Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingtcinq novembre mil neuf cent quatre vingt onze, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller HECQUARD, les observations de Me CHOUCROY et de Me CAPRON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LIBOUBAN ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
La SOCIETE à RESPONSABILITE LIMITEE
CAAP INTERIM, partie civile,
contre l’arrêt de la cour d’appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 13 juin 1990 qui, dans la procédure suivie contre Giuseppe X…, des chefs d’abus de biens sociaux et de faux en écritures privées, a relaxé le prévenu et a débouté la partie civile de ses demandes ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 425 de la loi n°66537 du d 24 juillet 1966 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, déaut de réponse à conclusions, manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a relaxé le prévenu du chef d’abus de biens sociaux ;
« aux motifs qu’une convention passée par un dirigeant social avec un tiers portant sur la cession de ses parts, ne saurait avoir pour effet, quelles qu’en soient les clauses, de modifier les pouvoirs de gestion qu’il tient des statuts ou de la loi ;
« qu’en l’absence d’opposition de l’assemblée générale des actionnaires et alors que les statuts de la société prévoient que le gérant a droit au rembousement de ses frais de déplacement, un gérant de SARL ne se rend pas coupable d’abus de biens sociaux en se faisant rembourser ses frais de déplacement entre son domicile et son lieu de travail ;
« qu’en l’espèce, il n’est pas démontré, ni que la facture litigieuse portait sur des frais autres que ceux du déplacement ou de représentation dont le prévenu pouvait obtenir le remboursement en sa qualité de gérant, ni qu’elle ne correspondait pas à ceux de l’année 1987, qu’en particulier il n’est pas établi que les frais de déplacement et de représentation que Scavetta a nécessairement engagés pour le compte de la société Caap Interim lui avaient été directement réglés par celle-ci du moins pendant les neuf premiers mois de l’année 1987 ;
« qu’il n’est pas davantage prouvé, nonobstant la ventilation mensuelle de sa présentation, que ce paiement a eu un caractère forfaitaire ou hors de proportion avec les frais réellement exposés dans l’intérêt de la société ;
« qu’au demeurant rien n’interdit qu’un gérant soit remboursé de ses frais de manière forfaitaire ni qu’une société rembourse un forfait à un prestataire de service qui en fait l’avance et en répartit la charge entre les sociétés pour le compte desquels ils ont été exposés ;
« qu’enfin Scavetta produit un état dressé par le comptable CAAP et Cie donnant le détail de l’ensemble des frais de remboursement litigieux ;
« alors que d’une part et contrairement à d l’affirmation de la
Cour, les statuts de la société ne prévoyaient nullement, dans leur rédaction en vigueur à l’époque des faits, que le prévenu aurait droit au remboursement de ses frais de déplacement, qu’en invoquant ces statuts pour écarter l’existence du délit d’abus de biens sociaux reproché au prévenu, la Cour s’est donc fondée sur un motif erroné qui repose sur une dénaturation des statuts de la société dont le prévenu était le gérant ;
« alors que d’autre part, le gérant d’une SARL qui, au moment de la cession de la quasi totalité des actions d’une société qu’il détenait et qui était elle-même propriétaire de la presque totalité des parts de la SARL, s’est engagé envers la cessionnaire des actions à ne se faire rembourser les frais de déplacement qu’il serait amené à exposer en sa qualité de gérant de la SARL qu’avec l’accord de la bénéficiaire de la cession puis, qui, ensuite, viole cet engagement pour, deux mois avant de démissionner, faire payer par la SARL à une tierce société qu’il contrôlait et dont il était également le gérant, une somme de 284 640 francs toutes taxes comprises désignée dans la facture comme constituant une refacturation de ses frais de déplacement 20 000 x 12, ne peut se voir relaxer du chef d’abus de biens sociaux sous prétexte qu’il ne serait pas démontré que la facture litigieuse ne concernerait pas des frais de déplacement relatifs à l’année 1987 ni que le prévenu se soit fait régler directement ses frais de déplacement par la société du moins pendant les neuf premiers mois de l’année 1987, ni que ce paiement ait eu un caractère forfaitaire, sans que les juges du fond aient répondu aux conclusions d’appel de la partie civile dans lesquelles cette dernière soulignait, pour faire constater que le paiement de la facture constituait un paiement forfaitaire indu effectué par anticipation pour l’année 1988, que la facture portait la mention manuscrite « charge à étaler sur l’année », que l’exercice comptable 1987 était clos au moment où elle avait été émise et que le prévenu avait reconnu au cours de l’instruction, qu’à partir des trois derniers mois de l’année 1987, ses frais de déplacement avaient été payés directement au moyen de la carte bleue de la société pour laquelle ils avaient été exposés ;
« et qu’enfin, la Cour n’ayant pas prétendu que l’état des frais produit par le prévenu constituait un justificatif des frais de déplacement qui figuraient sur la facture litigieuse, l’allusion faite de faàon inopérante à ce document que les juges du fond n’ont pas considéré comme constituant une preuve de la réalité des d frais de déplacement qui avaient été exposés pour le compte de la société de la somme de 284 640 francs, ne pouvait prononcer la relaxe du prévenu » ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 147 et 150 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a relaxé le prévenu du chef de faux en écriture ;
« aux motifs que le prévenu n’a fait que signer un document élaboré par sa cocontractante, qu’il ne peut donc lui être reproché aucun acte de fabrication de contrefaçon ou d’altération d’un document commercial au sens des articles 147 et 150 du Code pénal ;
« que d’autre part, la mention dans le document litigieux de ce que les marques dont s’agit avaient été déposées par les sociétés
représentées par le prévenu n’a qu’un caractère descriptif et ne fait naître en elle-même aucune conséquence juridique particulière ;
« que cette inexactitude ou ce mensonge, à supposer établie la mauvaise foi du prévenu, ne suffit pas à caractériser le délit de faux, alors surtout qu’elle ne portait pas sur une disposition substantielle de la convention ;
« qu’il appartenait en effet à la partie civile de vérifier la réalité des allégations de son cocontractant qu’elle reproduisait dans son projet d’acte ;
« alors que en signant, au moment où il cédait la presque totalité du capital social de deux sociétés, une convention dont d’après ses propres termes, la signature par lui-même, constituait une condition essentielle et déterminante, de l’achat des actions par sa cocontractante et dans laquelle il attestait divers faits et notammet que les marques des deux sociétés sont dûment et valablement déposées par elles le prévenu, qui, la veille avait déposé en son nom personnel les marques des deux personnes morales, a bien commis le délit de faux en écriture privée qui lui était reproché par fabrication d’un faux intellectuel, qu’en effet cette convention constitue incontestablement un titre au profit du prévenu, et la clause litigieuse entâchée de faux en est bien une disposition substantielle dont l’inexactitude était de nature à porter préjudice à la d société ayant acheté les actions puisqu’elle permettait au prévenu d’utiliser impunément la marque des deux personnes morales dont il venait de vendre les actions ; que dès lors la Cour a violé les articles 147 et 150 du Code pénal en relaxant néanmoins le prévenu » ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que pour dire non établis les délits d’abus de biens sociaux et de faux en écriture privée dénoncés par la partie civile, la cour d’appel a, par des motifs exempts d’insuffisance, justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Que les moyens qui reviennent à remettre en question, sous couvert de défaut de réponse à conclusions, l’appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Le Gunehec président, M. Hecquard conseiller rapporteur, MM. Tacchella, Souppe, Gondre, Hébrard, Culié conseillers de la chambre, MM. Bayet, de Mordant de Massiac conseillers référendaires, M. Lecocq avocat général, Mme Gautier greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;