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Titre Ier : DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
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Chapitre Ier : Dispositions relatives à l’Institut national de la propriété industrielle
Article
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Chapitre II : Dispositions relatives aux marques de produits ou de services
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Section 1 : Dispositions relatives aux éléments constitutifs de la marque
Article
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Section 2 : Dispositions relatives à l’acquisition du droit de marque
Article
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Section 3 : Dispositions relatives aux droits conférés par la marque
Article
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Section 4 : Dispositions relatives à la transmission et à la perte du droit sur la marque
Article
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Section 5 : Dispositions relatives aux marques de garantie et aux marques collectives
Article
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Section 6 : Dispositions relatives au contentieux
Article
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Section 7 : Dispositions relatives aux marques de l’Union européenne
Article
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Titre II : DISPOSITIONS RELATIVES À L’OUTRE-MER
Article
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Titre III : DISPOSITIONS DE COORDINATION, TRANSITOIRES ET FINALES
Article
Monsieur le Président de la République,
La présente ordonnance est prise en application du I de l’article 201 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises qui habilite le Gouvernement à prendre les mesures relevant du domaine de la loi et nécessaires pour :
1° Transposer la directive (UE) 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques (ci-après « la Directive ») ;
2° Assurer la compatibilité de la législation, notamment du code de la propriété intellectuelle, avec le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne (ci-après « le Règlement ») ;
3° Permettre, d’une part, de rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions du code de la propriété intellectuelle et, le cas échéant, d’autres codes et lois, dans leur rédaction résultant des mesures prévues au point 1 pour celles qui relèvent de la compétence de l’État et, d’autre part, de procéder aux adaptations nécessaires de ces dispositions en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Ces textes, désignés sous l’appellation de « Paquet Marques », invitent à une harmonisation maximale entre les législations des Etats membres, d’une part, et entre ces législations et le système de la marque de l’Union européenne administré par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), d’autre part. En effet, la coexistence des systèmes de marques cohérents au niveau national et au niveau de l’Union européenne est essentielle pour la mise en œuvre d’une politique efficace en matière de protection de la propriété intellectuelle. La complémentarité entre les deux systèmes doit être préservée afin d’offrir aux acteurs économiques le choix le plus approprié pour la protection de leurs marques. Afin de soutenir l’établissement du marché intérieur, les textes européens invitent à rapprocher les dispositions de droit matériel mais aussi les règles générales de procédure.
Le droit français des marques résulte essentiellement de la loi n° 91-7 du 4 janvier 1991 relative aux marques de fabrique, de commerce ou de service, codifiée à droit constant par la loi n° 92-597 du 3 juillet 1992, pour former le titre Ier du livre VII du code de la propriété intellectuelle. Ces dispositions sont issues de la directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques, elle-même codifiée à droit constant par la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008. Elles harmonisent les points fondamentaux du droit matériel des marques, considérés comme ayant l’incidence la plus directe sur le fonctionnement du marché intérieur, les divergences entre les législations nationales entravant la libre circulation des produits et la libre prestation des services dans l’Union européenne.
L’extension des rapprochements du droit matériel des marques et des règles générales de procédure par la Directive implique de modifier certaines dispositions du droit français pour le rendre conforme au nouveau système européen des marques.
