Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 15 octobre 1996, 94-16.169, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 15 octobre 1996, 94-16.169, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1°/ la Société d’intérêt collectif agricole (SICA) de Basse-Provence, dont le siège social est …,

2°/ Mme de Y…, veuve Pierre du B…, demeurant …,

3°/ la société civile agricole (SCA) de la Tour d’Amphoux, dont le siège social est à Gageron, 13200 Arles,

4°/ la société civile agricole (SCA) du Petit Mas de Cabane, dont le siège social est à Gageron, 13200 Arles,

5°/ Mme Geneviève du B…, épouse Neveux, demeurant …,

6°/ Mme Marie du B…, épouse de Salins, demeurant …,

7°/ M. Marc du B…, demeurant Petit Mas de Cabane, 13200 Arles,

8°/ M. Henri du B…, demeurant …, en cassation d’un arrêt rendu le 26 avril 1994 par la cour d’appel de Nîmes (Chambres réunies), au profit :

1°/ de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel (CRCAM) Alpes-Provence, venant aux droits de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Bouches-du-Rhône, dont le siège social est …,

2°/ du Fonds de garantie des caisses régionales de crédit agricole, géré par la Caisse nationale de crédit agricole, dont le siège social est …,

3°/ de la Coopérative arlésienne d’achat et d’entretien de matériel « Le Soc », dont le siège social est …,

4°/ de M. Roger de Z…, demeurant …,

5°/ de M. Jean X…, demeurant Mas Rousset, Quartier Bouchaud, 13200 Arles,

6°/ de M. Robert C…, demeurant Mas d’Auge, 13990 Fontvieille,

7°/ de M. Jean-Pierre A…, demeurant Mas de Bouvert, route des Saintes-Maries de la Mer, 13200 Arles,

défendeurs à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt;

LA COUR, en l’audience publique du 2 juillet 1996, où étaient présents : M. Nicot, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Dumas, conseiller rapporteur, MM. Vigneron, Leclercq, Gomez, Léonnet, Poullain, Canivet, conseillers, Mme Geerssen, M. Huglo, Mme Mouillard, conseillers référendaires, M. Mourier, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre;

Sur le rapport de M. le conseiller Dumas, les observations de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de La Varde, avocat de la SICA de Basse-Provence, de la SCA de la Tour d’Amphoux, de la SCA du Petit Mas de Cabane et des consorts du B…, de la SCP Ryziger et Bouzidi, avocat de la CRCAM Alpes-Provence et du Fonds de garantie des caisses régionales de crédit agricole, les conclusions de M. Mourier, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;

Donne acte à la Société d’intérêt collectif agricole de Basse-Provence, la Société civile agricole de la Tour d’Amphoux, la Société civile agricole du Petit Mas et les consorts du B… de leur désistement au profit de la Coopérative arlésienne d’achat et d’entretien de matériel « Le Soc » et de MM. de Z…, X…, C… et A…;

Attendu, selon l’arrêt critiqué (Nîmes, 26 avril 1994), rendu sur renvoi après cassation partielle d’un arrêt en date du 7 septembre 1987 de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, que, le 31 janvier 1972, la Société coopérative agricole arlésienne d’achat et d’entretien de matériel agricole (la coopérative Le Soc) et la société Etablissements Moulias, l’une et l’autre concessionnaires de marques concurrentes d’engins agricoles, sont convenues de regrouper leurs activités au sein de la Société d’intérêt collectif agricole de Basse-Provence (la SICA), à laquelle ont adhéré, soit à titre personnel, soit en qualité de dirigeants de sociétés civiles agricoles, des membres de la famille du B… (les consorts du B…), actionnaires majoritaires de la société Etablissements Moulias; qu’après avoir apporté son soutien financier à la coopérative Le Soc, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Bouches-du-Rhône (la CRCAM) a accordé des crédits à la SICA, dont le remboursement était garanti par des cautionnements; que le rapprochement entre la société Etablissements Moulias et la coopérative Le Soc a entraîné le retrait de la concession de marques dont bénéficiait celle-ci; que la SICA a connu de graves difficultés financières et pris la décision de procéder à sa liquidation amiable; que la CRCAM et le Fonds de garantie des caisses régionales de crédit agricole ont assigné la SICA, les sociétés civiles agricoles, les consorts du B… et la coopérative Le Soc en remboursement des prêts consentis à la SICA et la coopérative Le Soc et en exécution des engagements des cautions; que la SICA et les cautions ont présenté des demandes reconventionnelles; que, par arrêt du 20 octobre 1992, la cour d’appel de Nîmes a, notamment, sursis à statuer sur la demande présentée par la CRCAM et par le Fonds de garantie des caisses régionales de crédit agricole,

décidé quelles étaient les fautes imputables à la CRCAM et désigné un expert aux fins d’évaluer les préjudices subis;

Sur le premier moyen :

Attendu que la SICA, les consorts du B… et les sociétés civiles agricoles de la Tour d’Amphoux et du Petit Mas de Cabane reprochent à l’arrêt d’avoir rejeté leur requête en omission de statuer, alors que, dans leurs conclusions d’appel, ils avaient présenté une demande tendant à voir reconnaître la responsabilité de la CRCAM à raison du soutien abusif apporté par celle-ci à la coopérative Le Soc dont la situation était irrémédiablement compromise, distincte de la demande tendant à voir juger que la CRCAM avait eu un comportement dolosif en leur dissimulant ultérieurement cette situation; qu’ainsi, en considérant que la cour d’appel, en écartant les manoeuvres dolosives, avait statué sur le premier chef de demande, la cour d’appel a violé les articles 4, 5 et 463 du nouveau Code de procédure civile;

Mais attendu que l’arrêt constate que les requérants font grief à la cour d’appel de ne pas avoir statué sur l’une de leurs demandes formulées dans les termes suivants dans leurs écritures : « Dire et juger que la CRCAM a de plus encore engagé, sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, sa responsabilité à l’égard des consorts du B… en soutenant artificiellement, par des crédits sciemment dissimulés, le Soc qui, sans cela, aurait effectivement cessé ses paiements et révélé son insuffisance de patrimoine avant le rapprochement »; que l’arrêt retient ensuite que la faute ainsi reprochée à la CRCAM, fondée sur l’allégation de crédits « sciemment dissimulés » en vue de soutenir artificiellement, jusqu’au rapprochement réalisé le 31 janvier 1972, la coopérative Le Soc, dont la situation aurait été irrémédiablement compromise, constitue de la part de la banque une manoeuvre dolosive et que la cour d’appel, dans son arrêt du 20 octobre 1992, en retenant expressément que la CRCAM n’avait pas commis de manoeuvres dolosives, a nécessairement statué sur la faute invoquée par les requérants; qu’en l’état de ces constatations, la cour d’appel a pu, sans encourir les griefs du moyen, rejeter la requête en omission de statuer; que le moyen n’est pas fondé;

Et sur le second moyen :

Attendu que la SICA, les consorts du B… et les sociétés civiles agricoles de la Tour d’Amphoux et du Petit Mas de Cabane font encore grief à l’arrêt d’avoir rejeté leur requête en interprétation, alors, selon le pourvoi, que, dans son arrêt du 20 octobre 1992, la cour d’appel de Nîmes, constatant qu’il avait été définitivement jugé par l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 7 septembre 1987 que la CRCAM avait engagé sa responsabilité envers la SICA de Basse-Provence et les consorts du B… en approuvant l’exploitation d’une entreprise dont la situation était irrémédiablement compromise en facilitant, par les crédits, cette poursuite et en encourageant un endettement inutile des cocontractants de la coopérative, avait donné pour mission à l’expert de fournir tous éléments d’appréciation devant permettre de déterminer les dommages économiques et moraux éprouvés par la SICA de Basse-Provence, les consorts du B… et les SCA en cause du fait de la poursuite de l’exploitation de ladite SICA à partir du retrait des concessions, préjudice lié à un soutien artificiel de l’activité de celle-ci au travers du maintien de concours et crédits abusivement consentis par le banquier sans lesquels elle aurait dû cesser effectivement des paiements; que, dès lors, en refusant de faire droit à la requête en interprétation par laquelle il lui était demandé de rappeler à l’expert que ses investigations devaient porter sur la période s’ouvrant à compter du retrait des concessions, la cour d’appel a violé les articles 1351 du Code civil et 461 du nouveau Code de procédure civile;

Mais attendu que, dans son dispositif, l’arrêt du 20 octobre 1992, d’une part, tranchait une partie du principal et, d’autre part, ordonnait une mesure d’expertise; que, dès lors que ce que l’arrêt avait décidé relativement à la mission donnée à l’expert ne s’imposait pas au juge qui, pour la partie du litige subsistant, en restait saisi et avait à trancher le fond, c’est à bon droit que la cour d’appel a statué comme elle a fait dans son arrêt du 26 avril 1994; que le moyen ne peut être accueilli;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les demandeurs, envers les défendeurs, aux dépens et aux frais d’exécution du présent arrêt;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la CRCAM des Bouches-du-Rhône et du Fonds de garantie des caisses régionales de crédit agricole;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le conseiller doyen faisant fonctions de président en son audience publique du quinze octobre mil neuf cent quatre-vingt-seize.


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