Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 4 juillet 2018, 16-25.542, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 4 juillet 2018, 16-25.542, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Générale d’importation (la société Gisa), détenue par une société holding la société Finercom, et par MM. Z…, B…, et Jean-François Y…, Jean Y… et Mmes A… et C…, a été mise en redressement judiciaire le 18 août 1994, M. D… étant désigné représentant des créanciers ; qu’un plan de cession totale des actifs de la société Gisa a été arrêté le 3 août 1995 et la procédure de redressement judiciaire clôturée par un jugement du 17 décembre 2001 ; que la société Finercom, détenue par M. Jean-François Y… et Mme A…, a été mise en liquidation judiciaire le 18 août 1994, M. D… étant désigné liquidateur ; que cette procédure a été clôturée pour insuffisance d’actif le 26 mars 1998 ; que sur requête présentée le 29 juillet 2004 par la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur (la Coface), qui détenait des fonds pour le compte de la société Gisa à la suite d’un accord de consolidation de dette entre les gouvernements français et nigérien, le président du tribunal de commerce a, par une ordonnance du 29 avril 2005, désigné M. D… en qualité de mandataire ad hoc de la société Gisa avec pour mission de rouvrir la procédure collective de cette dernière, recevoir les fonds et procéder à leur répartition entre les créanciers ; que sur requête de M. D… du 21 novembre 2005, le président du tribunal de commerce a, par une ordonnance du 25 juillet 2006, rétracté celle du 29 avril 2005 et désigné à nouveau M. D… avec pour mission de recevoir les fonds et les répartir entre les créanciers, sans réouverture de la procédure collective ; que M. D… a reçu la somme de 14 622 611,26 euros, l’a répartie entre les créanciers et, détenteur d’un solde après cette distribution, a saisi le président du tribunal d’une requête pour faire désigner M. Jean-François Y… en qualité de liquidateur amiable de la société Gisa afin que celui-ci reçoive ce solde et le répartisse entre les associés ; que l’ordonnance du 30 janvier 2007 faisant droit à cette demande a été rétractée par une ordonnance du juge des référés du 12 juin 2007, lequel a désigné un huissier de justice en qualité de séquestre ; qu’un arrêt du 1er février 2008 a annulé cette ordonnance du 12 juin 2007, rétracté celle du 25 juillet 2006 ayant désigné M. D… pour recevoir et répartir les fonds et celle du 30 janvier 2007 ayant désigné M. Y… pour recevoir et répartir le solde restant après distribution, et a déclaré irrecevables les demandes tendant à la désignation d’un séquestre ; que Jean Y…, époux de Mme A…, est décédé le […] ; que reprochant à M. D… d’avoir commis une faute en se faisant désigner administrateur ad hoc de la société Gisa pour distribuer les fonds aux créanciers de cette dernière alors que sa procédure collective avait été clôturée, MM. Z…, B… et Y…, et Mmes A… et C… ont assigné, le 13 novembre 2012, M. D… et la Caisse de garantie des administrateurs et mandataires judiciaires en paiement de dommages-intérêts et ont appelé en intervention forcée et en garantie la société Covea Risks, assureur de M. D… ;

Sur le second moyen, pris en sa troisième branche, qui est préalable :

Vu l’article 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble l’article 90 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que pour écarter toute faute de la part de M. D…, l’arrêt retient que ce n’est pas sur requête de ce dernier que le président du tribunal de commerce a décidé de lui demander de répartir, entre les créanciers de la société Gisa, les fonds versés par la Coface mais sur requête de l’avocat de celle-ci ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que M. D… avait lui-même demandé au président du tribunal, compte tenu de l’impossibilité de rouvrir la procédure collective, à être désigné administrateur ad hoc pour répartir les fonds entre les créanciers de la société Gisa en dépit de la clôture de la procédure de redressement judiciaire de cette dernière, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Sur le même moyen, pris en sa cinquième branche, qui est également préalable :

Vu l’article 90 de la loi du 25 janvier 1985, ensemble l’article 1382, devenu 1240, du code civil ;

Attendu que la clôture de la procédure de redressement judiciaire prononcée après exécution d’un plan de cession totale de l’entreprise ne fait recouvrer aux créanciers leur droit de poursuite individuelle que dans les limites de l’article 169 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que pour écarter toute faute de M. D…, l’arrêt retient qu’il n’est pas établi, qu’en l’absence de saisine du tribunal, les sommes versées par la Coface auraient dû être réparties entre les associés de la société Gisa et non entre ses créanciers ;

Qu’en statuant ainsi, alors que les créanciers de la société Gisa ne pouvaient plus prétendre, postérieurement à la clôture de la procédure collective de celle-ci, au paiement de leur créance, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Sur la recevabilité du premier moyen, contestée par la défense :

Attendu que les défendeurs au pourvoi soutiennent que Mme A… est sans intérêt à critiquer le chef de dispositif l’ayant déclarée irrecevable à agir dès lors que les demandes des autres associés, identiques à celles qu’elle avait formées, ont été rejetées ;

Mais attendu que la cassation du chef de dispositif ayant rejeté les demandes au fond rend recevable Mme A… à critiquer l’arrêt qui l’a déclarée irrecevable à agir ;

Et sur ce moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l’article 724 du code civil ;

Attendu, selon ce texte, que les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt ;

Attendu que pour déclarer Mme A… irrecevable à agir en qualité d’ayant droit de son époux Jean Y…, l’arrêt retient qu’aucune pièce n’est produite dans la présente instance qui établirait qu’elle vient seule aux droits de son époux et qu’elle a donc qualité à agir sur ce fondement ;

Qu’en statuant ainsi, alors que Mme A…, saisie de plein droit des biens, droits et actions du défunt, avait qualité pour exercer, sans le concours des autres héritiers, une action tendant à obtenir, au bénéfice de la succession, l’indemnisation du préjudice subi par le défunt, la cour d’appel a violé le texte susvisé, par refus d’application ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il déclare recevable l’action engagée par MM. Z…, B… et Y…, Mmes C… et A…, prise en son nom personnel, l’arrêt rendu le 30 juin 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. D…, la Caisse de garantie des administrateurs et des mandataires judiciaires et la société MMA IARD, venant aux droits de la société Covéa Risks, aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à M. Jean-François Y…, M. Noël Z…, Mme Raymonde A…, M. Stéphane B… et Mme Sylvie C… ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour MM. Y…, Z…, B… et Mmes A… et C….

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir déclaré Madame Raymonde A…, irrecevable à agir en sa qualité d’ayant droit de Monsieur Jean Y… ;

Aux motifs que « les intimés soutiennent que ni monsieur Jean Y…, décédé et dont son épouse madame Raymonde A… vient seule aux droits de celui-ci en l’absence de son fils et sans qu’aucun acte de notoriété ne soit produit, ni la société Finereorn, qui a fait l’objet d’une procédure de liquidation clôturée pour insuffisance d’actif ne sont demandeurs à la procédure alors qu’ils étaient tous deux actionnaires de la société Gisa. Les appelants, anciens associés de la société Gisa, ne peuvent se substituer à cette dernière qui subsiste pour les besoins de la liquidation. Seul un mandataire ad hoc de la société Gisa aurait qualité à agir.

Concernant l’intérêt à agir, les sommes versées par la société Coface ont permis d’apurer intégralement le passif de la société Gisa subsistant après la clôture de son redressement judiciaire. Selon les intimés, les anciens associés de la société Gisa ne peuvent prétendre à des droits indivis sur les sommes qui reviennent aux créanciers de la société malgré le fait qu’ils aient bénéficié du solde restant après paiement des créanciers.

Concernant la qualité à agir, les appelants font valoir que le jugement du 17 décembre 2001 ayant clôturé la procédure de liquidation judiciaire et ayant ordonné la radiation de la société Gisa du registre du commerce a entraîné la disparition de cette société et en conséquence la perte de sa personnalité juridique. De ce fait, les appelants, anciens associés de la société Gisa, sont devenus de plein droit copropriétaires indivis des actifs acquis postérieurement à la clôture des opérations de liquidation. Ces co-indivisaires devaient ainsi être informés de l’existence et du sort de l’indemnité versée par la société Coface. Seule la désignation d’un représentant de l’indivision était nécessaire.

Concernant l’intérêt à agir, les appelants rappellent que la réouverture de la procédure de redressement judiciaire clôturée par tin plan de cession n’était pas permise. En effet, la réouverture de la procédure n’est possible qu’à la demande du créancier lorsqu’il s’agit d’une liquidation judiciaire et non d’un redressement clôturé par la cession totale des actifs. En raison de la cession totale des actifs, les créanciers ont définitivement perdu leur droit à un paiement ultérieur de leur créance. La créance litigieuse d’un montant de 14 millions d’euros ne figurait pas au bilan de la société Gisa, celle-ci était donc postérieure au jugement de clôture de la procédure collective.

La cour rappelle que la société Gisa a fait l’objet d’un plan de cession total. En application des dispositions de l’article 1844-7, 7° du code civil alors applicable, une société en redressement judiciaire est dissoute par l’effet du jugement ordonnant la cession des actifs et en vertu de l’article L 237-2 du code de commerce la société est en liquidation dès l’instant de sa dissolution.

La procédure collective de la société Gisa a été clôturée et la société a été radiée du registre du commerce par jugement du tribunal de commerce du 17 décembre 2001 après accomplissement des formalités de mise en oeuvre du plan. Ce jugement est définitif.

La procédure collective de la société Finercom a été clôturée pour insuffisance d’actif et la société a été dissoute et radiée du registre du commerce.

La cour relève que la présente action est relative à la mise en cause de la responsabilité de Maître D… à qui il est reproché d’avoir réparti les fonds de la COFACE en vertu de décisions de justices annulées ou rétractées par la suite, au préjudice des associés de la société Gisa. La cour n’est pas saisie de la question de savoir comment devaient être répartis ces fonds et notamment si le tribunal aurait dû être saisi pour qu’un administrateur ad hoc soit désigné à cette fin ou si les anciens associés pouvaient conserver ces sommes ayant appartenu à la société Gisa plutôt que dédommager les créanciers impayés.

Les associés des sociétés dissoutes dépourvues de personnalité morale se prévalent chacun d’un préjudice personnel que Maître D… leur aurait causé et non d’un préjudice de la société Gisa au nom de laquelle ils actionneraient Maître D….

Ils ont donc qualité à agir pour mettre en cause sa responsabilité. Ils ont aussi intérêt à agir pour la réparation de ce préjudice qu’ils estiment avoir subi.

Pour ce qui concerne la qualité à agir de madame A… en sa qualité d’ayant droit de son époux monsieur Jean Y…, la cour constate qu’aucune pièce n’est produite dans la présente instance qui établirait qu’elle vient seule aux droits de son époux et qu’elle a donc qualité à agir sur ce fondement » ;

Alors, d’une part, que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ; qu’en estimant que Madame A… était irrecevable à agir en sa qualité d’ayant droit de Monsieur Jean Y… en ce qu’aucune pièce n’était produite qui établirait qu’elle vient seule aux droits de son époux, quand il était pourtant constant que Madame A…, qui était mariée sous le régime de la communauté universelle et bénéficiaire d’une clause d’attribution intégrale au conjoint survivant, venait seule aux droits du défunt, la Cour d’appel a violé l’article 31 du code de procédure civile, ensemble l’article 1526 du code civil ;

Alors, d’autre part et en tout état de cause, que tout héritier est fondé, même avant partage et même sans le concours des autres indivisaires, à agir en cette qualité contre le tiers détenteur d’un bien qui aurait été soustrait à l’actif de la succession ; qu’en estimant toutefois que Madame A… était irrecevable à agir en sa qualité d’ayant droit de Monsieur Jean Y… en ce qu’aucune pièce n’était produite qui établirait qu’elle venait seule aux droits de son époux, la Cour d’appel a violé l’article 724 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté Monsieur Jean-François Y…, M. Noël Z…, Mme Raymonde A…, M. Stéphane B… et Mme Sylvie C… de leur demande tendant à condamner M. Loïc D… à leur payer la somme de 5.949.108,41 euros à titre de dommages-intérêts, et d’avoir, en conséquence, débouté les exposants de leur demande tendant à dire et juger, en tant que besoin, que la société COVEA RISKS devra relever et garantir Monsieur Loïc D… des condamnations prononcées à son encontre, conformément au contrat d’assurance de responsabilité civile souscrit par la CAISSE DE GARANTIE DES ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES ET DES MANFATAIRES JUDICIAIRES A LA LIQUIDATION DES ENTREPRISES ;

Aux motifs propres que « les appelants font valoir que conformément aux dispositions de l’article 170 de la loi de 1985, applicable en l’espèce, seuls les créanciers avaient la possibilité de demander la réouverture de la procédure de liquidation judiciaire. Maître D…, en sa qualité de professionnel spécialiste du droit des procédures collectives, ne pouvait ignorer que la procédure ne pouvait reprendre régulièrement. En conséquence, une simple erreur de droit suffit à engager la responsabilité de ce professionnel du droit dans l’exercice de son activité.

Ils ajoutent que Maître D… ne peut reporter toute sa responsabilité sur le président du tribunal de commerce qui a rendu les ordonnances litigieuses aux motifs que d’une part, le professionnel du droit, qui décide d’agir sur la base d’une décision judiciaire provisoire ou n’ayant pas l’autorité de la chose jugée engage sa responsabilité si cette décision venait à être réformée et, d’autre part, les appelants ne peuvent engager la responsabilité du président du tribunal de commerce de Paris qu’en cas de « faute lourde ou déni de justice » qui suppose l’existence d’une déficience caractérisée par un fait ou une série de faits. Maître D… a en connaissance de cause adressé une requête au président du tribunal de commerce pour la réouverture de la procédure collective de la société Gisa.

Selon les appelants, le lien de causalité est caractérisé par la demande de Maître D… de se faire désigner comme mandataire ad hoc sans respect du contradictoire afin de se faire autoriser à distribuer des fonds de la société Gisa, privée de sa personnalité morale. Monsieur Y… n’a pas implicitement ratifié les actions de Maître ‘houx. Le préjudice s’élève au montant distribué aux anciens créanciers soit la somme de 5.949.108,41 euros.

Les appelants sollicitent la condamnation de Covea Risks à garantir Maître D… des condamnations prononcées conformément à sa police d’assurance.

Les intimés soutiennent que Maître D… n’est pas responsable de « l’excès de pouvoir » imputable au président du tribunal de commerce de Paris qui l’a désigné en qualité de mandataire ad hoc en l’autorisant à appréhender les fonds et à régler les créanciers alors que le juge des requêtes n’avait pas le pouvoir de statuer. Maître D… a agi uniquement en exécution des ordonnances du président du tribunal de commerce de Paris notamment celle du 25 juillet 2006 l’autorisant à répartir les fonds reçus.

Concernant le lien de causalité, Maître D… a informé monsieur Y… et son conseil dès l’encaissement des fonds de la société Coface. Ces derniers n’ont émis aucune opposition quand le paiement du passif a été évoqué. De plus, lorsque monsieur Y… a demandé à ce qu’il soit désigné en qualité de liquidateur de la société Gisa, il n’a émis aucune réserve sur le déroulement de la mission de Maître D… ayant permis d’honorer les créanciers de la société.

Selon les intimés, le règlement des dettes de la société Gisa ne peut constituer un préjudice indemnisable.

