Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Paul C…, demeurant …,
en cassation de trois arrêts rendus les 19 mars 1992, 10 juillet 1992 et 18 décembre 1992 par la cour d’appel de Paris (15e chambre B), au profit du conseil de l’administration de la société Emerson Europe, société anonyme, dont le siège est …,
défendeur à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, les neuf moyens de cassation annexés au présent arrêt;
LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 2 juillet 1996, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Canivet, conseiller rapporteur, M. Poullain, conseiller, M. Mourier, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre;
Sur le rapport de M. le conseiller Canivet, les observations de la SCP Ryziger et Bouzidi, avocat de M. C…, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat du conseil de l’administration de la société Emerson Europe, les conclusions de M. Mourier, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu, selon les arrêts confirmatifs attaqués (Paris 19 mars 1992, 10 juillet 1992 et 18 décembre 1992), que M. Z… agissant au nom du conseil d’administration de la société Emerson Europe (la société), a saisi le tribunal de commerce d’une demande visant à ce que M. C… soit relevé des fonctions de commissaire aux comptes de la société; que celui-ci a opposé la nullité de l’assignation introductive d’instance notamment en raison de l’absence de qualité de M. Z…, selon lui irrégulièrement désigné comme membre puis président du conseil d’administration, l’irrecevabilité de la demande et, enfin, son rejet;
Sur la recevabilité du pourvoi, examinée d’office, en ce qu’il est formé contre l’arrêt du 19 mars 1992 :
Vu l’article 621 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que la partie qui a formé un recours en cassation n’est plus recevable à en former un nouveau contre la même décision;
Attendu que M. C… a formé, le 30 juin 1992, contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 19 mars 1992, un pourvoi en cassation, enregistré sous le numéro 92-16.426, qui a été rejeté par un arrêt du 18 octobre 1994; qu’il s’est à nouveau pourvu contre le même arrêt le 19 avril 1993; que ce nouveau pourvoi est irrecevable;
Sur le pourvoi en ce qu’il est formé contre les arrêts des 10 juillet et 18 décembre 1992 :
Sur le quatrième moyen :
Attendu que M. C… reproche à l’arrêt du 10 juillet 1992 d’avoir refusé de considérer comme des faux en écritures de commerce les procès verbaux des conseils d’administration de la société en date des 23 novembre 1990 et 21 janvier 1991; alors, selon le pourvoi, qu’il avait fait valoir, notamment dans ses conclusions du 3 décembre 1991 que les procès verbaux étaient nécessairement des faux, car ils portaient que les conseils d’administration s’étaient tenus …, au siège social de la société, et qu’il résultait de deux constats d’huissiers de M. A…, que les administrateurs de la société étaient inconnus au siège de la société de domiciliation EBC où le conseil d’administration était supposé s’être tenu, et qu’au surplus, la société, à qui on faisait suivre le courrier en Angleterre ne disposait pas de bureaux à cette adresse; que l’exposant en déduisait que la société n’avait pas pu se réunir au …, et que les procès verbaux constituaient donc des faux; qu’en refusant de les considérer comme des faux et de les écarter des débats par le motif que les constats d’huissier de justice établissent uniquement que la société a conclu un contrat de domiciliation avec la société EBC, dont ni l’hôtesse d’accueil ni la secrétaire ne connaissaient les administrateurs, et que ces deniers n’étaient pas présents au siège social …, les 4 mars et 17 mai 1991, sans rechercher comment la société avait pu tenir deux conseils d’administration au …, sans disposer de locaux, et sans que les administrateurs soient connus de l’hôtesse d’accueil ni de la secrétaire, la cour d’appel a pour le moins insuffisamment motive sa décision qui encourt la censure pour violation des articles 455 nouveau Code de procédure civile;
