Droit de rétractation du professionnel : les conditions pour l’exercer
Droit de rétractation du professionnel : les conditions pour l’exercer

Principe du droit de rétractation

Il résulte de l’article L. 221-3 du code de la consommation, issu de la loi du 17 mars 2014, dite loi Hamon, que le professionnel employant cinq salariés au plus, qui souscrit, hors établissement, un contrat dont l’objet n’entre pas dans le champ de son activité principale, bénéficie de certaines des dispositions protectrices du consommateur parmi lesquelles figure le droit de rétractation.

Contrat conclu hors établissement

En l’espèce, le contrat de location de longue durée qui a pour objet la mise à la disposition d’une installation de téléphonie en contrepartie du paiement d’un loyer a été conclu hors établissement au sens de l’article L. 221-3.

Structure de 5 personnes

Il est également démontré par le client qu’au cours de l’année 2017, il employait 5 salariés.

Activité principale du client

Exerçant l’activité de cabinet dentaire, le client ne disposait pas des compétences professionnelles pour apprécier les conditions financières d’un contrat de location portant sur une installation de téléphonie, installation indispensable à son activité principale.

Il a donc été jugé que le contrat de location de longue durée litigieux n’entrait pas dans le champ de son activité principale.

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont dit que, s’agissant d’un contrat conclu hors établissement, les dispositions protectrices du code de la consommation s’appliquaient.

Le courrier de rétractation impératif

Pour autant, si la société disposait bien d’une faculté de se rétracter, elle ne démontrait pas avoir régulièrement adressé ce courrier de rétractation pour chacun des trois contrats litigieux, et surtout à chacune des deux sociétés concernées. Il est même certain que le seul accusé de réception qu’elle produit ne peut, à supposer qu’il corresponde bien à l’envoi d’une lettre de rétractation, concerner que le contrat de gestion de l’installation de téléphonie conclu avec la société destinataire de ce courrier, Eurosys Communication. Cette dernière société n’a pas été appelée à la cause, de sorte que la régularité de la rétractation que la société prétend avoir mise en oeuvre à l’égard de cette société ne peut être vérifiée, aucun débat contradictoire ne pouvant se tenir de ce chef.

En conséquence, le client ne justifiait pas de l’exercice régulier de la faculté de rétractation dont il disposait.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
 
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
3e chambre
ARRET DU 10 NOVEMBRE 2022
 
N° RG 21/01938
 
N° Portalis DBV3-V-B7F-UMWD
 
AFFAIRE :
 
S.A.S. GRENKE LOCATION
 
C/
 
S.C.P. BRUZARQUES DENTAIRE anciennement dénommée SCP GOUBELY PIGNE REGENT ET AUTRES
 
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Février 2021 par le TJ de PONTOISE
 
N° Chambre : 1
 
N° RG : 18/04428
 
Me Christelle GUERRIER de la SELARL GUEGAN-
 
PALOMEROS-
 
GUERRIER
 
LE DIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
 
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
 
S.A.S. GRENKE LOCATION
 
N° SIRET : B 428 616 734
 
[Adresse 7]
 
[Adresse 7]
 
[Localité 3]
 
Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 – N° du dossier 25178
 
Représentant : Me Valérie FLUCK de la SELAS VIALTO SOCIÉTÉ D’AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de STRASBOURG, vestiaire 149
 
APPELANTE
 
****************
 
1/ S.C.P. BRUZARQUES DENTAIRE anciennement dénommée SCP GOUBELY PIGNE REGENT ET AUTRES
 
N° SIRET : 332 628 023
 
[Adresse 4]
 
[Localité 6]
 
Représentant : Me Christelle GUERRIER de la SELARL GUEGAN-PALOMEROS-GUERRIER, Postulant et plaidant, avocat au barreau du VAL D’OISE, vestiaire : 193 – N° du dossier GOUBELY
 
INTIMEE
 
2/ S.A.S. ALLIANCE
 
RCS de NANTERRE sous le numéro 830 051 512, mission conduite par Maître [S] [C], ès qualités de mandataire judiciaire de la Société EUROSYS TELECOM, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le N°437 953 714 et ayant son siège social [Adresse 1], nommée à cette fonction par jugement rendu le 28 novembre 2019 du Tribunal de Commerce de NANTERRE
 
N° SIRET : 830 051 512
 
[Adresse 2]
 
[Localité 5]
 
INTIMEE DEFAILLANTE
 
****************
 
Composition de la cour :
 
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 12 Septembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Gwenael COUGARD, Conseiller chargé du rapport.
 
