Publicité personnelle de l’avocat : le bandeau AVOCAT est autorisé
Publicité personnelle de l’avocat : le bandeau AVOCAT est autorisé

Publicité et sollicitation personnalisée de l’avocat

Selon l’alinéa 1er de l’article 15 du décret n°2005-790 du 12 juillet 1972, la publicité et la sollicitation personnalisée sont permises à l’avocat si elles procurent une information sincère sur la nature des prestations de services proposées et si leur mise en oeuvre respecte les principes essentiels de la profession. Elles excluent tout élément comparatif ou dénigrant.

Ainsi toute publicité personnelle de l’avocat doit lui permettre de diffuser sur son activité professionnelle des informations objectives et véritables, lesquelles doivent être délivrées dans le respect du secret professionnel et des principes essentiels de la profession d’avocat, notamment, de loyauté, de délicatesse, de dignité, de modération, d’honneur, d’indépendance et de confraternité.

Apposition d’un bandeau « Avocat »

En l’espèce, un avocat a fait apposer sur les fenêtres de son cabinet un bandeau sur lequel est mentionné le mot AVOCAT. Il s’agit d’une mention assimilable à une enseigne ou une plaque professionnelle ayant pour objet de signaler l’implantation du cabinet et rentrant dans le périmètre de la publicité personnelle de l’avocat, admise en ce qu’elle constitue une information professionnelle destinée à promouvoir ses services à destination des passants et en ce qu’elle complète une publicité plus individualisée et plus conventionnellement réalisée par plaque, carte de visite, papier à entête, plaquette de présentation ou site internet.

Aucun manquement aux obligations de modération et de délicatesse

N’étant pas démontré par les pièces figurant à la procédure que cette information signalétique, constituée de lettres majuscules simples et sobres, est d’une couleur voyante manquant le cas échéant de la discrétion requise, ni qu’elle véhicule autre chose qu’une information objective sur l’emplacement du cabinet secondaire de l’avocat, la juridiction a considéré qu’aucun manquement aux obligations de modération et de délicatesse n’était caractérisée par la simple apposition de cette mention sur les fenêtres du cabinet.

Dans ces conditions la délibération du conseil de l’ordre portant mise en demeure de retrait de cette publicité a été infirmée.

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS  
 
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2022
 
N° de rôle : N° RG 22/01078 –��N° Portalis DBVJ-V-B7G-MSK5
 
[U] [C]
 
c/
 
CONSEIL DE L’ORDRE DES AVOCATS DE BERGERAC
 
Nature de la décision : AU FOND
 
Notifié le :
 
Décision déférée à la Cour : décision du Conseil de l’Ordre des avocats du barreau de BORDEAUX en date du 22 octobre 2021
 
APPELANT :
 
Maître [U] [C]
 
Avocate, demeurant [Adresse 1]
 
Présente,
 
INTIMÉ :
 
CONSEIL DE L’ORDRE DES AVOCATS DE BERGERAC, demeurant [Adresse 2]
 
représenté par Me Valentine GUIRIATO membre de la SELARL JOLY-GUIRIATO-TRARIEUX, avocat au barreau de BERGERAC
 
L’affaire a été débattue en audience solennelle et publique le 16 septembre 2022 devant la Cour, première et deuxième chambres réunies, composée de :
 
Isabelle GORCE, première présidente,
 
Véronique LEBRETON, première présidente de chambre
 
Nathalie PIGNON, président de chambre,
 
Paule POIREL, présidente de chambre,
 
Elisabeth FABRY, conseillère.
 
désignées par ordonnance du Premier Président en date du 7 janvier 2022.
 
qui en ont délibéré.
 
Greffière lors des débats : Séverine ROMA
 
En présence du Procureur Général, représenté lors des débats par Jean-Luc GADAUD, avocat général, qui a été entendu.
 
ARRÊT :
 
— contradictoire
 
— prononcé en présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
 
EXPOSE DU LITIGE
 
Par courrier du 27 octobre 2020, Maître [U] [C] a sollicité l’ouverture d’un cabinet secondaire auprès du conseil de l’ordre des avocats du barreau de Bergerac.
 
