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En application du principe général du droit selon lequel la fraude corrompt tout, le dépôt d’une marque est susceptible d’être qualifié de frauduleux dès lors qu’il porte atteinte aux intérêts d’un tiers, notamment lorsqu’il a été effectué dans l’intention de priver illégitimement autrui d’un signe nécessaire à son activité, présente ou future et/ou de s’approprier indûment le bénéfice d’une opération légitimement entreprise ou d’y faire obstacle en lui opposant la propriété de la marque frauduleusement obtenue.
La Cour de justice de l’Union européenne a posé en principe que la notion de mauvaise foi constitue une notion autonome du droit de l’Union qui doit être interprétée de manière uniforme dans l’Union (CJUE, 29 janvier 2020, C-371/18, §73 ; CJUE, 27 juin 2013, aff. C- 320/12), et pour laquelle il convient de prendre en compte tous les facteurs pertinents propres au cas d’espèce appréciés globalement au moment du dépôt de la demande d’enregistrement, et notamment de prendre en considération l’intention du déposant par référence aux circonstances objectives du cas d’espèce.
A cet égard, la mauvaise foi est susceptible d’être retenue lorsqu’il ressort « d’indices pertinents et concordants que le titulaire d’une marque a introduit la demande d’enregistrement de cette marque non pas dans le but de participer de manière loyale au jeu de la concurrence, mais avec l’intention de porter atteinte, d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts de tiers, ou avec l’intention d’obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque, notamment de la fonction essentielle d’indication d’origine » (CJUE, 29 janvier 2020, Skykick, C 371/18, §75).
La mauvaise foi est aussi retenue lorsque la marque a été déposée : « sans que le demandeur ait aucune intention de l’utiliser pour les produits et services visés par cet enregistrement » (CJUE, Skykick, 29 janvier 2020, C-371/18, §77).
Enfin, le caractère frauduleux du dépôt s’apprécie au jour du dépôt et ne se présume pas, la charge de la preuve de la fraude pesant sur celui qui l’allègue (arrêt du TUE du 23/05/2019, n° T -3/18, § 34).
En effet, il ressort de la jurisprudence que « la mauvaise foi du demandeur d’une marque ne saurait [donc] être présumée sur la base du simple constat que, au moment du dépôt de sa demande d’enregistrement, ce demandeur n’avait pas d’activité économique correspondant aux produits et aux services visés par ladite demande » (CJUE, 29 janvier 2020, SKY, C 371/18, § 78, précité).
Il a été jugé que le dépôt de la marque Vendôme par la Commune du même nom n’a pas été fait de mauvaise foi.
Il ressort des éléments rapportés par le titulaire de la marque contestée que la marque contestée est apposée sur divers produits, tels que des couteaux, des fourchettes, des tire- bouchons, des coupe-papiers, des chocolats et du vins et que la commune communique sous cette marque pour promouvoir ses services, traduisant ainsi la volonté de celle-ci de promouvoir une activité autour de son nom.
Ainsi, si la marque contestée n’a pas été utilisée en lien avec les produits de la bijouterie il ne saurait être présumé que la commune de Vendôme a déposé la marque contestée pour ces produits à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque.
Par ailleurs, rien ne permet d’affirmer que la commune a déposé la marque contestée dans le but de mettre en place une position de blocage susceptible de nuire aux intérêts des tiers.
La mauvaise foi s’apprécie au jour du dépôt et s’il peut être tenu compte du comportement de tiers, les cessions partielles de propriété ne sauraient refléter l’intention de la commune au jour de dépôt de la marque contestée, le 30 mars 2012, dans la mesure où il ne ressort pas des pièces que la commune et le titulaire de la marque contestée entretenaient déjà des relations à cette période.
De fait, la démonstration de la fraude doit toujours être apportée « sur la base d’éléments objectifs sur lesquels il est possible de fonder une appréciation certaine des intentions de l’autre partie » (TUE, 9 juillet 2015, aff. T-100/13 point 43 ; également TUE, 7 juillet 2016, T-82/14 point 33 cité par la partie adverse en J-9) ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Dans ces conditions, il n’est nullement démontré en quoi le dépôt de la marque contestée a été réalisé dans une intention malhonnête de priver illégitimement autrui d’un signe nécessaire à son activité.
NL 21-0115 Le 01/07/2022 DECISION STATUANT SUR UNE DEMANDE EN NULLITE **** LE DIRECTEUR GENERAL DE L’INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE; Vu le Code de la propriété intellectuelle dans sa version issue de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 et notamment ses articles L.411-1, L. 411-4, L. 411-5, L. 711-1 à L.711-3, L. 714-3, L. 716-1, L.716-1-1, L.716-2 à L. 716-2-8, L.716-5, R. 411-17, R.714-1 à R.714-6, R. 716-1 à R.716-13, et R. 718-1 à R. 718-5 ; Vu le Code de la propriété intellectuelle dans sa version issue de la loi n° 92-597 du 1er juillet 1992 et notamment ses articles L.711-1 à L.711-4, L. 713-2, L.713-3 et L.714-3 ; Vu l’arrêté du 24 avril 2008 modifié par l’arrêté du 9 décembre 2019 relatif aux redevances de procédure perçues par l’Institut national de la propriété industriElle ; Vu l’arrêté du 4 décembre 2020 relatif à la répartition des frais exposés au cours d’une procédure d’opposition à un brevet d’invention ou de nullité ou déchéance de marque ; Vu la décision n° 2020-35 du Directeur Général de l’Institut National de la Propriété IndustriElle relative aux modalités de la procédure en nullité ou en déchéance d’une marque. Siège Institut national de la propriété industriElle 15 rue des Minimes – CS 50001 92677 COURBEVOIE Cedex Téléphone : +33 (0)1 56 65 89 98 Télécopie : +33 (0)1 56 65 86 00 www.inpi.fr Établissement public national créé par la loi n° 51-444 du 19 avril 1951 I.- FAITS ET PROCEDURE 1. Le 3 juin 2021, les sociétés anonymes VAN CLEEF & ARPELS et CARTIER INTERNATIONAL AG (les demandeurs) ont présenté une demande en nullité enregistrée sous la référence NL21-0115 contre la marque n° 12 / 3911004 déposée le 30 mars 2012, ci-dessous reproduite : L’enregistrement de cette marque, dont était titulaire la commune de Vendôme, a été publié au BOPI 2012-49 du 7 décembre 2012. La société par actions simplifiée LOUIS VUITTON MALLETIER est devenue titulaire de la marque contestée pour les produits des classes 18 et 14 par suite de transmissions partiElles de propriété inscrites respectivement sous les n°752282 et 818650, publiées au BOPI 2019-17 du 26 avril 2019 et au BOPI 2021-19 du 14 mai 2021. Le 24 février 2022, la marque contestée a été renouvelée uniquement pour les produits des classes 14 et 18. 2. La demande en nullité porte sur une partie des produits pour lesquels la marque contestée est enregistrée, à savoir : « Classe 14 : Joaillerie ; bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques ; métaux précieux et leurs alliages ; monnaies ; objets d’art en métaux précieux ; coffrets à bijoux ; boîtes en métaux précieux ; boîtiers, bracelets, chaînes, ressorts ou verres de montre ; porte-clefs de fantaisie ; statues ou figurines (statuettes) en métaux précieux ; étuis ou écrins pour l’horlogerie ; médailles. » 3. Le demandeur invoque les motifs absolus suivants : « Le signe est dépourvu de caractère distinctif » et « La marque a été déposée de mauvaise foi ». 4. Un exposé des moyens a été versé à l’appui de cette demande en nullité. 5. L’Institut a informé le titulaire de la marque contestée de la demande en nullité et l’a invité à se rattacher au dossier électronique, par courrier simple envoyé à l’adresse indiquée lors des transmissions partiElles de propriété, ainsi que par courriers simple et électronique au mandataire ayant procédé à l’inscription de ces transmissions de propriété. 