Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. X…,
en cassation d’un arrêt rendu le 22 mai 1996 par la cour d’appel de Bordeaux (2ème chambre), au profit :
1 / de la société Y…,
2 / de la société X…,
3 / de M. A… X…,
4 / de la société B… X…,
5 / de la compagnie Gan Groupe des assurances nationales, dont le siège est rue Esprit des Lois, 33000 Bordeaux,
6 / de la compagnie d’assurance Le Gan incendie accident, dont le siège est Groupe des assurances nationales, 2, rue Pillet Will, 75448 Paris,
7 / de la société Compagnie générale de bâtiments et de constructions, société anonyme, dont le siège est 8, rue Félix Pyat, 92800 Puteaux La Défense,
défendeurs à la cassation ;
La compagnie Gan incendie accidents et la compagnie Gan, défenderesses au pourvoi principal, ont formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt ;
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Les demanderesses au pourvoi incident éventuel invoque, à l’appui de leur recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 24 octobre 2000, où étaient présents : M. Dumas, président, M. Métivet, conseiller rapporteur, M. Poullain, conseiller, M. Jobard, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Métivet, conseiller, les observations de la SCP Baraduc et Duhamel, avocat de M. X…, de Me Blondel, avocat de la société B… X… et de la Compagnie générale de bâtiments et de constructions, de la SCP Defrenois et Levis, avocat de la compagnie Gan Groupe des assurances nationales et de la compagnie Le Gan incendie accident, de Me Le Prado, avocat de la société Y…, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. X…, que sur le pourvoi éventuel relevé par la Compagnie GAN incendie accident et GAN groupe des assurances nationales (le GAN) ;
Attendu, selon l’arrêt, partiellement confirmatif, attaqué (Bordeaux, 22 mai 1996) que la société Compagnie générale de bâtiments et de constructions (CBC) qui avait acquis 67 % du capital de la société X… a assigné MM. X… et A… X…, la société Girondine de comptabilité (Y…) et le GAN, assureur de cette dernière en paiement de dommages-intérêts, reprochant aux premiers d’avoir pratiqué des manoeuvres dolosives à l’occasion de la cession de leurs actions et à la deuxième d’avoir participé à ces manoeuvres et d’avoir commis des fautes professionnelles ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que M. X… reproche à l’arrêt d’avoir confirmé le jugement entrepris, en ce qu’il a retenu la responsabilité de M. X… à l’égard de la société CBC et l’a condamné in solidum avec M. A… X… et la société Y… à verser une certaine somme à titre de provision à cette société, après que par un précédent arrêt, la cour d’appel ait annulé ce jugement à l’égard de M. X… pour atteinte aux droits de la défense alors, selon le moyen que l’autorité attachée à la chose jugée par l’arrêt n° 95.000.651 du 18 décembre 1995 prononçant en son dispositif l’annulation du jugement rendu le 9 décembre 1994 par le tribunal de commerce de Bordeaux, faisait obstacle à ce que la cour d’appel, par l’arrêt attaqué confirme le jugement en ce qu’il avait retenu sa responsabilité sur le fondement de l’article 1382 du Code civil et l’avait condamné in solidum avec M. A… X… et la société Y… à verser à la société CBC une provision ;
Mais attendu que la cour d’appel s’est prononcée par des motifs propres qui conduisaient à la même solution que celle retenue par le jugement annulé par son précédent arrêt ; que c’est donc par une erreur purement matérielle, qu’il est possible de réparer conformément à l’article 462 du nouveau Code de procédure civile, qu’elle a utilisé le verbe « confirmer » pour exprimer que comme l’avait fait le tribunal, elle retenait la responsabilité contractuelle de la société Y… à l’égard de la société CA2B X… et la responsabilité in solidum de la société Y… et de MM. X… et A… X… sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, ordonnait une expertise et condamnait in solidum MM. X… et A… X… et la société Y… à verser à la société CBC une certaine somme à titre de provision ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;
Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en ses quatre branches :
Attendu que M. X… reproche à l’arrêt d’avoir confirmé le jugement alors, selon le moyen :
1 / que le dol suppose que soient caractérisées les manoeuvres de l’une des parties portant sur un critère déterminant le consentement de l’autre ; qu’en retenant que la situation bénéficiaire de la société X… était déterminante du consentement de la société CBC sans s’expliquer, comme elle y était invitée, si en poursuivant l’acquisition des actions de la société X… en connaissance de l’existence de pertes de 7 millions de francs, la société CBC n’avait pas manifesté son intention de ne pas faire de la situation bénéficiaire de celle-ci une condition de son consentement à l’acquérir, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard de l’article 1116 du Code civil ;
2 / que la faute de la victime entraîne un partage de responsabilité, même si le défendeur a commis une faute dolosive ; qu’en affirmant le contraire et en considérant qu’à le supposer établi, le caractère illégitime de l’ignorance des acquéreurs ne l’exonérait pas de sa responsabilité, la cour d’appel a violé l’article 1382 du Code civil ;
3 / que si la cour d’appel a relevé qu’il avait fallu de longues investigations pour déceler en totalité l’importance et les causes des irrégularités comptables conduisant à un déficit de 12 734 657,80 francs pour l’exercice 1989, elle a aussi constaté qu’un rapport d’audit établi « en urgence » avait suffi à la société KPMG pour découvrir des irrégularités comptables d’un montant de 6 680 000 francs ; que la cour d’appel a énoncé que la société CBC avait engagé des pourparlers en vue de l’achat des actions de la société X… deux mois avant la cession et a constaté la compétence comptable de M. Rossignol ; qu’il avait fait valoir que M. Rossignol et une autre personne avaient été engagés par la société CBC avant la cession, pendant deux mois et à titre permanent, pour effectuer un audit important et précis des comptes de la société X… ; qu’il en déduisait que la société CBC avait ainsi acheté les actions en étant informé de la situation financière difficile de la société X… ; qu’en affirmant néanmoins pour écarter ces conclusions, que l’acquéreur n’était pas en état d’ignorance illégitime compte tenu des difficultés pour connaître la situation exacte de la société X…, la cour d’appel, qui aurait dû reconnaître l’existence d’une faute de la société CBC de nature à entraîner un partage de responsabilité, n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l’article 1382 du Code civil ;
4 / qu’un actionnaire d’une société anonyme n’a pas à supporter les pertes subies par la société ; qu’ainsi la société CBC n’était tenue de payer aucune somme au titre de la perte de 6 500 000 francs subie par sa filiale la société X… ; qu’en le condamnant néanmoins à payer à la société CBC, la somme de 6 500 000 francs représentant la perte subie par sa filiale en 1988, la cour d’appel a violé les articles 73 de la loi du 24 juillet 1966 et l’article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que l’arrêt retient qu’il est établi que le bilan au 31 décembre 1988 était faux, présentant un solde positif alors qu’il était négatif, que le commissaire aux comptes à refusé la certification postérieurement à la cession du 7 juillet 1989, qu’à cette date les comptes avaient été déposés auprès de l’administration fiscale, que l’expert- comptable avait en outre établi une situation au 30 juin 1989 faisant faussement apparaître un résultat bénéficiaire, que c’est au vu de ces éléments comptables et fiscaux que la société CBC a consenti à la cession, que leur inexactitude, révélée a posteriori, justifie l’option choisie par la société CBC de demander, non l’annulation de la convention, la réalité de la situation s’étant révélée à une époque où elle avait déjà pris des mesures de redressement, rendant impossible le rétablissement de celle-ci au jour de la cession, mais une demande de dommages-intérêts fondée sur l’article 1382 du Code civil, pour dol, en réparation de son préjudice, que l’importance, les causes et l’imputabilité des irrégularités comptables n’ont été révélées qu’après de longues investigations et que le caractère illégitime de l’ignorance des acquéreurs n’était pas démontré ; qu’en l’état de ces constatations et énonciations, la cour d’appel qui n’a pas condamné M. X… à indemniser la société CBC de la perte subie par sa filiale, mais souverainement fixé le montant de la provision accordée à cette société et qui a légalement justifié sa
décision a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le moyen unique du pourvoi éventuel :
Attendu que le GAN reproche à l’arrêt d’avoir retenu la responsabilité contractuelle de la société Y… à l’égard de la société B… X… et sa responsabilité in solidum avec MM. X… et A… X…, à l’égard de la société CBC, sur le fondement de l’article 1382 du Code civil et de l’avoir condamnée à verser à celle-ci in solidum avec les mêmes une provision de 6 500 000 francs alors, selon le moyen, qu’elle avait fait valoir que la société CBC était parfaitement au courant de la situation de la SA X… dès lors que malgré la réunion du conseil d’administration du 17 novembre 1989 au cours de laquelle avait été évoquée une perte de 6 457 978,46 francs, susceptible de « remettre en cause les résultats d’exploitation et résultats courants des exercices 1987 et 1988 », était intervenue 18 jours après, un nouveau transfert d’actions au profit de CBC ; qu’en ne répondant pas à ce chef de conclusions d’où il résultait que la société CBC avait acquis les actions en toute connaissance de la situation financière de la SA X…, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l’arrêt retient par motifs propres et adoptés du jugement, non frappé de nullité dans les rapports entre le GAN, la société Y… et la société CBC, qu’à la date de la cession des deux premiers tiers des actions, le 7 juillet 1989, la société CBC n’était pas au courant des manoeuvres dont elle était l’objet et, s’agissant de l’acquisition du dernier tiers des actions, qu’étant propriétaire de 67 % du capital, la société CBC n’avait aucun intérêt, alors qu’elle avait déjà pris des mesures de redressement de la société, à en laisser une partie, fût-elle limitée à 33 % aux mains de ses vendeurs, alors qu’elle pouvait en faire l’acquisition pour le franc symbolique dans le cadre de la garantie de passif ; que la cour d’appel a ainsi répondu aux conclusions prétendument délaissées ; d’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois tant principal qu’éventuel ;
Condamne M. X… et les compagnies Gan incendie accidents et Gan aux dépens ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande formée par le GAN et condamne M. X… à payer à la société CBC et à la société B… X…, chacune la somme de 8 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille.