Cour d’appel de Versailles, du 11 mai 2001

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Cour d’appel de Versailles, du 11 mai 2001

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

FAITS ET PROCEDURE Par acte sous seing privé en date du 1er octobre 1984, Mademoiselle X… a donné à bail à Monsieur LE Y… un appartement sis à BOIS COLOMBES (92), 21, rue de l’Abbé Glatz. Par acte d’huissier en date du 14 octobre 1997, Mademoiselle X… a fait délivrer à Monsieur LE Y… un congé pour habiter avec effet au 15 avril 1998. Par acte d’huissier en date du 12 mai 1998, Mademoiselle X… a fait assigner Monsieur LE Y… devant le tribunal d’instance de COLOMBES aux fins d’entendre valider le congé aux fins de reprise; dire que Monsieur Z… LE Y… devra libérer les lieux loués; dire que Monsieur LE Y… est un occupant sans droit ni titre; l’expulser en conséquence et séquestrer le mobilier; fixer une indemnité d’occupation et le condamner à verser la somme de 5.000,00 francs sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, le tout sous bénéfice de l’exécution provisoire. A l’appui de ses prétentions elle a soulevé que le congé pour habiter n’avait pas été suivi d’effets. Monsieur LE Y… a répondu que Mademoiselle X… était à la tête d’un important patrimoine immobilier, ce qui rendait peu vraisemblable le motif du congé; que l’immeuble objet de la reprise était un studio mansardé de près de 14 m , soumis à la loi du 1er septembre 1948, en vertu d’un jugement du 20 septembre 1988 ; a sollicité 5.000,00 francs à titre reconventionnel de dommages et intérêts pour procédure abusive et 4.000,00 francs en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Par jugement contradictoire en date du 5 janvier 1999, le tribunal d’instance de COLOMBES a rendu la décision suivante: Vu les articles 4 et 19 de la loi du 1er septembre 1948, Vu l’article 1353 du Code Civil, – déclarer la demande non fondée, En conséquence, – dit n’y avoir lieu de valider le congé délivré par Mademoiselle X… le 14 octobre 1997, avec effet au 15 avril 1998, – dit que Monsieur Z… LE Y… bénéficie du maintien dans les lieux, à Bois-Colombes, 21 rue

de l’Abbé Glatz, aux conditions définies par le jugement du 20 septembre 1988, et par l’article 4 de la loi du 1er septembre 1948, – dit que Mademoiselle X… doit payer à Monsieur Z… LE Y… 4.000,00 francs à titre de dommages et intérêts, – dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire, – dit que Mademoiselle X… doit payer à Monsieur Z… LE Y… 4.000,00 francs en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, – rejette le surplus des demandes, – met les entiers dépens à la charge de Mademoiselle X…. Par déclaration en date du 1er mars 1999, Mademoiselle A… X… a relevé appel de cette décision. La clôture a été prononcée le 2 novembre 2000. Par actes déposés au greffe en date du 14 novembre 2000, les parties ont sollicité la révocation de l’ordonnance de clôture en vue d’un rapprochement entre elles et de la concrétisation d’un accord. Par arrêt contradictoire en date du 14 novembre 2000, la Cour de céans (1ère Chambre, 2ème section) a ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture et renvoyé l’affaire à la mise en état. Suite à la révocation de la clôture, l’appelante n’a pas déposé de nouvelles conclusions. Dans ses dernières conclusions signifiées au greffe le 2 novembre 2000, Mademoiselle A… X… soutient qu’elle ne dispose pas d’une habitation correspondant à ses besoins; qu’elle vit chez ses parents retraités. De plus, elle estime que les pièces versées aux débats par Monsieur LE Y… sont étrangères aux débats, certaines concernant son père, d’autres contenant des informations périmées; elle rappelle qu’elle habite à VINCENNES, au domicile de ses parents; qu’elle n’est propriétaire que d’un bien immobilier; qu’elle détient des participations dérisoires dans trois sociétés; qu’elle est sans emploi; qu’elle perçoit les ASSEDICS et vit chez ses parents. Par conséquent, elle prie la Cour de: – Déclarer l’appel recevable et bien fondé, – Réformer en toutes ses dispositions le jugement en date