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
 
Madame Florence PERRET, Président,,
 
Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
 
Madame Gwenael COUGARD, Conseiller,
 
Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,
 
— ——-
 
FAITS ET PROCEDURE
 
La société Goubely Pigne Regent et autres (devenue la société Bruzacques Dentaire) a signé le 15 décembre 2016 auprès de la société Eurosys Télécom un bon de commande portant sur du matériel de téléphonie composé de : un PABX A 415, un TG582N, une carte 4 AB/PS, un office 6867 i, 3 postes sans fil, une musique, un pré-décroché et une messagerie vocale.
 
La société Goubely Pigne Regent et autres a également signé à la même date un bon de souscription avec la société Eurosys Communications pour la gestion de lignes téléphoniques et enfin un contrat de maintenance avec la société Eurosys Télécom. Ces trois contrats portent le même numéro 202954.
 
Aux fins de financement de l’opération, la société Goubely Pigne Regent et autres a signé avec la société Grenke Location, qui a acquis le matériel suivant facture du 2 février 2017, un contrat de location longue durée moyennant le paiement de loyers trimestriels de 573 HT pendant une durée de 21 trimestres.
 
Expliquant que le matériel n’avait pas été entièrement installé, à l’exception du PABX, la société Goubely Pigne Regent et autres a, affirmant avoir rétracté son engagement auprès de la société Eurosys Télécom par recommandé du 9 février 2017, fait opposition à ses prélèvements.
 
Les loyers de location n’étant donc plus honorés depuis avril 2017, la société Grenke Location a mis en demeure la société Goubely Pigne Regent et autres d’avoir à lui régler les loyers échus, cette dernière ayant répondu par courrier du 24 juin 2017 que le matériel n’avait jamais été installé et que la commande avait été annulée.
 
N’étant pas réglée, la société Grenke Location a, par courrier recommandé du 18 août 2017, prononcé la résiliation du contrat de location et enjoint à la société Goubely Pigne Regent et autres d’avoir à lui régler la somme de 12 610,40 euros et de lui restituer le matériel.
 
Par acte du 11 avril 2018, la société Grenke Location a fait assigner la société Goubely Pigne Regent et autres devant le tribunal de grande instance de Pontoise en paiement des loyers échus et de l’indemnité de résiliation.
 
Par acte du 6 février 2019, la société Goubely Pigne Regent et autres a fait assigner en intervention forcée la société Eurosys Télécom.
 
La société Eurosys Télécom a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire selon jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 28 novembre 2019, la société Alliance Mission Conduite représentée par Me [S] [C] étant nommée mandataire judiciaire.
 
Par acte du 23 janvier 2020, la société Goubely Pigne Regent et autres a fait assigner en intervention forcée la société Alliance Mission Conduite ès qualités.
 
Par décision du 18 février 2020, la société Goubely Pigne Regent et autres est devenue la société Bruzacques (ci-après, la société Bruzacques).
 
Par jugement du 16 février 2021, le tribunal judiciaire de Pontoise a :
 
— prononcé la caducité du contrat de location financière intervenue entre la société Grenke Location et la société Bruzacques (anciennement la société Goubely Pigne Regent et autres),
 
— débouté la société Grenke Location de ses demandes dirigées contre la société Bruzacques,
 
— déclaré irrecevables les demandes formées contre la société Eurosys Télécom,
 
— ordonné la restitution par la société Bruzacques du matériel PABX à la société Grenke Location,
 
— condamné la société Grenke Location à payer à la société Bruzacques la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
 
— débouté de toutes autres demandes,
 
— condamné la société Grenke Location aux dépens,
 
— ordonné l’exécution provisoire.
 
Par acte du 23 mars 2021, la société Grenke Location a interjeté appel.
 
Par ordonnance du 14 septembre 2021, l’affaire a été redistribuée à la 3ème chambre.
 
