Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche :
Vu l’article 1116 du code civil ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que suivant un premier protocole du 27 février 2012, la société Delachaux s’est engagée, sous diverses conditions, à céder à la société Sekco Operating Company, à laquelle s’est ultérieurement substituée la société Sekco Tamaris Company (la société Sekco Tamaris), la totalité des actions de la société Tamaris industries ; que par acte du 30 avril 2012, ayant fait suite à ce premier protocole, la société Delachaux a conclu avec la société Sekco Tamaris un protocole de conciliation emportant cession à cette dernière des actions de la société Tamaris industries ; que reprochant à la société Delachaux de lui avoir dissimulé une pratique généralisée, au sein de la société Tamaris industries, de faux certificats de conformité à destination de sa clientèle, la société Sekco Tamaris l’a assignée en annulation des protocoles pour dol ; que la société Tamaris industries a été mise en liquidation judiciaire, M. X… étant désigné en qualité de liquidateur ;
Attendu que pour annuler les protocoles des 27 février et 30 avril 2012, l’arrêt retient qu’il résulte des courriels échangés entre MM. Y… et Z…, alors respectivement salarié en charge de la certification et directeur général adjoint de la société Tamaris industries, que la pratique généralisée consistant à établir des faux certificats de conformité à destination de la clientèle était non seulement connue de la direction de cette société, mais initiée ou, à tout le moins tolérée par elle, et que les attestations de MM. Y… et A… confirment que c’est sous la pression de leur hiérarchie que ces documents erronés étaient établis ; qu’il en déduit qu’en présentant à la future cessionnaire, comme constituant un incident isolé, la découverte des certificats matières inexacts transmis à un client, la société Delachaux lui a volontairement dissimulé cette pratique ancienne de fabrication de faux documents ;
Attendu qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que la société Delachaux, cédante des actions de cette société, avait connaissance de l’existence de la pratique en cause, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 3 octobre 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Nîmes, autrement composée ;
Condamne la société Sekco Tamaris Company aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Delachaux la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Delachaux
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit nul et de nul effet le protocole d’accord et le protocole de conciliation du 27 février 2012 ;
Aux motifs propres que « à l’appui de son appel du jugement qui a retenu à son encontre la réticence dolosive, qui lui était imputée au soutien de l’action en nullité, la SA Delachaux prétend en premier lieu voir écarter, en raison de son caractère non contradictoire, le rapport d’expertise établi le 12 novembre 2012 par Pierre B… à la demande de la Sasu Tamaris Industries ; mais que s’il incombe à la partie qui se prétend victime de dol, de faire la démonstration des éléments constitutifs du prétendu dol, les moyens pour parvenir à cette preuve sont libres, et celui qui en a la charge, a le droit d’invoquer les éléments d’un rapport d’expertise auquel n’a pas participé la partie à laquelle il est opposé, sauf à en apprécier la force probante en l’état des autres éléments de preuve versés aux débats ; que la SA Delachaux soutient ensuite que la société Sekco Tamaris a acquis en toute connaissances de cause les actions litigieuses, pour avoir réalisé un audit complet de la Sasu Tamaris Industries après le protocole du 27 février 2012 ; mais que ce point, contesté par la société Sekco Tamaris (qui indique, sans être utilement contredite, n’avoir pas réalisé d’autre audit de l’entreprise que celui effectué ensuite du protocole de conciliation du 30 avril 2012, et s’être antérieurement limitée à consulter les documents qui montraient la situation financière officielle de la société, et à effectuer six jours de visite afin d’appréhender l’état apparent de l’usine), n’est pas corroboré par d’autres éléments ; que ce point est au surplus indifférent, dans la mesure où il n’est pas contesté par la SA Delachaux que la société Sekco Tamaris n’aurait pas eu connaissances d’une pratique