La Caisse de Garantie a pour fonction de souscrire une assurance responsabilité pour le compte de ses membres. La demande formulée contre elle doit ainsi être rejetée. La société Covea Risks fait sien les moyens de Maître D…, son assuré, tendant à voir rejeter les demandes comme mal fondés. En tout état de cause, elle n’est tenue que par les termes et les limites du contrat d’assurance prévoyant une franchise de 10% du montant de l’indemnité susceptible d’être mise à la charge de Maître D….

La cour confirmera en premier lieu le jugement attaqué en ce qu’il a mis hors de cause la Caisse de garantie des administrateurs et mandataires judiciaires et note au demeurant bien que les appelants n’aient pas sollicité la confirmation du jugement sur ce point qu’aucune demande n’a été formée contre elle.

La cour rappelle que le mandataire est personnellement tenu des fautes ou des négligences qu’il commet dans l’exercice de ses fonctions sur le fondement de l’article 1382 du code civil. Il appartient à celui qui recherche sa responsabilité de rapporter la preuve d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

La cour constate que Maître D… a procédé au paiement du reliquat du passif de la société Gisa avec les fonds donnés par la COFACE après avoir été désigné à cet effet par une ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris en date du 29 avril 2005 le désignant comme mandataire ad hoc « afin de rouvrir la procédure clôturée le 17 décembre 2001 recevoir des mains de la COFACE les fonds résultant de l’accord précité pour les transférer dans le patrimoine de la société GISA et procéder à leur répartition « au marc le franc » aux créanciers à hauteur du solde de leur créance résultant de la première distribution ». Cette ordonnance a été rétractée le 25 juillet 2006 par le président du tribunal de commerce sur requête de Maître D… au motif que la procédure collective ne devait pas être rouverte mais en confirmant cependant la désignation et la mission de Maître D… en qualité de mandataire ad hoc. Ce n’est que le 1″ février 2008 que cette ordonnance a été rétractée par la cour d’appel, annulant ainsi les décisions ayant servi de fondement aux paiements des créanciers de la société Gisa par Maître D…. Dans son arrêt la cour d’appel ne se prononce pas sur la possibilité ou non de nommer un mandataire ad hoc pour récupérer les fonds de la COFACE et les répartir entre les créanciers impayés mais uniquement sur le pouvoir du président du tribunal de désigner sur requête un mandataire ad hoc pour cette mission alors qu’une telle décision relevait du pouvoir juridictionnel du tribunal et non du juge des requêtes.

Il ressort de ces éléments que ce n’est pas sur requête de Maître D… que le président du tribunal de commerce de Paris a décidé de demander à ce dernier de répartir entre les créanciers de la société Gisa les fonds récupérés de la COFACE mais sur requête de l’avocat de celle-ci.

La faute initiale reprochée à maître D… ne lui est donc pas imputable et ce d’autant plus qu’en l’absence de saisine du tribunal il n’est pas établi que les sommes versées par la COFACE auraient dues être réparties entre les associés de la société Gisa et non entre ses créanciers.

C’est également à juste titre que les premiers juges ont considéré que l’erreur de droit reprochée à Maître D… ne revêtait pas un caractère grossier » ;

Et aux motifs éventuellement adoptés que « le président du tribunal de commerce n’avait pas le pouvoir de donner suite à la requête de la société Coface en date du 29 juillet 2004, la cour d’appel de Paris a rétracté par son arrêt du 1’ février 2008 les ordonnance des 25 juillet 2006, désignant M. D… comme mandataire ad hoc avec pour mission de recevoir les fonds et procéder à leur répartition « au marc le franc » aux créanciers, et du 30 janvier 2007, désignant M. Jean-François Y… en qualité de liquidateur amiable de la société Gisa, pour recevoir le solde des sommes disponibles, soit 8.673.502,85 €, et procéder à leur répartition.

Il en résulte que la distribution des fonds s’est effectuée sans fondement légal.