Maître [J] a été désignée par la bâtonnière pour instruire cette demande, et par courrier du 11 décembre 2020, Maître [U] [C] était informée que l’examen de la demande d’ouverture était reporté jusqu’à la justification d’un titre d’occupation pour le local dont elle avait donné l’adresse.
 
Elle a transmis les éléments sollicités par le conseil de l’ordre le 1er février 2021 et le 23 février 2021, celui-ci a autorisé l’ouverture du cabinet secondaire.
 
Estimant que la publicité du cabinet secondaire de Maître [U] [C] contrevenait aux principes déontologiques de modération et de délicatesse qui incombe aux avocats aux termes de l’article 1.3 du règlement intérieur national, le conseil de l’ordre lui a enjoint de retirer sans délai cette publicité située sur les fenêtres de son cabinet par délibération du 22 octobre 2021.
 
Par courrier recommandé du 25 octobre 2021 non réclamé la bâtonnière a demandé à sa consoeur de retirer sans délai la publicité située sur les fenêtres de son cabinet. Puis le courrier du 25 octobre lui a été signifié le 6 décembre 2021 par voie d’huissier de justice.
 
Par courrier recommandé du 17 janvier 2022, réceptionné le 20 janvier 2022, Maître [U] [C] a contesté cette délibération, considérant qu’elle lésait ses intérêts professionnels en lui retirant le droit d’avoir recours à une publicité personnelle.
 
Par courrier réceptionné au greffe de la cour le 2 mars 2022, Maître [U] [C] demande à la cour d’invalider la délibération litigieuse, la bâtonnière n’ayant pas répondu à cette réclamation.
 
Par conclusions déposées le 9 septembre 2022, et notifiées au conseil de l’ordre du barreau de Bergerac-Sarlat représenté par la bâtonnière en exercice et au ministère public, Maître [U] [C] demande à la cour de :
 
— infirmer la délibération du 22 octobre 2021 du conseil de l’ordre des avocats de Bergerac Sarlat en ce qu’elle juge que la position de bandeau AVOCAT sur la façade de l’immeuble abritant son cabinet secondaire, comme contraire aux principes essentiels de la profession de modération et de délicatesse et l’a enjointe de retirer sans délai sa publicité située sur les fenêtres de son cabinet,
 
— condamner le conseil de l’ordre des avocats de Bergerac Sarlat pour résistance abusive sur le fondement de l’article 1240 du Code civil à lui payer la somme de 3500 €,
 
— débouter le conseil de l’ordre des avocats de du barreau de Bergerac Sarlat de sa demande en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et le condamner aux dépens d’appel et frais d’exécution.
 
Sur la recevabilité du recours elle fait valoir qu’en l’absence de notification de la délibération du 22 octobre 2021 le délai de deux mois pour adresser une réclamation préalable n’a jamais couru de même que le délai de recours devant la cour, de sorte que son recours du 1er mars 2022 est recevable.
 
Sur le fond, elle soutient que la publicité mise en place ne contrevient pas aux principes essentiels de la profession, qu’il s’agit d’une publicité personnelle destinée à l’information sur les différents services proposés et que le fait d’apposer des bandeaux portant la mention de la profession sur la façade d’un immeuble est une pratique courante des barreaux de la nouvelle Aquitaine.
 
Par conclusions déposées le 29 avril 2022 notifiées à Maître [U] [C] et au ministère public, le conseil de l’ordre du barreau de Bergerac-Sarlat représenté par la bâtonnière en exercice demande à la cour :
 
— de juger l’appel de Maître [U] [C] irrecevable comme formalisé hors délai,
 
— de rejeter l’intégralité de ses demandes,
 
— de la condamner aux entiers dépens d’appel d’éventuels frais d’exécution et à verser la somme de 500 € à l’ordre des avocats de Bergerac Sarlat sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
 
Il fait valoir que le délai de recours contre la décision du conseil de l’ordre a commencé à courir à la date de première présentation du courrier recommandé avec accusé de réception soit le 26 octobre 2021, de sorte que la réclamation contenue dans le courrier du 30 décembre 2021, et a fortiori dans le courrier du 17 janvier 2022, a été formalisée après l’expiration du délai fixé par le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, tout comme le recours formé devant la cour d’appel qui aurait dû être formalisé au plus tard le 28 février 2022 et qui a été réceptionné le 2 mars 2022.
 
