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Le Conseil d’Etat vient d’annuler la décision n° 2018-156 du 8 novembre 2021 du directeur général de l’INPI qui impose l’utilisation du tout numérique en matière de brevets.
La décision de l’INPI relative aux modalités de dépôt des demandes de brevets et des procédures et échanges subséquents ne prévoit pas la possibilité de recourir à un dépôt sur papier pour les besoins de l’attribution d’une date de dépôt des demandes de brevets et des autres communications relatives à une telle demande et prescrit des conditions de forme des demandes de dépôt de brevet français différentes de celles qui sont requises pour les demandes de brevet international.
Cette annulation implique nécessairement la possibilité pour les déposants de recourir à un dépôt sur papier pour les besoins de l’attribution d’une date de dépôt des demandes de brevets et des autres communications relative à une telle demande ainsi que l’uniformisation des conditions de forme requises pour le dépôt des demandes de brevet international et des demandes de brevet français.
Le Conseil d’Etat a enjoint à l’INPI de modifier, dans un délai raisonnable, la décision attaquée en ce sens.
Dans l’attente de la modification de cette décision, il appartient à l’INPI d’accepter le dépôt des demandes de brevet français sur papier pour les besoins de l’attribution d’une date de dépôt des demandes de brevets et des autres communications relatives et de ne pas imposer aux demandes de brevet français une forme de dépôt différente de celle des brevets internationaux.
Pour rappel, l’article 1er de la décision du 8 novembre 2018 prévoit que « le dépôt d’une demande de brevet français, de certificat d’utilité, (…) ainsi que les procédures et échanges subséquents, s’effectuent sous forme électronique sur le site Internet de l’INPI via l’interface dédiée et conformément au traité sur le droit des brevets », sous réserve des exceptions relatives aux demandes de brevet mentionnées à l’article 2 de cette décision, « concernant des inventions susceptibles d’intéresser la défense nationale ou des inventions sensibles ou présumées sensibles ».
L’article 7 de la même décision prévoit que toutes les pièces doivent être déposées aux formats informatiques et selon les modalités mentionnés par l’INPI, et en particulier, que la description et les revendications de la demande de brevet, le titre de l’invention, l’abrégé et, le cas échéant, les dessins et la figure d’abrégé qui accompagnent la description doivent être fournis en un seul document au format Open XML.
L’article 8 de la décision prévoit que si le dépôt revêt une urgence particulière ne permettant pas à l’utilisateur de corriger les erreurs relevées dans les documents déposés aux formats informatiques par le Portail brevets de l’INPI et de se conformer aux alertes de ce téléservice, il peut transmettre une version de son document au format PDF pour obtenir l’attribution de la date de dépôt, sous réserve d’une régularisation de ce dépôt dans les conditions définies à l’article R. 612-46 du code de la propriété industrielle.
L’article 14 de la décision comporte des prescriptions relatives au dépôt sur papier qui ne sont rendues applicables qu’aux demandes de brevet déposées avant son entrée en vigueur.
Enfin, l’article 16 de la décision attaquée abroge une précédente décision n° 2014-141 du 22 juin 2014 relative aux modalités de dépôt sur papier.
Il résulte des stipulations du traité sur le droit des brevets invoquées que le déposant peut choisir de déposer sa demande sur papier pour les besoins de l’attribution d’une date de dépôt d’une demande de brevet ou des communications ultérieures.
Par suite, en imposant que le dépôt des demandes de brevets et des procédures et échanges subséquents s’effectue sous forme électronique sur le site internet de l’INPI, à la seule exception des demandes concernant des inventions susceptibles d’intéresser la défense nationale ou des inventions sensibles ou présumées sensibles, la décision du directeur général est contraire aux stipulations des articles 5 et 8 du traité sur le droit des brevets.
Aux termes du a du 1) de l’article 5 du traité sur le droit des brevets signé à Genève le 14 septembre 2000 :
« Sauf disposition contraire du règlement d’exécution, et sous réserve des alinéas 2) à 8), une Partie contractante doit prévoir que la date de dépôt d’une demande est la date à laquelle son office a reçu tous les éléments suivants, déposés, au choix du déposant, sur papier ou par tout autre moyen autorisé par l’office aux fins de l’attribution de la date de dépôt ».