6. La demande en déchéance a été notifiée au mandataire ayant procédé au rattachement au dossier électronique par courrier recommandé en date du 13 juillet 2022, reçu le 16 juillet 2022. Cette notification l’invitait à présenter des observations en réponse et produire toutes pièces que qu’il estimerait utiles. 7. Au cours de la phase d’instruction, le titulaire de la marque contestée a présenté deux jeux d’observations en réponse auxquels les demandeurs ont répondu deux fois, dans les délais impartis. 8. Une audition ayant été accordée suite à la requête du titulaire de la marque contestée, les parties ont été invitées, par courriers du 15 février 2022, à présenter des observations orales, en application de l’article R.416-6, le 11 avril 2022 à 14h30. 9. L’audition a eu lieu le 11 avril 2022 en présence des deux parties qui ont chacune présenté des observations. 10. Le jour de présentation des observations orales marquant la fin de la phase d’instruction, conformément aux dispositions des articles R.716-6 et R.716-8 du Code de la propriété intellectuelle, les parties ont été informées de la date de fin de la phase d’instruction, à savoir le 10 mai 2021. Prétentions des demandeurs 11. Dans son exposé des moyens, les demandeurs : — Font notamment valoir que l’usage du terme VENDÔME est compris comme une référence à la place Vendôme ; En effet, pour le public français, le terme VENDÔME, s’il désigne la commune du Loir-et- Cher et la famille de Vendôme, renvoie dans son acception la plus courante à la place Vendôme, seule à bénéficier d’une notoriété incontestable qui s’étend au-delà des frontières ; La place Vendôme étant synonyme de luxe et l’écrin de nombreux joaillers, bijoutiers et horlogers, le public français associe ainsi le terme VENDÔME à l’univers du luxe et à la bijouterie-joaillerie-horlogerie. Un sondage réalisé auprès du public en France est joint à l’appui de cette argumentation ; — Relèvent s’agissant du dépôt de mauvaise foi pour les produits de la classe 14 : o Un enregistrement sans motif commercial raisonnable. A cet égard, les déclarations du maire de Vendôme démontrent que la mairie avait connaissance de l’absence du caractère distinctif de la marque contestée pour les produits de la classe 14 et a procédé au dépôt de celle-ci dans le but d’en monnayer le droit de marque ; o La volonté du déposant et de son cessionnaire de s’approprier une dénomination déjà réputée. La commune de Vendôme tenterait de tirer profit de son homonymie avec la célèbre place, en sorte que le dépôt de la marque contestée VENDÔME s’inscrirait dans une démarche globale de référence à cette place visant à valoriser la ville de Vendôme ; L’appropriation indue du terme VENDÔME se serait fait en concertation avec le titulaire de la marque contestée et dans son intérêt ; o L’enregistrement du même signe pour les mêmes produits et services en 2012, puis en 2019 aurait été réalisé afin d’échapper à la déchéance pour non-usage ; — Soulèvent l’absence de caractère distinctif du signe verbal VENDÔME pour désigner des produits de la classe 14, dans la mesure où les deux tiers des français associent la marque contestée à la bijouterie-joaillerie-horlogerie. 12. Dans leurs premières observations, les demandeurs, tout en réitérant leurs arguments, notamment font valoir : — En réponse au titulaire de la marque contestée qui invoque une irrecevabilité de la demande : o S’agissant de l’exposé des moyens déposé dans le cadre de la présente procédure commun à celui versé dans la cadre de la demande en nullité NL21-0116, que le titulaire de la marque contestée n’a eu aucune difficulté à distinguer les griefs invoqués dans chaque procédure ; Ils ont supprimé toutes références « aux marques contestées » dans chacune des procédures et reformulé leurs demandes pour ne viser que les textes applicables au jour des dépôts des marques contestées ; o S’agissant de la légitimité de la procédure, qu’il est faux d’affirmer que « la personne réellement visée par l’action n’est pas partie à la procédure », le titulaire de la marque contestée n’ayant eu aucune difficulté à faire valoir son point de vue, ainsi que celui du déposant initial ; — Que l’acceptation la plus courante du terme VENDÔME est celle de la place et que l’association de ce terme à la place a été démontrée par les différentes pièces versées au débat ; — Que le dépôt du nom d’une collectivité territoriale est soumis aux mêmes dispositions que tout autre dépôt de marque et que procéder à un tel dépôt afin d’éviter les déboires de la commune de Laguiole confirme que celui-ci n’était justifié que « par une volonté de se constituer un droit sur le terme VENDÔME, non de proposer les produits désignés en classe 14 dans la vie des affaires » ; — Que les dispositions du code de la propriété intellectuelle n’ont pas vocation à interdire aux tiers le dépôt de marque identifiant une collectivité territoriale ; — Qu’aussi bien les dires du titulaire de la marque contestée que les réactions de la presse suscitées par les cessions des marques VENDÔME ou encore le fait que la commune tente de tirer profit de la renommée de la place Vendôme démontrent que VENDÔME véhicule bien une référence à la place ; — Que les marques contestées [la présente marque déposée en 2012 et celle déposée en 2019] ont été déposées pour des produits identiques, ce qui témoignerait d’une volonté de détourner le système des marques pour se constituer un droit de blocage sur le signe VENDÔME ; — Que l’absence de distinctivité du terme VENDÔME pour les produits désignés en classe 14 est corroborée notamment par des articles de presse, un sondage, les déclarations du déposant comme du titulaire de la marque contestée, et plusieurs décisions de l’INPI et de l’EUIPO. 13. Dans leurs secondes observations, les demandeurs ont, tout en réitérant leurs arguments, notamment fait valoir que : — Il n’y a pas de délai qui rendrait impossible la régularisation des demandes et que rejeter lesdites demandes serait contraire à une bonne administration de la procédure ; — Prétendre que la marque contestée ne pourrait faire l’objet d’une demande en nullité en raison du fait que leur titulaire n’en aurait pas effectué le dépôt reviendrait à donner blanc- seing au déposant de mauvaise foi ; — Le titulaire de la marque contestée confond l’atteinte à son nom et la validité du dépôt. Ils demandent en outre à ce que soit mis à la charge du titulaire de la marque contestée la somme de 1200 euros au titre des frais exposés. 