Objectifs de la transposition :
La transposition en droit français du « Paquet Marques » a pour objectif de moderniser et de rendre plus performants les dispositifs de protection des marques, notamment en permettant de :
– déposer de nouveaux types de marques répondant aux évolutions techniques et économiques (marques sonores ou animées dans des formats électroniques) ;
– réduire le coût du dépôt pour les marques visant une seule classe de produits ou de services, incitant ainsi les déposants à ne viser que les classes réellement pertinentes pour leur activité et entraînant, en conséquence, une plus grande disponibilité des signes et la possibilité de coexistence entre des acteurs sur le marché ;
– préciser le régime juridique des marques exploitées par une pluralité d’acteurs (marques collectives) ou présentant des garanties quant à certaines caractéristiques des produits ou services visés (marques de garantie) ;
– améliorer la défense des droits des titulaires de marques et de signes distinctifs :
– en élargissant la procédure d’opposition à d’autres droits antérieurs que la marque comme la dénomination sociale, le nom commercial, l’enseigne, le nom de domaine et le nom d’un établissement public de coopération intercommunale ou d’une entité publique,
– en créant une procédure administrative de nullité et de déchéance des marques permettant de faciliter ces actions, aujourd’hui ouvertes dans le seul cadre d’un contentieux judiciaire,
– en renforçant la lutte contre la contrefaçon par le rétablissement des contrôles douaniers sur les marchandises en transit externe et par la sanction des actes préparatoires à la contrefaçon ;
– apurer le registre national des marques en renforçant les exigences d’usage des marques enregistrées et en facilitant la libération des marques non exploitées pour permettre à d’autres acteurs de les utiliser, ainsi qu’en simplifiant la suppression des marques portant indûment atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie, à l’ordre public ou à la protection des consommateurs, par la mise en place d’une procédure administrative de nullité et de déchéance des marques au sein de l’Institut national de la propriété industrielle ;
– renforcer la sécurité juridique des exploitants lorsque les droits de marques ont été acquis légitimement, en prévoyant qu’une action en nullité ou en contrefaçon ne peut pas prospérer si, au moment du dépôt de la marque postérieure, la marque antérieure n’était pas opposable (par exemple, parce qu’elle n’était pas exploitée ou qu’elle était elle-même susceptible d’être annulée). Une personne qui commence l’exploitation d’une marque en toute légalité (par exemple parce qu’une marque antérieure existe mais est susceptible de déchéance faute d’exploitation depuis plus de cinq ans) ne peut plus être sanctionnée par la suite (par exemple lorsque la marque antérieure commence à être exploitée après le dépôt de la marque postérieure) ;
– organiser un partage de compétences clair entre l’Institut national de la propriété industrielle et les juridictions s’agissant des demandes en nullité ou en déchéance des marques, dans un double objectif : déjudiciariser une partie du contentieux de la nullité et de la déchéance tout en préservant l’unicité des litiges ;
– adapter la procédure de recours contre les décisions administratives rendues par le directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle en matière de délivrance, rejet ou maintien des titres d’une part, et en matière de nullité ou de déchéance des marques d’autre part, afin de se rapprocher de la procédure d’appel de droit commun.
La présente ordonnance s’attache à transposer de manière fidèle la Directive, notamment quant au choix des termes utilisés, afin d’éviter toute difficulté d’interprétation comme cela a pu être le cas suite à la loi du 4 janvier 1991.
Elle transpose l’intégralité de la Directive, y compris l’article 45 pour lequel les États membres disposent d’un délai de transposition de sept ans après son entrée en vigueur, soit jusqu’au 14 janvier 2023.
Présentation des articles :
L’ordonnance comprend trois titres et seize articles.
Le titre Ier rassemble les dispositions qui modifient les livres IV et VII du code de la propriété intellectuelle. Les titres II et III regroupent respectivement des dispositions d’application et d’adaptation outre-mer et des dispositions de coordination, transitoires et finales.
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Titre Ier : DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
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Chapitre Ier : Dispositions relatives à l’Institut national de la propriété industrielle
L’article 1er modifie les articles L. 411-1, L. 411-4 et L. 411-5 au sein du chapitre Ier du titre Ier du livre IV du code de la propriété intellectuelle.
L’article L. 411-1 est modifié afin de permettre à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) de connaître des demandes en nullité ou en déchéance de marques.
L’article L. 411-4 a trait aux décisions administratives rendues par le directeur général de l’INPI et aux recours dont elles peuvent faire l’objet devant les dix cours d’appel spécialisées désignées par voie réglementaire.
Des dispositions réglementaires d’application préciseront les modalités de formation des recours exercés à l’encontre de toutes les décisions du directeur général de l’INPI ainsi que les modalités spéciales d’examen et de jugement de ces recours. Est retenu le principe dégagé depuis plus de dix ans par la jurisprudence selon lequel les recours formés devant les cours d’appel mentionnées à l’article L. 411-4, à l’encontre des décisions du directeur général de l’INPI statuant sur la délivrance, le rejet ou le maintien des titres de propriété industrielle sont des recours en annulation : la cour d’appel annule la décision contestée ou rejette le recours et n’examine que les pièces produites et les moyens soulevés devant l’Institut. En revanche, compte tenu de l’impact très important de la décision du directeur général de l’INPI sur les droits des parties, les recours relatifs aux décisions prises en matière de nullité ou de déchéance de marques sont des recours en réformation. Est ainsi déférée à la cour la connaissance de l’entier litige, les parties pouvant produire de nouvelles pièces et soulever des moyens nouveaux.
Pour les mêmes raisons, les recours formés contre les décisions statuant sur les demandes en nullité ou en déchéance de marques sont suspensifs, à la différence des décisions de délivrance, de rejet ou de maintien des titres de propriété industrielle.
La procédure de recours contre les décisions administratives du directeur général de l’INPI est modifiée afin de se rapprocher de la procédure d’appel de droit commun, étant précisé que les articles du code de procédure civile relatifs à l’appel ne sont pas applicables.
Enfin, compte tenu de l’impact que peut avoir la décision de la cour d’appel sur la politique de délivrance des titres de propriété industrielle, la possibilité déjà reconnue au directeur général de l’INPI de former un recours en cassation est maintenue, tout en étant élargie aux décisions de la cour d’appel statuant sur un recours formé contre une décision administrative en matière de nullité ou de déchéance d’une marque.
L’article L. 411-5 relatif à la motivation des décisions du directeur général de l’INPI est complété afin d’en élargir la portée aux décisions rendues en matière de nullité ou de déchéance de marques ainsi qu’aux décisions relatives aux dessins et modèles.
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Chapitre II : Dispositions relatives aux marques de produits ou de services
L’article 2 modifie les intitulés du livre VII du code de la propriété intellectuelle et du titre Ier de ce livre. La distinction économique entre les marques de fabrique et les marques de commerce étant dépourvue de conséquences juridiques, la qualification de « marques de produits ou de services », empruntée au droit européen, est substituée à celle de « marques de fabrique, de commerce et de service ».
Par ailleurs, dans un objectif d’harmonisation avec la terminologie employée par la Directive ainsi que par l’ensemble des autres textes normatifs européens et français, le mot « propriétaire » de la marque est remplacé par l’expression « titulaire » de la marque dans l’ensemble du titre Ier du livre VII.
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Section 1 : Dispositions relatives aux éléments constitutifs de la marque
Le chapitre 1er du titre Ier du livre VII, entièrement réécrit par l’article 3, délimite, d’une part, le champ d’application du droit des marques et énonce, d’autre part, les conditions de validité de l’enregistrement de la marque. Il est composé des articles L. 711-1 à L. 711-3. La présentation s’appuie sur la distinction, tirée de l’économie des textes européens, entre motifs absolus et motifs relatifs de refus d’enregistrement ou de nullité d’une marque.
L’article L. 711-1 définit en son alinéa premier la marque, soit l’objet du droit protégé par le titre Ier du livre VII. Son deuxième alinéa transpose la suppression, par la Directive de l’exigence de représentation graphique du signe. Dorénavant, peut constituer une marque un signe apte à être représenté dans le registre national des marques dès lors que l’objet de la protection peut en être clairement et précisément déterminé. Cet assouplissement devrait permettre l’enregistrement à titre de marque de signes dits « non traditionnels », à savoir non susceptibles de représentation graphique, mais pouvant être représentés par de nouveaux moyens techniques (notamment dans des fichiers audio, vidéo ou audiovisuels).
L’article L. 711-2 regroupe l’ensemble des conditions absolues de validité d’une marque dans une disposition unique divisée en onze points : le 1° sanctionne l’inaptitude d’un signe à constituer une marque, les 2° à 4° précisent les modalités d’appréciation du caractère distinctif de la marque et les 5° à 11° énoncent les critères de licéité du signe déposé.
