétés et à la création du logo ci-dessus appréhendé, protégé par le droit de l’auteur et acquis par la société Funérick lors de la cession du fonds de commerce et qui était bien, au jour de l’assignation introductive d’instance, titulaire des droits patrimoniaux d’auteur sur le logo AlterRiva.

La marque déposée est identique au dit logo.

Dès lors, le tribunal a fait droit, à juste titre, à la demande d’annulation de la marque litigieuse formée par la société Funérick, le 24 novembre 2017, soit moins de cinq après son dépôt, en application de l’article L.714-2 du code de la propriété intellectuelle, celle-ci portant atteinte à ses droits d’auteur antérieurs sur le logo opposé.

Sur la marque verbale n°4325349

L’article L.712-6 du code de la propriété intellectuelle dispose que :

“Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice.

A moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l’action en revendication se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la demande d’enregistrement”.

Mme Y-F a déposé le 28 décembre 2016, également en son nom propre, la marque verbale française n°4325349 ALTERRIVA CEREMONIE. Le dépôt de cette marque effectué moins de deux mois après le prononcé de la liquidation judiciaire de la société Alter Riva et 15 jours après la cession du fonds à la société Funérick reprend pour signe d’attaque, fortement distinctif, le terme ALTERRIVA, qui est celui utilisé par la société qu’elle dirigeait.

Comme justement retenu par les premiers juges, Mme Y-F ne pouvait ignorer au moment du dépôt de la marque litigieuse que tous les droits sur la dénomination sociale, le logo et le nom commercial ALTER RIVA, avaient été cédés à la société Funérick, libre à celle-ci de l’exploiter comme elle l’entendait dans le cadre de l’activité de pompes funèbres qui était cédée. Le fait de déposer une marque comportant le nom ‘ALTER RIVA’, en lui adjoignant le terme ‘Cérémonies’, terme utilisé habituellement pour l’activité de pompes funèbres, a donc été effectué en faisant fi des intérêts de la société Funérick, repreneur du fonds de commerce de la société ALTER RIVA, pour l’empêcher de jouir paisiblement de la dénomination sociale et du logo ALTERRIVA, réduisant ainsi considérablement la portée de la cession du fonds de commerce pour le cessionnaire.

Le fait que Mme Y-F et sa société AlterRiva Services utilisent le logo AlteRriva en lui adjoignant le mot ‘Cérémonies’, pour exercer dès la cession du fonds de commerce, une activité concurrente de celle de la société Funérick relative aux services funéraires, vient caractériser l’intention de nuire au moment du dépôt.

Dès lors le jugement qui a constaté que la fraude était caractérisée et a ordonné le transfert de propriété de la marque verbale n°4325349 ‘AlteRriva Cérémonies’ au bénéfice de la société Funérick doit être confirmé.

Le transfert de la marque au profit de la société Funérick pour l’ensemble des services en classes 35, 41 et 45 désignés sera confirmé dès lors que Mme Y-F et la société AlterRiva Services n’opposent pas que certains de ces services ne seraient pas en relation avec l’activité de la société Funérick.

La société Funérick demande en outre, par infirmation du jugement, la condamnation solidaire de Mme Y-F et de la société AlterRiva Services à lui verser la somme de 3.000 euros en raison de la nature frauduleuse du dépôt et de l’exploitation de la marque n°4325349.

Pour autant, il n’est pas justifié de préjudice spécifique du seul fait du dépôt de la marque qui ne soit réparé à suffisance par le transfert ordonné au profit de la société Funérick.

Quant au préjudice subi du fait de l’utilisation de cette marque, fondé sur l’article 1240 du code civil, il sera examiné et réparé dans le cadre de la concurrence déloyale alléguée et ci-dessous appréhendée.

Sur la concurrence déloyale et parasitaire

La société Funérick reproche à Mme Y-F d’avoir 5 mois avant la procédure de redressement judiciaire de la société Alter Riva créé la société AlterRiva Services et poursuivi à travers cette société une activité concurrente à la société Alter Riva dont le fonds lui avait été cédé par le liquidateur judiciaire.

Elle reproche à Mme Y-F et à la société AlterRiva Services d’avoir exercé une activité concurrente à la société Funérick en entretenant une confusion entre cette société et l’ancienne société Alter Riva et d’avoir détourné la clientèle cédée au profit d’une autre société concurrente la société Funecap IDF.

Il ressort des éléments versés au débat que Mme Y-F et la société AlterRiva Services ont fait usage du logo de la société AlterRiva appartenant à la société Funérick et de la marque frauduleusement déposée, ci-dessus déjà examinés.

