L’usage sérieux de marque afin de garantir l’identité d’origine
L’usage sérieux de marque afin de garantir l’identité d’origine
Ce point juridique est utile ?

Garantir l’identité d’origine des produits ou des services

La Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit qu’une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle, qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et ces services, à l’exclusion d’usages à caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. 

L’usage sérieux de la marque suppose ainsi une utilisation de celle-ci sur le marché des produits ou des services protégés par la marque et pas seulement au sein de l’entreprise concernée. 

Réalité de l’exploitation commerciale de la marque 

L’usage de la marque doit porter sur des produits et des services qui sont déjà commercialisés ou dont la commercialisation, préparée par l’entreprise en vue de la conquête d’une clientèle, notamment dans le cadre de campagnes publicitaires, est imminente. 

L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci dans la vie des affaires, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque.

Exploitation d’une marque sous une forme modifiée 

Toutefois, il ressort de l’article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle qu’est assimilé à un usage au sens du premier alinéa l’usage de la marque, par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée.

La Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que l’article 10, paragraphe 2, sous a), de la directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que le titulaire d’une marque enregistrée puisse, aux fins d’établir l’usage de celle-ci au sens de cette disposition, se prévaloir de son utilisation dans une forme qui diffère de celle sous laquelle cette marque a été enregistrée sans que les différences entre ces deux formes altèrent le caractère distinctif de cette marque, et ce nonobstant le fait que cette forme différente est elle-même enregistrée en tant que marque (CJUE, arrêt du 25 octobre 2012, Rintisch, C-553/11)


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRÊT DU 25 Mai 2022

N° RG 18/07244 – N° Portalis DBVX-V-B7C-L7GG

Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du 18 septembre 2018

( chambre 3 cab 03 C)

RG : 15/03771

APPELANTE :

SAS ELITE BAGAGES

[…]

[…]

Représentée par la SELARL CABINET RATHEAUX SELARL, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 450

Et ayant pour avocat plaidant Me Laurence DENIS-LEROY, avocat au barreau de CHARTRES

INTIMEE :

SARL ELITE EMBALLAGES

ZONE INDUSTRIELLE D’AMBERT

[…]

[…]

Représentée par la SELARL SAINT-EXUPERY AVOCATS, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 716

Et ayant pour avocat plaidnt la SCP ARSAC, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, toque : 6

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 05 Novembre 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 23 Mars 2022

Date de mise à disposition : 25 Mai 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

– Anne WYON, président

– Françoise CLEMENT, conseiller

– Y Z, conseiller

assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier

A l’audience, Y Z a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

La société Elite Bagages déclare fabriquer et commercialiser des bagages, notamment en France, par l’intermédiaire de réseaux de détaillants et de revendeurs, à destination des particuliers et des professionnels.

Elle bénéficie d’une licence exclusive pour l’exploitation de la marque semi-figurative ELITE n° 1610137, déposée par M. X le 29 mai 1990 en classes 18 et 20 :

le dépôt précisant : « Couleurs revendiquées : lettres noir, point rouge sur fond or », et de la marque verbale ELITE n° 3421985, déposée par M. X le 7 avril 2006 puis renouvelée en classes 9, 16, 18 et 28.

Elle a par ailleurs réservé le 6 février 2006 le nom de domaine « elite-bagages.com ».

La société Elite Emballages a pour activité en France la conception, la réalisation, la commercialisation de tous systèmes d’emballages sur mesure et systèmes de protection adaptés à tous matériels ou produits en vue de leur transport, leur présentation ou leur rangement. Elle a réservé le 7 avril 2006 les noms de domaine « elite-emballages.com » et « elite-emballages.eu ».

Elle a également déposé le 26 novembre 2013 la marque verbale ELITE EMBALLAGES n° 4049913 en classe 18.

Le 18 mars 2015, la société Elite Bagages a assigné la société Elite Emballages devant le tribunal de grande instance de Lyon en indemnisation de son préjudice tiré d’actes de contrefaçon de marques et de concurrence déloyale.