Conformément à la Directive, le 2° donne un fondement textuel à l’exigence dite de « distinctivité autonome », soit la capacité du signe à distinguer des produits ou services afin d’être perçu par le consommateur comme l’indication d’une origine commerciale. Cette condition, qui faisait défaut dans la loi du 4 janvier 1991, a été rappelée à plusieurs reprises par la Cour de justice de l’Union européenne puis consacrée par les juges français.
Les 3° et 4° reprennent quant à eux les exclusions des signes descriptifs et devenus usuels.
L’article rappelle également que le caractère distinctif du signe peut être acquis à la suite de l’usage qui en a été fait. Dans le cadre de la procédure d’enregistrement, le caractère distinctif doit avoir été acquis avant le dépôt de la demande afin de préserver l’égalité entre les déposants.
Afin qu’il ne soit pas porté d’atteinte excessive à la liberté du commerce et de l’industrie, le 5° exclut de la protection un signe entièrement constitué par la forme ou une autre caractéristique du produit, imposée par sa nature, nécessaire à l’obtention d’un résultat technique ou lui conférant une valeur substantielle. En effet, l’application du droit des marques ne doit pas permettre de contourner les règles propres aux brevets, aux œuvres de l’esprit ou aux dessins et modèles, notamment celles tenant à la durée légale de protection.
Les 6° à 8° reprennent des exclusions connues du droit français : est ainsi illicite une marque interdite en application de l’article 6 ter de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, une marque contraire à l’ordre public ou dont l’usage est légalement interdit ainsi qu’une marque de nature à tromper le public.
Enfin, conformément à la Directive, les 9° à 11° prévoient que ne peut être adopté à titre de marque un signe exclu en application de la législation relative aux appellations d’origine, aux indications géographiques, aux mentions traditionnelles pour les vins, aux spécialités traditionnelles garanties et aux variétés végétales antérieures, ainsi qu’un signe dont le dépôt a été effectué de mauvaise foi.
Le I de l’article L. 711-3 énumère de manière non exhaustive les droits antérieurs auxquels la marque ne doit pas porter atteinte pour être disponible.
Sur le modèle de la Directive et du Règlement, la notion d’atteinte à une marque antérieure est précisée. Il y est notamment ajouté que ne peut être valablement enregistré un signe portant atteinte à une marque antérieure jouissant d’une renommée si l’usage du signe sans juste motif tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou leur porterait préjudice.
Afin d’adapter le système français du droit des marques à l’évolution des pratiques commerciales, permise notamment par le développement de l’Internet, le Gouvernement a souhaité ajouter expressément le nom de domaine à l’énumération légale des droits antérieurs. L’article consacre ainsi une jurisprudence établie qui reconnaît le nom de domaine comme une antériorité opposable à une marque postérieure. De plus, le nom de domaine étant assimilable à un nom commercial utilisé en ligne, son opposabilité est subordonnée, d’une part, au rayonnement géographique du signe dont la portée ne doit pas être seulement locale et, d’autre part, à l’existence d’un risque confusion dans l’esprit du public.
La protection contre les dénominations publiques est également renforcée. Ainsi, l’antériorité tirée de l’atteinte au nom, à l’image ou à la renommée des collectivités territoriales est étendue aux établissements publics de coopération intercommunale, déjà bénéficiaire du droit d’alerte introduit par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation. Plus largement, le nom d’une entité publique pourra dorénavant constituer une antériorité opposable à une marque s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public. Il s’agit d’aligner la protection des noms publics sur celle des dénominations commerciales, les entités publiques pouvant elles aussi être victimes de détournements de leurs signes distinctifs.
Conformément à la Directive qui s’est inspirée de l’article 6 septies de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, le III de l’article L. 711-3 introduit un droit antérieur spécifique pour contester la validité des marques dont l’enregistrement a été indûment demandé par l’agent ou le représentant du titulaire légitime. Bien que le droit français permette déjà d’en obtenir la nullité ou le transfert sur le fondement de la fraude, la Directive est allée plus loin en sanctionnant les détournements et usurpations de marques au détriment de leurs titulaires légitimes.