du 5 janvier 1999, – Valider le congé délivré par Mademoiselle X… à Monsieur LE Y… le 14 octobre 1997 par exploit de Maître LOUVION au visa de l’article 19 de la loi du 1er septembre 1948, à effet au 15 avril 1998, – Dire et juger que depuis le 15 avril 1998 Monsieur LE Y… est occupant sans droit ni titre de l’appartement sis au 3ème étage, de l’immeuble du 21 rue de l’Abbé Glatz 92270 BOIS COLOMBES (accès par escalier particulier depuis le 2ème étage), En conséquence, – Ordonner son expulsion et de toute personne dans les lieux de son chef avec l’assistance de Commissariat de Police et de la Force Armée si besoin est, – Ordonner le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans un garde-meuble qu’il désignera ou dans tel autre lieux, – Condamner Monsieur LE Y… à verser à Mademoiselle X… à compter du 15 avril 1998 une indemnité d’occupation d’un montant de 5.500,00 francs mensuellement, – Les condamner au paiement d’une somme de 8.000,00 francs par application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, – Les condamner aux entiers dépens tant de première instance que d’appel, lesquels seront recouvrés directement par la SCP KEIME ET GUTTIN, par application des dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile. Monsieur LE Y… soutient que Mademoiselle X… n’apporte pas la preuve de l’intérêt légitime de la reprise; que Mademoiselle X… n’est nullement hébergée au domicile de ses parents; que sur les quittances produites ne figure même pas le nom du bailleur; que Mademoiselle X… est à la tête d’un patrimoine immobilier important rendant invraisemblable la réalité de la reprise; qu’elle est administrateur et actionnaire dans différentes sociétés d’administration de biens et sociétés civiles immobilières. Il demande donc à la Cour de: – Révoquer l’ordonnance de clôture rendue le 2 novembre 2000. – Subsidiairement, écarter des débats les pièces communiquées pour

Mademoiselle X… en son appel. En tout état de cause, – Déclarer mal fondée Mademoiselle X… en son appel. – Débouter Mademoiselle X… de toutes ses demandes, fins et conclusions. – Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions. Y ajoutant, – Condamner Mademoiselle X… à payer à Monsieur LE Y… la somme de 10.000,00 francs par application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile. – Condamner Mademoiselle X… en tous dépens de première instance et d’appel dont distraction est requise au profit de la SCP GAS conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile. La clôture a été prononcée le 8 mars 2001 et l’affaire appelée à l’audience du 20 mars 2001. SUR CE, LA COUR, Considérant qu’il est d’abord souligné à toutes fins utiles, que l’appelante, méconnaissant délibérément les dispositions des articles 901, et 960 alinéa 2 – a et 961 alinéa 1 du Nouveau Code de Procédure Civile, n’a jamais indiqué les mentions exigées par ces articles à peine de nullité de l’appel ou d’irrecevabilité de ses conclusions ; qu’il en résulte que la plus grande incertitude voulue et entretenue persiste sur la profession de Mademoiselle X… en octobre 1997, date de la signification du congé-reprise litigieux, alors pourtant que le juge doit tenir compte de la situation sociale et éventuellement des besoins professionnels ou familiaux du bénéficiaire de la reprise demandée pour statuer au sujet des besoins normaux de celui-ci ; qu’il sera donc observé que l’intéressée dont il est constant qu’elle est titulaire de parts ou d’actions dans plusieurs sociétés (SA ou SCI) à objet immobilier, se déclarait « vétérinaire » lorsqu’elle a acheté ce studio litigieux, le 6 octobre 1989, et que dans le congé du 14 octobre 1997 elle se disait ‘salariée » (sans autres précisions) ; qu’actuellement elle prétend être sans emploi et en fin de droits à l’égard des ASSEDIC, le dernier emploi allégué par elle mais non explicité semblant

remonter à 1997 ; qu’elle était également indiqué comme étant co-gérante de la SCI du FOURCHERET (en juin 1989) ayant pour objet l’acquisition et le gestion de biens immobiliers et qu’elle s’est également indiquée comme étant administrateur de la SA CLAIRVILLE ; qu’il est donc patent que la vraie activité professionnelle et les vrais revenus de l’appelante ont été et sont relatifs à sa qualité d’administrateur et de gérante, et ce dans un cadre familial, puisque son père et sa mère sont eux aussi administrateurs au gérants de sociétés à objet immobilier ; I/- Considérant quant au fond, que c’est à Mademoiselle X…, en tant que demanderesse en reprise pour habiter personnellement qu’incombe la charge de prouver qu’elle ne disposait pas, en octobre 1997 (date de la signification du congé), d’une habitation correspondant à ses besoins normaux, au sens de l’article 19 de la loi du 1er septembre 1948 applicable en l’espèce ; Considérant quant à cette preuve, que Mademoiselle X… qui est née en 1964, ne démontre pas qu’à la date du 14 octobre 1997, l’appartement au n° 60 de la rue de FONTENAY, à VINCENNES où elle est domiciliée était encore, à cette époque, le domicile effectif et réel de ses parents ; qu’elle prétend qu’elle était alors hébergée par ceux-ci et qu’elle le serait toujours actuellement , mais que les rares documents qu’elle communique, à savoir : – 3 factures EDF de 1998 (2) et de 1999 (1) au nom de Monsieur X… B…, – 2 factures TELECOM de 1998 au nom de Monsieur X… B…, – 2 quittances de loyers seulement (d’avril et mai 1998) établies au nom de Monsieur X… B…, ne permettent pas de démontrer que depuis 1981 et jusqu’en octobre 1997, au moins, les époux B… X… avaient bien leur domicile effectif, au sens de l’article 102 du Code Civil, à VINCENNES ; qu’il est étonnant que les intéressés n’aient produit aucun courrier personnel ou officiel qu’ils auraient reçu à cette adresse du 60 rue

de FONTENAY à VINCENNES depuis 1981, et que la preuve de leur prétendue occupation suivie et effectué de ces lieux, depuis cette date, se ramène à la production des seuls 7 documents ci-dessus analysées et qui ne prouvent rien ; que notamment, rien n’est précisé ni démontré sur l’auteur du paiement de ces différentes factures ; que l’appelante fait enfin état d’un courrier émanant d’un huissier de FONTENAY SOUS BOIS, adressé le 14 septembre 2000 à « Monsieur et Madame X… » à cette adresse du 60 rue de FONTENAY à VINCENNES, mais que rien ne démontre que « Monsieur et Madame X… » étaient bien présents dans ces lieux, à cette date, et qu’ils y avaient reçu personnellement ce courrier qui a pu être réceptionné tout simplement par leur fille elle-même ; qui au demeurant, les intéressés ne communiquent rien d’autre et ne démontrent pas que ce sont eux, en tant que locataires et occupants effectifs de ce lieux, qui auraient ensuite reçu personnellement cet huissier et lui auraient fait visiter les lieux pour qu’il prenne les mesures de cet appartement ; Considérant, en définitive, que l’appelante ne fait toujours pas la preuve qui lui incombe, qu’à la date du congé (14 octobre 1997), elle était simplement hébergée par ses parents dans cet appartement de 5 pièces de VINCENNES ; qu’au contraire, l’ensemble des éléments de preuve soumis à la Cour et qui sont graves précis et concordants conduit à admettre que Mademoiselle X… occupait seule ces lieux en octobre 1997 ; que cet appartement confortables de 5 pièces (dont 2 living-room et 3 chambres) dans ce quartier résidentiel de VINCENNES correspond aux besoins normaux de l’intéressée, à cette époque, et ce en tenant compte de son âge et de sa situation sociale de détentrice de parts et d’actions dans plusieurs sociétés ; qu’elle n’est donc pas en droit de réclamer à son profit l’application de l’article 19 de la loi du 1er septembre 1948 ; Considérant qu’en outre et en tout état de cause – même s’il devait être admis qu’en

octobre 1997 les parents de Mademoiselle X… occupaient effectivement cet appartement de VINCENNES et qu’elle-même n’y était qu’hébergée – il serait alors retenu par la Cour que l’appelante qui dit qu’elle n’avait pour revenus que les loyers de ce studio occupé par Monsieur LE Y…, avait un intérêt évident à cette époque à demeurer auprès de ses parents chez qui elle trouvait le concours matériel, le secours affectif et tout le confort correspondant à son âge, à son célibat et à sa position sociale, et répondant entièrement à ses besoins normaux, au sens de l’article 19 de la loi du 1er septembre 1948 ; qu’elle ne remplit donc pas les conditions exigées par cet article pour fonder sa demande en reprise à l’encontre de son locataire Monsieur LE Y… ; que l’appelante est par conséquent déboutée de toutes ses demandes sans qu’il soit nécessaire pour la Cour d’analyser le moyen surabondant tiré d’une fraude de la part de la bailleresse ; II/- Considérant par ailleurs que le jugement déféré est confirmé en ses autres justes dispositions accordant 4.000,00 francs de dommages et intérêts à Monsieur LE Y… pour le préjudice certain et direct que lui a causé cette action injustifiée et abusive formée contre lui, ainsi que la somme de 4.000,00 francs en vertu de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, eu égard à l’équité ; Considérant que la Cour y ajoutant et compe tenu de l’équité, condamne Mademoiselle X… A… à payer à Monsieur LE Y… la somme de 6.000,00 francs en vertu de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile pour ses frais irrépétibles en appel, et qu’elle même est déboutée de sa propre demande fondée sur ce même article ; PAR CES MOTIFS La COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ; Vu l’article 19 de la loi du 1er septembre 1948 : Déboute Mademoiselle A… X… des fins de son appel et de toutes les demandes que celui-ci comporte ; Confirme en son entier le jugement déféré ; Et y ajoutant : Condamne

l’appelante à payer à Monsieur LE Y… Z… la somme de 6.000,00 francs ( 914,69 suros) en vertu de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile pour ses frais irrépétibles en appel ; Condamne Mademoiselle X… à tous les dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés directement contre elle par la SCP d’avoués GAS, conformément aux dispositions de l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Et ont signé le présent arret :

Monsieur Alban C…, qui l’a prononcé, Madame Caroline DE D…, qui a assisté à son prononcé, Le GREFFIER,

Le PRESIDENT,


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