14. Dans leurs observations orales, les demandeurs ont réitéré leurs précédents arguments et notamment insisté sur le fait que : – En l’absence de texte, la nullité de la demande ne peut être prononcée ; – La question est de savoir s’il est possible de s’approprier un tel terme pour les produits de la classe 14 et si le signe peut en garantir l’origine ; — Le titulaire de la marque contestée fait abstraction du fait qu’il doit être établi un lien entre le signe contesté et les produits, lequel a été démontré en l’espèce ; – La protection du nom des communes est étranger au droit des marques et que la commune ne cesse de jouer sur son homonymie avec la place. A l’appui de leurs observations, les demandeurs ont communiqué les pièces suivantes : – Pièce n°1 : Etat des inscriptions de la marque n°3911004 – Pièce n°2 : Publication Facebook du maire de Vendôme – Pièce n°3 : « Place Vendôme », Wikipedia.org – Pièce n°4 : « L’histoire de la Place Vendôme », ParisBalade.fr – Pièce n°5 : « Place Vendôme », ParisCityVison.com – Pièce n°6 : « Visitez la Place Vendôme, une des places les plus magnifiques de France », Place- Vendôme.fr – Pièce n°7 : « Les Vendôme », Encyclopédie Universalis – Pièce n°8 : « Villes moyennes (France) », geoconfluences.ens-lyon.fr – Pièce n°9 : Recherche pour « Vendôme », Encyclopédie Universalis – Pièce n°10 : « Connait-on Vendôme place Vendôme? », LaNouvElleRépublique.fr – Pièce n°11 : Rapport d’étude sur l’usage du terme « Vendôme » dans la presse, FLA Consultants, 2021 – Pièce n°12 : Rapport d’étude « Vendôme », Corsearch, 2021 – Pièce n°13 : « Ça balance pas mal place Vendôme », LOfficiel.com – Pièce n°14 : « M B : « Vendôme est maintenant, pour nous, le centre du monde » », Le Figaro Madame – Pièce n°15 : « Louis Vuitton s’empare du droit de marque « Vendôme » », FashionNetwork.com – Pièce n°16 : « Le quartier de la place Vendôme, Luxe tout simplement », Bookaflat.com – Pièce n°17 : « La Place Vendôme : Le Triangle D’or Des Joailliers Parisiens », Gralon.net – Pièce n°18 : « Place Vendôme : le nouvel écrin de Louis Vuitton », LeMonde.fr – Pièce n°19 : « Place Vendôme, écrin des joailliers », LePoint.fr – Pièce n°20 : « Après Tiffany, B A (LVMH) met la main sur la marque Vendôme… pour une bouchée de pain », Entreprendre.fr – Pièce n°21 : « Louis Vuitton a ouvert sa première boutique place Vendôme », CNews.fr – Pièce n°22 : « Comment la place Vendôme est-elle devenue le temple du luxe ? », Cresus.fr – Pièce n°23 : Usages du terme VENDOME – Pièce n°24 : « LVMH s’offre le symbole mondial de la joaillerie de luxe… pour 10.000 euros », LeFigaro.fr – Pièce n°25 : Communiqué de presse de l’exposition « La place Vendôme, écrin historique du luxe » – Pièce n°26 : « Un “ pont ” entre la place Vendôme et Vendôme », LaNouvElleRépublique.fr – Pièce n°27 : « La ville de Vendôme vend sa marque à LVMH et espère des emplois », UsineNouvElle.com – Pièce n°28 : Exemples d’articles de presse associant « Vendôme » à la joaillerie-bijouterie- horlogerie parus en France entre le 1er janvier 2016 et le 1er janvier 2021 – Pièce n°29 : Exemples d’articles de presse associant « Vendôme » à la joaillerie-bijouterie- horlogerie parus aux Etats-Unis et en Angleterre entre le 1er janvier 2016 et le 1er janvier 2021 – Pièce n°30 : Exemples d’articles de presse associant « Vendôme » à la joaillerie-bijouterie- horlogerie parus en France entre le 30 mars 2007 et le 30 mars 2012 – Pièce n°31 : Exemples d’articles de presse associant « Vendôme » à la joaillerie-bijouterie- horlogerie parus aux Etats-Unis et en Angleterre entre le 30 mars 2007 et le 30 mars 2012 – Pièce n°32 : « Vendôme, le mag » No.100, mars 2021 – Pièce n°33 : « Ces villes qui vendent leur nom à des marques », LaGazettedesCommunes.com Prétentions du titulaire de la marque contestée 15. Dans ses premières observations, le titulaire de la marque contestée fait notamment valoir : — L’irrégularité de la demande au regard des dispositions de l’article R716-1 4° du code de la propriété intellectuelle, les dispositions invoquées par les demandeurs étant inapplicables : o Aucune disposition du code de la propriété intellectuelle ne prévoit la possibilité de « mettre en œuvre une procédure visant deux marques de manière conjointe » en sorte que les demandeurs ne pouvaient présenter à l’appui de leurs demandes un mémoire unique se référant à deux marques distinctes. Il demande à cet égard que la demande soit rejetée en ce qu’Elle ne serait pas conforme ; o Le mémoire se réfère aux dispositions du code de la propriété intellectuelle issues de l’Ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019, lesquelles n’étaient pas applicables au jour du dépôt de la marque contestée. Il demande à cet égard que la demande soit rejetée, « Monsieur le Directeur Général de l’INPI, ne (disposant) pas du pouvoir de requalifier juridiquement les requêtes dont il est saisi » ; — Que la demande introduite est une instrumentalisation par les demandeurs à l’action en nullité mise en place par le législateur, celle-ci étant en réalité motivée par la cession dont il est bénéficiaire et par la volonté d’éviter un débat judiciaire quant à la cession ; — Que la commune de Vendôme, tiers à la présente procédure, serait la partie réellement visée par l’action, et que prononcer une décision dans ces circonstances serait contraire aux principes de l’égalité des armes et du contradictoire ; — Que l’intention de la Commune de Vendôme est parfaitement légitime et conforme aux usages loyaux en matière industriElle et commerciale : o L’affirmation « purement gratuite » selon laquelle le déposant n’aurait jamais eu l’intention d’utiliser la marque contestée n’est pas étayée et constitue une présomption non démontrée ; o Contrairement aux assertions des demandeurs qui soutiennent que ce dépôt avait pour but l’obstruction de l’activité des tiers, le dépôt a été réalisé afin d’éviter les déboires de la commune de Laguiole mais également afin de promouvoir des produits et services dans la vie des affaires ; — Qu’il ne peut être reproché à la commune de Vendôme d’avoir procédé au dépôt de la marque contestée en vue de s’approprier un avantage indu : o Alors même que les marques déposées par des Communes portant sur le nom de celles-ci sont extrêmement nombreuses ; o Qu’il est pour le moins abusif de soutenir qu’Elle se placerait « dans le sillage de la célèbre place » alors que la raison pour laquelle la place de Vendôme s’est appelée ainsi résulte du fait qu’Elle a été édifiée sur le terrain de l’hôtel particulier du duc de Vendôme, qui devait son nom à la commune ; o Que les demandeurs effectuent à dessein un amalgame entre le terme VENDÔME et le toponyme PLACE VENDÔME, ce dernier étant le seul à être utilisé en relation avec le domaine du luxe, de la joaillerie et de l’horlogerie ; — Que les demandeurs n’ont pas démontré que le signe était, dans le langage courant ou professionnel, la désignation nécessaire, générique ou usuelle des produits ou qu’il pouvait servir à en désigner une caractéristique ; o Les pièces apportées par les demandeurs sont postérieures au dépôt de la marque contestée et ne peuvent établir l’absence de caractère distinctif à cette date : o Les demandeurs procèdent à une assimilation arbitraire et orientée entre VENDÔME et PLACE VENDÔME alors même que ces vocables renvoient à des lieux distincts ; o Le fait que les demandeurs aient procédé à des dépôts de marque contenant le terme VENDÔME ne fait que renforcer le caractère distinctif du terme VENDÔME. Il demande à ce que la somme de 5000 euros soit mis à la charge des demandeurs au titre du remboursement des frais exposés et à présenter des observations orales. 16. Dans ses secondes et dernières observations écrites, le titulaire de la marque contestée, tout en réitérant ses arguments, fait notamment valoir que : — Les régularisations de la demande effectuées par les demandeurs ne peuvent aboutir dans la mesure où, le vice qui entache une procédure ab initio ne peut faire l’objet d’une régularisation ; — Il n’est pas démontré en que l’appropriation « indue » du terme VENDÔME aurait été faite en concertation avec le titulaire de la marque contestée pas plus qu’il n’est démontré que la commune de Vendôme n’avait aucune intention d’utiliser le signe déposé. Il rappElle que la mauvaise foi s’apprécie au jour de dépôt et qu’il appartient aux demandeurs d’en apporter la preuve ; — Les demandeurs n’ont pas effectué la démonstration du défaut de caractère distinctif de la marque contestée. 