A moins de prévoir une clause en ce sens, le contrat de diffusion d’une campagne publicitaire ne soumet le prestataire à aucune obligation de résultat.
Périmètre du contrat
En la cause, il ne ressort pas du bon de commande que les résultats obtenus conditionnaient la bonne exécution de la transaction et notamment, le paiement du prix. Il n’existait pas non plus de preuve qu’un taux de conversion a été convenu entre les parties qui conditionnerait la bonne exécution de la transaction et notamment, le paiement du prix.
Échec de campagne publicitaire
Après une première campagne publicitaire début 2021 qui s’est révélée être un échec pour n’avoir entraîné aucune nouvelle inscription, une nouvelle campagne publicitaire a été engagée. Pareillement cette campagne a été un échec pour le client. Le client a alors tenté un référé pour ne pas s’acquitter de ses factures.
Référé provision infructueux
Selon l’article 873 du code de procédure civile alinéa 2 : ‘Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire’.
Ce texte impose donc au juge une condition essentielle avant de pouvoir accorder une provision : celle de rechercher si l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Doivent être précisés les éléments de la contestation qui rendent celle-ci sérieuse.
Une contestation sérieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.
À l’inverse, sera écartée une contestation qui serait à l’évidence superficielle ou artificielle et la cour est tenue d’appliquer les clauses claires du contrat qui lui est soumis, si aucune interprétation n’en est nécessaire. Le montant de la provision allouée n’a alors d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.
En vertu de l’article L. 110-3 du code de commerce, la preuve en matière commerciale peut se faire par tous moyens.
Selon l’article 1353 du code civil : ‘Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.’
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D’APPEL DE VERSAILLES 14e chambre ARRET DU 24 NOVEMBRE 2022 N° RG 22/02746 –��N° Portalis DBV3-V-B7G-VESJ AFFAIRE : S.A.R.L. SAFE HANDLING TRAINING – SHT C/ S.A.S.U. MEDIA PROXIMITE Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 22 Mars 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE N° RG : 2022R00217 LE VINGT QUATRE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX, La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre : S.A.R.L. SAFE HANDLING TRAINING – SHT Agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, en cette qualité domicilié audit siège, N° SIRET : 822 49 5 0 99 [Adresse 1] [Localité 4] Représentant : Me Fabienne FOURNIER LA TOURAILLE de la SELARL CABINET FOURNIER LA TOURAILLE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 80 – N° du dossier 15.384 Assistée de Me François RETIF substituant à l’audience Me Laurent COTRET de la SCP AUGUST DEBOUZY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS APPELANTE **************** S.A.S.U. MEDIA PROXIMITE Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège N° SIRET : 892 491 515 [Adresse 2] [Localité 3] Représentant : Me Jérémy ARMET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G351 INTIMEE **************** Composition de la cour : En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 12 Octobre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nicolette GUILLAUME, Président chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Nicolette GUILLAUME, Président, Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller, Madame Marina IGELMAN, Conseiller, Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT, EXPOSE DU LITIGE La SASU Media Proximité est une régie publicitaire. La SARL Safe Handling Training exerce dans le secteur de la formation professionnelle et continue. Par acte d’huissier de justice délivré le 28 février 2022, la société Media Proximité a fait assigner en référé la société Safe Handling Training (SHT) aux fins d’obtenir principalement, sa condamnation à lui payer à titre provisionnel les sommes de 60 750 euros au titre de la facture émise le 1er avril 2021, outre intérêts au taux majoré de 2,28 % à compter du 10 mai 2021, 120 euros au titre de l’article D. 441-5 du code de commerce et 9 112,50 euros au titre de la clause pénale stipulée à l’article 7.3 des conditions générales de vente, outre la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 22 mars 2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre a : — condamné la société SHT à payer à la société Media proximité, à titre provisionnel, la somme de 60 750 euros au titre de la facture émise le 1er avril 2021, outre intérêts au taux majoré de 2,28% à compter du 10 mai 2021, — condamné la société SHT à payer à la société Media proximité, à titre provisionnel, la somme de 120 euros au titre de l’article D. 441-5 du code de commerce, — condamné la société SHT à payer à la société Media proximité, à titre provisionnel, la somme de 9 112,50 euros au titre de la clause pénale stipulée à l’article 7.3 des conditions générales de vente, — condamné la société SHT à payer à la société Media proximite la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens. Par déclaration reçue au greffe le 19 avril 2022, la société SHT a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition. Dans ses dernières conclusions déposées le 19 septembre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société SHT demande à la cour, au visa des articles 872 et 873 du code de procédure civile, de : — infirmer l’ordonnance de référé rendue le 22 mars 