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Si un salarié a connu d’importants troubles psychiques d’anxiété et de stress le contraignant à suivre un traitement anxiolytique, des ordonnances ne permettent pas à la juridiction d’analyser, en l’absence d’un certificat médical descriptif des atteintes les accompagnant.
Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (L. 1152-1 du code du travail).
Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 […], le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles (L. 1154-1 du même code)
Pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il y a lieu d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail.
Dans l’affirmative, il y a lieu d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D’APPEL DE VERSAILLES 6e chambre ARRET DU 21AVRIL 2022 N° RG 19/03338 – N° Portalis DBV3-V-B7D-TNJG AFFAIRE : [I] [Y] C/ SA AMERICAN EXPRESS Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 27 Juin 2019 par le Conseil de Prud’hommes de NANTERRE N° Chambre : N° Section : AD N° RG : 17/02254 LE VINGT ET UN AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX , La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant,fixé au 14 Avril 2022,puis prorogé au 21 Avril 2022, les parties ayant été avisées, dans l’affaire entre : Monsieur [I] [Y] né le 26 Octobre 1981 à [Localité 7] [Adresse 2] [5] Représenté par : Me Patricia TALIMI de la SCP P D G B, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : U0001,substituée par Me ENGELDINGER Amélie,avocate au barreau de Paris ; et Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625. APPELANT **************** SA AMERICAN EXPRESS CARTE FRANCE [Adresse 1] [Localité 3] Représentée par : Me Hugo DICKHARDT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS ; et Me Anne-laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 INTIMEE **************** Composition de la cour : En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 03 Mars 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Isabelle VENDRYES, Président, Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller, Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller, Greffier lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT, Rappel des faits constants La SA American Express, dont le siège social est situé à [Localité 6] dans les Hauts-de-Seine en région Île-de-France, est spécialisée dans l’émission et la commercialisation de moyens de paiement et l’organisation de voyages. Le groupe employait fin 2017 environ 55 000 salariés, dont 2 000 en France et 500 au sein de la société gérant la carte. La convention collective nationale applicable est celle des sociétés financières du 22 novembre 1968. M. [I] [Y], né le 26 octobre 1981, a été engagé par cette société le 3 mai 2010, selon contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de conseiller art de vivre, en charge de fonctions de conciergerie. En 2014, M. [Y] s’est vu confier la mission « mail commun » correspondant au traitement des demandes arrivant par mail. Le 12 avril 2016, à la suite d’un arrêt de travail, le médecin du travail a préconisé un aménagement du poste de travail de M. [Y] en ces termes : « Apte à un poste bien défini avec une mission précise. Les remplacements de collègues doivent être évités. Pas d’appels entrants. » En dernier lieu, M. [Y] percevait une rémunération mensuelle moyenne de 3 341,66 euros, calculée sur la base des trois derniers mois. Par courrier du 6 février 2017, la société American Express a convoqué M. [Y] à un entretien préalable qui s’est déroulé le 21 février 2017. Puis, par courrier du 1er mars 2017, la société American Express a notifié à M. [Y] son licenciement pour insuffisance professionnelle dans les termes suivants : « Depuis le 3 mai 2010, vous occupez le poste de téléconseiller conciergerie au sein de la société American Express Cartes France. Depuis le mois de novembre 2014, vous êtes plus particulièrement en charge du traitement des demandes clients arrivant par mail. Dans le cadre de vos fonctions, vous êtes notamment en charge de répondre aux nouvelles demandes de nos clients, d’assurer le suivi des demandes en cours en répondant aux clients, d’informer ses (vos ‘) collègues de mails arrivant à leur attention. Au regard du contexte et des enjeux, cette fonction nécessite des qualités d’organisation et une très bonne gestion des priorités, de la rigueur et de la précision, une excellente communication avec ses collègues, le respect des process internes. Nous avons constaté que depuis le début de votre activité sur cette mission, vos résultats ne sont pas à la hauteur des objectifs fixés par le management. En effet, vous ne renseignez pas correctement l’outil PSP qui est l’outil de suivi des demandes clients et qui permet d’assurer la qualité du service rendu. L’exactitude des informations contenues dans cet outil est primordiale pour garantir le suivi des dossiers par l’ensemble des membres de l’équipe et pour pouvoir apporter des réponses rapides et adaptées aux demandes des clients. De nombreuses informations clés font défaut : confirmation de la date de réservation du restaurant, mail de demande