17. Dans ses observations orales, le titulaire de la marque contestée a réitéré ses précédents arguments et insisté notamment sur le fait que : — La demande présentée est irrégulière et qu’aucun texte ne prévoit la possibilité de la régulariser ; – Si le dépôt du nom d’une commune n’est pas un droit absolu, cela participe de la saine gestion à fortiori avant la loi dite Hamon ; – Le dépôt frauduleux est une notion qui doit être interprétée de manière stricte et que les demandeurs n’en apportent pas la preuve ; – Les développements effectués se rapportent à la descriptivité et non la distinctivité intrinsèque du signe contesté et qu’en tout état de cause, l’absence de distinctivité de la marque contestée n’a pas été démontrée. A l’appui de ses observations, le titulaire de la marque contestée a communiqué les pièces suivantes : — Pièce n°1 : Extrait K bis de Louis Vuitton Malletier – Pièce n°2 : Catalogue de produits sur le site Internet de la Commune de Vendôme – Pièce n°3 : Exemples de marques déposées par des Communes portant sur leur dénomination – Pièce n°4 : Liste des marques déposées à l’INPI en classe 14 incluant le terme VENDÔME – Pièce n°5 : Marques VCA n° 1326119, n° 1345667 et CI n° 1199886 et 456812A – Pièce n°6 : Sac et catalogue VCA – Pièce n°7 : Résultat d’une recherche GOOGLE sur le terme VENDÔME – Pièce n°8 : Exemples d’offres de produits par des Communes sous leur marque – Pièce n°9 : Attestation de la Commune de VENDÔME II.- DECISION A- Sur l’irrecevabilité de la demande en nullité tirée de la présentation d’un exposé des moyens commun à des demandes en nullité différentes 18. Le titulaire de la marque contestée soutient que le demandeur ne pouvait présenter, à l’appui de sa demande, un mémoire commun à une autre demande en nullité et ainsi « mettre en œuvre une procédure visant deux marques de manière conjointe », ceci étant contraire aux dispositions de l’article R. 716-1 4° du Code de la propriété intellectuelle. Il soutient également que la régularisation de la demande n’est pas possible, ce vice entachant la procédure ab initio. 19. Les demandeurs, tout en éliminant toutes références à la seconde marque contestée dans leurs observations, soulèvent que le titulaire de la marque contestée a, malgré la présentation de la demande, su distinguer les griefs invoqués dans chaque procédure en nullité et relèvent qu’il n’existe pas de délai rendant impossible la régularisation de la demande. 20. En l’espèce, il ressort de l’article R. 716-5 du code précité que sont irrecevables les demandes qui ne satisfont pas aux conditions énoncées notamment à l’article R. 716-1 du code de la propriété intellectuelle, lequel précise : « La demande en nullité ou en déchéance mentionnée à l’article L. 716-1 est présentée par écrit selon les conditions et modalités fixées par décision du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle. Elle comprend : (…) 3° Les références de la marque contestée, ainsi que l’indication des produits ou services visés par la demande en nullité ou en déchéance ; 4° L’exposé des moyens sur lesquels repose la demande en nullité ou en déchéance, à l’exception de la demande fondée sur l’article L. 714-5 ; Après qu’elle a été formée, la demande en nullité ou en déchéance ne peut être étendue à d’autres motifs ou d’autres produits ou services que ceux invoqués ou visés dans la demande initiale. » Par ailleurs, l’article 4 I., 4° de la décision du Directeur général de l’Institut national de la propriété industriElle prévoit que le demandeur doit fournir : « L’exposé des moyens, à savoir les faits et arguments sur lesquels la demande en déchéance est fondée, sauf pour une demande fondée sur l’article L.714-5. » et le II du même article, que : « les indications et pièces requises au présent article sont appréciées globalement. L’institut vérifie que les pièces fournies ne sont pas manifestement dénuées de pertinence. ». 21. En l’espèce, force est de constater que la demande en nullité comporte les références d’une seule marque contestée, le formulaire de dépôt mentionnant à cet égard la marque n° 12 / 3911004. Elle comporte bien en outre, conformément à l’article R.716-1 4° susvisé, l’exposé des moyens sur lesquels repose la demande. Si cet exposé des moyens mentionne deux marques distinctes, déposées à des dates différentes, celles-ci portent sur des signes et produits identiques, en sorte que le titulaire de la marque contestée se trouvait en capacité de déterminer les griefs retenus à l’encontre de la marque contestée dans le cadre de la présente demande. Au demeurant, les demandeurs ont, dans leurs observations en réponse à celles du titulaire de la marque contestée, présenté une argumentation relative à la seule marque contestée dans la présente procédure. A cet égard, contrairement à ce que soutient le titulaire de la marque contestée, aucune disposition n’empêche le demandeur de régulariser sa demande sauf à ce qu’Elle soit étendue à d’autres motifs ou d’autres produits ou services que ceux invoqués ou visés dans la demande initiale, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. 22. Par conséquent, au vu des indications et pièces appréciées globalement, et notamment du récapitulatif de la demande et de l’exposé des moyens, il ne peut être valablement soutenu que la procédure viserait deux marques de manière conjointe. 23. En conséquence, la demande en nullité est recevable. B- Sur le droit applicable 24. Les demandeurs ont invoqué dans le récapitulatif de la demande, les motifs suivants : « Le signe est dépourvu de caractère distinctif » et « La marque a été déposée de mauvaise foi ». Dans leur exposé des moyens, ils ont initialement fondé leur demande sur l’article L. 711-1 2°, et 11° du code de la propriété intellectuelle, dans sa version issue de l’ordonnance n°2019- 1169 du 13 novembre 2019. En réponse au titulaire de la marque contestée, ils ont reformulé leur demande au regard des dispositions L. 714-3 et L. 711-1 du code précité issues de la loi n°92-597 du 1er juillet 1992. Ils contestent l’argument du titulaire de la marque contestée tiré de l’irrecevabilité de la demande et soutiennent qu’aucun délai ne leur rendait impossible la régularisation de la demande, dont le rejet serait contraire à la bonne administration de la procédure. 25. Le titulaire de la marque contestée soulève que la validité du signe contesté devant être appréciée au regard des dispositions en vigueur au jour du dépôt de la marque contestée, la demande est irrégulière et doit être rejetée, « Monsieur le Directeur Général de l’NPI, ne (disposant) pas du pouvoir de requalifier juridiquement les requêtes dont il est saisi ». Il ajoute, suite aux observations des demandeurs, qu’aucun texte ne prévoit la possibilité de régulariser la demande. 26. En l’espèce, la marque contestée ayant été déposée le 30 mars 2012, soit antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2019-1169, le 11 décembre 2019, la validité du signe contesté doit donc, ainsi que le soulève à juste titre le titulaire de la marque contestée, être appréciée au regard de la loi n°92-597 du 1er juillet 1992 dans sa version en vigueur au jour du dépôt de la marque contestée. 