Il ressort également des éléments produits au débat que :

– Mme Y-F a créé en avril 2016 la société AlterRiva Services, qui a pour objet social ‘études, conseil, communication, formation dans le monde funéraire’ et communique sous la marque ‘ALTERRIVA Cérémonies’. Elle s’est investie pleinement dans cette société dès le mois de décembre 2016,

– elle a, ès qualités de présidente de ladite société, indiqué en signature des mails qu’elle adressait «ALTERRIVA CEREMONIE EPOUSE A SERVICES FUNERAIRES»,

– le 24 mars 2017, trois clientes parmi les neuf clients constituants le portefeuille de clients cédés à la société Funérick au mois de décembre 2016 ont par une lettre aux termes et aux caractères identiques annoncé qu’elles retirent leurs contrats de capital obsèques souscrits auprès de la société Alter Riva pour le transférer à la société «A Neuilly»,

– le site internet qui aurait dû cesser de fonctionner dès le prononcé de la liquidation judiciaire de la société et être transféré dès la cession du fonds de commerce à la société Funérick est resté exploité par Mme Y-F qui y présentait sa nouvelle société Alterriva Services comme une ‘nouvelle étape du développement’ d’Alter Riva dans le monde funéraire, proposant des services ‘avant et après les obsèques’,

– Mme Y-F se présentait après la cession du fonds de commerce sur le site professionnel LinkedIn toujours comme la présidente d’Alter Riva.

La confusion entre les sociétés Alter Riva et AlterRiva Services a été sciemment entretenue par Mme Y-F et la société AlterRiva Services avec la volonté de se placer également dans le sillage de la société Alter Riva et de profiter indûment des investissements effectués par elle et dont le fonds de commerce a été cédé à la société Funérick.

L’ensemble de ces faits caractérisent des actes de concurrence déloyale et parasitaire commis par Mme Y-F et la société AlterRiva Services et le jugement sera confirmé de ce chef.

En revanche, la seule existence d’un contrat ayant trait à des services de communication de l’entreprise Funecap IDF conclu avec la société AlterRiva Services ou la mise à sa disposition d’un local dans l’agence de Ménilmontant et même le fait que trois anciennes clientes aient décidé de transférer leur contrats au profit de la «société A Neuilly ne suffit pas à caractériser la faute commise par la société Funecap IDF au sens de l’article 1240 sur lequel la concurrence déloyale et parasitaire trouve son fondement.

La société Funérick sera dès lors déboutée de ses demandes formées à l’encontre de la société Funecap IDF et le jugement infirmé en ce qu’il a prononcé des condamnations à l’encontre de cette société.

Sur les condamnations prononcées sur le fondement de l’article 1240 du code civil

Ainsi que ci-dessus retenu Mme Y-F et la société AlterRiva Services seront condamnées sur le fondement de l’article 1240 du code civil à réparer le préjudice subi par la société Funérick pour des faits de concurrence déloyale et parasitaire, incluant l’exploitation de la marque verbale n°4325349 commis entre le 7 décembre 2016 et le 17 décembre 2019.

En revanche, la cour rappelle que l’utilisation du logo acquis par la société Funérick, qualifiée de contrefaçon, a fait l’objet d’une condamnation distincte.

La société Funérick a acquis le fonds de commerce de la société Alter Riva au prix de 130.000 euros dont 116.120 euros pour les éléments incorporels.

Les trois contrats qui ont été transférés au mois de mars 2017 étaient capitalisés pour un montant total de 18.045 euros.

Il ne peut être considéré que l’intégralité des pertes de la société Funérick sur les exercices déficitaires des années 2018 et 2019 soit de la responsabilité de Mme Y-F et la société AlterRiva Services.

Au vu de ces éléments financiers et du préjudice moral et d’image subi, la fixation de l’indemnisation à la somme de 25.000 euros doit être confirmée.

La société Funérick sera déboutée du surplus de ses demandes irrecevables ou mal fondées.

Sur les autres demandes Mme Y-F sollicite la condamnation de la société Funérick à lui restituer les sommes versées au titre de l’exécution provisoire du jugement avec intérêts et à lui verser 25.000 euros pour procédure abusive, 100.000 euros en réparation de son préjudice patrimonial et 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le sens de l’arrêt qui a retenu sa responsabilité pour des faits de contrefaçon, de concurrence déloyale et de dépôt frauduleux conduit à rejeter l’intégralité de ces demandes.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il n’a pas fait droit aux demandes de publicités, non justifiées.

Mme Y-F et la société AlterRiva Services seront condamnées aux dépens de la première instance et de l’appel et, au vu de l’équité, à verser in solidum une somme totale de 20.000 euros à la société Funérick pour ses frais irrépétibles de première instance et d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. L’équité ne commande pas en revanche qu’il soit fait droit à la demande de condamnation sur ce fondement présentée par la société Funecap IDF à l’encontre de la société Funérick.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a prononcé des condamnations à l’encontre de la société Funécap IDF et en ses condamnations aux dépens et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant et y substituant,

Déclare recevable la société Funérick à agir pour les faits antérieurs au 17 décembre 2019 de contrefaçon et concurrence déloyale et en annulation ou transfert des marques,

Déclare irrecevable la société Funérick à agir pour les faits postérieurs au 17 décembre 2019,

Déboute la société Funérick de l’intégralité de ses demandes formées à l’encontre de la société Funécap IDF et du surplus de ses demandes formées à l’encontre de Mme Y-F et de la société AlterRiva Services,

Déboute Mme Y-F de l’intégralité de ses demandes,

Condamne in solidum Mme Y-F et la société AlterRiva Services à payer à la société Funérick une somme totale de 20.000 euros pour ses frais irrépétibles de première instance et d’appel,

Déboute la société Funécap IDF de ses demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Mme Y-F et la société AlterRiva Services aux dépens de première instance et d’appel avec distraction conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Conseillère, Faisant Fonction de Présidente


Chat Icon