Aux termes du 1) de l’article 6 du même traité : « Sauf disposition contraire du présent traité, aucune Partie contractante ne peut exiger qu’une demande remplisse, quant à sa forme ou à son contenu, des conditions différentes :
i) des conditions relatives à la forme ou au contenu qui sont prévues en ce qui concerne les demandes internationales déposées en vertu du Traité de coopération en matière de brevets ».
Aux termes du d du 1) de l’article 8 du même traité : « Une Partie contractante accepte le dépôt des communications sur papier aux fins du respect d’un délai ».
Eu égard à l’intention exprimée par les parties et à l’économie générale du traité, ainsi qu’à leur contenu et à leurs termes, ces stipulations n’ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l’intervention d’aucun acte complémentaire pour produire des effets à l’égard des particuliers. Elles doivent, par suite, être reconnues d’effet direct.
Il résulte de la décision du 9 juillet 2015 du directeur général de l’INPI, modifiée par la décision du 8 novembre 2018 attaquée, que les demandes de brevets d’invention internationaux peuvent être déposées sous forme électronique par le téléservice Epoline.
Alors que ce téléservice permet leur dépôt au format PDF, sans conversion ultérieure au format Open XML, l’article 7 de la décision attaquée prévoit un format différent pour les demandes de brevet français.
La circonstance que l’article 8 de la décision attaquée autorise le dépôt de ces dernières demandes au format PDF si le dépôt revêt une urgence particulière ne permet pas de regarder comme identiques les conditions de forme requises pour le dépôt des demandes de brevet international et les demandes de brevet français.
Par suite, la décision du directeur général est également contraire aux stipulations de l’article 6 du traité sur le droit des brevets.
Conseil d’État, 9ème – 10ème chambres réunies, 9 décembre 2022, 458276, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Par une ordonnance n° 1812910 du 8 novembre 2021, enregistrée le 9 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la présidente du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a transmis au Conseil d’Etat, en application des dispositions des articles R. 311-1 et R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par M. B… A….
Par cette requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 décembre 2018 et 21 novembre 2019 au greffe du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, et deux nouveaux mémoires enregistrés les 10 février et 15 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. A… demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision n° 2018-156 du 8 novembre 2018 du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) relative aux modalités de dépôt des demandes de brevets et des procédures et échanges subséquents ;
2°) d’enjoindre au directeur général de l’INPI de modifier la décision attaquée afin de laisser au déposant d’une demande de brevet le choix entre un dépôt sur papier et un dépôt par voie électronique ;
3°) de mettre à la charge de l’INPI la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le traité sur le droit des brevets, signé le 14 septembre 2000 ;
– le traité de coopération en matière de brevets, signé le 31 décembre 1970, et son règlement d’exécution ;
– le code de la propriété intellectuelle ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
— le rapport de Mme Agathe Lieffroy, maître des requêtes en service extraordinaire,
— les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Le Prado – Gilbert, avocat de l’Institut national de la propriété industrielle ;
Considérant ce qui suit :
D E C I D E :
Article 1er : Les articles 1er et 7 de la décision n° 2018-156 relative aux modalités de dépôt des demandes de brevets et des procédures et échanges subséquents du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle sont annulés en tant qu’ils ne prévoient pas la possibilité de recourir à un dépôt sur papier pour les besoins de l’attribution d’une date de dépôt des demandes de brevets et des autres communications relatives à une telle demande et qu’elle prescrit des conditions de forme des demandes de dépôt de brevet français différentes de celles requises pour les demandes de brevet international. Cette annulation comporte pour l’Institut national de la propriété industrielle les obligations énoncées aux motifs de la présente décision.
Article 2 : Il est enjoint au directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle de modifier, dans un délai raisonnable, les dispositions relatives aux modalités de dépôt des demandes de brevets et des procédures et échanges subséquents conformément aux motifs de la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de l’Institut national de la propriété industrielle présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B… A… et à l’Institut national de la propriété industrielle.
Copie en sera adressée au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré à l’issue de la séance du 14 novembre 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Nicolas Polge, M. Alexandre Lallet, Mme Rozen Noguellou, conseillers d’Etat ; M. Olivier Saby, maître des requêtes et Mme Agathe Lieffroy, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 9 décembre 2022.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
La rapporteure :
Signé : Mme Agathe Lieffroy
La secrétaire :
Signé : Mme Fehmida Ghulam
La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au Garde des sceaux, ministre de la justice, chacun en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :