Le Président de la République,
Sur le rapport du Premier ministre et du ministre d’Etat, ministre des affaires étrangères,
Vu les articles 52 à 55 de la Constitution;
Vu la loi no 89-1001 du 31 décembre 1989 autorisant l’approbation d’un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’Union des Républiques socialistes soviétiques sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un échange de lettres); Vu le décret no 53-192 du 14 mars 1953 modifié relatif à la ratification et à la publication des engagements internationaux souscrits par la France,
Décrète:
Art. 1er. – L’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’Union des Républiques socialistes soviétiques sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un échange de lettres interprétatif), fait à Paris le 4 juillet 1989, sera publié au Journal officiel de la République française.
Art. 2. – Le Premier ministre et le ministre d’Etat, ministre des affaires étrangères, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
ACCORD
ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE FRANCAISE ET LE GOUVERNEMENT DE L’UNION DES REPUBLIQUES SOCIALISTES SOVIETIQUES SUR L’ENCOURAGEMENT ET LA PROTECTION RECIPROQUES DES INVESTISSEMENTS (ENSEMBLE UN ECHANGE DE LETTRES INTERPRETATIF)
Le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’Union des Républiques socialistes soviétiques ci-après dénommés « les Parties contractantes »;
Désireux dans leur intérêt mutuel de renforcer la coopération économique et commerciale et la coopération scientifique et technique entre les deux Etats et de créer des conditions favorables aux investissements français en Union des Républiques socialistes soviétiques et des investissements soviétiques en France;
Persuadés que l’encouragement et la protection réciproques de ces investissements sont propres à stimuler les transferts de capitaux et l’échange de technologies avancées entre les deux Etats, dans l’intérêt de leur développement économique,
sont convenus des dispositions suivantes:
Article 1er
Pour l’application du présent Accord:
1. Le terme « investissement » désigne des avoirs tels que les biens et droits de toute nature et plus particulièrement mais non exclusivement:
a) Les biens meubles et immeubles et tous droits réels;
b) Les actions et autres formes de participation aux sociétés constituées sur le territoire de l’une des Parties contractantes, ainsi que tous droits en découlant;
c) Les obligations, créances et droits à toutes prestations ayant valeur économique;
d) Les droits d’auteur, les droits de propriété industrielle (tels que brevets d’invention, marques déposées, modèles et maquettes industrielles),
les procédés techniques, les licences, les noms déposés, le savoir-faire et autres droits de même nature;
e) Les droits à activité économique et commerciale accordés par la loi ou en vertu d’un contrat, relatifs notamment à la prospection, la culture,
l’extraction ou l’exploitation de richesses naturelles,
étant entendu que lesdits avoirs doivent être ou avoir été investis conformément à la législation de la Partie contractante sur le territoire ou dans la zone maritime de laquelle l’investissement est effectué.
Le terme « investissement » désigne également les investissements indirects réalisés par les investisseurs de l’une des Parties contractantes sur le territoire ou dans la zone maritime de l’autre Partie contractante par l’intermédiaire d’un investisseur d’un Etat tiers.
Toute modification de la forme d’investissement des avoirs n’affecte pas leur qualification d’investissement au sens du présent Accord, à condition que cette modification ne soit pas contraire à la législation de la Partie contractante sur le territoire ou dans la zone maritime de laquelle l’investissement est réalisé.
2. Le terme « investisseur » désigne:
a) Toute personne physique qui possède la nationalité de l’une des Parties contractantes et qui peut, conformément à la législation de cette Partie contractante, effectuer des investissements sur le territoire ou dans la zone maritime de l’autre Partie contractante;
b) Toute personne morale constituée sur le territoire de l’une des Parties contractantes conformément à la législation de celle-ci et y possédant son siège social et qui peut, conformément à la législation de cette Partie contractante, effectuer des investissements sur le territoire ou dans la zone maritime de l’autre Partie contractante.
3. Le terme de « revenus » désigne toutes les sommes produites par un investissement, en particulier mais non exclusivement, les bénéfices, les dividendes, les intérêts, les redevances, les commissions, les rémunérations pour assistance technique et les prestations après vente.
4. Le présent Accord s’applique au territoire de chacune des Parties contractantes ainsi qu’à la zone maritime de chacune des Parties contractantes, ci-après définie comme la zone économique et le plateau continental qui s’étendent au-delà de la limite des eaux territoriales de chacune des Parties contractantes et sur lesquels elles ont, en conformité avec le Droit international, des droits souverains et une juridiction aux fins de prospection, d’exploitation et de préservation des ressources naturelles.
Article 2
Chacune des Parties contractantes admet et encourage, dans le cadre de sa législation et conformément aux dispositions du présent Accord, les investissements effectués par les investisseurs de l’autre Partie contractante sur son territoire et dans sa zone maritime.
Article 3
1. Chacune des Parties contractantes s’engage à assurer, sur son territoire et dans sa zone maritime, un traitement juste et équitable, conformément aux principes du Droit international, aux investissements effectués par les investisseurs de l’autre Partie contractante, excluant toute mesure injuste ou discriminatoire qui pourrait entraver la gestion, l’entretien, la jouissance ou la liquidation de ces investissements.
2. Chaque Partie contractante applique, sur son territoire et dans sa zone maritime, aux investisseurs de l’autre Partie contractante, en ce qui concerne leurs investissements et les activités liées à ces investissements, un traitement non moins favorable que celui dont bénéficient les investisseurs de tout Etat tiers.
3. Ce traitement ne s’étend toutefois pas aux privilèges qu’une Partie contractante accorde aux investisseurs d’un Etat tiers, en vertu de sa participation à:
– une zone de libre échange;
– une union douanière;
– un marché commun;
– une organisation d’assistance économique mutuelle ou en vertu d’une convention conclue à la date du présent Accord et prévoyant des dispositions analogues à celles qui sont accordées par la Partie contractante aux participants à cette organisation,
ou en vertu d’une convention de non double imposition ou de tout autre accord dans le domaine fiscal.
4. Outre les dispositions du paragraphe 2 du présent article, chaque Partie contractante applique, en conformité avec sa législation nationale, aux investissements des investisseurs de l’autre Partie contractante un traitement non moins favorable que celui qui est accordé à ses propres investisseurs.
Article 4
1. Les investissements effectués par des investisseurs de l’une ou l’autre des Parties contractantes bénéficient, sur le territoire et dans la zone maritime de l’autre Partie contractante, d’une protection et d’une sécurité pleines et entières.
2. Les revenus des investissements et, dans le cas de réinvestissement, les revenus de leur réinvestissement jouissent de la même protection que les investissements.
3. Les Parties contractantes ne prennent pas, sur leur territoire et dans leur zone maritime, de mesures d’expropriation ou de nationalisation ou toutes autres mesures dont l’effet est de déposséder les investisseurs de l’autre Partie contractante des investissements leur appartenant, si ce n’est pour cause d’utilité publique et à condition que ces mesures ne soient ni discriminatoires, ni contraires à un engagement à l’égard d’un investisseur tel que mentionné à l’article 8.
Les mesures de dépossession qui pourraient être prises doivent donner lieu au paiement d’une indemnité prompte et adéquate dont le montant doit correspondre à la valeur réelle des investissements concernés la veille du jour où les mesures sont prises ou connues dans le public.
Cette indemnité, librement transférable, est versée sans retard aux investisseurs dans une monnaie convertible. Elle produit, après expiration d’un délai de trente jours à partir du jour où les mesures sont prises ou connues dans le public et jusqu’à la date de versement, des intérêts calculés au taux approprié.
4. Les investisseurs de l’une des Parties contractantes dont les investissements auront subi des pertes dues à la guerre, à tout autre conflit armé ou à toute autre situation d’effets similaires survenue sur le territoire ou dans la zone maritime de l’autre Partie contractante,
bénéficieront, de la part de cette dernière, d’un traitement conforme aux dispositions de l’article 3 du présent Accord.
Article 5
Chaque Partie contractante, sur le territoire ou dans la zone maritime de laquelle des investissements ont été effectués par des investisseurs de l’autre Partie contractante, accorde à ces investisseurs la possibilité de transférer librement les paiements liés à ces investissements, notamment mais non exclusivement:
a) Les revenus de ces investissements tels que définis au paragraphe 3 de l’article 1er;
b) Les redevances découlant des droits désignés au paragraphe 1. lettres d et e de l’article 1er;
c) Les sommes destinées au remboursement d’emprunts relatifs aux investissements;
d) Le produit de la cession ou de la liquidation totale ou partielle de l’investissement, y compris les plus-values du capital investi;
e) Une quotité appropriée de la rémunération des ressortissants de l’autre Partie contractante qui ont été autorisés à travailler sur son territoire ou dans sa zone maritime, au titre d’un investissement autorisé;
f) Les indemnités visées à l’article 4 du présent Accord.
Les transferts visés aux paragraphes précédents sont effectués sans retard au taux de change approprié officiellement applicable à la date du transfert.
Article 6
Dans la mesure où la réglementation de l’une des Parties contractantes prévoit une garantie contre les risques non commerciaux pour les investissements effectués à l’étranger, celle-ci peut être accordée, dans le cadre d’un examen cas par cas, à des investissements effectués par des investisseurs de cette Partie contractante sur le territoire ou dans la zone maritime de l’autre Partie contractante.
Les investissements effectués par des investisseurs de l’une des Parties contractantes sur le territoire ou dans la zone maritime de l’autre Partie contractante ne pourront obtenir la garantie visée à l’alinéa ci-dessus que s’ils ont, au préalable, obtenu l’agrément de cette dernière Partie.