généralisée d’établissement de faux certificat destiné à la clientèle de l’entreprise, la SA Delachaux prétendant l’avoir elle-même ignoré, alors qu’elle assurait directement le contrôle et la gestion de l’entreprise ; qu’elle affirme en effet n’avoir pas eu connaissance de précédents aux faits dénoncés par son client » Peugeot « , qui concernaient l’établissement de deux faux » certificats matières « , et qu’elle aurait découverts en même temps que la société Sekco Tamaris, faits qui ont été sanctionnés par le licenciement du responsable de ces faux ; or qu’après la prise de contrôle de la Sasu Tamaris Industries, la société Sekco Tamaris a été alertée par l’un de ses salariés, Pascal Y…, qui contestait (en réponse à une lettre d’avertissement du mai 2012, le sanctionnant pour avoir laissé expédier au client quatre carcasses, sans contrôle préalable de dureté, et pour avoir laissé rédiger les procès-verbaux de contrôle indiquant une dureté conforme, alors que les tests devaient révéler des résultats inférieurs) l’imputabilité des fautes qui lui étaient reprochées, et dénonçait la pratique généralisée de l’établissement de faux certificats ; que cette pratique était vérifiée par l’examen des résultats originaux conservés par le service contrôle de l’entreprise et leur comparaison avec les certificats adressés aux clients qui lui en faisaient la demande ; que la société Sekco Tamaris procédait alors à la vérification des certificats de conformité, qui avaient été établis à l’intention de la clientèle, et à leur comparaison avec les originaux ainsi conservés, et il était découvert de nombreux cas similaires d’établissement de faux certificats à destination de la clientèle, lesquels sont illustrés par les pièces 19-1 à 19-8 de la société Tamaris Industries, demanderesse à l’action ; qu’il ressort du procès-verbal de constat dressé le 8 avril 2013 à la requête de la SA Delachaux par Me Jean-François C…, huissier de justice à Alès, et de l’attestation établie le 10 avril 2013 par René D…, directeur général de la Sasu Tamaris Industries, que ce dernier a remis à Pascal E…, directeur juridique de la SA Delachaux, les divers documents sollicités, parmi lesquels les orignaux des rapports d’essais correspondant aux certificats allégués de faux, la société Delachaux revendiquant à cette fin sa qualité de propriétaire à la suite du jugement dont appel, de sorte que le fait litigieux doit être considéré comme établi de manière contradictoire ; que l’examen technique par Pierre B… de ces faux certificats et des rapports d’essais du laboratoire en charge du contrôle des pièces a mis en évidence 21 coulées identifiées falsifiées sur une période de 20 mois (de septembre 2010 à avril 2012) avec un pourcentage de 38, 17 % (ce qui pourrait permettre d’estimer pour la même période, pour l’ensemble des coulées, un volume de faux certificats de l’ordre de 84), tous les paramètres des essais mécaniques étant concernés (ceux des analyses chimiques restant à qualifier), avec des falsifications grossières de grande ampleur qui remontent à plus de dix années ; que les constatations de ce technicien sont corroborées par celles qui ont été consignées par la SA DCNS dans son rapport d’inspection chez son fournisseur, à la suite de suspicions d’émission de faux certificats relatifs à 14 commandes, audit qui concluait notamment (après examen de seulement 12 commandes, aucun document original n’ayant été retrouvé pour les autres, la Sasu Tamaris Industries s’engageant à rechercher les échantillons de matière pour permettre à sa cliente d’effectuer ultérieurement les contre-essais), d’une part, qu’il apparaissait dans un nombre élevé de cas, lorsque les exigences du contrat n’étaient pas respectées, que la Sasu Tamaris Industries rédigeait et émettait de faux certificats annonçant des valeurs conformes et déclarant le produit en phase avec les exigences du contrat, d’autre part, que la production des originaux de procès-verbaaux d’essais a pu néanmoins permettre de lever les doutes sur un certain nombre de produits ; que plus particulièrement, pour les trois commandes regroupées au § » i » du rapport (regroupement qui a conduit la société Delachaux à conclure que l’inspection n’aurait porté que sur 12 commandes au lieu de 14) qui concernaient l’examen de 64 ogives non rebutées sur 77 commandées, il n’a été retrouvé que 31 certificats