Par jugement du 18 septembre 2018, le tribunal a :

– rejeté la demande tendant à prononcer la nullité des marques Elite n° 1610137 et Elite n° 3421985,

– prononcé la déchéance des droits portant sur la marque Elite n° 3421985 à compter du 8 avril 2011 pour l’ensemble des produits et services visés au dépôt,

– dit que les indications mentionnées à l’article R. 714-2 alinéa 2 du code de la propriété intellectuelle seront inscrites à l’initiative de l’une des parties au Registre National des Marques tenu par l’INPI,

– débouté la société Elite Bagages de ses demandes fondées sur la contrefaçon de marques et fondées sur la concurrence déloyale,

– débouté la société Elite Emballages de sa demande fondée sur la procédure abusive,

– condamné la société Elite Bagages à payer à la société Elite Emballages la somme de 2 500 euros au titre des frais non répétibles de l’instance,

– rejeté la demande d’exécution provisoire,

– rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.

La société Elite bagages a relevé appel de cette décision le 16 octobre 2018.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 28 juin 2019, la société Elite bagages demande, en substance, à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a reconnu :

* les signes en cause Elite Bagages et Elite, d’une part, et Elite Emballages, d’autre part, comme étant phonétiquement et visuellement, voire intellectuellement similaires, tout comme les deux dénominations sociales Elite Bagages et Elite Emballages,

* les deux antérieures marques « Elite » n° 03421985 et n° 1610137 intrinsèquement valables,

* la marque antérieure Elite n° 1610137 dûment exploitée en France pour les produits désignés,

– l’infirmer pour le surplus,

– débouter la société Elite Emballages de sa demande en nullité des marques antérieures Elite n° 1610137 et n° 3421985 pour absence de caractère distinctif ou pour déceptivité,

– débouter la société Elite Emballages de sa demande en déchéance de la marque ELITE N° 3421985,

– débouter la société Elite Emballages de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour préjudice « de gestion et de désorganisation »,

– ordonner la radiation de l’enregistrement de marque Elite Emballages n° 4049913 auprès de l’INPI,

– ordonner que la décision, une fois devenue définitive, sera transmise par le greffe à l’INPI en vue de son inscription au Registre national des marques,

– ordonner la destruction ou le retrait des deux noms de domaine litigieux « elite-emballages.com » et « elite-emballages.eu » litigieux auprès de l’organisme réservataire,

– ordonner à la société Elite Emballages de changer de dénomination sociale auprès du Registre du commerce et des sociétés,

– interdire à la société Elite Emballages d’utiliser les signes litigieux, à quelque titre que ce soit, sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée passé un délai de huit jours après la signification de la décision à intervenir,

– condamner la société Elite Emballages à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des actes de contrefaçon,

– condamner la société Elite Emballages à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des actes de concurrence déloyale ou parasitaire,

– « ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir »,

– condamner la société Elite Emballages à lui verser la somme de 15 000 sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 4 septembre 2019, la société Elite emballages demande, en substance, à la cour de :

– réformer partiellement, prononcer la nullité des marques n° 1610137 et Elite n° 3421985 du fait de leur caractère déceptif,

Subsidiairement,

– confirmer le jugement et débouter la société Elite Bagages de l’ensemble de ses demandes,

– condamner en réparation de son préjudice la société Elite Bagages à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts,

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Elite Bagages à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et, y ajoutant, condamner la société Elite Bagages à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile devant la cour,

– dire que le dépens de première instance et d’appel seront à la charge de la société Elite Bagages, et seront distraits au profit de la société Forestier-Lelièvre.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 novembre 2019.

La date des plaidoiries, initialement fixée au 18 mars 2021, a été reportée au 23 mars 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il sera rappelé que les « demandes » tendant à voir « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des « demandes » tendant à voir « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

Par ailleurs, la société Elite bagages sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a reconnu :

* les signes en cause Elite Bagages et Elite, d’une part, et Elite Emballages, d’autre part, comme étant phonétiquement et visuellement, voire intellectuellement similaires, tout comme les deux dénominations sociales Elite Bagages et Elite Emballages,

* les deux antérieures marques « Elite » N° 06 3 421 985 et N° 1 610 137 intrinsèquement valables,

* la marque antérieure Elite N° 1 610 137 dûment exploitée en France pour les produits désignés,

alors qu’aucun chef du dispositif de la décision n’est relatif à cette « reconnaissance », de sorte que l’appelante sollicite la confirmation de chefs de jugement inexistants.