Si l’une des Parties contractantes, en vertu d’une garantie donnée pour un investissement réalisé sur le territoire ou dans la zone maritime de l’autre Partie contractante, effectue des versements à l’un de ses investisseurs,
elle est, de ce fait, subrogée dans les droits et actions de cet investisseur, en particulier ceux définis à l’article 7 du présent Accord.
Article 7
Tout différend entre l’une des Parties contractantes et un investisseur de l’autre Partie contractante portant sur les effets d’une mesure prise par la première Partie contractante et relative à la gestion, l’entretien, la jouissance ou la liquidation d’un investissement réalisé par cet investisseur, en particulier, mais non exclusivement, sur les effets d’une mesure relative au transport et à la vente des marchandises, à la dépossession ou aux transferts visés à l’article 5 du présent Accord est,
autant que possible, réglé à l’amiable entre les deux Parties concernées.
Si un tel différent n’a pas pu être réglé à l’amiable dans un délai de six mois à partir du moment où il a été soulevé par l’une ou l’autre des parties au différend, il peut être soumis par écrit à l’arbitrage.
Ce différend sera alors réglé définitivement, conformément au règlement d’arbitrage de la commission des Nations Unies pour le Droit commercial international, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies, dans sa résolution 31/98 du 15 décembre 1976.
Article 8
Chaque Partie contractante respecte tout engagement qu’elle a pris à l’égard d’un investisseur de l’autre Partie contractante relativement à un investissement réalisé par cet investisseur sur le territoire ou dans la zone maritime de la première Partie contractante.
Article 9
1. Les différends entre les Parties contractantes relatifs à l’interprétation ou à l’application du présent Accord doivent être réglés, si possible, par la voie diplomatique.
2. Si, dans un délai de six mois à partir de la date à laquelle il a été soulevé par l’une ou l’autre des Parties contractantes, le différend n’est pas réglé, il est soumis, à la demande de l’une ou l’autre Partie contractante, à un tribunal d’arbitrage.
3. Ledit tribunal sera constitué pour chaque cas particulier de la manière suivante:
Chaque Partie contractante désigne un membre du tribunal, et les deux membres désignent, d’un commun accord, un ressortissant d’un Etat tiers qui est président dudit tribunal. Tous les membres doivent être nommés dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle une des Parties contractantes a fait part à l’autre Partie contractante de son intention de soumettre le différend à arbitrage.
4. Si les délais fixés au paragraphe 3 ci-dessus n’ont pas été observés,
l’une ou l’autre Partie contractante, en l’absence de tout autre accord,
invite le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies à procéder aux désignations nécessaires. Si le Secrétaire général est ressortissant de l’une ou l’autre des Parties contractantes ou si, pour une autre raison, il est empêché de procéder aux désignations nécessaires, le Secrétaire général adjoint le plus ancien qui n’est pas ressortissant de l’une ou l’autre des Parties contractantes procède aux désignations nécessaires.
5. Le tribunal fixe lui-même son règlement. Il prend ses décisions à la majorité des voix. Ces décisions sont définitives et exécutoires de plein droit pour les deux Parties contractantes.
Le tribunal interprète la sentence à la demande de l’une ou l’autre Partie contractante. A moins que le tribunal n’en dispose autrement, compte tenu de circonstances particulières liées au différend concerné, les frais de la procédure arbitrale, y compris les vacations des arbitres, sont répartis également entre les Parties contractantes.
Article 10
Le présent Accord s’applique à tous les investissements effectués à partir du 1er janvier 1950.
Article 11
Chacune des Parties contractantes informe par écrit l’autre Partie contractante de l’accomplissement des procédures internes requises pour l’entrée en vigueur du présent Accord. Le présent Accord entre en vigueur trente jours après la date de réception de la dernière notification.
Le présent Accord est conclu pour une durée initiale de quinze ans. Si aucune des Parties contractantes ne le dénonce par écrit au moins un an avant l’expiration de sa période initiale de validité, il restera en vigueur tant que l’une des Parties contractantes n’aura pas notifié par écrit à l’autre Partie contractante son intention de le dénoncer. L’Accord deviendra caduc un an après la date de réception de ladite notification par l’autre Partie contractante.
A l’expiration de la période de validité du présent Accord, les investissements effectués pendant qu’il était en vigueur continueront de bénéficier de la protection de ses dispositions pendant une période supplémentaire de quinze ans.
Fait à Paris, le 4 juillet 1989, en deux originaux, chacun en langue française et en langue russe, les deux textes faisant également foi.
Pour le Gouvernement
de la République française:
PIERRE BEREGOVOY
Pour le Gouvernement de l’Union des Républiques socialistes soviétiques:
LEV VORONINE
Paris, le 4 juillet 1989.
Fait à Paris, le 14 octobre 1991.
FRANCOIS MITTERRAND
Par le Président de la République:
Le Premier ministre,
EDITH CRESSON
Le ministre d’Etat, ministre des affaires étrangères,
ROLAND DUMAS
(1) Le présent accord est entré en vigueur le 18 juillet 1991.
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