Par dernières écritures du 2 décembre 2021, la société Grenke Location prie la cour de :
 
— déclarer l’appel bien fondé,
 
A titre principal,
 
— annuler le jugement entrepris sinon réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :
 
prononcé la caducité du contrat de location financière intervenue entre la société
 
Grenke Location et la société Bruzacques,
 
débouté la société Grenke Location de ses demandes dirigées contre la société Bruzacques,
 
déclaré irrecevables les demandes formées contre la société Eurosys Télécom,
 
ordonné la restitution par la société Bruzacques du matériel PABX à la société Grenke Location,
 
condamné la société Grenke Location à payer à la société Bruzacques la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
 
débouté de toutes autres demandes,
 
condamné la société Grenke Location aux dépens,
 
ordonné l’exécution provisoire.
 
Sur dévolution, statuant à nouveau,
 
— débouter la société Bruzacques de toutes conclusions contraires et de toutes ses prétentions, en ce compris son appel incident,
 
En conséquence,
 
— condamner la société Bruzacques à payer à la société Grenke Location la somme principale de 13 699,10 euros, augmentée des intérêts au taux légal majoré de cinq points sur la somme de 12585,95 euros à compter du 18/08/2017, date de la dernière sommation extrajudiciaire,
 
— ordonner la capitalisation des intérêts,
 
— condamner la société Bruzacques à restituer à ses frais à la société Grenke Location le matériel, savoir un PABX A415, un TG582N, une carte 4 AB/PS, un office 6867i, 3 postes sans fil, une musique, un pré-décroché et une messagerie vocale, objet du contrat de location, sous astreinte comminatoire de 500 euros par jour de retard après la signification de la décision à intervenir,
 
— réserver à la cour le droit de liquider l’astreinte,
 
A défaut de restitution,
 
— condamner la société Bruzacques à payer à la société Grenke Location en cas de non restitution du matériel la somme de 8 871,22 euros au titre de l’indemnité contractuelle de non restitution,
 
— condamner la société Bruzacques à payer à la société Grenke Location une indemnité de 4 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile avec intérêts au taux légal en sus,
 
— condamner la société Bruzacques aux entiers frais et dépens de la procédure,
 
A titre subsidiaire, en cas d’anéantissement du contrat de location,
 
— condamner la société Bruzacques à payer à la société Grenke Location la somme de 11 290,64 euros TTC, correspondant au prix du matériel, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,
 
— condamner la société Bruzacques à payer à la société Grenke Location une indemnité de 4 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile avec intérêts au taux légal en sus,
 
— condamner la société Bruzacques aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance et d’appel,
 
A titre infiniment subsidiaire,
 
— prononcer l’anéantissement corrélatif du contrat de vente conclu entre la société Eurosys Télécom et la société Grenke Location,
 
— fixer au passif de la société Eurosys Télécom, représentée par son liquidateur judiciaire, Me [C], la somme de 11 290,64 euros TTC au titre du remboursement du prix du matériel, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,
 
— fixer au passif de la société Eurosys Télécom, représentée par son liquidateur judiciaire Me [C] la somme de 2 624,13 euros au titre de la perte de marge escomptée au titre du contrat de location, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,
 
— condamner la société Alliance Mission Conduite représentée par Me [C], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Eurosys Télécom à payer par application de l’article 700 du code de procédure civile une somme de 4 500 euros à la société Grenke Location outre les frais et dépens avec recouvrement direct, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
 
Par dernières écritures du 7 septembre 2021, la société Bruzacques prie la cour de :
 
— confirmer le jugement déféré,
 
— débouter purement et simplement la société Grenke Location de l’intégralité de ses demandes fins et conclusions,
 
A titre principal,
 
— constater l’interdépendance des contrats signés le 15 décembre 2016 entre les sociétés Eurosys Télécom, Eurosys Communication et la société Bruzacques anciennement dénommée société Goubely Pigne Regent et autres, et celui conclu le 2 février 2017 entre la société Grenke Location et la société Bruzacques anciennement dénommée société Goubely Pigne Regent et autres,
 
— prononcer la caducité du contrat de location financière intervenu entre la société Grenke Location et la société Goubely Pigne Regent et autres, devenue la société Bruzacques,
 
— à tout le moins, constater la résiliation desdits contrats signés le 15 décembre 2016 et le 2 février 2017 au 9 février 2017,
 
— à défaut, prononcer la résiliation des contrats signés le 15 décembre 2016 et le 2 février 2017 au 9 février 2017,
 
— dire que la société Bruzacques n’est redevable d’aucune indemnité à titre quelconque,
 