Sur la validité des marques ELITE n° 3421985 et ELITE n° 1610137

La société Elite emballages conclut à la nullité des marques pour déceptivité dès lors que le marquage des produits du signe ELITE fait penser au consommateur que les produits ainsi marqués sont d’une qualité supérieure alors qu’ils sont en réalité basiques.

Si dans le développement de ses écritures, la société Elite bagages soutient que l’action en nullité des marques est prescrite, aucune fin de non-recevoir ne figure dans le dispositif, qui seul saisit la cour, étant observé qu’elle se borne à demander que la société Elite emballages soit déboutée de sa demande en nullité des marques.

Une marque est nulle lorsqu’elle est en elle-même susceptible de tromper le public sur l’une des caractéristiques des produits désignés dans son enregistrement, sans qu’il y ait lieu de prendre en considération les conditions de son exploitation.

Par des motifs que la cour adopte, les premiers juges ont écarté à juste titre le caractère déceptif des deux signes litigieux et le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de nullité des deux marques.

Sur la déchéance des droits portant sur la marque ELITE n° 3421985

Aux termes de l’article L. 714-5, alinéa 1er, du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable au litige, encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans.

La marque ELITE n° 3421985 a été déposée pour les produits suivants : Porte ordinateurs, sacs de reporter et sacs d’appareils photos. Porte-carte (de visite et portefeuille), porte chéquiers. Articles de voyage notamment valises, sacs de voyage, serviettes, sacs de shopping, sacs scolaires, sacs de sport autres que ceux adaptés aux produits qu’ils sont destinés à contenir, sacs à dos, vanity case, trousses de toilette, trousses de voyage, cartables (avec ou sans roulettes) porte-documents, besaces, bagages – cabine, gibecières, sacs à main, pochettes à main, pochettes tour de taille ou travers, fourre tout, sacs plombier (vides), sacs à provision, porte-habits de voyage (sacs housse et valises), housses de voyage et sacs housse pour vêtements, portefeuilles. Sacs de sport adaptés aux produits qu’ils sont destinés à contenir.

La société Elite emballages a déposé sa marque pour les produits suivants figurant en classe 18 : malles et valises.

Il ressort des conclusions de la société Elite emballages que sa demande de déchéance porte sur l’ensemble des produits visés au dépôt puisqu’elle reproche à la société Elite bagages l’absence d’usage sérieux de la marque ELITE pour désigner un quelconque produit.

Toutefois, l’intérêt légitime du défendeur à une action principale en contrefaçon à agir en déchéance s’apprécie au regard des produits et services qui lui sont opposés au titre de la contrefaçon.

En l’espèce, la société Elite bagages oppose à la société Elite emballages les produits suivants : sacs de shopping, housse pour vêtements, porte-documents, portefeuilles,

pochettes, sacs à main, serviettes, sacs de plage, pochette ceintures et articles de voyage (conclusions, pp. 11 et 12).

L’intérêt à agir de la société Elite emballages en déchéance est ainsi limité à ces seuls produits, qui fondent l’action en contrefaçon exercée contre elle.

Par ailleurs, le tribunal a estimé, dans le silence des écritures de la société Elite emballages sur ce point, que le point de départ de la période quinquennale à examiner se situait à la date de la publication de la marque litigieuse.

En cause d’appel, tant l’appelante que l’intimée précisent que la période à prendre en considération concerne les cinq années précédant la demande de déchéance, soit du 29 septembre 2011 au 29 septembre 2016, ce qui est juridiquement fondé.

La Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit qu’une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle, qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et ces services, à l’exclusion d’usages à caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. L’usage sérieux de la marque suppose ainsi une utilisation de celle-ci sur le marché des produits ou des services protégés par la marque et pas seulement au sein de l’entreprise concernée. L’usage de la marque doit porter sur des produits et des services qui sont déjà commercialisés ou dont la commercialisation, préparée par l’entreprise en vue de la conquête d’une clientèle, notamment dans le cadre de campagnes publicitaires, est imminente. L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci dans la vie des affaires, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque.

Pour justifier de l’usage sérieux de la marque au cours de la période considérée, la société Elite bagages indique se fonder sur les pièces produites en première instance, sans préciser à quelles pièces elle fait ainsi référence, et ce, en méconnaissance des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, ainsi que ses pièces 17 à 23 produites en cause d’appel.

Les pièces 19, 21, 22 et 23 sont hors de la période considérée.

Les pièces 2 et 3 ne sont pas datées ou, s’agissant de certaines pages de la pièce 3, sont hors période.

Les pièces 4 et 5 sont relatives à la marque semi-figurative ELITE n° 1610137.

Les pièces 18 et 17, à savoir respectivement des documents de transports et des factures émanant de ses fournisseurs ainsi que le jugement entrepris, ne sauraient justifier de l’usage sérieux de la marque, au sens rappelé ci-avant.

La pièce n° 16 est constituée de bons de livraison et de factures émis par la société Elite bagages sur lesquels ne figure pas la marque ELITE.

Le catalogue « L’Essentiel de la maroquinerie » de janvier 2012, produit en pièce 15, comporte en page 52 la marque bâton ELITE pour des valises.

En pièce n° 20 est produit le catalogue professionnel « C + accessoires » de novembre 2012, qui comprend en page 24 un article consacré à la marque Elite, qui mentionne un « sac business » et « une valise » et reproduit les photographies de deux valises et d’un sac.

Ces seuls éléments ne sont pas de nature à établir un usage sérieux de la marque ELITE n° 3421985.

Toutefois, il ressort de l’article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle qu’est assimilé à un usage au sens du premier alinéa l’usage de la marque, par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée.

La Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que l’article 10, paragraphe 2, sous a), de la directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que le titulaire d’une marque enregistrée puisse, aux fins d’établir l’usage de celle-ci au sens de cette disposition, se prévaloir de son utilisation dans une forme qui diffère de celle sous laquelle cette marque a été enregistrée sans que les différences entre ces deux formes altèrent le caractère distinctif de cette marque, et ce nonobstant le fait que cette forme différente est elle-même enregistrée en tant que marque (CJUE, arrêt du 25 octobre 2012, Rintisch, C-553/11).

Il n’est pas discuté que la société Elite bagages a utilisé la marque semi-figurative ELITE n° 1610137 sur la période considérée ; or, l’utilisation par la marque semi-figurative ELITE n° 1610137 de lettres noir stylisées et d’un point rouge sur fond or n’altère en rien le caractère distinctif de la marque verbale ELITE n° 3421985, peu important que la première soit elle-même enregistrée.

La société Elite bagages peut ainsi se prévaloir d’un usage modifié, au sens de l’article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle, de la marque ELITE n° 3421985, de sorte qu’il n’y a pas lieu de prononcer la déchéance de celle-ci et le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la contrefaçon de la marque ELITE n° 1610137

A titre liminaire, il sera rappelé que l’action en contrefaçon de marque par imitation et l’action en nullité de marque pour atteinte portée à des droits antérieurs ne se confondent pas et ne répondent pas aux mêmes conditions.

Ainsi, en matière de contrefaçon, il est procédé à la comparaison entre les produits et services tels que désignés à l’enregistrement de la marque invoquée et les produits et services pour lesquels il est fait usage du signe incriminé, sans égard aux conditions respectives d’exploitation, tandis qu’en cas d’atteinte aux droits antérieurs, il est procédé à la comparaison des produits et services tels que désignés à l’enregistrement de chacune des marques en litige, sans égard aux conditions respectives d’exploitation.

La cour observe que la société Elite bagages vise les articles L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle, ainsi que 1240 et 1241 du code civil, qui sont inapplicables au litige compte tenu de la date des actes reprochés à la société Elite Emballages.

Il se déduit de ses écritures que la société Elite bagages, qui demande à la cour de « ordonner la radiation de l’enregistrement de marque ELITE EMBALLAGES », exerce une action en raison d’une atteinte à ses droits antérieurs et a entendu se fonder sur l’article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019.

Les produits visés par l’enregistrement de la marque ELITE n° 1610137 sont les suivants : Articles de voyages en particulier valises, sacs de voyage, sacs reporter, sacs shopping, sacs à dos, housse de vêtements, porte documents portefeuilles, pochettes, sacs à main, serviettes, sacs plage, pochettes ceintures.

Comme il a été indiqué, les produits visés par la marque ELITE EMBALLAGES n° 4049913 portent sur les malles et les valises.

Par des motifs que la cour adopte, les premiers juges ont retenu à juste titre l’identité des produits pour les valises et la similarité pour les seuls sacs de voyage, sacs reporter et sacs à dos.

Les deux marques litigieuses ont en commun le terme « Elite », qui apparaît faiblement distinctif et est utilisé par de nombreuses marques, en classe 18, comme l’établit la société Elite emballages par la production d’extraits de la banque de données de l’Institut national de la propriété industrielle.

La marque postérieure se distingue phonétiquement de la marque antérieure par l’ajout du terme « emballages », qui n’apparaît pas descriptif pour les valises dès lors que celles-ci n’emballent pas les affaires qu’elles contiennent.

Par ailleurs, la marque verbale ELITE EMBALLAGES ne reprend aucunement les caractéristiques du signe semi-figuratif de la marque ELITE qui utilise un graphisme particulier, reproduit ci-dessus, composé de lettres noir stylisées et d’un point rouge sur fond or.

Enfin, il n’est pas justifié d’une notoriété particulière de la marque ELITE n° 1610137.

Ainsi, aux yeux du consommateur d’attention moyenne, normalement informé et raisonnablement avisé, l’impression d’ensemble résultant de la comparaison des signes opposés est suffisamment différente pour exclure tout risque de confusion, y compris s’agissant d’une origine commune, même pour des produits identiques ou similaires.

Le jugement sera en conséquence confirmé sur l’absence de contrefaçon à ce titre.

Sur la contrefaçon de la marque ELITE n° 3421985

Les produits visés par les deux marques sont identiques pour les valises et similaires pour les sacs de voyage, sacs reporter, sacs à dos et bagages cabine, les autres produits n’ayant ni la même fonction ni la même nature que les malles et valises visés par l’enregistrement de la marque ELITE EMBALLAGES.

Les deux marques litigieuses ont en commun le terme « Elite », qui apparaît faiblement distinctif et est utilisé par de nombreuses marques, en classe 18, comme l’établit la société Elite emballages.

La marque postérieure se distingue phonétiquement de la marque antérieure par l’ajout du terme « emballages », qui n’apparaît pas descriptif pour les valises dès lors que celles-ci n’emballent pas les affaires qu’elles contiennent.

Enfin, il n’est pas justifié d’une notoriété particulière de la marque ELITE n° 3421985.

Ainsi, aux yeux du consommateur d’attention moyenne, normalement informé et raisonnablement avisé, l’impression d’ensemble résultant de la comparaison des signes opposés est suffisamment différente pour exclure tout risque de confusion, y compris s’agissant d’une origine commune, même pour des produits identiques ou similaires.

Le jugement sera en conséquence confirmé sur l’absence de contrefaçon à ce titre.

Sur la contrefaçon par la réservation et l’usage des noms de domaine « elite-emballages.com » et « elite-emballages.eu » ainsi que par l’immatriculation et l’usage de la dénomination sociale Elite emballages

Comme l’a relevé le tribunal, la marque ELITE n° 3421985 a été déposée le même jour que les noms de domaine litigieux, ce qui exclut l’antériorité.

Pour les raisons indiquées ci-avant, il n’y a pas de risque de confusion entre, d’une part, la dénomination sociale Elites emballages et les sites « elite-emballages.com » et « elite-emballages.eu

», d’autre part, les marques ELITE, du fait de la faible distinctivité de ces deux marques, de l’ajout du substantif « emballages », qui n’est pas descriptif pour les valises, et de l’absence de reproduction, à l’identique ou ressemblante, des caractéristiques du signe ELITE n° 1610137.