Mais attendu qu’ayant relevé que les constats d’huissier de justice dressés postérieurement aux faits litigieux établissaient uniquement que la société avait conclu un contrat de domiciliation avec la société EBC dont ni l’hôtesse d’accueil ni la secrétaire ne connaissait les administrateurs de la société, à savoir MM. Z…, E… et Y… et que ces derniers n’étaient pas présents au siège social, …, les 4 mars et 17 mai 1991; qu’ainsi, M. C… ne rapporte pas la preuve que les réunions des conseils d’administration des 7 et 23 novembre 1990 et 21 janvier 1991 n’ont pas eu lieu et ne se sont pas tenues au siège social de la société, la cour d’appel, qui n’avait pas à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a motivé sa décision; que le moyen n’est pas fondé;
Sur le cinquième moyen pris en ses trois branches :
Attendu que M. C… reproche encore à l’arrêt du 10 juillet 1992 d’avoir refusé de considérer comme nulles les délibérations des assemblées générales de la société postérieures au 15 février 1990, et en particulier les assemblées générales des 30 mars 1990 et 23 novembre 1990, alors, selon le pourvoi, d’une part, que la cassation par le Conseil d’Etat d’une décision d’une juridiction d’appel a pour effet de faire revivre l’instance d’appel; que l’exposant, par l’effet de la cassation de la décision de la Chambre nationale de discipline des commissaires aux comptes se retrouvait donc dans la situation où il se trouvait avant que celle-ci se soit prononcée; que l’appel interjeté par lui de la décision de la Chambre régionale des commissaires aux comptes en date du 22 juillet 1986 ayant un effet suspensif, il se trouvait nécessairement en droit d’exercer ses fonctions de commissaire aux comptes à partir de l’arrêt du 15 février 1990; que, dès lors, en refusant tout effet à l’arrêt de cassation rendu par le Conseil d’Etat, et en déclarant que sa situation était régie par l’arrêt de la Chambre nationale de discipline portant amnistie, la décision attaquée a violé à la fois les principes qui gouvernent les effets du pourvoi en cassation, et l’article 103 du décret du 12 août 1969; alors, d’autre part, qu’en ne se prononçant pas explicitement sur l’effet de l’arrêt du Conseil d’Etat du 15 février 1990 et en se contentant d’affirmer que sa situation aurait été réglée par la décision du 7 juin 1991 qui l’a admis au bénéfice de la loi d’amnistie, les juges du fond n’ont pas motivé leur décision et par-là même violé l’article 455 nouveau Code de procédure civile; alors, enfin, que le commissaire aux comptes suppléant est simplement appelé à remplacer le titulaire en cas de refus d’empêchement de démission ou de décès de celui-ci; qu’au cas d’empêchement temporaire du commissaire aux comptes titulaire, le commissaire aux comptes suppléant ne devient pas de plein droit commissaire aux comptes titulaire; que dès lors, en refusant de faire porter un effet quelconque à la loi d’amnistie dont il avait bénéficié et à la suspension de l’exécution de la sanction qui s’était trouvée acquise par l’effet de l’article 17 de la loi d’amnistie du 20 juillet 1988 suspendue dès la demande formée par celui-ci -sous prétexte que l’amnistie ne
préjudice pas aux droits des tiers et que M. D… était devenu de plein droit commissaire aux comptes titulaire par l’effet de la mesure de suspension prise à son encontre, la décision attaquée a violé tout à la fois l’article 223 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales et l’article 17 de la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 portant amnistie;
Mais attendu qu’ayant relevé, par motifs adoptés non critiqués par le pourvoi, que la société, qui avait été informée de la mesure disciplinaire de suspension concernant M. C… par une lettre du 19 juin 1987 du président de la compagnie régionale, devait se soumettre à la décision de la Chambre nationale de discipline, la cour d’appel, qui a ainsi motivé sa décision, a jugé à bon droit qu’à l’égard de la société, la situation de M. C…, au regard de la sanction dont il avait fait l’objet, était réglée par la décision de la dite Chambre du 7 juin 1991 qui l’avait admis au bénéfice de la loi d’amnistie; d’où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches;
Sur le sixième moyen pris en ses deux branches :
Attendu que M. C… reproche à l’arrêt du 18 décembre 1992 d’avoir écarté des débats sa note en délibéré du 17 novembre 1992, parvenue à la cour d’appel le 19 novembre 1992, alors selon le pourvoi, d’une part, que si, en vertu de l’article 445 du nouveau Code de procédure civile, les parties ne peuvent, après la clôture des débats, déposer aucune note à l’appui de leurs observations, si ce n’est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public ou à la demande du président, dans les cas prévus aux articles 442 et 444 dudit Code, il en est autrement, lorsque, par application de la règle posée par l’article 4 alinéa 2 du Code de procédure pénale, il incombe à la juridiction civile de surseoir à statuer lorsqu’une plainte susceptible d’avoir une influence sur l’instance en cours a été déposée par l’une des parties; que le caractère d’ordre public de la règle « le criminel tient le civil en l’état » impose, en effet, que le Juge civil puisse être informé, même après la clôture des débats, de l’existence d’une plainte lui imposant de surseoir à statuer; qu’en appliquant l’interdiction de l’article 445 du nouveau Code de procédure civile, nonobstant le caractère d’ordre public de la règle « le criminel tient le civil en l »état », la décision attaquée a violé l’article 445 du nouveau Code de procédure civile et l’article 4 du Code de procédure pénale et alors, d’autre part, que le droit garanti à tout justiciable par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, à ce que sa cause soit entendue équitablement, implique que le justiciable puisse, tant que le juge n’a pas rendu sa décision, faire connaître à celui-ci les éléments de nature a éviter une contradiction éventuelle entre deux décisions, l’une de caractère civil, l’autre de caractère pénal; que ce principe impose d’écarter l’application de l’article 445 du nouveau Code de procédure civile, dans la mesure ou il se heurte au principe pose par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, laquelle, en vertu de l’article 55 de la Constitution, a une
autorité supérieure à celle des lois; qu’en écartant sa note en délibéré du 17 novembre 1992, qui avait pour objet, en faisant état de la plainte par lui déposée contre X, le 2 octobre 1992, et tendant à faire établir l’existence d’un délit de faux en écriture de commerce commis à l’occasion de la rédaction des procès-verbaux tant de l’assemblée générale du 23 novembre 1990 que des conseils d’administration des 24 novembre 1990 et 22 janvier 1991 et à demander un sursis à statuer, par application de l’article 4 du Code de procédure pénale, la cour d’appel a violé les principes rappelés ci-dessus et en particulier l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et l’article 55 de la Constitution;
Mais attendu que, quels que soient les moyens contenus dans la note déposée par M. C… après clôture des débats, la cour d’appel a décidé à bon droit, par application des dispositions de l’article 445 du nouveau Code de procédure civile, non contraires à celles de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, que, dès lors qu’elle n’était pas déposée en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public ou à la demande du président, ladite note devait être écartée; d’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches;
Sur le septième moyen pris en ses trois branches :
Attendu que M. C… reproche encore à l’arrêt du 18 décembre 1992 d’avoir refusé d’annuler l’assemblée générale mixte du 23 novembre 1990, en raison de la représentation irrégulière à cette assemblée générale de la société EMR holdings inc. (société EMR) par M. Z…, alors, selon le pourvoi, d’une part, que c’est la loi nationale d’une société qui détermine les conditions dans lesquelles celle-ci peut être représentée, notamment dans une assemblée générale d’une autre société, dont elle est actionnaire; qu’il avait fait valoir que la preuve des conditions dans lesquelles la société EMR, société du Missouri pouvait être représentée, notamment par une personne à qui aurait été confiée la qualité d’assistant secrétaire, puis vice-président n’était pas établie; que cependant la cour d’appel ne s’est pas expliquée sur ce point, se contentant de l’affirmation de M. B… certifiant que M. Z… avait le pouvoir d’engager la société EMR; que la décision attaquée manque donc de base légale au regard de l’article 3 du Code civil; alors, d’autre part, qu’il avait fait observer dans ses conclusions que la qualité de secrétaire assistant, puis de vice-président, conférée à M. Z…, à supposer ce fait établi, ne paraissait pas de nature à lui permettre de représenter légalement la société EMR, puisqu’en effet, M. Z… avait produit une procuration l’autorisant à représenter la société EMR à la seule assemblée générale du 15 novembre 1990, ce qui prouve que, du seul fait de la fonction que lui attribue l’attestation de M. B…, M. Z… n’avait pas le pouvoir de représenter la société EMR; qu’en ne s’expliquant pas sur ce moyen péremptoire la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile; et alors, enfin, que le mandat est un acte civil qui ne peut être prouvé que selon les dispositions de l’article 1341 du Code civil, par sa production;