A titre subsidiaire,
 
— condamner reconventionnellement la société Eurosys Télécom à payer à la société Bruzacques la somme de 13 699,10 euros outre les intérêts à taux légal majoré de 5 points sur la somme de 12 585,95 euros à compter du 18/08/2017,
 
— faire fixer au passif de la société Eurosys Télécom la somme de la somme de 13 699,10 euros outre les intérêts à taux légal majoré de 5 points sur la somme de 12 585,95 euros à compter du 18/08/2017,
 
A titre encore plus subsidiaire,
 
— réduire à 85 euros HT les dommages et intérêts sollicités par la société Grenke Location,
 
Dans tous les cas,
 
— écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir,
 
— condamner la société Grenke Location ou tout succombant à payer à la société Bruzacques la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
 
— condamner la société Grenke Location ou tout succombant aux entiers dépens de la présente instance.
 
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
 
L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 juin 2022.
 
MOTIFS DE LA DECISION
 
‘ sur l’annulation du jugement
 
La société Grenke Location soutient, pour fonder son appel, que le tribunal a soulevé d’office un moyen nouveau tiré de l’application de l’article 1186 du code civil, sans respect du principe du contradictoire, ce qui justifie l’annulation du jugement.
 
La société Bruzacques Dentaire répond que le tribunal a fait une application de la règle de droit commandée par les faits de la cause, en considérant que du fait de l’interdépendance des contrats, l’article 1186 du code civil devait trouver application.
 
Sur ce,
 
La société Bruzacques Dentaire invoque l’interdépendance des contrats et sollicite la résiliation des contrats conclus concomitamments, sans invoquer de façon expresse la caducité du contrat.
 
Le juge a déduit de ces moyens soulevés par la société Bruzacques Dentaire qu’il convenait de faire application de l’article 1186 du code civil et de constater la caducité.
 
S’il appartient bien au juge de donner l’exacte qualification aux faits qui lui sont soumis par application de l’article 12, il n’en demeure pas moins qu’il doit solliciter les observations des parties.
 
En application de l’article 16 du code de procédure civile le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire.
 
En application de ce principe, il appartient au juge qui relève un moyen de droit d’inviter au préalable les parties à présenter leurs observations.
 
En l’espèce, il ressort du libellé de la décision déférée que le premier juge, pour débouter la société Grenke location de la totalité de ses demandes en paiement, a relevé d’office l’application de l’article 1186 et prononcé la caducité du contrat de financement, sans solliciter préalablement les observations des parties sur ce moyen de droit qui fonde seul sa décision de débouté.
 
Cette violation du principe du contradictoire justifie l’annulation du jugement querellé en toutes ses dispositions.
 
En application de l’article 562 alinéa 2, du code de procédure civile, la dévolution s’opère pour le tout et la cour doit statuer au fond sur la totalité du litige, la nullité n’étant pas liée à une irrégularité de la saisine du premier juge.
 
‘ sur l’interdépendance des contrats et la caducité au visa de l’article 1186 du code civil
 
La société Grenke conteste toute interdépendance entre les contrats signés entre la société intimée et la société Eurosys Télécom, le contrat de location financière et celui de maintenance, et affirme qu’elle n’est pas partie aux contrats signés avec la société Eurosys Communications, que le contrat de prestation de service est sans lien avec le contrat de financement, que la société Bruzacques Dentaire était libre de désigner un autre opérateur pour continuer à utiliser le matériel loué.
 
Elle ajoute que la société Eurosys Communication n’est pas dans la cause, et la cour ne peut se prononcer sur la validité de l’annulation d’un contrat dont une partie n’est pas partie à la procédure. Elle fait également observer que la société Bruzacques Dentaire ne peut se plaindre d’un défaut de livraison alors qu’elle a signé un procès-verbal de réception du matériel donné en location, ce qui l’a, elle, déterminée à payer la société de téléphonie. Elle en déduit qu’aucun manquement à ses obligations ne peut lui être reproché.
 
Elle prétend également que la société Bruzacques Dentaire ne démontre pas avoir porté à sa connaissance le contrat de prestation de service conclu avec la société Eurosys Communication, celle-ci étant une société distincte de la société Eurosys Télécom, et n’a pas été attraite à la procédure.
 
La société Grenke Location fait grief au premier juge d’avoir fait application des dispositions du code de la consommation et d’avoir validé l’exercice d’un droit de rétractation, alors que la société intimée n’est pas un consommateur et a conclu ce contrat pour exercer son activité professionnelle.
 