A titre surabondant, il sera observé que, sur son site « elite-emballages.com », la société Elite emballages se présente comme un concepteur / fabricant de flight cases et mallettes techniques, ce qui la différencie nettement des produits visés au dépôt des marques ELITE.

Le jugement sera également confirmé sur ce point.

Sur la concurrence déloyale ou parasitaire

La société Elite bagages soutient que l’usage fait par la société Elite emballages de sa marque, de sa dénomination sociale et de ses deux noms de domaine constituent des actes de concurrence déloyale et se prévaut de sa dénomination sociale depuis le 22 avril 1981 ainsi que la réservation des noms de domaine « elite-bagages.fr » et « elite-bagages.com ».

Il sera rappelé que l’action en concurrence déloyale peut se fonder sur des faits matériellement identiques à ceux allégués au soutien d’une action en contrefaçon rejetée, dès lors qu’il est justifié d’un comportement fautif, de sorte que la société Elite bagages n’a pas à établir des faits distincts, contrairement à ce que soutient la société Elite emballages.

Néanmoins, il n’existe aucun risque de confusion entre les deux sociétés comme l’ont estimé les premiers juges dès lors que les activités et les consommateurs visés sont différents, la société Elite bagages s’adressant au grand public à la recherche d’un produit de consommation courante, tandis que la société Elite emballages s’adresse à des professionnels de secteurs spécifiques (musique, industrie, armée) ou des particuliers à la recherche d’un produit présentant des caractéristiques précises (contenance, étanchéité) et non d’un produit standard.

Sur ce dernier point, il sera ajouté qu’il ressort d’une attestation de l’expert-comptable de la société Elite emballages qu’en 2014, celle-ci a réalisé moins de 1 % de son chiffre d’affaires avec des clients particuliers.

Le dépôt de la marque ELITE EMBALLAGES ainsi que le choix de la dénomination sociale et des deux noms de domaine n’apparaissent ainsi pas fautifs.

La société Elite emballages ne s’est pas non plus placée dans le sillage de la société Elite bagages, compte tenu de leur positionnement différent sur le marché, l’utilisation du substantif « Elite », au surplus faiblement distinctif, ne pouvant en lui-même caractériser un comportement parasitaire.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté la demande indemnitaire au titre d’une concurrence déloyale

Sur la demande en dommages-intérêts de la société Elite emballages

Le tribunal a rejeté la demande de la société Elite emballages en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive et aucune demande d’infirmation de ce chef de jugement ne figure dans les conclusions de l’intimée.

Toutefois, l’appel étant antérieur au 17 septembre 2020, il n’y a pas lieu d’en tirer de conséquence et la cour examinera la demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive.

La société Elite emballages n’établit aucune faute ayant fait dégénérer en abus le droit d’agir en justice de la société Elite bagages, les erreurs commises par celle-ci dans la présentation de la situation juridique avant l’introduction de la procédure étant sans emport.

Au surplus, l’intimée ne justifie nullement du préjudice de gestion et de désorganisation qu’elle invoque, de sorte qu’il convient de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, le jugement étant confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société Elite emballages.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement, sauf en ce qu’il a prononcé la déchéance des droits portant sur la marque Elite n° 3421985 à compter du 8 avril 2011 pour l’ensemble des produits et services visés au dépôt et a dit que les indications mentionnées à l’article R. 714-2 alinéa 2 du code de la propriété intellectuelle seront inscrites à l’initiative de l’une des parties au Registre National des Marques tenu par l’INPI,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Rejette la demande en déchéance des droits portant sur la marque Elite n° 3421985 ;

Condamne la société Elite bagages aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Forestier-Lelièvre, avocat, par application de l’article 699 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de la société Elite bagages au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la condamne à payer à ce titre à la société Elite emballages la somme de 3 000 euros.

Le Greffier Le Président


Chat Icon