qu’il ne peut en être ainsi qu’exceptionnellement qu’au cas de mandat commercial, en raison de la liberté de preuve en matière commerciale; que les problèmes touchant l’administration de la preuve soient réglés par la « lex fori »; que la décision attaquée qui ne pouvait, en matière de règle de preuve qu’appliquer la loi du for et qui ne précise pas que la société EMR ait été une société commerciale ne pouvait admettre la représentation de la société EMR par M. Z…, sans constater la production d’un écrit; qu’en se fondant sur un simple témoignage, la cour d’appel a violé l’article 1341 du Code civil;
Mais attendu, en premier lieu, qu’il appartenait à la partie qui se prévaut de l’application d’une loi étrangère de faire la preuve de la disposition qu’elle invoque; que, dés lors, sans avoir à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, la cour d’appel a pu écarter le moyen, soutenu par M. C…, selon lequel M. Z… ne justifiait pas, au regard de la loi de l’Etat du Missouri (USA), avoir eu le pouvoir de représenter cette société à l’assemblée générale mixte du 23 novembre 1990 de la société Emerson Europe dont elle était actionnaire, en relevant que M. C… se bornait à affirmer que n’était pas probante l’attestation notariée certifiant qu’en raison des fonctions qu’il y exerçait, M. Z… avait, depuis le 26 septembre 1989, le pouvoir d’engager la société EMR;
Attendu, en second lieu, qu’il ne résulte ni de l’arrêt ni des conclusions produites que, devant la cour d’appel, M. C… ait soutenu qu’en raison du caractère prétendument civil de la société EMR, le mandat par lequel M. Z… avait représenté celle-ci à l’assemblée générale mixte de la société Emerson Europe du 23 novembre 1990 devait être prouvé par écrit; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit;
D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses deux branches;
Sur le huitième moyen pris en ses six branches :
Attendu que M. C… fait encore grief à l’arrêt du 18 décembre 1992 d’avoir déclaré irrecevables les contestations relatives à la non-apposition de la formule exécutoire sur la décision du 6 avril 1987 de la Chambre nationale de discipline des commissaires aux comptes, aux conséquences de l’arrêt du 15 octobre 1990, sur sa qualité de commissaire aux comptes titulaire ainsi que de l’ensemble de celles qui y sont directement rattachées et d’avoir déclaré fondée l’action en relèvement contre lui alors, selon le pourvoi, d’une part, que l’autorité de chose jugée ne s’attache qu’aux décisions ayant statué sur le fond; que le fait que la Cour ait décidé, dans son arrêt du 10 juillet 1992 d’ordonner la réouverture des débats sur un certain nombre de points, ne l’autorisait pas à déclarer irrecevables, pour l’appréciation du bien tonde de l’action en relèvement, des moyens dont elle était saisie par des conclusions antérieures à son arrêt du 10 juillet 1992, tel le moyen tiré de l’absence d’apposition de la formule exécutoire sur la décision de la Chambre nationale prononçant la sanction disciplinaire, qu’au surplus cette question était soulevée d’ores et déjà dans l’assignation pour plaider à jour fixe devant la cour d’appel délivrée les 30 et 31 mai 1991 et n’avait été tranchée par aucun des arrêts antérieurs non plus que le problème des conséquences de l’arrêt du Conseil d’Etat du 15 octobre 1990, lequel n’avait pas été tranché par l’arrêt du 10 juillet 1992, et s’il avait été, ne l’avait été en tous cas que dans le cadre de la validité des délibérations de l’assemblée générale de la société et non dans le cadre du bien fondé de l’action en relèvement, que la cour d’appel a donc violé l’article 1361 du Code civil; alors, d’autre part, que l’autorité administrative saisie à tort d’une requête a l’obligation de transmettre cette requête à l’autorité compétente; qu’en décidant que la requête par lui adressée à la Chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes n’avait pas eu d’effet suspensif parce qu’elle avait été adressée à un organe incompétent, la décision attaquée a violé tout a la fois l’article 17 de la loi du 20 juillet 1988, le décret du 28 novembre 1983 et les principes généraux du droit administratif; alors, en outre, qu’à supposer que les principes posés par le décret du 28 novembre 1983 ne s’appliquent pas aux juridictions administratives, la requête qu’il a adressée à une juridiction incompétente devait être considérée comme ayant un effet suspensif, tant que la juridiction saisie ne s’était pas déclarée incompétente; qu’en décidant le contraire, la décision attaquée a violé l’article 17 de la loi du 20 juillet 1988, et les principes généraux du droit administratif; alors, au surplus, que s’agissant de l’application d’une sanction imposée par une juridiction de l’ordre administratif, il n’incombait pas à la cour d’appel, juridiction de l’ordre judiciaire, de se substituer aux juridictions de l’ordre administratif pour savoir si la requête adressée à une juridiction incompétente avait pu ou non, suspendre l’exécution de la sanction disciplinaire;
qu’il incombait à la juridiction judiciaire de connaître, sous peine de violation du principe de la séparation des pouvoirs et de l’article 3 de la loi des 16 et 24 août 1790 l’existence d’une question préjudicielle ;
alors, encore, qu’en ne recherchant pas s’il avait ou non jamais perdu ou en tout cas recouvré l’existence de ses fonctions de commissaire aux comptes, d’une part du fait qu’une décision revêtue de la formule exécutoire ne lui avait jamais été notifiée, d’autre part du fait qu’en tout cas, à la suite de la cassation de l’arrêt de la Chambre nationale des commissaires aux comptes, il s’était nécessairement retrouvé dans l’état où il se trouvait au moment où il avait interjeté appel de la décision de la chambre régionale, la cour d’appel a nécessairement privé sa décision de base légale, en particulier au regard des articles 223 de la loi du 24 juillet 1966 et 103 du décret du 12 août 1869; et alors, enfin, que le commissaire aux comptes, qui et chargé, de part la loi, de faire respecter les prescriptions légales ne peut être considéré comme ayant commis une faute, lorsqu’il avise une société qui méconnaît sa qualité de commissaire aux comptes de son intention de faire annuler les délibérations rendues au rapport d’un commissaire aux comptes suppléant, lequel est nécessairement incompétent; qu’en décidant le contraire, pour accueillir l’action en relèvement introduite contre luit par la société, la cour d’appel a violé l’article 3 de la loi des 16 et 24 août 1790;
Mais attendu qu’ayant relevé, par motifs adoptés non critiqués par le pourvoi, qu’en raison de sa qualité professionnelle, M. C… savait que la société, qui devait, sans pouvoir les contester, se soumettre aux décisions de la chambre de discipline, était dans l’impossibilité de lui laisser reprendre ses fonctions au cours de la période durant laquelle il était suspendu, la cour d’appel a pu statuer comme elle a fait; d’où il suit que le pourvoi ne peut être accueilli en aucune de ses branches;
Et sur le neuvième moyen pris en ses quatre branches :
Attendu que M. C… reproche enfin à l’arrêt du 18 décembre 1992 d’avoir déclaré l’action en relèvement bien fondée, alors, selon le pourvoi, d’une part, qu’un commissaire aux comptes ne peut être relevé de ses fonctions qu’à condition qu’il ait, dans l’exercice de ses fonctions agi avec mauvaise foi; que la décision attaquée qui lui a contesté sa capacité pour exercer les fonctions de commissaire aux comptes jusqu’a la décision de la Chambre nationale portant amnistie n’a pu tenir compte, pour prononcer le relèvement, de faits extérieurs à l’exercice de ses fonctions de commissaire aux comptes, et destinés au surplus à contester l’attitude de la société en tant qu’elle lui refusait d’exercer ses fonctions; que la décision attaquée est donc entachée de violation de l’article 227 nouveau Code de procédure civile; alors, d’autre part, que tout homme est présumé innocent jusqu’à ce qu’il soit reconnu coupable; que le seul fait de citer devant une juridiction correctionnelle une personne qui bénéficie devant celle-ci de la présomption d’innocence ne peut, par lui-même porter atteinte à son honneur; que la décision attaquée est donc entachée de