conformes, pour 17 certificats non conformes ; que le rapport précise au surplus, que ces 77 ogives, seulement 8 d’entre elles étaient réellement conformes à la » STA » (Spécification Technique d’Approvisionnement), soit 12, 5 % des ogives fabriquées et non rebutées, ratio qui pouvait être porté à 37, 5 % en ajoutant les valeurs » Rp 0, 2 » (limites conventionnelles d’élasticité) acceptables ; que la circonstance soulignée par la SA Delachaux, que la SA DCNS a finalement accepté certaines pièces, dont celles pour lesquelles elle a procédé ultérieurement aux contre-essais, en raison de spécifications techniques acceptables, est indifférente quant à l’appréciation de la sincérité des certificats remis aux clients pour attester des valeurs prétendument retrouvées ; que cet avis du technicien est également confirmé dans une moindre mesure par un rapport d’audit interne réalisé le 4 octobre 2006 sur le fonctionnement du service de contrôle (annexe 2 de la pièce n° 23 de la société Sekco Tamaris) qui signalait, pour 3 commandes de » galets Joseph Paris « , d’une part, que les données indiquées sur le procès-verbal n’étaient pas conformes à la réalité, même si l’analyse demeurait correcte, d’autre part, que le procès-verbal transmis aux clients ne correspondait pas exactement aux relevés d’usinage ; que cet audit interne est également intéressant en ce qu’il relève, parmi les points antérieurement signalés à l’occasion d’un audit précédent du 25 octobre 2005 : » Aucune autorisation de mise sur par et autorisation d’expédition n’a été donnée par le service contrôle le jour de l’expédition » ; qu’en effet l’examen des courriels échangés être les différents responsables des services » qualité « , » contrôle » ou » méthode » de la Sasu Tamaris Industries, et le rapprochement de ces courriels avec le contenu des attestations produites de part et d’autre, révèle que l’entreprise, qui travaillait en flux tendu et qui avait besoin de trésorerie, expédiait les pièces commandées sans avoir reçu l’autorisation préalable du service » contrôle « , de sorte que les commandes étaient déjà livrées aux clients, lorsque les résultats des essais étaient connus, et que, plutôt que de prendre le risque d’un retour de la pièce, dont les résultats n’étaient pas conformes aux normes spécifiées à la commande, il était établi un certificat correspondant à ces dernières ; que l’étude de ces mêmes courriels permet de constater que la pratique existait depuis le début des années 2000 ; qu’en effet, Remi Z…, engagé le 20 janvier 1999 pour assurer la direction de Tamaris Industries et la division » aciers spéciaux » de la société Delachaux répondait le 26 mars 2012 à Pascal Y… qui lui signalait de mauvais essais mécaniques : » Ce n’est pas nouveau, douze ans que la réalité et la théorie sont différentes ¿ » ; que ces échanges de courriels confirment que cette pratique était non seulement connue de la direction de la Sasu Tamaris Industries, mais qu’elle était initiée par elle, ou à tout le moins tolérée, ce qui est confirmé par le contenu des attestations délivrées le 9 avril 2013 par Pascal Y… et par Cyril A…, qui indiquent l’un et l’autre que c’est sous la pression de leur hiérarchie, que ces documents erronés étaient établis ; qu’il s’ensuit qu’en présentant à la future cessionnaire du capital social de la Sasu Tamaris Industries, comme constituant un incident isolé, la découverte des certificats matière inexacts, qui avaient été transmis à sa cliente Peugeot, la société Delachaux lui a volontairement dissimulé cette pratique ancienne de fabrication de faux certificats à destination de sa clientèle ; que dès lors que cette cession s’inscrivant dans le cadre d’une procédure de conciliation destinée à prévenir les conséquences des difficultés économiques auxquelles la Sasu Tamaris Industries était confrontée, cette information, qui était essentielle pour l’appréciation des perspectives de redressement de l’entreprise, était de nature à modifier l’appréciation par la société Sekco Tamaris du risque de l’opération ; qu’ainsi, la société Sekco Tamaris fait suffisamment la preuve que son consentement a été obtenu en raison de la réticence dolosive de cette information, sans laquelle elle n’aurait pas contracté ; qu’en conséquence, sans qu’il soit nécessaire de recourir à une mesure d’investigation préalable, que ce soit sous forme d’enquête ou d’expertise judiciaire, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a annulé le protocole d’accord du 27 février 2012 et le protocole de conciliation du 30 avril 2012, dont il a été le support nécessaire, et en ce qu’il a ordonné la restitution des actions de la SA Delachaux, ainsi que la restitution de leur prix à la société Sekco Tamaris » ;
Et aux motifs adoptés que « les parties sont liées par un protocole d’accord portant sur la cession par la SA Delachaux de 100 % des actions détenues au sein de la société Tamaris Industries ; qu’il est également établi que la société Tamaris Industries, dans le cadre de son exploitation industrielle, doit remettre à chaque client, à la livraison des pièces fabriquées, un certificat de conformité se référant à la norme EN 10204 et attestant que la pièce correspondant au certificat est conforme à cette norme et aux spécifications physiques ou chimiques de la commande ; qu’il est établi et non contesté, que la société Tamaris Industries émettait de faux certificats, les pièces livrées ne correspondant pas à cette norme, pas plus qu’aux spécifications physiques ou chimiques de la commande ; qu’il est également établi que cette pratique était largement répandue au sein de la société Tamaris Industries ; que tenant à l’importance de cette pratique, des doléances en découlant et des risques pesant sur l’exploitation industrielle, il apparaît surprenant que l’actionnaire principal n’ait pas eu connaissance de ces faits ; qu’en tout état de cause, il apparaît que le repreneur a eu connaissance dès avant la cession alerté par un client, la société Peugeot, du fait qu’une pièce livrée n’était pas conforme au certificat établi ; qu’interrogée par le repreneur, la société Delachaux devait reconnaître ce fait, contestait l’importance de celui-ci et indiquait à son cocontractant que cela constituait, si ce n’est une erreur, en tout cas un cas isolé ; que le préposé, responsable de ce faux certificat, a été licencié par la SA Delachaux ; qu’il est ainsi établi que dès avant la cession, le cédant connaissait l’existence de cette pratique ; qu’il lui appartenait, s’il n’en avait pas eu connaissance auparavant de procéder aux investigations utiles et nécessaires permettant de s’assurer que ce fait n’était qu’un cas isolé ; qu’il apparaît que le cédant n’a pas effectué ces investigations ou, s’il les a réalisées, il n’en a pas informé son cocontractant ; que dans ces deux hypothèses, l’attitude de la société Delachaux apparaît surprenante et a minima empreinte d’une particulière mauvaise foi ; que le cessionnaire n’avait pas les moyens de procéder à ces vérifications avant la cession, celles-ci nécessitant l’aveu des salariés ou l’accès aux archives du laboratoire d’essais de la société Tamaris Industries ; qu’il convient également de relever que le directeur général de la société Delachaux était l’ancien président de la société Tamaris Industries ; qu’il ressort de l’ensemble de ces éléments que les faits et la pratique massive de faux certificats est avérée ; que la société Delachaux ne pouvait ignorer cette pratique, son directeur général étant l’ancien dirigeant de la société Tamaris Industries ; que la SA Delachaux connaissait l’existence de cette pratique dès avant la cession ; qu’elle n’a procédé à aucune investigation permettant de vérifier la réalité et l’étendue de cette pratique ; que le cessionnaire n’avait pas les moyens de procéder lui-même à ces vérifications avant la cession définitive ; qu’il pouvait légitimement faire confiance à son cocontractant, sur lequel il pèse une obligation de bonne foi, lorsque celui-ci lui indiquait qu’il s’agissait d’une pratique isolée ; qu’il ressort de l’ensemble de ces éléments que la SA Delachaux a sciemment trompé son cocontractant ; que la SA Delachaux n’a pas porté à la connaissance du cessionnaire des informations significatives dont l’importance aurait nécessairement dû affecter la décision de l’acquéreur ; que la société Sekco Tamaris verse aux débats de nombreux documents attestant de l’émission de faux certificats pour de nombreux clients, à savoir Sermondes, Arcelor, Pozco, Peugeot, Renault et la DCNS ; que s’agissant de ce dernier client, il apparaît que seuls 12, 5 % des ogives fabriquées et livrées étaient réellement conformes aux exigences ; qu’il ressort de ces pièces que cette pratique