du client, nouvelles dates convenues, coordonnées du client, etc. Votre manager vous a pourtant rappelé à de très nombreuses reprises la manière dont vous devez renseigner cet outil. Les derniers rappels ont eu lieu aux dates suivantes : 12/12/2016, 29/12/2016, 3/01/2017, 5/01/2017, 06/01/2017, 18/01/2017, 20/01/2017, 6/02/2017. Vous ne respectez pas les procédures en vigueur concernant la gestion des relations avec les partenaires et les clients ce qui crée de la confusion au sein de l’équipe dans la gestion des dossiers et qui dégrade la qualité de la prestation apportée aux clients. A titre d’exemple, le 17 octobre 2016, vous avez envoyé un mail au Stade de [4] en direct alors que ceci est contraire à la procédure qui doit être suivie. Vous ne suivez pas les consignes données par votre manager pour traiter certains dossiers, comme par exemple (extrait d’emails) : — « Dans le dossier PSP en question, tu continues à faire des copier-coller malgré nos différents mails t’indiquant qu’il ne faut pas le faire car c’est illisible, puisque les informations dans le mail sont coupées lorsqu’on fait un copier-coller dans PSP (cf ci-dessous) », — « En reprenant la gestion des WL ce jour, j’ai fait face à de nouveaux manquements dans tes actions et suivis de dossiers. Tu trouveras ci-dessous les dossiers ainsi que mes commentaires : Sur ce dossier pourquoi tu fais un copier-coller de la réponse du CM sans noter l’action que tu as faite ‘ Dans ce cas, est ce que tu as relancé le restaurant ‘ est-ce que tu as fait un accusé réception au client ‘ tu laisses en WL au 18 juin alors que [W] n’est pas là ‘ quelle action faut-il faire précisément le 18 juin alors que la demande est pour le 14 août ‘ D’autant que nous avons alerté toute l’équipe sur le fait de laisser des WL un samedi. Enfin tu ne précises pas où tu as classé le mail du client. Info complémentaire = je t’avais fait un mail hier matin à 9h04 au sujet de ce dossier te demandant de reprendre, créer un nouveau dossier et faire la résa ». « Je fais suite au mail (cf. plus bas) que tu as envoyé en direct au partenaire SDF pour te rappeler que ce n’est pas le process mis en place. En effet, il faut envoyer les bons de commande à [V] qui se charge de les envoyer tous (en groupé) au partenaire. Aucun collaborateur n’envoie en direct au partenaire ses bons de commandes. » — Manque adresse mail du restaurant + profil PSP du CM pas à jour (manque adresse mail du CM + portable du CM pas complet) — Pas de trace de la demande initiale du CM, comme nous te l’avons plusieurs fois rappelé, il(”) — Tu n’indiques pas ou tu classes le mail du CM. — On ne sait pas si tu as confirmé la table au CM ‘ Par téléphone ‘ Par mail ‘ — Tu fermes le dossier alors que c’est une demande spéciale donc il aurait été bon de laisser ouvert en WL pour reconfirmer la table et bien s’assurer que la demande de belle table est prise en compte. — Je vois dans tes échanges avec le client que tu t’excuses de l’erreur de date et lui proposes d’autres dates, mais tu n’as pas mis à jour PSP. Je te laisse faire le nécessaire. Je te rappelle l’obligation de mettre PSP à jour pour le suivi client. (» ”) Votre manager et les membres de l’équipe sont constamment obligés de reprendre votre travail et de mener des actions correctives afin de s’assurer de la qualité des dossiers et d’éviter tout d’impact négatif pour le client. En dehors du risque d’insatisfaction des clients, ceci crée une réelle surcharge de travail pour votre équipe. D’autre part, votre comportement traduit un réel désengagement. Malgré les rappels à l’ordre de votre manager, vous arrivez régulièrement en retard (22/11/2016, 23/11/2015 (2016′), 5/12/2016, 6/12/2016, 16/01/2017, 17/01/2017, 25/01/2017, 26/01/2017, 27/01/2017, 06/02/2017). Vous avez pourtant bénéficié d’un aménagement de vos horaires de travail pour vous faciliter les choses et essayer de remédier à cette problématique. Après avoir testé la plage 9h30-17h30 qui ne vous convenait pas, nous nous sommes accordés sur la plage de 10h30-18h30. De surcroît, nous avons constaté le 26 octobre 2015 que vous aviez programmé un mail automatique afin de justifier vos retards. Réalisant en juin 2016 que la situation risquait de ne pas s’améliorer, nous avons mis en place un accompagnement spécifique afin de vous aider à redresser la situation, portant notamment sur l’utilisation de l’outil PSP et la gestion des dossiers. Afin que cet accompagnement personnalisé soit concluant, vous avez bénéficié durant toute sa durée de : — de mails réguliers contenant des « astuces » sur la manière dont les dossiers doivent être gérés, — de coaching en binôme avec un collègue afin de bénéficier de ses conseils, de comprendre les enjeux de son activité et la meilleure façon de gérer les dossiers, — de support sur la gestion des priorités. Malgré tous ces accompagnements, à ce jour, les résultats ne sont pas parvenus à hauteur des attentes de l’entreprise. Il y a en effet encore trop d’irrégularités dans la gestion des dossiers et de l’outil PSP qui nécessitent un effort supplémentaire de vérification et de corrections de la part de votre manager. Vous ne faites pas non plus preuve de l’attitude et de l’implication nécessaires à l’atteinte des résultats attendus sur votre poste.” Par requête reçue au greffe le 17 août 2017, M. [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre aux fins de contester son licenciement. La décision contestée Par jugement contradictoire rendu le 27 juin 2019, la section activités diverses du conseil de prud’hommes de Nanterre a : — dit et jugé nul le licenciement prononcé par la SA American Express Carte-France à l’encontre de M. [Y], — condamné en conséquence la société American Express Carte-France à payer à M. [Y] les sommes suivantes : . 3 341,66 euros bruts à titre de complément d’indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts au taux légal, à compter du 26 février 2018, . 334,16 euros bruts au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal, à compter du 26 février 2018, . 21 000 euros nets de CSG-CRDS et de cotisations sociales, à titre d’indemnité pour licenciement nul, avec intérêts au taux légal, à compter du 27 juin 2019, . 950 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles de procédure, avec intérêts au taux légal, à compter du 27 juin 2019, — débouté M. [Y] de ses demandes plus amples ou contraires, — rappelé l’exécution de droit à titre provisoire des condamnations ordonnant le paiement des sommes accordées au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, dans la limite de 30 075,03 euros, — ordonné l’exécution provisoire des autres condamnations du jugement, qui doivent être consignées, — ordonné à la société American Express Carte-France de consigner, dans le mois de la notification de la présente décision, à la caisse des dépôts et consignations les sommes suivantes : . 21 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul, . 950 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles de procédure, — dit qu’à défaut de consignation dans le délai prescrit, la présente décision devient exécutoire par provision, — dit que M. [Y] pourra se faire remettre les fonds ainsi consignés sur présentation d’un certificat de non-appel ou d’un arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles à hauteur des sommes allouées par cette juridiction, — condamné la société American Express Carte-France aux entiers dépens comprenant notamment les frais éventuels de signification et d’exécution forcée du présent jugement, par voie d’huissier. M. [Y] avait demandé au conseil de prud’hommes : — constater la nullité de son licenciement en raison de discrimination et de harcèlement moral, — constater l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, — requalifier sa mission ‘mail commun’ en avenant au contrat de travail, — reconnaître en conséquence son statut cadre, — condamner sur la base d’un salaire moyen de 3 341,66 euros la société American Express au paiement des sommes suivantes : . 50 000 euros d’indemnité nul à titre principal ou pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire, . 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, . 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité en matière de harcèlement moral et discrimination, . 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour utilisation abusive de son droit à l’image en 2012, . 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour utilisation abusive de son droit à l’image de en 2015, . 15 000 euros au titre du travail dissimulé, . 300 euros/unité au titre du rappel de primes de missions, . 3 341,66 euros au titre du troisième mois de préavis, . congés payés afférents : 334,16 euros, . 1 442 euros au titre de la prime de performance, . 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, — ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir, — ordonner les intérêts. La procédure d’appel M. [Y] a interjeté appel du jugement par déclaration du 19 août 2019 enregistrée sous le numéro de procédure 19/03338. Prétentions de M. [Y], appelant Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 25 février 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, M. [Y] demande à la cour d’appel de : — confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que son licenciement était nul, — confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société à verser le 3ème mois de préavis, outre les congés payés, — infirmer le jugement en ce qu’il a entendu limiter les condamnations de la société American Express Carte-France au paiement des sommes suivantes : . 3 341,66 euros bruts à titre de complément d’indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts au taux légal, à compter du 26 février 2018, . 334,16 euros bruts au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal, à compter du 26 février 2018, . 21 000 euros nets de CSG-CRDS et de cotisations sociales, à titre d’indemnité pour licenciement nul, avec intérêts au taux légal, à compter du 27 juin 2019, . 