Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société GRAND GARAGE DE GRENELLE, société anonyme dont le siège social est … (15e), représentée par son président, Monsieur Gérard Y…, demeurant au siège social de ladite société, et, en tant que de besoin, par son ancien administrateur provisoire, Monsieur Pierre Z…, demeurant … (8e),
en cassation d’un arrêt rendu le 31 mars 1987 par la cour d’appel de Paris (3e chambre, section A), au profit de :
1°/ Monsieur X…, demeurant … (4e), pris ès qualités de syndic à la liquidation des biens de la société GRAND GARAGE DE GRENELLE,
2°/ La société MOBIL OIL FRANCAISE, société anonyme dont le siège social est … (Hauts-de-Seine),
3°/ La Société française des PETROLES BP, société anonyme dont le siège social est … (Hauts-de-Seine),
défendeurs à la cassation ; La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 29 novembre 1988, où étaient présents :
M. Baudoin, président, M. Defontaine, rapporteur, M. Perdriau, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Defontaine, les observations de Me Roue-Villeneuve, avocat de la société Grand Garage de Grenelle, de Me Spinosi, avocat de M. X…, de la SCP Defrenois et Lévis, avocat de la société Mobil oil française, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Donne défaut contre la Société française des pétroles BP ; Sur le moyen unique, pris en ses six branches :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 31 mars 1987), que la société anonyme Grand garage de Grenelle (la société Grenelle) a été mise en règlement judiciaire le 22 octobre 1981 sur la déclaration de cessation des paiements de l’administrateur provisoire qui avait été désigné à la demande du conseil d’administration ; que le 5 juin 1985, après la défaillance du dernier locataire-gérant du fonds de commerce, le règlement judiciaire a été converti en liquidation des biens ; que, par ordonnance du 28 octobre 1986, le juge commissaire a autorisé la cession de ce fonds à la société Mobil oil française (la société Mobil) ; que, le 6 janvier 1987, après s’être mis en rapport avec celle-ci, M. Y…, président du conseil d’administration de la société Grenelle, a relevé appel du jugement de conversion en se prétendant en mesure de présenter un concordat avec la garantie de la Société française des pétroles BP (la société BP), dont l’offre d’acquisition du fonds de commerce n’avait pas été retenue ;
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt d’avoir confirmé la conversion du règlement judiciaire en liquidation des biens, alors, selon le pourvoi, d’une part, que la cour d’appel ne pouvait, sans entacher sa décision d’une contradiction de motifs, énoncer que l’actif de la société n’était que de 60 239 francs et constater, par ailleurs, que la valeur du fonds était de 5 100 000 francs, selon la proposition d’acquisition de la société Mobil, de sorte qu’en statuant come elle l’a fait, elle a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d’autre part, qu’il ressort clairement de la lettre du 14 janvier 1987 de la société BP, que celle-ci rachetait pour un franc les actions de la société Grenelle et acceptait de prendre à sa charge, dans un certain délai, le passif chirographaire et priviligié ; que, dès lors, en relevant que la société BP se bornait à garantir l’exécution du concordat, la cour d’appel a dénaturé le contenu clair et précis de la lettre du 14 janvier 1987 et a violé ainsi l’article 1134 du Code civil ; alors qu’ensuite, la cour d’appel ne pouvait, compte tenu de l’existence de la promesse de cession des actions et engagements pris par la société BP, refuser d’apprécier la valeur des propositions concordataires au regard de la personnalité et des qualités économiques et financières du futur associé de la société Grenelle qui devait avoir la charge de l’exécution du concordat ; qu’en statuant comme elle l’a fait, elle a violé l’article 68 de la loi du 13 juillet 1967 ; alors que, par ailleurs, l’esprit comme la lettre de l’article 68 de la loi du 13 juillet 1967 vise le remboursement le plus complet des créanciers ; que la cour d’appel n’a pu valablement écarter la solution d’un remboursement total assorti de garanties dont elle reconnaissait le sérieux au profit d’un simple remboursement à hauteur de 30 % du montant des créances ; qu’elle a, par suite, violé encore l’article 68 de la loi du 13 juillet 1967 ; alors qu’en outre, il appartenait à la cour d’appel de rechercher et de constater dans quel délai précis pourraient être exécutées les propositions concordataires ; qu’en se bornant à faire état d’un long délai, la cour d’appel n’a pas mis la Cour de Cassation en mesure d’exercer son contrôle sur la valeur comparative des propositions concordataires par rapport au plan de cession ; qu’elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l’article 68 de la loi du 13 juillet 1967 ; et alors, enfin, qu’il ressort de l’examen des conclusions échangées par les parties qu’à aucun moment n’a été évoqué, ni discuté par les parties le moyen tiré de la résiliation éventuelle du bail et des accords intervenus ou ayant pu intevenir entre le le bailleur et la société Mobil ; qu’en fondant sa décision sur ce moyen, sans avoir invité les parties à s’en expliquer, la cour d’appel a violé l’article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, qu’à défaut d’énonciations contraires dans l’arrêt, les pièces visées dans la dernière branche, dont la production n’a soulevé aucune contestation devant les juges d’appel, sont réputées avoir été régulièrement versées aux débats et soumises à la libre discussion des parties, de sorte que la cour d’appel, quand bien même celles-ci ne les auraient pas spécialement invoquées, au soutien de leurs prétentions, n’a pas méconnu le principe du contradictoire en se fondant sur lesdites pièces ; Attendu, en deuxième lieu, que la cour d’appel ne s’est pas contredite en retenant, d’un côté, que le fonds de commerce, dont la cession était envisagée, avait une valeur de 5 100 000 francs et, d’un autre côté, que « l’actif disponible actuel » de la société Grenelle était évalué à 60 239 francs ; Attendu, en troisième lieu, que la société BP ayant elle-même soutenu qu’elle bénéficiait « d’une promesse de vente des actions de la société Grenelle sous condition suspensive de l’homologation d’un concordat de cette société à 100 % sur deux ans », la cour d’appel n’a pas dénaturé la lettre du 14 janvier 1987, ni refusé de prendre en compte les engagements de cette société, en retenant que « pour l’instant » la société BP n’était que la bénéficiaire d’une promesse de cession sous la condition suspensive susvisée et que c’était donc la société Grenelle, « avec ses actionnaires et organes dirigeants actuels », qui allait proposer le concordat, la société BP n’intervenant dans la conclusion de celui-ci que pour en garantir l’exécution ; Attendu, enfin, que la cour d’appel n’a fait qu’user de son pouvoir souverain d’appréciation en retenant que, malgré cette garantie, la société Grenelle, qui n’était pas en mesure de rétablir son activité, n’avait pas la possibilité de présenter un concordat sérieux, de sorte que le règlement judiciaire devait être converti en liquidation des biens ; D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;