En réponse, la société Bruzacques Dentaire affirme que les contrats conclus avec la société Eurosys Télécom pour installer du matériel téléphonique, pour assurer la maintenance, enfin avec la société Eurosys Communication pour reprendre la gestion de ses lignes téléphoniques auprès de la société Orange sont nécessairement interdépendants avec le contrat de location signé avec Grenke, ces contrats s’inscrivant dans le cadre de la réalisation d’une même opération incluant des prestations de service et une location financière.
 
Elle rappelle que la conclusion des contrats fait suite à un démarchage de la société Eurosys Télécom, qu’elle s’est rétractée quelques jours plus tard auprès de la société Eurosys Communications, qu’elle a utilisé le formulaire joint au contrat et commun aux contrats des sociétés Eurosys Communication et Eurosys Télécom.
 
Elle en déduit que cette rétractation faite régulièrement justifie, du fait de l’interdépendance des contrats, que soit constatée la caducité des autres contrats. Elle affirme que la société Grenke Location avait connaissance de l’ensemble de l’opération contractuelle et soutient que les dispositions relatives au droit de rétractation sont applicables alors qu’elle employait moins de 5 salariés à la date de conclusion des contrats, et que le contrat conclu se trouvait hors champ de son activité principale.
 
Sur ce,
 
Sur l’interdépendance des contrats, le tribunal a retenu que les deux contrats signés par la société Bruzacques (anciennement la société Goubely Pigne Regent et autres) avec la société Eurosys Télécom, constitués d’un bon de commande portant sur du matériel de téléphonie et d’un contrat de maintenance, le contrat signé par la société Bruzacques avec la société Eurosys Communications, portant sur la gestion de lignes téléphoniques, ainsi que le contrat de location financière signé par la société Bruzacques avec la société Grenke Location portant sur la même installation, étaient des contrats concomitants s’inscrivant dans le cadre de la réalisation d’une même opération incluant des prestations de service et une location financière et sont ainsi interdépendants dans la mesure où le contrat conclu avec la société Grenke Location avait pour objet de financer l’installation téléphonique.
 
Il en a déduit que la résiliation par la société Bruzacques du contrat conclu avec la société Eurosys Communications avait entraîné par voie de conséquence la caducité des autres contrats de cet ensemble contractuel, en application de l’article 1186 du code civil.
 
En vertu des dispositions de l’article 1186 du code civil, lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie.
 
La caducité n’intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il a donné son consentement.
 
La société Goubely Pigne Regent a signé le 15 décembre 2016 divers contrats portant fourniture de divers matériel de téléphonie, de maintenance de cette installation, et de gestion des lignes téléphoniques avec les sociétés Eurosys Télécom et Eurosys Communication.
 
La société Goubely Pigne Regent a par ailleurs conclu un contrat de location de longue durée pour le financement de l’installation par la société Grenke Location. Le 2 février 2017, la société Goubely Pigne Regent a signé un document intitulé ‘confirmation de livraison de longue durée’ par lequel elle déclare avoir réceptionné les produits loués le jour même, et dit que les produits sont en bon état de fonctionnement, ont été livrés intégralement. Elle n’explique pas dans quelles circonstances elle a été amenée à signer ce document attestant d’une livraison complète, alors qu’elle prétend aujourd’hui que la livraison n’a été ce jour-là que très partielle.
 
En toute hypothèse, elle se prévaut de l’exercice de son droit de rétractation, affirmant avoir adressé un courrier par lettre recommandée pour les trois contrats. Pour toute pièce, elle verse un accusé de réception à l’attention de la société Eurosys Communication qu’elle dit être celui adressé avec la lettre de rétractation. Elle n’explique cependant pas pourquoi elle n’a pas adressé un courrier de résiliation à l’attention de la société Eurosys Télécom, avec laquelle elle avait signé le contrat de fourniture des matériels de téléphonie et le contrat de maintenance, outre pour quelle raison elle n’a pas attrait à la cause la société Eurosys Communication, représentée par son liquidateur.
 
Il résulte de l’article L. 221-3 du code de la consommation, issu de la loi du 17 mars 2014, dite loi Hamon, que le professionnel employant cinq salariés au plus, qui souscrit, hors établissement, un contrat dont l’objet n’entre pas dans le champ de son activité principale, bénéficie de certaines des dispositions protectrices du consommateur parmi lesquelles figure le droit de rétractation.
 