2022 par le tribunal de commerce de Nanterre en toutes ses dispositions, et, statuant à nouveau : — juger la société Media proximité irrecevable et mal fondée en ses demandes ; — dire n’y avoir lieu à référé ; — débouter la société Media proximité de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ; — condamner la société Media proximité à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens. Dans ses dernières conclusions déposées le 3 octobre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Media Proximité demande à la cour, au visa des articles 872 et873 du code de procédure civile et 1103, 1192, 1193 et 1231-5 du code civil, de : — confirmer l’ordonnance de référé du tribunal de commerce de Nanterre rendue le 22 mars 2022 en toutes ses dispositions, — dire mal fondée la société SHT en toutes ses demandes et moyens ; et, en conséquence, — condamner la société SHT à lui payer, à titre provisionnel, la somme de 60 750 euros au titre de la facture émise le 1er avril 2021, outre intérêts au taux majoré au taux de 2,28% à compter du 10 mai 2021 ; — condamner la société SHT à lui payer, à titre provisionnel, la somme de 120 euros au titre de l’article D. 441-5 du code de commerce ; — condamner la société SHT à lui payer, à titre provisionnel, la somme de 9 112,50 euros au titre de la clause pénale stipulée à l’article 7.3 des conditions générales de vente ; en tout état de cause, — condamner la société SHT à payer la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens. L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 octobre 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION : Sur la demande de provisions La société SHT sollicite l’infirmation de l’ordonnance de référé rendue le 22 mars 2022 qui l’a condamnée. L’appelante soutient qu’après une première campagne publicitaire début 2021 qui s’est révélée être un échec pour n’avoir entraîné aucune nouvelle inscription, une nouvelle campagne publicitaire a été engagée, la société Media proximité lui garantissant un taux de transformation des ‘leads’ (en clients effectifs) d’au moins 10 %. Elle soutient qu’à nouveau, cette seconde campagne a été un échec et que dans ces conditions, elle ne doit pas le prix de la prestation. Elle conteste toute responsabilité dans les manquements contractuels qu’elle allègue. Elle élève en conséquence une contestation qu’elle estime sérieuse au motif d’une mauvaise qualité des prestations fournies. Elle estime aussi que le montant de la clause pénale et le taux d’intérêt majoré sont excessifs. Elle entend faire valoir que seul le juge du fond peut moduler une clause pénale et qu’elle n’a pas signé de conditions générales de vente qui auraient fait mention de ces sanctions. Elle indique enfin que la somme de 60 750 euros correspond aux factures émises pour la seconde campagne, mais aussi au solde qui lui est réclamé pour la première. La société Media proximité sollicite au contraire la confirmation de l’ordonnance attaquée indiquant que la somme de 60 750 euros correspond à la facture émise le 1er avril 2021, date à laquelle été passé un bon de commande. Elle précise que trois factures ont été émises entre le 10 mai 2021 et le 17 juin 2021 conformément à ce bon de commande. Elle prétend que le bon de commande ne stipule aucunement que le paiement relatif à la livraison des ‘leads’ serait conditionné à l’obtention d’un taux de transformation (ou de conversion) de 10% (de prospects en clients) et qu’il n’a jamais été question de modérer les tarifs en fonction de ce taux d’ailleurs invérifiable pour elle. Elle précise que ce taux de transformation est quasi-exclusivement conditionné par la bonne utilisation des ‘leads’ qui ont été fournis à la société SHT et qu’il dépend de la qualité du produit de cette dernière, du délai de traitement ou encore de la compétence de son équipe commerciale, mais qu’en tant que prestataire, elle ne peut en aucun cas être tributaire d’un tel paramètre. Elle demande à voir établie une distinction entre le taux de transformation (ou de conversion) et le taux de remplacement évoqué dans son courriel daté du 9 septembre 2021. L’intimée soutient que par courriel du 9 septembre 2021, la société SHT a expressément reconnu avoir un solde de 60 750 euros à son égard mais que malgré plusieurs relances elle n’a pas réglé sa dette. Elle sollicite enfin l’application des dispositions contractuelles relatives à la clause pénale et au taux d’intérêt. Elle indique que les conditions générales de vente prévoient des intérêts de retard fixés à trois fois le taux d’intérêt légal, et cette clause pénale. Sur ce, Selon l’article 873 du code de procédure civile alinéa 2 : ‘Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire’. Ce texte impose donc au juge une condition essentielle avant de pouvoir accorder une provision : celle de rechercher si l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Doivent être précisés les éléments de la contestation qui rendent celle-ci sérieuse. Il sera retenu qu’une contestation sérieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond. À l’inverse, sera écartée une contestation qui serait à l’évidence superficielle ou artificielle et la cour est tenue d’appliquer les clauses claires du contrat qui lui est soumis, si aucune interprétation n’en est nécessaire. Le montant de la provision allouée n’a alors d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée. En vertu de l’article L. 110-3 du code de commerce, la preuve en matière commerciale peut se faire par tous moyens. Selon l’article 1353 du code civil : ‘Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.’ Il est établi par les pièces produites par l’intimée que la société Safe Handling Training et la société Media proximité ont conclu un contrat le 1er avril 2021 matérialisé par la signature d’un bon de commande portant sur ‘5 000 leads formation. Type de formation à valider avec client’, pour un montant total net TTC de 54 000 euros. Il ne ressort pas de ce bon de commande que les résultats obtenus ultérieurement conditionnent la bonne exécution de la transaction et notamment, le paiement du prix. La société Media proximité a ensuite émis trois factures : — n° MPF00041 du 10 mai 2021 d’un montant net TTC de 13 500 euros, — n° MPF00051 du 21 mai 2021 d’un montant net TTC de 27 000 euros, — n°MPF00082 du 17 juin 2021 d’un montant net TTC de 27 000 euros, pour un total de 67 500 euros. Un règlement de 6 750 euros a été effectué le 6 juillet 2021. Il est d’abord observé que par son courriel daté du 9 septembre 2021, la société SHT indique seulement qu’elle est d’accord sur le montant demandé. Elle n’indique pas expressément qu’elle est d’accord sur le prix à payer. Cet échange n’est donc pas suffisant pour établir le bien fondé de la créance réclamée. Il ressort du courriel adressé le 9 septembre 2021 par M. [Z] pour le prestataire intimé à la société SHT que les parties étaient d’accord sur un taux remplacement des ‘leads’ de 10 % (pièce 5 de la société Media proximité). Ce courriel est ainsi rédigé : ‘Pour rappel, pendant la 1ère vague, nous avons mis en place au cours de la campagne plusieurs ajustements tenant compte de vos retours et avons validé avec vous un taux de remplacement de 10% sur la globalité des campagnes ; leads de remplacement certes jamais livrés suite au retard de règlement dejà cumulé’. Au regard des termes de ce courriel le ‘taux de transformation’ (ou de conversion) est de nature différente du ‘taux de remplacement’, sans quoi la deuxième partie de la phrase est incompréhensible. À l’évidence, le taux de transformation concerne le pourcentage de prospects transformés en clients, les ‘leads de remplacement’ n’est qu’un ajustement à la hausse du nombre de prospects livrés, fonction des retours du client et du respect de ses obligations. Il n’existe donc toujours pas de preuve qu’un taux de conversion a été convenu entre les parties qui conditionnerait la bonne exécution de la transaction et notamment, le paiement du prix. La cour relève cependant que l’examen de la facture MPF00041 du 10 mai 2021 d’un montant net TTC de 13 500 euros correspond à une prestation datée du 19 mars 2021 qui n’est de fait pas concernée par le bon de commande daté du 1er avril suivant au titre duquel le prestataire réclame son dû. Dans ces conditions, la provision accordée ne peut être supérieure à 47 250 euros (54 000 – 6750). L’ordonnance sera donc réformée en ce sens. Il est par ailleurs établi qu’outre le remplacement de 10 % des prospects, la société Media proximité a aussi envisagé de diminuer son prix de 30% (cf courriel daté du 7 octobre 2021 adressé par M. [Z] à M. [P] de la société SHT). Dans ces conditions, l’application de la clause pénale est susceptible d’être modérée par le juge du fond en fonction des conditions d’exécution du contrat. Son application échappe aux pouvoirs du juge des référés et de la cour statuant à sa suite ; l’ordonnance sera donc infirmée et il sera dit n’y avoir lieu à référé à ce titre. Les conditions générales de vente prévoient que ‘ Tout retard de règlement rendra immédiatement exigible l’intégralité des créances qui sont dues à MEDIA PROXIMITE. Le retard de paiement entraîne l’application de plein droit d’intérêts de retard fixés à trois fois le taux d’intérêt légal en vigueur (…).’ Le taux d’intérêt réclamé est donc dû. L’ordonnance sera confirmée en ce qu’elle a jugé à ce titre. L’indemnité de recouvrement fixée à 40 euros conformément à l’article D. 441-5 du code de commerce n’est due en revanche que pour deux des trois factures réclamées, conformément à ce qui a été dit précédemment. L’ordonnance sera réformée en ce sens. Sur les demandes accessoires La société SHT n’étant que très marginalement accueillie en son recours, l’ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance. Elle ne saurait prétendre à l’allocation de frais irrépétibles et devra en outre supporter les dépens d’appel. L’équité ne commande pas de faire droit à la demande de l’intimée fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Confirme l’ordonnance rendue le 22 mars 2022 sauf sur le quantum des provisions accordées et sur celle accordée au titre de la clause pénale, Statuant à nouveau des chefs infirmés, Condamne la société SHT à payer à la société Media proximité, à titre provisionnel, la somme de 47 250 euros au titre de la ‘facture émise le 1er avril 2021″, Condamne la société SHT à payer à la société Media proximité, à titre provisionnel, la somme de 80 euros au titre de l’article D. 441-5 du code de commerce, Dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de provision au titre de la clause pénale et sur le surplus des demandes, Y ajoutant, Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, Rejette toute autre demande, Dit que la société SHT supportera la charge des dépens d’appel. Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Nicolette GUILLAUME, président, et par Madame Élisabeth TODINI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Le greffier, Le président, | |