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Section 2 : Dispositions relatives à l’acquisition du droit de marque
L’article 4 modifie le chapitre II du titre Ier du livre VII du code de la propriété intellectuelle.
Le 1° de l’article 4 modifie l’article L. 712-2 qui prévoit les exigences minimales permettant d’obtenir une date de dépôt, notamment le paiement de la redevance comme le permet la Directive, ainsi que les dispositions de l’article 5 du Traité sur le droit des marques et de l’article 5 du Traité de Singapour sur le droit des marques.
Le 2° de l’article 4 réécrit l’article L. 712-3 prévoyant que des observations peuvent être formulées par toute personne, sans justifier d’un intérêt à agir, auprès du directeur général de l’INPI afin que soit prononcé le rejet d’une demande d’enregistrement. Il introduit des modalités particulières s’agissant des observations pouvant être formulées concernant le règlement d’usage des marques collectives ou des marques de garantie, dont la publication peut être postérieure à celle de la marque elle-même s’il n’est pas déposé concomitamment à la demande d’enregistrement de la marque.
Les 3° à 6° de l’article 4 modifient les articles L. 712-4 et L. 712-5 et créent les articles L. 712-4-1 et L. 712-5-1 encadrant la procédure d’opposition devant l’INPI. Cette procédure administrative qui existe depuis 1991 permet au titulaire de certains droits antérieurs limitativement énumérés de s’opposer, avant la délivrance du titre, à l’enregistrement d’une demande de marque leur portant atteinte. Elle peut être formée dans un court délai de deux mois à compter de la publication de la demande d’enregistrement contestée.
Jusqu’à présent réservée aux titulaires de marques antérieures ou aux bénéficiaires d’un droit exclusif d’exploitation, aux collectivités territoriales et aux personnes habilitées à défendre des indications géographiques, une opposition pourra désormais être engagée sur le fondement d’une dénomination sociale, d’un nom commercial, d’une enseigne, d’un nom de domaine ou du nom d’une entité publique. Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), bénéficiaires du droit d’alerte en cas de dépôt d’une demande d’enregistrement de marque contenant leur dénomination mis en place à l’INPI par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, pourront former une opposition sur le fondement d’une atteinte à leur nom, leur image ou à leur renommée. Une opposition pourra également être engagée par le titulaire d’une marque protégée dans un Etat membre de l’Union de Paris et dont l’enregistrement a indûment été demandé en France par son agent ou son représentant. Ainsi, parmi les droits antérieurs, tous ceux constituant des signes distinctifs pourront être invoqués dans le cadre d’une procédure d’opposition, comme c’est le cas devant l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) ou devant la plupart des offices étrangers.
Par ailleurs, la procédure d’opposition pourra être engagée sur le fondement d’un ou plusieurs droits antérieurs, sous réserve de leur appartenance au même titulaire, réduisant en conséquence le coût global de la procédure qui, jusqu’à présent, nécessitait l’acquittement d’une redevance d’opposition pour chacun des droits antérieurs invoqués.
L’article L. 712-5 introduit une phase d’instruction mettant un œuvre un débat contradictoire entre les parties, dans les conditions définies par décret en Conseil d’Etat. Cette disposition prévoit une dérogation au point de départ du « silence vaut rejet » prévu par l’article L. 231-4 du code des relations entre le public et l’administration. En effet, cet article dispose que le délai au terme duquel le silence gardé par l’administration vaut rejet court à compter de la demande. Toutefois, afin de permettre le bon déroulement du débat contradictoire, le point de départ du délai est fixé à la date de fin de la phase d’instruction.
L’article L. 712-5-1 prévoit que l’opposition est rejetée lorsque l’opposant ne peut pas justifier d’un usage sérieux de sa marque antérieure invoquée au soutien de l’opposition ou établir de justes motifs de non-usage. Cette disposition alourdit la charge de la preuve pesant sur l’opposant puisqu’il peut être amené à produire des preuves d’usage pour chacun des produits ou services invoqués à l’appui de sa demande, et non plus pour un seul comme c’est le cas actuellement. Un débat contradictoire peut avoir lieu sur la pertinence des preuves apportées. L’examen des preuves d’usage par l’Institut national de la propriété industrielle est également renforcé.
Le 7° de l’article 4 crée l’article L. 712-6-1 relatif aux actions ouvertes au titulaire d’une marque protégée dans un Etat membre de l’Union de Paris et indûment enregistrée en France par son agent ou son représentant. Dans une telle situation, le titulaire légitime de la marque peut soit s’opposer à l’usage de la marque par son agent ou son représentant, soit demander la cession de la marque à son profit. L’agent ou le représentant du titulaire de la marque peut toutefois se défendre en rapportant la preuve de la légitimité de sa démarche au moment du dépôt. Cette disposition complète l’action en revendication prévue à l’article L. 712-6, permettant de revendiquer la propriété d’une marque déposée en fraude des droits d’un tiers ou en violation d’une obligation légale ou conventionnelle.
Le délai de prescription de cette nouvelle action est identique à celui de l’action en revendication, à savoir cinq ans à compter de la publication de la demande d’enregistrement, sauf mauvaise foi du déposant.
Les 8° à 10° de l’article 4 sont des articles de coordination juridique et de lisibilité du droit.
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Section 3 : Dispositions relatives aux droits conférés par la marque
L’article 5 modifie le chapitre III du titre Ier du livre VII du code de la propriété intellectuelle.
Le 1° de l’article 5 remplace l’intitulé du chapitre « Droits conférés par l’enregistrement » par l’intitulé « Droits conférés par la marque » afin de tirer les conséquences de ce que le régime de la marque notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la Convention de Paris (i.e. non enregistrée) se trouve précisé par des dispositions dudit chapitre.
Le 2° de l’article 5 modifie l’article L. 713-1 afin de consacrer la non-rétroactivité des droits conférés par la marque. Il dispose, comme le requiert la Directive, que les droits attachés à la marque ne peuvent faire obstacle à l’exercice de droits acquis par des tiers avant la date de dépôt.
Les 3° à 5° de l’article 5 modifient les articles L. 713-2 et L. 713-3 et créent les articles L. 713-3-1 à L. 713-3-4 qui précisent la portée des droits conférés par la marque. Le titulaire de la marque peut ainsi interdire l’usage dans la vie des affaires par un tiers non autorisé, d’une part, d’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits et services identiques à ceux couverts par la marque (double identité) et, d’autre part, d’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés (hors double identité), s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public.
La notion d’usage est ici essentielle car, conformément à la Directive, seule l’utilisation effective du signe pour désigner des produits ou services peut constituer un acte de contrefaçon, à l’exclusion donc du simple dépôt à titre de marque. Cette disposition mettra un terme à une jurisprudence fluctuante des juridictions françaises. Dorénavant, le dépôt qui, en lui-même, porterait atteinte à une marque antérieure pourra être sanctionné par une opposition à la demande d’enregistrement ou par la nullité de la marque si elle est enregistrée, et non plus par la contrefaçon.
La Cour de justice de l’Union européenne a rappelé à plusieurs reprises que les dispositions de la Directive relatives l’étendue des droits conférés par la marque procèdent à une harmonisation complète de sorte que les marques enregistrées jouissent de la même protection dans les systèmes juridiques de tous les Etats membres (considérant 10). Cependant, la loi de transposition du 4 janvier 1991 s’était écartée de la lettre de la directive 89/104/CEE en consacrant, notamment, les notions de reproduction et d’imitation d’une marque. La transposition est ici fidèle à la lettre de la Directive et aligne complètement le droit français des marques sur celui de l’Union européenne.
L’article L. 713-3 prohibe les atteintes portées à une marque jouissant d’une renommée, entendues de l’usage d’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, dès lors que l’usage du signe tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice. La renommée permet en effet d’étendre au-delà de la spécialité la protection conférée par le dépôt de la marque. L’atteinte à une marque jouissant d’une renommée est ainsi sanctionnée au titre de la contrefaçon et non plus sur le terrain de la responsabilité civile comme cela était le cas jusqu’à présent en droit français.
L’article L. 713-3-1énumère de manière non exhaustive les usages qui peuvent être interdits par le titulaire de la marque.
L’article L. 713-3-2 rompt avec la jurisprudence Nokia et Philips (CJUE, 1er décembre 2011, C-446/09 et C-495/09) en rétablissant la possibilité pour les autorités douanières de réaliser des retenues pour des marchandises en transit soupçonnées de contrefaçon sans qu’il soit nécessaire que le titulaire de la marque prouve qu’elles sont destinées à un Etat où leur commercialisation est interdite.
L’article L. 713-3-3 permet de sanctionner les actes préparatoires à la contrefaçon, notamment l’apposition d’un signe identique ou similaire à la marque sur des conditionnements, des étiquettes ou plus généralement sur tout autre support sur lequel la marque peut être apposée.
L’article L. 713-3-4 introduit la possibilité pour le titulaire de la marque d’agir à l’encontre d’un usage générique de son signe dans un dictionnaire ou une encyclopédie, afin de lutter contre la dégénérescence de ses droits. Il peut demander à l’éditeur d’indiquer que le signe reproduit est une marque enregistrée.
Le 6° de l’article 5 apporte des modifications terminologiques à l’article L. 713-4.
Le 7° de l’article 5 réécrit l’article L. 713-5 afin de préciser le régime de la marque notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la Convention de Paris pour la propriété intellectuelle (ci-après, « la marque notoire »), c’est-à-dire la marque non enregistrée bénéficiant d’une protection du fait de sa notoriété.
A la suite de la modification, par la présente ordonnance, du régime de la marque jouissant d’une renommée sur lequel était aligné celui de la marque notoire, un régime ad hoc doit être créé conformément aux engagements internationaux de la France en matière de propriété industrielle, notamment eu égard aux dispositions de l’article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle et de l’article 16 de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce. Alors que la doctrine française est partagée sur le point de savoir si la marque notoire doit jouir, dans le champ des produits ou des services pour lesquels elle est notoirement connue, de la même protection que celle conférée aux marques enregistrées (et donc bénéficier du régime de la contrefaçon), le Gouvernement estime que le système français des marques fait de l’enregistrement le seul vecteur de droits sur la marque et que la notoriété ne saurait y suppléer. Par conséquent, l’atteinte portée à une marque notoire sera désormais sanctionnée sur le seul terrain de la responsabilité civile.
Le 8° de l’article 5 modifie substantiellement la rédaction de l’article L. 713-6. Il prévoit des limites aux droits conférés par la marque, afin d’organiser une coexistence entre les droits du titulaire de la marque et l’usage loyal de signes par des tiers, comme l’usage par une personne physique de son nom de famille ou de son adresse, l’usage d’éléments non distinctifs ou descriptifs.
Cet article précise également que l’usage local d’un nom commercial, d’une enseigne ou d’un nom de domaine, s’il a commencé avant l’enregistrement de la marque, doit pouvoir perdurer dans les limites du territoire où ils sont reconnus.
En outre, le titulaire ne peut pas s’opposer à l’usage de la marque pour désigner ou mentionner des produits ou des services comme étant ceux du titulaire de cette marque, en particulier lorsque cet usage est nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoire ou pièce détachée. La condition antérieurement prévue relative à l’absence de risque de confusion sur l’origine des produits ou services marqués, non prévue par la Directive, est supprimée. L’usage d’une marque susceptible de créer une confusion sur l’origine des produits ou services pourra néanmoins être considéré comme non conforme aux usages loyaux du commerce.
Enfin, la disposition selon laquelle le titulaire de la marque peut demander une limitation ou une interdiction de ces usages en cas d’atteinte à ses droits n’étant pas prévue par la Directive, elle est supprimée.
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Section 4 : Dispositions relatives à la transmission et à la perte du droit sur la marque
L’article 6 modifie le chapitr