Il est constant que le contrat de location de longue durée qui a pour objet la mise à la disposition de la société Bruzacques Dentaire d’une installation de téléphonie en contrepartie du paiement d’un loyer a été conclu hors établissement au sens de l’article L. 221-3.
 
Il est démontré par la société Bruzacques Dentaire qu’au cours de l’année 2017, elle employait 5 salariés. Exerçant l’activité de cabinet dentaire, la société Bruzacques Dentaire ne dispose pas des compétences professionnelles pour apprécier les conditions financières d’un contrat de location portant sur une installation de téléphonie, installation indispensable à son activité principale.
 
Il doit, par conséquent, être considéré que le contrat de location de longue durée litigieux n’entre pas dans le champ de son activité principale.
 
C’est donc à bon droit que les premiers juges ont dit que, s’agissant d’un contrat conclu hors établissement, les dispositions protectrices du code de la consommation s’appliquaient.
 
Pour autant, si la société Bruzacques Dentaire disposait bien d’une faculté de se rétracter, elle ne démontre pas avoir régulièrement adressé ce courrier de rétractation pour chacun des trois contrats litigieux, et surtout à chacune des deux sociétés concernées. Il est même certain que le seul accusé de réception qu’elle produit ne peut, à supposer qu’il corresponde bien à l’envoi d’une lettre de rétractation, concerner que le contrat de gestion de l’installation de téléphonie conclu avec la société destinataire de ce courrier, Eurosys Communication. Cette dernière société n’a pas été appelée à la cause, de sorte que la régularité de la rétractation que la société Bruzacques Dentaire prétend avoir mise en oeuvre à l’égard de cette société ne peut être vérifiée, aucun débat contradictoire ne pouvant se tenir de ce chef.
 
En conséquence, la société Bruzacques Dentaire ne justifie pas de l’exercice régulier de la faculté de rétractation dont elle disposait et le jugement est infirmé de ce chef.
 
De surcroît, il sera observé que si le contrat de financement de la location est bien en lien avec le contrat d’installation de la téléphonie, la société Bruzacques Dentaire n’explique pas en quoi les contrats de maintenance et de téléphonie ne pouvaient pas être assurés par un autre prestataire de service.
 
‘ sur la résolution du contrat
 
La société Bruzargues sollicite à titre subsidiaire la résolution du contrat, puisque le matériel n’a pas fait l’objet d’une livraison, ce alors même que la société fournisseur a vendu le matériel à Grenke location. Elle observe que la fiche d’intervention du 2 février 2017 confirme que le matériel n’a pas été livré, que le matériel vendu à la société Grenke ne correspond en rien avec ce que les techniciens ont réalisé comme indiqué sur la fiche d’intervention, qu’elle a d’ailleurs confirmé à la société Grenke s’être rétractée, ce à deux reprises, avant de faire opposition aux prélèvements. Elle souligne que le procès-verbal de constat qu’elle produit confirme que le matériel installé ne correspond pas au matériel qui devait être livré par la société Eurosys Communication.
 
Elle assure établir qu’elle a continué à payer les factures auprès de la société Orange entre avril 2017 et ce jour, et en déduit que l’ensemble de ces éléments justifie la résolution du contrat de location conclu avec la société Grenke et du fait de l’interdépendance des contrats, la résolution des autres contrats signés avec les sociétés Eurosys Télécom.
 
La société Grenke location s’étonne que la société Bruzacques Dentaire prétende ne pas avoir reçu les matériels objet du contrat de location alors qu’elle a signé le document de réception des produits sans réserve. Elle affirme ne pas avoir failli à ses obligations contractuelles et conclut au rejet de la demande de résolution présentée par la société Bruzacques Dentaire.
 
Sur ce,
 
Il est certain que la société Bruzacques Dentaire a bien signé un document intitulé ‘confirmation de livraison de longue durée’ par lequel elle confirme avoir reçu livraison des matériels objet du contrat de location. Par ce document, le client dit avoir réceptionné les produits objets du contrat de location, en état de fonctionnement, et livrés intégralement.
 
La société Bruzacques Dentaire argue néanmoins de l’absence de livraison complète des matériels loués, prétendant qu’aucun matériel n’a finalement été livré, du fait de sa décision de se rétracter.
 