950 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles de procédure, avec intérêts au taux légal, à compter du 27 juin 2019, — infirmer le jugement querellé en ce qu’il l’a débouté de ses autres demandes, en conséquence, — constater la nullité de son licenciement en raison de discrimination et de harcèlement moral à titre principal — constater à tout le moins, l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement à titre subsidiaire, — requalifier sa mission « mail commun » en avenant au contrat de travail à durée indéterminée du 1er octobre 2014, — reconnaître en conséquence son statut cadre, — constater qu’il n’a pas été payé de l’ensemble de son préavis et de ses primes, — condamner sur la base d’un salaire moyen de 3 341,66 euros, la société American Express au paiement des sommes suivantes : . 50 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul à titre principal ou pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire, . 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, . 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement par l’employeur à son obligation de sécurité en matière de harcèlement moral et discrimination, . 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour utilisation abusive de son droit à l’image en 2012, . 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour utilisation abusive de son droit à l’image en 2015, . 15 000 euros au titre du travail dissimulé, . 300 euros par unité au titre du rappel de primes de missions non compensées, . 3 341,66 euros au titre du troisième mois de préavis, outre les congés payés de 334,16 euros en raison de son statut de travailleur handicapé, . 1 442 euros au titre de la prime de performance Q1 2017 et 144,20 euros au titre des congés payés. L’appelant sollicite en outre les intérêts au taux légal à compter de l’introduction de la demande et une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Prétentions de la société American Express, intimée Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 15 décembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société American Express conclut à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris et demande donc à la cour d’appel de : à titre principal, — réformer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a octroyé à M. [Y] un complément d’indemnité compensatrice de préavis de 3 341,66 euros bruts outre 334,16 euros bruts au titre des congés payés afférents, — débouter M. [Y] de l’intégralité de ses demandes, à l’exception toutefois de la demande relative au troisième mois de préavis à hauteur de 3 341 euros bruts, à titre subsidiaire, si par extraordinaire le licenciement de M. [Y] devait être reconnu nul ou dénué de cause réelle et sérieuse, — limiter le montant de l’indemnisation sollicitée à la somme de 20 000 euros bruts correspondant à six mois de salaire, — limiter le montant du rappel de préavis à la somme de 3 341 euros bruts équivalente au troisième mois de préavis dont M. [Y] aurait dû bénéficier, — débouter M. [Y] de l’ensemble de ses demandes accessoires. Elle sollicite une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Par ordonnance rendue le 2 février 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 3 mars 2022. À l’issue des débats, il a été proposé aux parties de recourir à la médiation, ce qu’elles ont décliné. MOTIFS DE L’ARRÊT Sur la discrimination L’article L. 1132-1 du code du travail dispose : « Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d’un mandat électif local, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français ». L’article L. 1134-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. A l’appui de son allégation de discrimination en raison de son état de santé, M. [Y] fait état du fait que la société ne pouvait ignorer que les périodes visées par ses reproches coïncident avec de longs arrêts de travail liés à sa pathologie, malgré laquelle, il a fait preuve de ténacité et d’engagement, qu’il avait averti sa hiérarchie de ses problèmes de santé tout en assurant faire le nécessaire pour remplir ses objectifs lors de l’entretien semi-annuel du mois d’août 2016, qu’il a rencontré à plusieurs reprises Mme [Z], RH handicap, pour lui faire part de ses problèmes de santé et de sa dégradation à mesure que ses responsables mettaient tout en oeuvre pour l’évincer, qu’il a même été reconnu travailleur handicapé par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de [5]. Il explique qu’il a réalisé des tests suite à l’apparition d’acouphènes liés à son activité professionnelle au sein d’American Express, nécessitant à ce jour la mise en place d’un appareillage, particulièrement onéreux, que le rapport entre la détérioration de l’oreille gauche due à son travail dans un centre d’appel pendant sept ans a bien été inclus dans l’étude du dossier MDPH et a pesé fortement sur l’aggravation de son état de santé et la réévaluation de son niveau d’invalidité. Cette perte auditive, s’accompagne d’acouphènes, ce qui a été confirmé par son psychiatre et son médecin traitant. Il prétend que la société, qui a signé un accord sur le handicap visant notamment à prévenir toute discrimination des salariés concernés, aurait dû lui proposer un reclassement, ce qu’elle n’a pas fait, qu’au contraire, elle a mis en oeuvre des manoeuvres discriminatoires visant à l’évincer. M. [Y] produit l’évaluation de milieu d’année 2016 (performance review 2016 mid-year assessment), qui ne fait cependant pas état de ses