27. Ainsi, conformément à l’article L. 714-3 du code la propriété intellectuelle, dans sa version applicable à l’espèce, est déclaré nul « l’enregistrement d’une marque qui n’est pas conforme aux dispositions des articles L. 711-1 à L. 711-4 ». L’article L. 711-1 du même code dispose notamment que « La marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale ». Enfin, l’article L.711-2 du code précité précise que « Le caractère distinctif d’un signe de nature à constituer une marque s’apprécie à l’égard des produits ou services désignés ». Ces articles doivent être interprétés au regard des articles 2 et 3 de la Directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques dont ils assurent la transposition, desquels il résulte que « Le caractère distinctif auquel doit satisfaire un signe pour pouvoir être enregistré est une exigence autonome, et est dépourvu de caractère distinctif le signe qui, par lui-même, ne conduit pas le public concerné à penser que les produits en cause proviennent d’une entreprise déterminée et ne lui permet pas de les distinguer de ceux d’autres entreprises » (CA Paris, RG 17/19192 SA Mariage Frères, 22 mai 2018). En outre, conformément à l’adage « fraus omnia corrumpit » ainsi qu’à la jurisprudence (notamment Cass. Com. 25 avril 2006, pourvoi n°04-15641), peut être déclaré nul l’enregistrement d’une marque déposée de mauvaise foi. La Cour de cassation a pu préciser que toute marque déposée en fraude des droits d’autrui étant nécessairement déposée de mauvaise foi, la jurisprudence française selon laquelle l’annulation d’une marque déposée en fraude des droits d’autrui peut être demandée, sur le fondement du principe « fraus omnia corrumpit » combiné avec l’article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle, satisfait aux exigences qui découlent de la jurisprudence de la Cour de justice en matière de transposition des directives sur ce motif d’annulation (Cass. Com. 17 mars 2021, 18-19.774). 28. La présente demande en nullité doit donc être appréciée au regard de ces dispositions. 29. A cet égard, les dispositions de l’article L. 711-1 2°, et 11° du code de la propriété intellectuelle issue de l’ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019 citées par les demandeurs étant équivalentes aux dispositions précitées au point 27, la substitution des visas n’affecte pas la validité des moyens développés par les demandeurs (CA Bordeaux, 17/05/2022, RG 21/02099). Il ressort en effet sans équivoque de la demande en nullité que les demandeurs sollicitent la nullité de la marque contestée, sur le fondement de son défaut de caractère distinctif intrinsèque, et d’un dépôt de mauvaise foi. En outre, si le titulaire de la marque contestée soutient que la demande est entachée d’un vice ab initio, il y a lieu de relever que les causes d’irrecevabilité sont citées de manière exhaustive à l’article R. 716-5 du code précité, lequel renvoie à l’article R.716-1 4° (supra point 20). Or, force est de constater que cet article ne prévoit pas que les visas doivent être mentionnés à peine d’irrecevabilité. En tout état de cause, les demandeurs ont, dans leurs observations en réponse, reformulé les textes invoqués à l’appui de leur demande. A cet égard, contrairement à ce que soutient le titulaire de la marque contestée, aucune disposition n’empêche le demandeur de régulariser sa demande sauf à ce qu’Elle soit étendue à d’autres motifs ou d’autres produits ou services que ceux invoqués ou visés dans la demande initiale, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. 30. En conséquence, la demande doit être considérée comme étant régulière et recevable. C- Sur le fond 31. En l’espèce, la marque contestée porte sur le signe verbal ci-dessous reproduit : 32. Cette marque désigne notamment les produits suivants : « Classe 14 : Joaillerie ; bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques ; métaux précieux et leurs alliages ; monnaies ; objets d’art en métaux précieux ; coffrets à bijoux ; boîtes en métaux précieux ; boîtiers, bracelets, chaînes, ressorts ou verres de montre ; porte-clefs de fantaisie ; statues ou figurines (statuettes) en métaux précieux ; étuis ou écrins pour l’horlogerie ; médailles ». 1. Sur le caractère distinctif de la marque contestée 33. Il ressort des dispositions susvisées que le caractère distinctif d’une marque s’entend de sa capacité à permettre au consommateur de distinguer les produits et services qu’Elle entend protéger de ceux issus d’une autre provenance commerciale. 34. Il est en outre constant que l’appréciation du caractère distinctif doit s’opérer, d’une part, par rapport aux produits et services protégés par la marque et, d’autre part, par rapport à la compréhension qu’en a le public pertinent (Cour de cassation, 10/11/ 2021, n°18-16.750). 35. En l’espèce, les produits enregistrés rappelés au point 32 et visés par la présente demande en nullité sont des produits de bijouterie, d’horlogerie et d’orfèvrerie. 36. Par conséquent, si les demandeurs n’ont pas défini le public pertinent, il convient de retenir qu’il est incarné par un public composé aussi bien de particuliers que de professionnels. Le public pertinent est donc en l’espèce composé de consommateurs normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés. 37. Il appartient donc à l’Institut de vérifier si la marque contestée est intrinsèquement distinctive et donc si elle est capable de remplir la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer, sans confusion possible, ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (TUE, 07/05/2019, vita, T-423/18, point 67). 38. Les demandeurs font valoir que l’usage du terme VENDÔME est compris comme une référence à la place Vendôme. En effet, pour le public français, le terme VENDÔME, s’il désigne la commune du Loir-et-Cher et la famil e de Vendôme, renvoie dans son acception la plus courante à la place Vendôme, seule à bénéficier d’une notoriété incontestable qui s’étend au-delà des frontières. La place Vendôme est, en outre, synonyme de luxe et l’écrin de nombreux joaillers, bijoutiers et horlogers, en sorte que le public français associe le terme VENDÔME à l’univers du luxe et à la bijouterie-joaillerie-horlogerie. Un sondage réalisé auprès du public en France est joint à l’appui de cette argumentation. Aussi, dans la mesure où les deux tiers des français associent ce signe à la bijouterie-joaillerie- horlogerie, la marque apparait dépourvue de caractère distinctif pour désigner des produits de la classe 14. 39. Le titulaire de la marque contestée considère quant à lui que les demandeurs ne démontrent pas en quoi le signe contesté serait la désignation nécessaire, générique ou usuelle des produits ou présenterait à leur égard un caractère descriptif. Il fait également valoir que les demandeurs procèdent à une assimilation orientée et arbitraire entre VENDÔME et PLACE VENDÔME alors même que ces termes renvoient à des lieux distincts. 40. Il convient de rappeler qu’une marque enregistrée bénéficiant d’une présomption de validité, la charge de la preuve du défaut de distinctivité du signe qui doit être apprécié au jour du dépôt incombe au demandeur à l’action en nullité (TGI Paris, 3e ch. 1re sect., 2 juil . 2015, n° 14/04472). Sur la perception du terme VENDÔME par le public pertinent 41. En l’espèce, il ressort des arguments et pièces apportées par les demandeurs que la place Vendôme bénéficie d’une réputation dans les domaines de la bijouterie, de la joaillerie et de l’horlogerie, antérieure au dépôt de la marque contestée comme peuvent l’attester notamment les articles suivants : — « La place Vendôme : Le triangle d’Or Des Joailliers Parisiens La place Vendôme, située dans le premier arrondissement de Paris, abrite certains des bijoutiers-joailliers les plus réputés du monde. (…) Elle doit sa réputation non seulement à son architecture typique de l’urbanisme classique français, mais aussi et surtout aux prestigieux bijoutiers-joailliers qui y ont élu domicile depuis la fin du XIXe siècle. (…) Aujourd’hui, la place Vendôme abrite de nombreuses boutiques de luxe et rassemble une vingtaine de joailliers parmi les plus réputés du monde. » (Pièce 17 – extrait du site gralon.net daté du 30/06/2009) ; — « Précieuse visite place Vendôme à Paris, autour de « l’aiguille creuse », les plus grands joailliers du monde tiennent boutique. » (Pièce 30 – article de l’OBS du 09/03/2012) ; — « Quand la joaillerie griffée Chanel, Dior ou Louis Vuitton, rassemblée et fédérée place Vendôme à côté des maisons joaillères, elle véhicule les mêmes messages de qualité, d’excellence