Elle verse un constat d’huissier de justice dressé le 9 mai 2018 par lequel l’huissier de justice dit que l’installation téléphonique est composée de matériels Alcatel Orange Business Services comprenant deux boîtiers de centrale téléphonique, un poste standard avec deux appareils portables et un poste téléphonique, lesquels ne figuraient pas au contrat de location. Pour autant, ces observations de l’huissier de justice ne permettent nullement de démontrer le défaut de livraison des téléphones et autres pièces louées, mais seulement de constater qu’au jour de l’établissement du procès-verbal, l’installation louée n’est pas branchée dans le cabinet dentaire.
 
Elle produit un second document intitulé ‘fiche d’intervention’ établie le 2 février 2017, jour de la livraison, établie par la société Eurosys Télécom. Diverses mentions manuscrites ont été portées sur ce document, telles que ‘prévisite ok’, ‘déploiement sans matériel.’
 
Ce document confirme ainsi que le matériel n’a pas été livré à cette date, puisque seule une intervention technique a été effectuée pour effectuer diverses opérations préalables à la mise en place des matériels. Plusieurs courriers versés aux débats par la société Bruzacques Dentaire ont été adressés dans les mois suivants par celle-ci à la société Eurosys Télécom puis à la société Grenke Location pour confirmer que les démarches avaient été interrompues, du fait de leur souhait exprimé de se rétracter de l’engagement pris.
 
La société Grenke location se contente d’affirmer que la signature le 2 février 2017 d’un procès-verbal de réception sans réserve suffit à démontrer que l’installation a été complète, sans toutefois donner d’explication sur les mentions portées à ce compte-rendu d’intervention pourtant explicite.
 
D’ailleurs, la société Grenke Location ne verse aucune pièce que lui aurait adressée la société Eurosys Télécom pour lui confirmer que l’installation avait été complètement effectuée, pour contredire les allégations de la société Bruzacques Dentaire.
 
L’absence de mise en place de l’installation complète, que la société Grenke Location ne dément pas autrement que par de simples dénégations, caractérise l’inexécution de ses obligations par la société Eurosys Télécom, et justifie, en application des articles1217 et 1227 du code civil, de prononcer la résolution du contrat.
 
L’interdépendance existant entre ce contrat de fourniture et d’installation d’un équipement de téléphonie et le contrat de financement de la location de ce matériel, conclus concomitamment, et dont la société Grenke Location ne peut prétendre ne pas avoir eu connaissance, les documents contractuels étant établis à son entête, conduit par application de l’article 1186 du code civil à constater la caducité du contrat de location souscrit avec la société Grenke Location.
 
Cette société ne peut pas soutenir ne pas avoir été informée de l’existence d’un contrat de prestation de service et de maintenance, pour prétendre qu’il n’y a pas de situation d’interdépendance. En effet, ces deux contrats sont d’évidence interdépendants avec le contrat de location du matériel, et ne peuvent se poursuivre à défaut d’exécution du contrat principal de location du matériel.
 
En conséquence, et du fait de cette caducité, les demandes présentées par la société Grenke location en paiement des échéances impayées, de l’indemnité de résiliation et de l’indemnité de non restitution sont rejetées comme sans objet.
 
La persistance du contrat de gestion des lignes téléphoniques, dont la résolution ne peut être examinée, en l’absence de la société Eurosys Communications à la cause, ne fonde pas plus la demande en paiement présentée par la société Grenke, les sommes contractuellement dues étant la contrepartie de la location du matériel de téléphonie.
 
La demande présentée par la société Grenke location en restitution du matériel est également rejetée, à l’exclusion de l’équipement que la société Bruzacques Dentaire reconnaît avoir reçu, dont les références sont rappelées au dispositif. L’exécution de la décision ne justifie pas le prononcé d’une astreinte.
 
La demande subsidiaire de dommages-intérêts présentée par la société Bruzacques Dentaire à l’encontre de la société Eurosys Télécom est sans objet.
 
‘ sur la demande de dommages-intérêts présentée par la société Grenke Location :
 
A titre subsidiaire, la société Grenke sollicite la condamnation de la société Bruzacques Dentaire à lui payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice qu’elle dit subir du fait du paiement de la facture. Elle affirme que la société Bruzacques Dentaire a commis une faute en signant avec légèreté la confirmation de livraison, l’information délivrée à son attention par la suite de l’absence de livraison n’étant pas une circonstance exonératoire de sa responsabilité.
 
En réponse, la société Bruzacques Dentaire affirme qu’aucun préjudice n’est démontré par la société Grenke location, celle-ci n’établissant pas le paiement de la facture, et qu’aucune faute n’est non plus établie.
 
Sur ce,
 
La société Grenke Location qui demande réparation du préjudice qu’elle dit subir du fait d’avoir acheté le matériel pour le louer à la société Bruzacques Dentaire se contente, pour établir l’existence d’une faute, de dire que celle-ci a signé le document attestant de la livraison du matériel. Il est certain que la société Bruzacques Dentaire a, peut-être hâtivement signé ce document attestant de la livraison en même temps qu’elle signait le contrat de location du matériel, sans pour autant que cette attitude caractérise une faute de sa part. En effet, d’une part, elle disposait d’un délai de rétractation à la date à la laquelle elle a signé ce document ; d’autre part, il résulte du compte-rendu d’installation que celle-ci a été faite sans déploiement du matériel, sans qu’il soit précisé si cette installation était en principe programmée pour ce jour-là, ou si elle a été, pour des raisons indéterminées, mais non imputables à la société Bruzacques Dentaire, reportée à une date ultérieure.
 
La société Grenke Location qui n’établit pas autrement la faute qu’elle impute à la société Bruzacques Dentaire est déboutée de la demande de dommages-intérêts qu’elle présente, étant ajouté que le préjudice allégué n’est pas démontré dans son étendue par le paiement de la facture, le matériel étant, de fait, sa propriété et susceptible d’être revendu ou reloué.
 
‘ sur la demande présentée à l’encontre de la société Eurosys Télécom
 
La société Grenke Location, qui justifie avoir déclaré sa créance, est fondée à demander que la somme de 11 290,64 euros soit fixée au passif de la société Eurosys Télécom représentée par son liquidateur judiciaire, Me [S] [C], ce en remboursement du prix du matériel qu’elle a acquis. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
 
La demande tendant à voir fixer au passif de la même société représentée par son liquidateur la somme de 2 624,13 euros HT au titre de la perte de marge escomptée n’est pas certaine et sera rejetée.
 
‘ sur la demande relative à l’exécution provisoire
 
Cette demande présentée au visa de l’article 514 du code de procédure civile devant la cour d’appel est sans objet.
 
‘ sur les autres demandes
 
Les dispositions du jugement statuant sur les dépens et l’indemnité de procédure sont confirmées.
 
La société Grenke est condamnée à payer à la société Bruzacques la somme de 2500 euros d’indemnité de procédure.
 
Elle supporte la charge des dépens exposés en cause d’appel.
 
Par ces motifs,
 
La cour,
 
Annule le jugement déféré en toutes ses dispositions;
 
Statuant par dévolution,
 
Prononce la résolution du contrat conclu entre la société Goubely Pigne Regent aux droits de laquelle vient la société Bruzacques Dentaire et la société Eurosys Télécom,
 
Constate en conséquence la caducité du contrat conclu entre la société Goubely Pigne Regent et la société Grenke Location,
 
Rejette les demandes présentées par la société Grenke Location à l’encontre de la société Bruzacques Dentaire, à l’exclusion de la demande de restitution du matériel Pabx TG582N de marque Technicolor, cette restitution se faisant aux frais de la société Grenke Location,
 
Dit sans objet la demande présentée à titre subsidiaire par la société Bruzacques Dentaire à l’encontre de la société Eurosys Télécom,
 
Déboute la société Grenke location de sa demande de dommages-intérêts présentée contre la société Bruzacques Dentaire,
 
Fixe au passif de la société Eurosys Télécom représentée par son liquidateur judiciaire, Me [S] [C] la somme de 11 290,64 euros au titre du remboursement du prix de vente dû à la société Grenke Location, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
 
Rejette le surplus des demandes,
 
Dit sans objet la demande d’exécution provisoire,
 
Condamne la société Grenke location à payer à la société Bruzacques Dentaire la somme de 2 500 euros d’indemnité de procédure,
 
Condamne la société Grenke location aux dépens.
 
— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
 
— signé par Madame Florence PERRET, Président, et par Madame Claudine AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
 
Le Greffier, Le Président,
 

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