problèmes de santé, y compris dans la rubrique « champ libre » (pièce 6 du salarié). Le salarié ne justifie pas davantage avoir rencontré Mme [Z], RH handicap, comme il le prétend. Ce fait n’est donc pas matériellement établi. Concernant son statut de travailleur handicapé, celui-ci lui a été reconnu à compter du 14 février 2017 (sa pièce 19) alors que la procédure de licenciement a été engagée par l’envoi de la convocation à un entretien préalable le 6 février 2017, de sorte qu’il ne peut être reproché à la société d’avoir ignoré ce statut. Les pièces médicales produites, concernant les acouphènes, datent pour la plus ancienne d’octobre 2017, soit après le licenciement. Enfin, le rapprochement entre les reproches formulés à l’encontre du salarié, tels qu’il résulte des termes de la lettre de licenciement, et ses arrêts maladie, lesquels ont été nombreux depuis 2014, à chaque fois de courte durée, soit par exemple, 3 jours, 6 jours, 1 jour, 4 jours, le plus long ayant duré 15 jours, du 3 au 17 novembre 2016 (tableau récapitulatif des arrêts de travail de M. [Y], sa pièce 29) ne permet pas d’établir la corrélation revendiquée par M. [Y]. Il en résulte que M. [Y] ne présente pas d’éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, qu’il sera en conséquence débouté de cette prétention. Sur le harcèlement moral En application des dispositions de l’article L. 1152-1 du code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. » Aux termes de l’article L. 1154-1 du même code, « Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 […], le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. » Pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il y a lieu d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il y a lieu d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. M. [Y] invoque à l’appui de son allégation différents éléments de fait. Le salarié se plaint d’une augmentation des cadences et du volume du travail et des pressions accrues émanant de sa hiérarchie, à compter de décembre 2014, quand il s’est vu confier la mission « mail commun ». Il prétend que le changement de hiérarchie intervenu a généré un stress puisqu’il était exigé de lui plus de productivité en multipliant ses objectifs, ce qu’il ne pouvait refuser sous peine d’être « dans le collimateur » de la direction. Il indique avoir alerté de sa surcharge de travail sa hiérarchie, qui n’a rien mis en oeuvre pour y remédier. Pour justifier d’une surcharge de travail, M. [Y] produit, pêle-mêle une multitude de courriels qui, sans aucun commentaire ni aucune comparaison avec une charge de travail de référence, ne permettent pas de caractériser une surcharge de travail (pièce 13 du salarié). Il résulte du compte-rendu d’un entretien du 2 juin 2016 qu’avant 2014, le mail commun était géré à tour de rôle par tous les concierges mais cette activité s’étant développée, la direction a décidé de confier cette tâche/mission à une seule personne et M. [Y] en a été chargé mais qu’en contrepartie, il ne gérait plus d’appels téléphoniques excepté le samedi (effectifs réduits) ou en cas d’événements particuliers le nécessitant (pièce 27 du salarié). Le salarié ne justifie pas davantage que ses objectifs ont été multipliés, les évaluations de performances 2015 et 2016 qu’il produit à ce titre n’y faisant pas référence (pièce 6 du salarié). M. [Y] se plaint, qu’à compter de 2016, ses conditions de travail au sein de la société se sont dégradées significativement du fait d’un absentéisme record et de cadences de travail insoutenables. Pour en justifier, le salarié produit plusieurs courriels, qui ne permettent cependant pas de retenir des conditions de travail dégradées du fait d’un absentéisme important, étant observé que le salarié a lui-même participé à l’absentéisme dénoncé (pièce 15 du salarié). M. [Y] fait état qu’en avril et mai 2016, ses responsables n’ont plus pris la peine de s’adresser à lui de vive voix sur les dossiers traités, l’amenant ainsi à faire plus d’erreurs, ce qui a occasionné chez lui une aggravation de son état de santé. Il indique que ses supérieures hiérarchiques, Mme [U] et Mme [E], utilisaient un ton particulièrement hautain et arrogant à son égard. Les courriels produits par le salarié ne dénotent toutefois pas un ton inadapté à des relations professionnelles, lesquelles impliquent des demandes d’informations, des directives, des observations, voire des sanctions. M. [Y] reproche à son employeur d’avoir refusé qu’il prenne l’intégralité de ses congés payés pour 2014, 2015, 2016 et 2017. Il produit des courriels dont il résulte que Mme [L], chargée de la gestion des congés payés au sein de l’entreprise, lui a répondu : — le 17 octobre 2016 : « Bonjour [I], je suis désolée mais je ne peux plus ajouter de congés sur la période de Noël/jour de l’an, la deadline du 30 septembre étant passée. », M. [Y] insistant sans produire la réponse apportée. — le 4 janvier 2017 : « Bonjour [B], je souhaiterais poser des CP pour le mois de mars du 6 au 10 inclus. Peux-tu ajouter la journée du 14/02 ‘ (apparemment, j’ai encore beaucoup de congés à poser…) », Mme [L] a répondu : « Je te confirme la semaine du 6 au 10 mars pour 5 CP. En revanche, ce ne sera pas possible pour le 14 février, je te laisse voir et me communiquer d’autres dates. ». M. [Y] demande alors les 15 et 17 février 2017, Mme [L] lui indiquant que ce n’était pas possible pour la semaine du 14 février (pièce 17 du salarié). Ces deux seules difficultés pendant quatre ans s’inscrivent dans une gestion normale des congés sans que ne puisse être retenue un attitude harcelante de la responsable des congés à ce titre. M. [Y] reproche en dernier lieu à son employeur des changements d’horaires imposés sans concertation. Il justifie d’un changement d’horaires (sa pièce 18) dans le cadre de la mise en oeuvre de l’aménagement demandé par le médecin du travail de « non prise d’appels entrants ». Par courriel du 24 mai 2016, Mme [U] lui a indiqué : « Aussi dans le respect de ton contrat de travail, je t’informe qu’à partir du lundi 6 juin 2016 pour une durée indéterminée à ce jour, tu effectueras les horaires suivants : 10h30-18h30 ». Il résulte des termes du courriel que ce changement d’horaires a été prévu dans le cadre de l’aménagement du poste de travail du salarié, pour optimiser les réponses au plus grand nombre de demandes en décalage horaire, mais également, selon l’employeur, pour tenir compte des nombreux retards constatés. Ce changement, s’inscrivant dans le contexte décrit, ne peut être retenu comme constituant un élément participant d’un processus harcelant. Les éléments médicaux produits par M. [Y] sont insuffisants à caractériser une altération de sa santé physique ou psychique en lien avec ses conditions de travail. Certes, le dossier médical du service des urgences dans lequel M. [Y] a été admis le 10 septembre 2014 mentionne : « Sensation de malaise au travail dans un contexte de surmenage et conflit professionnel (‘) Un homme de 32 ans aurait fait un malaise sur son lieu de travail. Climat de tension dans la vie professionnelle (‘) Malaise vaso vagal dans un contexte d’anxiété et conflit professionnel » (pièce 39 du salarié). Par ailleurs, dans un courrier du 16 septembre 2014 adressé à un confrère, le médecin du travail a préconisé un passage à mi-temps thérapeutique ou un changement de poste (pièce 5 du salarié). Toutefois, si M. [Y] indique avoir connu de nouveau en 2016 d’importants troubles psychiques d’anxiété et de stress le contraignant à suivre un traitement anxiolytique, il ne produit que des ordonnances que la cour n’est pas en mesure d’analyser en l’absence d’un certificat médical descriptif des atteintes les accompagnant. M. [Y] allègue enfin que la gravité de ses troubles psychiques a conduit son médecin traitant à faire une demande de reconnaissance de maladie professionnelle, sans toutefois produire de pièces utiles à l’appui de son affirmation. La cour relève que les éléments retenus sont anciens comme remontant à 2014 tandis qu’une incertitude subsiste sur la nature des troubles invoqués, physiques (perte auditive) ou psychiques. Aucun des faits avancés par le salarié n’étant matériellement établi, l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail doit être écartée. M. [Y] sera débouté de ses demandes spécifiques pour préjudice moral et pour manquement à l’obligation de sécurité fondée sur les mêmes faits. Sur la nullité du licenciement M. [Y] sera en conséquence débouté de sa demande de nullité du licenciement fondée sur une discrimination ou un harcèlement moral, ainsi que de toutes les demandes subséquentes. Sur le bien-fondé du licenciement L’insuffisance professionnelle est constituée par l’incapacité du salarié a remplir correctement ses missions du fait d’une inadaptation à l’emploi ou d’une incompétence. Elle constitue, en tant que telle, une cause réelle et sérieuse de licenciement. L’appréciation des aptitudes professionnelles du salarié et de son adaptation à l’emploi relève du pouvoir de l’employeur. Néanmoins, l’insuffisance professionnelle alléguée à son encontre pour fonder un licenciement doit être justifiée par des éléments précis et concrets de nature à perturber la bonne marche de l’entreprise ou le fonctionnement du service. Pour constituer une cause légitime de rupture, l’insuffisance professionnelle doit être ainsi établie par des éléments objectifs, constatée sur une période suffisamment longue pour ne pas apparaître comme passagère ou purement conjoncturelle, être directement imputable au salarié et non la conséquence d’une conjoncture économique difficile ou du propre comportement de l’employeur. Aux termes de la lettre de licenciement, la société American Express indique s’être trouvée contrainte de rompre le contrat de travail de M. [Y] compte tenu de son activité manifestement insuffisante tant au niveau quantitatif que qualitatif, en dépit d’un accompagnement spécifique de sa hiérarchie pour l’aider à améliorer ses performances. La société American Express produit de nombreux courriels qui reflètent des difficultés au cours d’une période significative, du 5 janvier 2016 au 20 janvier 2017 (pièces 11 à 59 de l’employeur). L’évaluation du 31 décembre 2015 fait état de la satisfaction de son employeur, excepté en ce qui concerne l’autonomie et la communication orale (pièce 6 du salarié). Au titre du soutien apporté au salarié, il sera constaté que Mme [U] a écrit à M. [Y] le 6 juin 2016 en ces termes : « [I], pour faire suite à notre entretien du jeudi 2 juin, je te confirme que tu peux compter sur mon accompagnement afin d’améliorer la qualité de ton travail. A ce titre, tu trouveras le plan d’action auquel j’ai pensé pour l’amélioration de tes dossiers PSP: — dès lors que je constaterai un manquement dans tes dossiers PSP, je t’en informerai par mail dans lequel j’ajouterai la mention « astuces », ceci pour t’aider (au quotidien, effectué par moi-même ou ma binôme team leader, [A]). — je t’enverrai un rappel de conseils précis pour remplir correctement les dossiers PSP afin de n’oublier aucun points (…) — j’appliquerai le coaching duo sur le terrain avec un de tes collègues (non défini pour le moment) afin qu’il puisse te donner sa vision, ses conseils (…) — je t’enverrai des procédures pour t’aider à améliorer ton utilisation de PSP (…) Nous ferons un premier point jeudi 30 juin (je t’enverrai une invitation) afin de voir si ce plan d’action et ces mesures d’accompagnement auront porté leurs fruits. Je reste à ta disposition. Bon après midi à toi » (pièce 38 de la société). Ainsi qu’elle s’en plaint, la société American Express justifie que les résultats de M. [Y] sont restés insuffisants et en baisse constante depuis la prise en charge de ses nouvelles fonctions, qu’il manquait de précision et de rigueur, que les procédures de base censées être acquises devaient lui être rappelées et que les dossiers PSP n’étaient pas tenus correctement. Surtout, face aux difficultés rencontrées, lesquelles sont illustrées notamment par les différents exemples rappelés dans la lettre de licenciement, il est démontré que M. [Y] a fait preuve de peu de réactivité et d’un manque d’implication, refusant de se remettre en question. Enfin, il est démontré que les manquements professionnels de M. [Y] ont perduré pendant une longue période. M. [Y] considère que les reproches qui lui sont faits par son employeur, ne relève pas d’une insuffisance professionnelle mais de son impossibilité de gérer l’ensemble des tâches qui lui étaient confiées, outre un harcèlement moral. Ces prétentions ayant cependant été écartées, la surcharge de travail n’étant pas objectivée. M. [Y] soutient encore que la mission « mail commun » a engendré une modification de ses fonctions et de nouvelles responsabilités, sans qu’il ne bénéficie d’aucun accompagnement. Il résulte toutefois des explications données par l’employeur que c’est pour tenir compte de l’aménagement du poste préconisé par le médecin du travail, excluant que M. [Y] prenne des appels téléphoniques, qu’il a été proposé que le salarié gère les mails, auparavant répartis entre tous les concierges, et ne prenne plus d’appels entrants. Ces fonctions était considérées comme temporaires par l’employeur, au regard des termes de l’avis médical, et elles consistaient à confier à une seule personne, des tâches connues auparavant réparties entre tous les concierges. Elles ne s’inscrivaient donc pas dans la (le) cadre d’une promotion, ni n’impliquaient de nouvelles responsabilités, comme le soutient à tort le salarié. Contrairement à ce que soutient encore M. [Y], il bénéficiait de la fixation d’objectifs, d’une part chiffrés sur la satisfaction des clients (RTF), le nombre de formations réalisées, les pertes comptabilisées, le retour verbal des clients (verbal ID) et les termes et conditions (applications de process), d’autre part des objectifs de leadership. M. [Y] prétend encore qu’il aurait dû bénéficier du statut cadre, compte tenu de son niveau de responsabilité, de son autonomie, de son absence d’encadrement et de la possibilité de faire évoluer sa fonction, du fait de cette nouvelle fonction. M. [Y], qui est téléconseiller conciergerie, statut agent de maîtrise (technicien supérieur niveau B), coefficient 325, ne démontre pas que les fonctions qu’il exerçait relevaient du statut cadre. En effet, la qualification attribuée à M. [Y], selon les dispositions de la convention collective, correspondait aux fonctions suivantes : « Le technicien à ce coefficient traite des opérations complexes nécessitant des connaissances approfondies ainsi qu’une expérience suffisante, comportant une part d’initiative et lui permettant une fonction d’animation et d’encadrement d’un groupe de salariés relevant en principe des qualifications précédentes. » et était donc cohérente avec une part d’initiative, telle qu’elle est revendiquée (est-ce le bon terme ‘) par le salarié, et le traitement d’opérations complexes. En revanche, la classification revendiquée par M. [Y] impliquait un niveau d’expertise supérieur, dont ne justifie pas le salarié, au demeurant en difficulté dans l’exercice de ses fonctions. Cette prétention doit donc être écartée. Il se déduit de l’ensemble de ces éléments que le licenciement pour insuffisance professionnelle prononcé par la société American Express à l’égard de M. [Y] est bien fondé. Il s’ensuit le rejet des demandes subséquentes de M. [Y]. Sur le non-respect du droit à l’image M. [Y] reproche à la société American