Par conclusions déposées le 11 mai 2022, notifiées à Maître [U] [C] et au conseil de l’ordre du barreau de Bergerac-Sarlat représenté par la bâtonnière en exercice, le procureur général demande à la cour :
 
— déclarer l’appel recevable,
 
— de confirmer partiellement la délibération en ce qu’elle prend connaissance de la publicité du cabinet secondaire de Maître [U] [C],
 
— d’infirmer la délibération en ce qu’elle juge cette publicité comme contraire aux principes essentiels de la profession de modération et de délicatesse et enjoint Maître [U] [C] de retirer sans délai sa publicité située sur les fenêtres de son cabinet,
 
— de statuer ce que de droit sur les dépens.
 
Il expose que Maître [U] [C] a formalisé sa réclamation au bâtonnier conformément aux dispositions de l’article 15 du décret 91-1197 du 27 novembre 1991 et qu’en l’absence de réponse notifiée, résultant en l’occurrence de l’absence de notification de la décision du conseil de l’ordre sur la réclamation, il doit être considéré que celle-ci a fait l’objet d’un rejet implicite et que Maître [U] [C] bénéficiait d’un délai de recours d’un mois à compter de l’expiration du délai accordé au bâtonnier pour faire réponse à sa réclamation pour saisir la cour, de sorte que son recours du 1er mars 2022 réceptionné le 2 mars est recevable.
 
Sur le fond, il indique que s’il n’est pas contesté que l’appelante a fait inscrire sur les volets de son cabinet secondaire le mot AVOCAT, qui constitue un mode de communication publicitaire de l’avocat qui est assimilable à une enseigne ou à une plaque professionnelle et qui se doit de rester discrète, en l’espèce il n’est produit aucune pièce permettant de déterminer concrètement la localisation, la couleur ou la dimension du bandeau objectivant un quelconque manquement à la modération ou la délicatesse justifiant le retrait de cette publicité.
 
MOTIFS DE LA DÉCISION
 
Sur la recevabilité
 
En application de l’article 15 du Décret n°91-1197 du 27 novembre 1991, modifié par le Décret n°95-1110 du 17 octobre 1995, lorsqu’un avocat s’estimant lésé dans ses intérêts professionnels par une délibération ou une décision du conseil de l’ordre entend la déférer à la cour d’appel, il saisit préalablement de sa réclamation le bâtonnier par lettre recommandée avec demande d’avis de réception dans le délai de deux mois à compter de la date de notification ou de publication de la délibération ou de la décision ; la décision du conseil de l’ordre sur la réclamation doit être notifiée à l’avocat intéressé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception dans le délai d’un mois à compter de la réception de la lettre recommandée prévue au premier alinéa ; En cas de décision de rejet ou de rejet implicite si, dans ce délai d’un mois aucune décision n’a été notifiée, de la réclamation, l’avocat peut la déférer à la cour d’appel dans les conditions prévues à l’article 16, soit par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au secrétariat-greffe de la cour d’appel ou remis contre récépissé au greffier en chef, le délai du recours étant d’un mois.
 
En l’espèce, le courrier recommandé avec accusé de réception que la bâtonnière en exercice a adressé à sa consœur  est ainsi libellé : «  Par mail en date du 11 octobre dernier et par lettre recommandée avec accusé de réception du même jour, vous m’avez notifié la publicité de votre cabinet secondaire situé [Adresse 3].
 
Cette publicité contrevient aux principes déontologiques de modération et de délicatesse qui incombent aux avocats (Article 1.3 du RIN).
 