et de goût parisien. » (Pièce 30 – article Le Point daté de la semaine du 01/12/2011 au 07/12/2011) ; — « Place Vendôme, le parfait écrin (…) La haute joaillerie fait de ce somptueux écrin sa plus belle vitrine à partir de la fin du XIXème siècle. » (Pièce 30 – article VALEURS daté de la semaine 20/11/2008 au 26/11/2008) ; — « La place Vendôme retrouve ses ors en renouant avec ce qui a fait sa réputation : savoir- faire incomparable et parisien, un style reconnaissable, des pièces uniques » (Pièce 30 – article LE FIGARO daté du 09/07/2011) ; lesquels sont corroborés par divers articles datés de quelques mois seulement après le dépôt de la marque contestée dont notamment : – « Place Vendôme : le nouvel écrin de Louis Vuitton (…) Rien de tel, donc que l’ouverture d’une boutique et d’un atelier sur la célèbre place Vendôme, à Paris, haut lieu de la bijouterie, pour mener à bien ces ambitions. » (Pièce 18 – extrait du site lemonde.fr daté du 03/07/2012) ; — « Le malletier Louis Vuitton, fer de lance du groupe LVMH, a ouvert lundi sa première boutique place Vendôme, temple de la joaillerie où il faut être si on veut être un joaillier sérieux » (Pièce 21 – extrait du site cnews.fr daté du 02/07/2012). 42. En outre, il ressort des autres articles apportés par les demandeurs à l’appui de leur argumentation que quand il n’est pas fait directement référence à la réputation de la place Vendôme pour les domaines de la bijouterie, de la joaillerie et de l’horlogerie, les articles de presse présentent pour la plupart un lien avec les domaines précités ou à ou à tout le moins avec les prestigieuses maisons ayant élu domicile place Vendôme, lesquelles évoluent dans ces mêmes domaines (Pièce 30) : — « Sous les pavés, les bagues. Un petit livre rouge, une boutique aux murs tagués, des bijoux «au juste prix» … Mauboussin, le trublion de la place Vendôme, poursuit, aujourd’hui plus que jamais, son entreprise de démocratisation du luxe. Décryptage. » (article LE FIGARO daté du 17/12/2010) ; — « L B M. Joaillerie Vuitton (…) A 43 ans, L B, nouveau directeur artistique de la joaillerie chez Louis Vuitton, tranche singulièrement dans l’univers feutré et secret de la place Vendôme. (…) A 30 ans, il s’installe à côté des « historiques », place Vendôme, « ma patrie oserais-je dire, la seule adresse possible pour un joaillier prétendant à l’excellence » (article L’OBS daté de la semaine du 12/11/2009 au 18/11/2009) ; — « Les pierres affichent les couleurs Pourtant, aujourd’hui, les temps changent et les goûts se teintent. Maintenant, place Vendôme, les Chaumet, Cartier, Boucheron et autres Van Cleef & Arpels habillent leurs vitrines de bijoux colorés où le brillant n’est plus la pierre à valoriser mais la composante indivisible d’un ensemble. » (article LE FIGARO MAGAZINE daté de la semaine du 23/08/2008 au 29/08/2008) ; — « Un bal de joyaux. La place Vendôme retrouve ses ors en renouant avec ce qui a fait sa réputation : un savoir-faire incomparable et parisien, un style reconnaissable, des pièces uniques. » (article LE FIGARO daté du 09/07/2011). 43. Corroboré au rapport d’étude sur l’usage du terme VENDÔME (pièce 11), le constat selon lequel la presse utilise régulièrement le terme VENDÔME en lien avec les domaines de la « Joaillerie-bijouterie-horlogerie-luxe » peut être confirmé. En effet, bien que daté d’avril-mai 2021, ce rapport mentionne 2000 occurrences en lien avec les domaines de la « Joaillerie- bijouterie-horlogerie-luxe » sur la période comprise entre 2007 et 2012. A cet égard, il convient de relever que seulement 590 occurrences ont été relevées dans la presse, sur cette même période, en lien avec la commune de Vendôme qui, au regard des critères dégagés par l’INSEE (pièce 8), est qualifiée de ville moyenne et qui ne bénéficie en outre d’aucune réputation pour les produits de la classe 14. 44. Il ressort de cette réputation et renommée de la place Vendôme dans les domaines de la bijouterie, de la joaillerie et de l’horlogerie et du luxe, une assimilation, dans l’esprit du consommateur pertinent, entre le terme VENDÔME et la place Vendôme, pour les domaines précités. Cela a notamment été confirmé par deux décisions de l’Institut et de l’EUIPO datées de seulement quelques mois après le dépôt de la marque contestée (pièces J-1 et J-2) : — « Qu’au sein du signe contestée, le terme LOVE, placé en position d’attaque, apparait dominant dès lors que la dénomination VENDÔME, compris par le consommateur français d’attention et de culture moyenne comme désignant la célèbre place Vendôme. » (Pièce J-1 : Décision OPP 13-3677 du 21/02/2013 opposant la marque Love Vendôme à la marque Love) ; — « L’expression Style Vendôme objet de la demande d’enregistrement se compose de mots ayant la signification suivante : (…) Vendôme, est, entre autres, le nom d’une place située dans le 1er arrondissement de Paris, renommée pour ses joailleries de luxe et de prestige, comme l’attestent, à titre d’exemples, les différents sites Internet (en date du 16/04/2013). » (Pièce J-2 : EUIPO – décision de rejet partiel du 28/06/2013 portant sur la marque Style Vendôme pour des produits de la classe 14). 45. Il découle de cette association immédiatement perceptible entre le terme VENDÔME et la PLACE VENDÔME, qui véhicule une image de prestige et de luxe étroitement liée aux produits de la bijouterie, de la joaillerie et de l’horlogerie, qu’en lien avec des produits de la bijouterie, de la joaillerie et de l’horlogerie, enregistrés au libellé de la marque contestée, le terme VENDÔME est susceptible de susciter des sentiments positifs. Ce terme VENDÔME sera ainsi immédiatement perçu par le public pertinent comme un argument de vente capable d’influencer les préférences des consommateurs susceptibles d’attacher aux produits des qualités positives, en sorte qu’il ne sera pas perçu comme une garantie de l’origine commerciale des produits et n’apparaît pas à même de remplir la fonction essentielle de la marque. 46. La marque contestée n’était donc pas capable, au jour de son dépôt, de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine des produits désignés par Elle-même et donc de lui permettre de distinguer sans confusion possible ces produits de ceux d’une autre provenance. 47. Par conséquent, le signe « VENDÔME » est dépourvu de caractère distinctif intrinsèque à l’égard des produits contestés. 2. Sur le fondement du dépôt de mauvaise foi 48. En application du principe général du droit selon lequel la fraude corrompt tout, le dépôt d’une marque est susceptible d’être qualifié de frauduleux dès lors qu’il porte atteinte aux intérêts d’un tiers, notamment lorsqu’il a été effectué dans l’intention de priver illégitimement autrui d’un signe nécessaire à son activité, présente ou future et/ou de s’approprier indûment le bénéfice d’une opération légitimement entreprise ou d’y faire obstacle en lui opposant la propriété de la marque frauduleusement obtenue. 49. La Cour de justice de l’Union européenne a posé en principe que la notion de mauvaise foi constitue une notion autonome du droit de l’Union qui doit être interprétée de manière uniforme dans l’Union (CJUE, 29 janvier 2020, C-371/18, §73 ; CJUE, 27 juin 2013, aff. C- 320/12), et pour laquelle il convient de prendre en compte tous les facteurs pertinents propres au cas d’espèce appréciés globalement au moment du dépôt de la demande d’enregistrement, et notamment de prendre en considération l’intention du déposant par référence aux circonstances objectives du cas d’espèce. 