Pour autant, lorsqu’il a procédé à la répartition des fonds, M. D… n’a pas agi de lui-même mais en exécution de l’ordonnance du 25 juillet 2006 du président du tribunal de commerce le nommant mandataire ad hoc et lui donnant pour mission de recevoir les fonds et de procéder à leur répartition « au marc le franc » aux créanciers, sans réouverture de la procédure collective. Aucune faute ne lui est d’ailleurs reprochée dans l’accomplissement de cette mission.

Pareillement, c’est en exécution de l’ordonnance du 30 janvier 2007, le désignant en liquidateur amiable de la société Gisa, que M. Jean-François Y… a reçu le solde des sommes disponibles, soit 8.673.502,85 €, et a procédé à leur répartition.

Si en dehors de toute reprise de la procédure collective de la société Gisa, dont il n’est pas contesté qu’elle n’était pas possible juridiquement, M. D… a sollicité le 21 novembre 2005 auprès du président du tribunal de commerce d’être désigné en qualité de mandataire ad hoc pour répartir les fonds versés par la société Coface, lesquels, s’agissant d’assurance-crédit, étaient nécessairement relatifs à des créances impayées de la société Gisa, cette circonstance n’est pas en relation de causalité avec le préjudice invoqué dès lors que cette requête ne permettait pas à M. D… d’agir et que c’est sur le fondement de l’ordonnance du 25 juillet 2006 que les fonds ont été répartis.

Il convient, en outre, de souligner que l’erreur de droit imputée par les demandeurs à M. D… ne présente pas de caractère grossier puisqu’ils n’ont manifesté aucune opposition et que les associés de la société Finercom ont eux-mêmes, dans les mêmes conditions, réglé la BNP, créancière.

Il y a donc lieu de rejeter les demandes » ;

Alors, d’une part, que les mandataires de justice engagent leur responsabilité civile professionnelle en raison des fautes et négligences commises dans l’exécution de leurs mandats ; qu’ils répondent, en tant que professionnels du droit des procédures collectives, de toutes les erreurs de droit commises dans le cadre de leurs fonctions, que celles-ci soient grossières ou non ; qu’en retenant, pour exclure toute responsabilité, que les premiers juges avaient à juste titre considéré que l’erreur de droit reprochée au mandataire judiciaire ne revêtait pas un caractère grossier, la Cour d’appel a violé les articles 1382 et 1383 du code civil, dans leur rédaction applicable à la cause ;

Alors, d’autre part, que les mandataires de justice engagent leur responsabilité civile professionnelle en raison des fautes et négligences commises dans l’exécution de leurs mandats ; qu’en énonçant que Maître D… n’avait commis aucune faute en demandant sa désignation comme mandataire ad hoc au président du tribunal de commerce par la voie d’une requête, tout en constatant expressément qu’une telle désignation relevait du pouvoir juridictionnel du tribunal et non du juge des requêtes, d’où il s’évinçait que le mandataire judiciaire avait commis une erreur de droit en demandant sa désignation dans le cadre d’une procédure irrégulière, procédure qui l’avait conduit à distribuer des actifs aux créanciers de la procédure clôturée, au détriment des associés de la société, la Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales qui s’évinçaient de ses propres constatations et a partant violé les articles 1382 et 1383 du code civil dans leur rédaction applicable à la cause ;

Alors, de troisième part, qu’en cas de découverte de nouveaux actifs, le mandataire judiciaire ne peut, après la clôture de la procédure de redressement judiciaire, demander au président du tribunal sa désignation comme mandataire ad hoc de la société et procéder au paiement des créanciers, aux fins de contourner l’impossibilité de rouvrir une nouvelle procédure collective ; qu’en estimant qu’aucune faute n’était imputable au mandataire judiciaire, quand il avait, compte tenu de l’impossibilité de rouvrir la procédure de redressement judiciaire contre la société, lui-même demandé au président du tribunal sa désignation comme mandataire ad hoc et réparti les fonds entre les créanciers en dépit de la clôture de la procédure collective, la Cour d’appel a violé l’article 170 de la loi du 25 janvier 1985, applicable à la cause, ensemble l’article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;

Alors en outre qu’en cas de découverte de nouveaux actifs, le mandataire judiciaire ne peut, après la clôture de la procédure de redressement judiciaire, demander au président du tribunal sa désignation comme mandataire ad hoc de la société et procéder au paiement des créanciers, aux fins de contourner l’impossibilité de rouvrir une nouvelle procédure collective ; qu’à tout le moins, en se bornant à relever que la décision rendue en appel qui avait rétracté la décision l’ayant nommé, ne s’était pas prononcée sur la possibilité ou non de nommer un mandataire ad hoc pour récupérer les fonds de la COFACE et les répartir entre les créanciers impayés mais uniquement sur le pouvoir du président du tribunal de désigner sur requête un mandataire ad hoc pour cette mission, sans rechercher, ainsi qu’elle y était expressément invitée, si une telle demande de désignation effectuée par le mandataire judiciaire auprès du président du tribunal ne constituait pas une faute, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 170 de la loi du 25 janvier 1985, applicable à la cause, ensemble l’article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;

Alors, de surcroît, que la clôture de la procédure de redressement judiciaire ne fait pas recouvrer aux créanciers leurs droits de poursuite à l’égard du débiteur sauf si la créance résulte d »une condamnation pénale, de droits attachés à la personne du créancier, ou en cas de fraude à l’égard de créanciers, de faillite personnelle, d’interdiction de diriger et contrôler une entreprise commerciale ou une personne morale, de banqueroute ou lorsque le débiteur ou la personne morale dont il a été le dirigeant a été déclaré en état de cessation des paiements et que la procédure a été clôturée pour insuffisances d’actif ; qu’en estimant qu’en l’absence de saisine du tribunal, il n’est pas établi que les sommes versées par la COFACE auraient dues être réparties entre les associés de la société GISA et non entre ses créanciers, quand ces derniers n’étaient pourtant investis d’aucun droit de poursuite à l’encontre de la société, la Cour d’appel a violé les articles 92 et 169 de la loi du 25 24 janvier 1985 dans leur rédaction applicable à la cause, ensemble l’article 1382 du code civil ;

Alors, en tout état de cause, que la clôture de la procédure de redressement judiciaire ne fait pas recouvrer aux créanciers leurs droits de poursuite à l’égard du débiteur sauf si la créance résulte d »une condamnation pénale, de droits attachés à la personne du créancier, ou en cas de fraude à l’égard de créanciers, de faillite personnelle, d’interdiction de diriger et contrôler une entreprise commerciale ou une personne morale, de banqueroute ou lorsque le débiteur ou la personne morale dont il a été le dirigeant a été déclaré en état de cessation des paiements et que la procédure a été clôturée pour insuffisances d’actif ; qu’en estimant qu’en l’absence de saisine du tribunal, il n’est pas établi que les sommes versées par la COFACE auraient dues être réparties entre les associés de la société GISA et non entre ses créanciers, sans rechercher comme elle y était invitée, si les créanciers de la société GISA se trouvaient dans l’une des exceptions prévues par les textes, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 92 et 169 de la loi du 25 janvier 1985 dans leur rédaction applicable à la cause, ensemble l’article 1382 du code civil ;

Alors enfin que la société prend fin par l’effet d’un jugement ordonnant la liquidation judiciaire ou la cession totale des actifs de la société et qu’à défaut de partage ou d’attribution, les rapports entre associés sont régis, à la clôture de la liquidation, par les dispositions relatives à l’indivision ; qu’en énonçant que le mandataire judiciaire n’avait commis aucune faute en demandant sa désignation comme mandataire ad hoc de la société GISA, quand consécutivement à la cession totale de ses actifs et à sa radiation ordonnées par le tribunal, une telle société avait été dissoute et n’était plus titulaire de la personnalité morale, de sorte que la gestion des biens indivis ressortissait aux règles de l’indivision, la Cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil, ensemble les articles 1844-7, 1844-8 et 1844-9 du code civil, dans leur rédaction applicable à la cause.

ECLI:FR:CCASS:2018:CO00616


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