porte sur plusieurs années ; qu’il est produit des échanges de courriels entre MM. Y… et Z… (directeur général de la SA Delachaux) sur des problèmes de qualité rencontrés dans plusieurs affaires entre 2010 et 2012 ; que l’importance de cette pratique, les risques pesant sur l’activité, la perte de confiance des clients et de fait, les risques de perte de clientèle attestent clairement que le cessionnaire n’aurait pas contracté, s’il avait connaissance de ces pratiques ; que la cession intervenue et le consentement du cessionnaire auront bien été viciés du fait de la réticence dolosive avérée dont s’est rendu coupable le cédant ; qu’il convient dès lors de faire droit aux prétentions de la partie requérante (la société Sekco Tamaris), de dire nul et de nul effet le protocole d’accord et le protocole de conciliation du 27 février 2012, d’ordonner la restitution des actions de la société Tamaris à la société Delachaux par la société Sekco Tamaris et d’ordonner la restitution du prix de 1 euro par la société Delachaux à la société Sekco Tamaris » ;
Alors, d’une part, qu’il appartient à la partie qui impute un dol à son cocontractant de le démontrer ; qu’en retenant la commission par la société Delachaux, cédante des actions de la société Tamaris Industrie à la société Sekco, d’un dol consistant à avoir dissimulé au cessionnaire une « pratique généralisée de faux certificats destinés à la clientèle de l’entreprise », faute pour la société Delachaux d’avoir corroboré son affirmation selon laquelle la société Sekco avait acquis en toute connaissance de cause de la situation, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve, dès lors qu’il incombait à cette société cessionnaire de prouver qu’elle ignorait ce fait qui lui aurait été dissimulé intentionnellement par la société cédante ; que la cour d’appel a ainsi violé les articles 1116 et 1315 du code civil ;
Alors, d’autre part, que l’existence d’un dol suppose l’ignorance par la partie qui l’invoque du fait prétendument dolosif ; qu’en retenant que la société Sekco avait ignoré la pratique de faux certificats au sein de la société dont elle acquérait les actions avant la date du protocole de conciliation du 30 avril 2012, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl. p. 23, 24), si la société Sekco, avait eu, dès avant cette date, précisément connaissance de la pratique invoquée, dès lors que dans ses courriels des 10 et 28 avril 2012, M. F…, dirigeant de la société Sekco, cessionnaire, faisait part à la société Delachaux, cédante, de la nécessité de « faire face aux faux certificats et à la falsification du processus chez Tamaris » et affirmait que « cela se produisait depuis un certain temps », la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1116 du code civil ;
Alors, de troisième part, que l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu’en affirmant qu’il n’était « pas contesté par la société Delachaux », cédante, que la société Sekco, cessionnaire, n’avait pas eu connaissance d’une pratique généralisée d’établissement de faux certificats destinés à la clientèle de l’entreprise, quand la société Delachaux faisait valoir que la cédante avait acquis les actions « en ayant connaissance des faiblesses de Tamaris Industries et de l’existence d’une difficulté relative à la fiabilité des certificats matière émis par le service qualité de cette entreprise » (concl. p. 24, § 7), la cour d’appel, qui a méconnu les termes du litige tels que fixés par les prétentions respectives des parties, a violé l’article 4 du code de procédure civile ;
Alors, de quatrième part, qu’il y a aveu extrajudiciaire d’une partie qui reconnaît un point de fait aux termes d’un écrit ; qu’en excluant que la société Delachaux, cédante représentée par son dirigeant légal, M. G…, ait pu ignorer la pratique de faux certificats par la société Tamaris Industries dont elle détenait les actions, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl. p. 25), si M. F…, dirigeant de la société cessionnaire, n’avait pas reconnu lui-même cette ignorance de la société cédante, aux termes clairs et précis d’une lettre du 16 juillet 2012 par laquelle il écrivait à M. G… « je ne doute pas que ignoriez ces actes graves », la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1354 du code civil, ensemble l’article 1116 du même code ;
Alors, de cinquième part, qu’en retenant que la connaissance par la société Delachaux, cédante, de la pratique généralisée de faux certificats dans la société Tamaris Industries, dont les actions étaient cédées, ressortait des attestations selon lesquelles les préposés de la société Tamaris Industries avaient subi à cette fin une pression exercée par la hiérarchie, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl. p. 25 & 26), si les seules circonstances qui étaient connues du directeur du site de production de Tamaris Industries et dont il résultait seulement que ce directeur avait conscience des mauvais essais mécaniques pratiqués avaient permis d’informer le dirigeant légal de la société Delachaux d’une pratique distincte d’émission généralisé de faux certificats, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1116 du code civil ;
Alors, de sixième part, qu’en retenant encore que le rapport amiable non contradictoire établi par M. B… faisait ressortir une telle pratique généralisée de faux certificats que la société Delachaux s’était abstenue de porter à la connaissance de la société Sekco de manière dolosive dès lors qu’elle en avait connaissance, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 34), s’il ne résultait pas des termes de ce rapport que la société Delachaux avait nécessairement ignoré cette pratique indécelable « sauf suspicions et investigations approfondies », la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1116 du code civil ;
Alors, en tout état de cause, que le vendeur n’est pas tenu d’une information particulière au bénéfice de l’acquéreur si celui-ci était en mesure d’avoir connaissance des faits par lui-même ; qu’en retenant que la société Sekco, cessionnaire, avait ignoré légitimement la pratique retenue de faux certificats, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl. p. 22 et s.) si, en raison du fonctionnement de la société Tamaris Industries dont la société Sekco avait déjà eu connaissance avant le protocole de cession du 30 avril 2012, cette société avait été mise en mesure d’agir pour avoir connaissance des faits ensuite invoqués comme constitutifs d’une réticence dolosive, de sorte qu’aucun défaut d’information ne pouvait être imputé à cet égard à la société Delachaux qui avait mis nombre d’éléments à la disposition de la société Sekco avant la cession, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1116 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir ordonné la restitution des actions de la société Tamaris à la société Delachaux par la société Sekco Tamaris et d’avoir ordonné la restitution du prix de un euro par la société Delachaux à la société Sekco Tamaris et d’avoir dit n’y avoir lieu à dommages et intérêts, déboutant ainsi la société Delachaux de sa demande d’indemnisation ;
Aux motifs propres que « le jugement déféré sera confirmé (…) en ce qu’il a ordonné la restitution des actions de la SA Delachaux, ainsi que la restitution de leur prix à la société Sekco Tamaris » ;
Et aux motifs réputés adoptés que « il convient dès lors de faire droit aux prétentions de la partie requérante (la société Sekco Tamaris), de dire nul et de nul effet le protocole d’accord et le protocole de conciliation du 27 février 2012, d’ordonner la restitution des actions de la société Tamaris à la société Delachaux par la société Sekco Tamaris et d’ordonner la restitution du prix de 1 euro par la société Delachaux à la société Sekco Tamaris » ;
Alors qu’en cas d’annulation d’un contrat il doit être fait comme si ce contrat n’avait jamais existé ; que les circonstances survenues entre la livraison et la restitution de la chose vendue qui ont affecté sa valeur ne peuvent être à la charge du vendeur ; que l’acquéreur doit alors une indemnisation pour dépréciation due à l’usage ; qu’en se contentant d’ordonner la restitution réciproque des actions à la société Delachaux et du prix de 1 euro symbolique à la société Sekco, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 42 et 43), si la cour d’appel ne pouvait décider de restitutions réciproques, sans mettre à la charge de la société Sekco une indemnisation en réparation de la dépréciation de la société Tamaris Industries au cours de la période pendant laquelle la société Sekco avait été titulaire des actions de cette société, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1116 du code civil.
ECLI:FR:CCASS:2015:CO00343