50. A cet égard, la mauvaise foi est susceptible d’être retenue lorsqu’il ressort « d’indices pertinents et concordants que le titulaire d’une marque a introduit la demande d’enregistrement de cette marque non pas dans le but de participer de manière loyale au jeu de la concurrence, mais avec l’intention de porter atteinte, d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts de tiers, ou avec l’intention d’obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque, notamment de la fonction essentielle d’indication d’origine » (CJUE, 29 janvier 2020, Skykick, C 371/18, §75), mais encore, ainsi que le rappEllent les demandeurs, lorsque la marque a été déposée : « sans que le demandeur ait aucune intention de l’utiliser pour les produits et services visés par cet enregistrement » (CJUE, Skykick, 29 janvier 2020, C-371/18, §77). 51. Enfin, il convient de préciser que le caractère frauduleux du dépôt s’apprécie au jour du dépôt et ne se présume pas, la charge de la preuve de la fraude pesant sur celui qui l’al ègue (arrêt du TUE du 23/05/2019, n° T -3/18, § 34). 52. Les demandeurs considèrent que le dépôt a été effectué en vue de l’octroi d’un monopole sur le terme VENDÔME très largement utilisé au jour du dépôt, en lien avec l’univers du luxe, de la joaillerie et de l’horlogerie. A cet égard, en s’appuyant notamment sur des déclarations du Maire de Vendôme, ils soutiennent que le déposant de la marque contestée avait connaissance de l’usage du terme VENDÔME pour les produits contestés, et qu’il a procédé au dépôt de cette marque dans l’objectif d’en monnayer le droit de marque, en sorte que le dépôt serait privé d’un motif commercial raisonnable justifiant son enregistrement. Ils considèrent à cet égard, qu’en indiquant que le dépôt a été fait dans le but d’éviter les déboires de la commune de Laguiole et parce qu’avant la loi dite Hamon, procéder au dépôt à titre de marque du nom d’une collectivité territoriale était une nécessité, le titulaire de la marque contestée ne fait que confirmer que ce dépôt a été effectué dans le seul but « de constituer un droit opposable sur le terme VENDOME » et ainsi de « s’opposer au dépôt par un tiers d’une marque portant sur son nom ». 53. Le titulaire de la marque contestée soutient que la présente demande en nullité serait en réalité une instrumentalisation de l’action mise en place par le législateur, celle-ci étant motivée par les cessions partielles réalisées à son bénéfice et par la volonté d’éviter un débat judiciaire quant à la cession ; la commune de Vendôme serait la partie réellement visée par l’action, tiers à la présente procédure, et prononcer une décision dans ces circonstances serait contraire aux principes de l’égalité des armes et du contradictoire. Il rappelle que le terme VENDÔME est un élément d’identification de la commune depuis plusieurs siècles et que le dépôt de la marque ne visait qu’à préserver les droits de la commune sur son nom, à l’instar de ce que d’innombrables collectivités territoriales ont fait. A cet égard, il relève que les collectivités territoriales peuvent déposer leur nom à titre de marque et que cela était même une nécessité avant la loi n°2014-34 dite « Loi Hamon », en sorte que le présent dépôt a été effectué par la commune de Vendôme dans le but de s’éviter les déboires de la commune de Laguiole. Il précise que, contrairement aux assertions des demandeurs, la commune de Vendôme a développé autour de son nom une activité visant à assurer la promotion de produits et services et non d’obstruer l’activité de tiers comme l’affirment les demandeurs sans toutefois le démontrer. Il ajoute qu’aucun profit n’a été obtenu dans le cadre de cette démarche légale que constitue le dépôt d’une marque. A titre liminaire, sur la demande en nullité introduite par les demandeurs. Il convient de relever que la demande en nullité de la marque contestée introduite le 3 juin 2021 a été notifiée par l’Institut, conformément à l’article R.716-6 1° du code de la propriété intellectuelle, à son titulaire à savoir la société LOUIS VUITTON MALLETIER ; celle-ci est en effet titulaire de la marque contestée pour les produits de la classe 14 objets de la procédure, suite à une transmission partielle de propriété inscrite au registre national des marques le 9 avril 2021. Si la commune de Vendôme a procédé au dépôt de la marque contestée, Elle n’était plus titulaire de celle-ci pour les produits litigieux au jour de la demande en nullité, en sorte qu’elle apparait tierce au présent litige, et qu’il ne saurait être reproché à la présente procédure de ne pas respecter le principe du contradictoire à son égard. En outre, l’argument du titulaire de la marque contestée tenant à la prétendue volonté du demandeur d’éviter un débat judiciaire quant à la cession ne permet pas de caractériser un abus de la part du demandeur d’utiliser la faculté qui lui était ouverte par l’article L. 716-2 du code de la propriété intellectuelle de présenter une demande en déchéance devant l’Institut. La présente demande en nullité ne saurait donc être considérée comme une instrumentalisation de l’action mise en place par le législateur. Sur l’intention d’obtenir un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque. En l’espèce, les déclarations du Maire de la commune de Vendôme selon lesquelles : « le nom ‘Vendôme’ est régulièrement utilisé depuis des années par plein de marques qui ne nous ont jamais demandé la moindre autorisation. Il existe déjà un hôtel Vendôme, une charcuterie Vendôme, des cosmétiques Vendôme… » et « on récupère 10 000 euros supplémentaires pour un nom qu’ils auraient pu utiliser de toute façon » ne sauraient être à elles seules de nature à démontrer que la commune a effectué le dépôt de la marque contestée dans l’intention d’en monnayer le droit de marque. En effet, si l’appréciation de la mauvaise foi peut impliquer la prise en compte d’éléments postérieurs au dépôt (Cass. com., 3 février 2015, n°13-18.025), il convient de relever, ainsi que le soulève le titulaire de la marque contestée, que ces déclarations ont été faites en 2021 (pièce 2 des demandeurs), soit près de 9 ans après le dépôt de la marque contestée, le 30 mars 2012. En tout état de cause, l’objectif spéculatif du dépôt doit s’inscrire dans des circonstances plus globales afin de permettre d’établir la mauvaise foi, et n’est pas à lui seul susceptible de la caractériser, faute pour le demandeur de démontrer une intention malhonnête lors du dépôt. 56. Si comme l’affirme le titulaire de la marque contestée (pièce 9) et le relèvent les demandeurs, la commune de Vendôme a déposé la marque contestée dans l’intention de s’éviter les déboires de la commune de Laguiole, il ne peut en être déduit comme le font les demandeurs « une volonté de se constituer un droit sur le terme VENDÔME, non de proposer les produits désignés en classe 14 dans la vie des affaires ». En effet, il ressort de la jurisprudence que « la mauvaise foi du demandeur d’une marque ne saurait [donc] être présumée sur la base du simple constat que, au moment du dépôt de sa demande d’enregistrement, ce demandeur n’avait pas d’activité économique correspondant aux produits et aux services visés par ladite demande » (CJUE, 29 janvier 2020, SKY, C 371/18, § 78, précité). En outre, il ressort des éléments rapportés par le titulaire de la marque contestée que la marque contestée est apposée sur divers produits, tels que des couteaux, des fourchettes, des tire- bouchons, des coupe-papiers, des chocolats et du vins (pièce 2), et que la commune communique sous cette marque pour promouvoir ses services (pièce 8), traduisant ainsi la volonté de celle-ci de promouvoir une activité autour de son nom. Ainsi, si la marque contestée n’a pas été utilisée en lien avec les produits contestés, il ne saurait être présumé que la commune de Vendôme a déposé la marque contestée pour ces produits à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque. Sur l’intention de porter atteinte, d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts d’un tiers 57. Par ailleurs, rien ne permet d’affirmer que la commune a déposé la marque contestée dans le but de mettre en place une position de blocage susceptible de nuire aux intérêts des tiers. D’une part, le maire a lui-même indiqué en 2021 que « ‘Vendôme’ est régulièrement utilisé depuis des années par plein de marques qui ne nous ont jamais demandé la moindre autorisation » ; d’autre part, il n’est pas rapporté la preuve selon laquelle la commune aurait usé de son droit sur la marque contestée pour empêcher tout tiers de déposer une marque comportant le terme VENDÔME, en particulier pour les produits de la classe 14. En outre, s’il ressort des points 33 à 47, que le terme VENDÔME était associé dans l’esprit du consommateur à la place s’agissant des produits contestés, les demandeurs ne démontrent pas en quoi la commune aurait procédé au dépôt de la marque contestée en vue de tirer profit de la réputation de celle-ci. Il ne peut en effet être reproché à la commune, son homonymie avec la place Vendôme, la place devant effectivement son nom à la commune. Enfin, si les cessions successives en classe 18 puis en classe 14 de la marque contestée ont suscité, ainsi que le soulèvent les demandeurs, des réactions de la part de la presse et du titulaire de la marque contestée, il convient de rappeler que celles-ci ont été publiées en 2019 et 2021, soit entre 7 et 9 ans après le dépôt de la marque contestée. A cet égard, il doit être rappelé que la mauvaise foi s’apprécie au jour du dépôt et que s’il peut être tenu compte du comportement de tiers, les cessions partiElles de propriété précitées ne sauraient refléter l’intention de la commune au jour de dépôt de la marque contestée, le 30 mars 2012, dans la mesure où il ne ressort pas des pièces que la commune et le titulaire de la marque contestée entretenaient déjà des relations à cette période. De fait, ainsi que le rappElle le titulaire de la marque contestée, la démonstration de la fraude doit être apportées « sur la base d’éléments objectifs sur lesquels il est possible de fonder une appréciation certaine des intentions de l’autre partie » (TUE, 9 juillet 2015, aff. T-100/13 point 43 ; également TUE, 7 juillet 2016, T-82/14 point 33 cité par la partie adverse en J-9) ce qui n’est pas le cas en l’espèce. 58. Dans ces conditions, il n’est nullement démontré en quoi le dépôt de la marque contestée a été réalisé dans une intention malhonnête de priver illégitimement autrui d’un signe nécessaire à son activité. Sur les dépôts successifs destinés à échapper à la déchéance 59. Les demandeurs soutiennent que la marque contestée qui a été déposée le 30 mars 2012 et la marque n°19 / 4515840 (déposée le 14 janvier 2019) ont été déposées dans le seul but de constituer un droit de blocage sur le terme VENDÔME. Ils soulèvent que si le déposant avait eu une quelconque intention de débuter un usage sérieux, il n’aurait pas été nécessaire de déposer la seconde marque après l’expiration de la période de grâce. 60. En l’espèce, en l’absence d’éléments probants, il ne peut être déduit du seul fait qu’au jour de son dépôt la commune n’exploitait pas la marque contestée pour les produits en cause, que celle-ci n’avait aucune intention de le faire. En outre, la mauvaise foi s’appréciant au jour du dépôt (en l’espèce le 30 mars 2012), le dépôt de la marque VENDÔME n°19 / 4515840 le 14 janvier 2019, ne saurait être à lui seul de nature à démontrer qu’au jour du dépôt de la marque contestée, le déposant avait l’intention de déposer près de 7 ans plus tard une marque pour des produits identiques dans le seul but d’échapper à la déchéance et de conserver un monopole sur le terme VENDÔME. A cet égard, le titulaire de la marque contesté souligne d’ailleurs que ce second dépôt, dont le libellé des produits et services est plus large, a été fait dans le but de faciliter la gestion des marques. 61. En conséquence, la mauvaise foi lors du dépôt de la marque contestée n’ayant pas été démontrée, la demande en nullité n’est pas fondée sur ce moyen. 3. Conclusion 62. En conséquence, la marque contestée n°12 / 3911004 est dénuée de caractère intrinsèque pour l’ensemble des produits contestée et doit être déclarée partiellement nulle pour les produits suivants : « Joaillerie ; bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques ; métaux précieux et leurs alliages ; monnaies ; objets d’art en métaux précieux ; coffrets à bijoux ; boîtes en métaux précieux ; boîtiers, bracelets, chaînes, ressorts ou verres de montre ; porte-clefs de fantaisie ; statues ou figurines (statuettes) en métaux précieux ; étuis ou écrins pour l’horlogerie ; médailles. ». En revanche, le motif fondé sur le dépôt de mauvaise est rejeté (points 48 à 61). D- Sur la répartition des frais 63. L’article L.716-1-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que : « Sur demande de la partie gagnante, le directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle met à la charge de la partie perdante tout ou partie des frais exposés par l’autre partie dans la limite d’un barème fixé par arrêté du ministre chargé de la propriété industrielle ». 64. L’arrêté du 4 décembre 2020, pris pour l’application de la disposition susvisée, dans son article 2.II., qu’« Au sens de l’article L. 716-1-1, est considérée comme partie gagnante : … b) Le titulaire de la marque contestée dont l’enregistrement n’a pas été modifié par la décision de nullité ou de déchéance ; c) le demandeur quand il est fait droit à sa demande pour l’intégralité des produits ou services visés initialement dans sa demande en nullité ou déchéance. ». Il précise enfin à l’article 2.III que « Pour l’application de l’article L. 716-1-1, les montants maximaux des frais mis à la charge des parties sont déterminés conformément au barème en annexe ». 65. En l’espèce, les parties ont présenté une demande de prise en charge des frais exposés. Le demandeur doit être considéré comme partie gagnante, dès lors qu’il est fait droit à la demande pour l’intégralité des produits visés initialement dans la demande en nullité. 66. Par ailleurs, la procédure d’instruction a donné lieu à des échanges entre les parties. Le demandeur, représenté par un mandataire, a exposé les frais nécessaires à la présentation de sa demande, ainsi que des frais liés aux observations en réplique à celles du titulaire de la marque contestée et liés à la présentation des observations orales. Le titulaire de la marque contestée, représenté par un mandataire, a présenté à deux reprises des observations en réponse à la demande en nullité. 67. Au regard de ces considérations propres à la présente procédure, il convient de mettre la somme de 1200 euros à la charge du titulaire de la marque contestée (partie perdante à la présente procédure), correspondant à une partie des frais exposés par le demandeur au titre de la phase écrite (600 euros) au titre de la phase orale (100 euros) et au titre des frais de représentation (500 euros). DECIDE Article 1 : La demande en nullité NL21-0115 est justifiée. Article 2 : La marque n° 12 / 3911004 est déclarée partiellement nulle, pour les produits suivants : « Joaillerie ; bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques ; métaux précieux et leurs alliages ; monnaies ; objets d’art en métaux précieux ; coffrets à bijoux ; boîtes en métaux précieux ; boîtiers, bracelets, chaînes, ressorts ou verres de montre ; porte-clefs de fantaisie ; statues ou figurines (statuettes) en métaux précieux ; étuis ou écrins pour l’horlogerie ; médailles. ». Article 3 : La somme de 1200 euros est mise à la charge de la société LOUIS VUITTON MALLETIER au titre des frais exposés. | |