Je vous enjoins donc de retirer sans délai la publicité située sur les fenêtres de votre cabinet secondaire. ».
 
Ce courrier du 25 octobre 2021 n’a pas été réclamé par Maître [U] [C]. Il lui a été signifié le 6 décembre 2021 par voie d’huissier de justice.
 
Il ressort de la teneur de ce courrier du 25 octobre 2021 que la délibération du conseil de l’ordre contestée n’y est pas expressément visée par la bâtonnière. A défaut, ce courrier ne peut en valoir notification et, partant, ne peut avoir fait courir un quelconque délai de réclamation, étant observé que la délibération n’est pas produite aux débats, mais que sa matérialité n’est pas contestée.
 
Il s’en déduit que la réclamation formulée par courrier recommandé du 17 janvier 2022, réceptionné le 20 janvier 2022, a pu valablement faire courir le délai de 1 mois imparti à la bâtonnière pour y répondre et que le recours formé contre la décision implicite de rejet par courrier réceptionné au greffe de la cour le 2 mars 2022 est recevable pour avoir été formé dans le mois qui suit l’expiration de ce délai de réponse.
 
Sur le fond
 
Selon l’alinéa 1er de l’article 15 du décret n°2005-790 du 12 juillet 1972, la publicité et la sollicitation personnalisée sont permises à l’avocat si elles procurent une information sincère sur la nature des prestations de services proposées et si leur mise en oeuvre respecte les principes essentiels de la profession. Elles excluent tout élément comparatif ou dénigrant.
 
Ainsi toute publicité personnelle de l’avocat doit lui permettre de diffuser sur son activité professionnelle des informations objectives et véritables, lesquelles doivent être délivrées dans le respect du secret professionnel et des principes essentiels de la profession d’avocat, notamment, de loyauté, de délicatesse, de dignité, de modération, d’honneur, d’indépendance et de confraternité.
 
En l’espèce, il n’est pas discuté que Maître [C] a fait apposer sur les fenêtres de son cabinet un bandeau sur lequel est mentionné le mot AVOCAT. Il s’agit d’une mention assimilable à une enseigne ou une plaque professionnelle ayant pour objet de signaler l’implantation du cabinet et rentrant dans le périmètre de la publicité personnelle de l’avocat, admise en ce qu’elle constitue une information professionnelle destinée à promouvoir ses services à destination des passants et en ce qu’elle complète une publicité plus individualisée et plus conventionnellement réalisée par plaque, carte de visite, papier à entête, plaquette de présentation ou site internet.
 
N’étant pas démontré par les pièces figurant à la procédure que cette information signalétique, constituée de lettres majuscules simples et sobres, est d’une couleur voyante manquant le cas échéant de la discrétion requise, ni qu’elle véhicule autre chose qu’une information objective sur l’emplacement du cabinet secondaire de Maître [C], il conviendra de considérer qu’aucun manquement aux obligations de modération et de délicatesse n’est caractérisée par la simple apposition de cette mention sur les fenêtres du cabinet.
 
Dans ces conditions la délibération du conseil de l’ordre en date du 22 octobre 2021 devra être infirmée.
 
L’appelante ne rapporte pas la preuve de la résistance abusive du conseil de l’ordre dont la décision n’a pas été portée à exécution à ce jour, ainsi que l’a précisé la bâtonnière en exercice à l’audience. Elle sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
 
Le conseil de l’ordre sera condamné aux dépens et sera débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
 
PAR CES MOTIFS
 
Déclare le recours formé par Maître [U] [C] contre la délibération du conseil de l’ordre du barreau de Bergerac-Sarlat en date du 22 octobre 2021 recevable ;
 
Infirme la délibération du conseil de l’ordre en date du 22 octobre 2021 ;
 
Déboute Maître [C] de sa demande de dommages et intérêts et le conseil de l’ordre de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
 
Condamne le conseil de l’ordre aux dépens.
 
Le présent arrêt a été signé par Isabelle Gorce, première présidente, et par Séverine Roma, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
 
La greffière, La première présidente
 
 
 
 
 

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