violation de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen réaffirmé par le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, en tant qu’elle affirme que le fait d’avoir fait citer M. X… devant le tribunal correctionnel de Créteil avait porté, atteinte à l’honneur de celui-ci; alors, en outre que, dans ses conclusions du 27 mai 1992, il avait fait valoir que la cour d’appel d’Angers n’avait pas fait droit à la demande de dommages-intérêts pour citation abusive formée par M. X… au motif que celui-ci n’établissait pas le caractère abusif des poursuites dont il avait été l’objet, ce qui revenait nécessairement à dire qu’en engageant de telles poursuites, il n’avait pas agi de mauvaise foi; qu’en ne se prononçant pas sur ce point la cour d’appel a insuffisamment motivé sa décision et, par-là même violé l’article 455 nouveau Code de procédure civile; et alors, enfin, que seuls les faits commis par un commissaire aux comptes dans l’exercice de ses fonctions peuvent justifier une action en relèvement; qu’en se fondant sur des décisions rendues dans des procédures qui l’ont opposé à d’autres parties, et en retenant qu’il serait mû par une tendance irrésistible d’attraire devant les juridictions pénales des adversaires sans que les éléments constitutifs d’une infraction ne soient réunis, la cour d’appel, qui s’est fondée sur des faits extérieurs ses rapports avec la société, a violé l’article 227 de la loi du 24 juillet 1966;
Mais attendu que l’arrêt du 18 décembre 1992 relève, tant par motifs propres qu’adoptés, qu’en dépit d’un ton mesuré pris par la société qui a rappelé à M. C… qu’il reprendrait ses fonctions dans le délai de trois ans et dans les conditions prévues par la loi, du fait qu’à la connaissance de ce dernier, les réponses de la société ont été apportées après consultation de la compagnie régionale des commissaires aux comptes et de la pertinence des analyses qu’elle a développées, celui-ci a cru devoir s’installer délibérément dans une attitude particulièrement dure et souvent dénuée de toute bonne foi, tant à l’encontre de la société, en l’informant de son intention de demander en justice l’annulation des assemblées générales tenues sur le rapport de son suppléant depuis la fin de l’année 1987, ce qu’il a fait par assignation du 15 février 1991, qu’à l’encontre du président de son conseil d’administration, M. X… et de deux de ses administrateurs dont M. Z…; qu’il a mis à exécution les menaces les plus lourdes de conséquences en faisant citer à tort M. X… devant les tribunaux correctionnels de Créteil et d’Angers; qu’il a ainsi usé de tous moyens de nuire à la société en faisant preuve d’un exceptionnel acharnement procédurier alors qu’il ne pouvait ignorer que celle-ci agissait en parfaite bonne foi en se soumettant aux décisions de la chambre de discipline; que le bon fonctionnement d’une entreprise ne peut être assuré quand le commissaire aux comptes adopte une attitude aussi agressive à l’égard des dirigeants, et que, la confiance réciproque étant un élément indispensable, un tel comportement est incompatible avec sa mission au sein de la société ;
que, par ces constatations et appréciations, desquelles il résulte que M. C… a agi avec mauvaise foi pour contraindre la société à la laisser poursuivre l’exercice de ses fonctions en dépit de la mesure de suspension dont il faisait l’objet, la cour d’appel, a, par ces seuls motifs exactement caractérisé, à l’encontre de celui-ci, une faute se rattachant à l’exercice de sa mission de commissaire aux comptes et de nature à justifier qu’il soit relevé de ses fonctions; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches;
PAR CES MOTIFS :
Déclare irrecevable le pourvoi formé contre l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 19 mars 1992;
Dit n’y avoir lieu à statuer sur les trois premiers moyens qui visent les dispositions de cet arrêt;
REJETTE le pourvoi formé contre les arrêts rendus par ladite cour d’appel les 10 juillet et 18 décembre 1992;
Condamne M. C…, envers le conseil de l’administration de la société Emerson Europe, aux dépens et aux frais d’exécution du présent arrêt;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. C… à payer à la société Emerson Europe la somme de 35 000 francs;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du quinze octobre mil neuf cent quatre-vingt-seize.