Express d’avoir utilisé son nom de famille et son image à l’occasion de deux campagnes publicitaires, en 2012 et en 2015. Il prétend qu’il lui a été demandé de se mettre à la disposition de son employeur pendant plus de 8 heures lors d’un shooting photo en studio, sans qu’il n’ait perçu aucune rémunération à ce titre. Il sollicite l’allocation de dommages-intérêts de 10 000 euros pour la publicité de 2012 et la même somme pour celle de 2015 pour utilisation abusive de son image. La société American Express oppose la prescription pour la première demande, sans toutefois reprendre cette demande dans le dispositif de ses conclusions. Elle soutient principalement qu’il ne s’agissait pas d’une campagne publicitaire mais d’une simple plaquette de présentation des concierges, adressée aux clients. Elle indique que le shooting a eu lieu pendant les heures de travail au cours de la matinée du 28 février 2011 et que les seules photographies individuelles faites sont une du visage et une du buste tandis qu’ont été prises des photographies collectives des concierges. Sur ce, il est constant qu’en vertu de l’article 9 du code civil, le droit dont la personne dispose sur son image, fondé sur la notion de droit au respect de la vie privée, ouvre droit, en cas d’atteinte, à une indemnisation. La cour constate cependant ici que M. [Y], sur qui pèse la charge de la preuve d’une atteinte portée à son image, ne produit aucune pièce utile à l’appui de sa prétention, notamment pas le document critiqué, et ce faisant, ne met pas la cour en mesure d’apprécier la réalité de l’atteinte invoquée. Celui-ci sera débouté de sa demande, par confirmation du jugement entrepris. Il s’ensuit par voie de conséquence le rejet de la demande au titre du travail dissimulé, faute pour le salarié de démontrer la réalité d’heures de travail réalisées mais non rémunérées. Sur les primes sur missions et de performance M. [Y] sollicite le paiement d’un rappel de primes sur missions non compensées à hauteur de 300 euros par unité et une prime de performance de 1 442 euros pour le premier trimestre 2017. Il explique qu’en 2014, il s’est vu attribuer une nouvelle mission « mail commun » sans qu’aucune méthode de mesure spécifique et cohérente de sa performance ne soit mise en place par sa hiérarchie. Il prétend qu’il aurait dû bénéficier de ce fait de primes, comme ont pu en avoir ses collègues. La société American Express s’oppose à la demande. Elle rappelle que M. [Y] a perçu une prime de performance de 705 euros au titre du quatrième trimestre 2016, une prime de 910 euros au titre du premier trimestre 2017 et indique que le salarié n’apporte pas la moindre justification à ces demandes. Faute de justifier de ses demandes, M. [Y] en sera débouté, par confirmation du jugement entrepris. Sur le rappel de préavis découlant du statut de travailleur handicapé M. [Y] sollicite le paiement d’une somme de 3 341,66 euros à ce titre, se prévalant des dispositions de l’article L. 5213-9 du code du travail. La société American Express estime cette demande justifiée en droit. Elle demande donc qu’il lui soit donné acte qu’elle accepte de régler cette somme, correspondant à un mois de salaire. Compte tenu de cette reconnaissance, il y a lieu de donner acte à l’employeur qu’il accepte de payer cette somme et à défaut, de l’y condamner, par confirmation du jugement entrepris. Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure M. [Y], qui succombe dans ses prétentions, supportera les dépens en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile. Pour des considérations tirées de l’équité, société American E sera déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. M. [Y] sera débouté de sa demande présentée sur le même fondement. Le jugement de première instance sera infirmé en ses dispositions concernant les dépens et les frais irrépétibles. PAR CES MOTIFS La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire, CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nanterre le 27 juin 2019, excepté en ce qu’il a dit nul le licenciement et condamné la SA American Express à payer à M. [I] [Y] les sommes suivantes : . 21 000 euros nets de CSG-CRDS et de cotisations sociales, à titre d’indemnité pour licenciement nul, avec intérêts au taux légal, à compter du 27 juin 2019, . 950 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles de procédure avec intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2019, outre les dépens, Statuant à nouveau et ajoutant, DÉBOUTE M. [I] [Y] de sa demande principale de nullité du licenciement et de sa demande subsidiaire tendant à voir dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, DÉBOUTE M. [I] [Y] de toutes ses demandes subséquentes, DÉBOUTE la SA American Express de sa demande présentée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, DÉBOUTE M. [I] [Y] de sa demande présentée sur le même fondement, CONDAMNE M. [I] [Y] au paiement des entiers dépens. Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code procédure civile et signé par Madame Isabelle VENDRYES, Président, et par Madame BOUCHET-BERT Elodie,Greffière,auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT | |