Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 30 mai 1995, 93-16.120, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 30 mai 1995, 93-16.120, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1 / M. Odilson Y…,

2 / Mme Ghislaine C…, épouse Y…, domiciliés ensemble 20, résidence de France à Chennevières-sur-Marne (Val-de-Marne),

3 / Mlle Isabelle Y…, domiciliée … (16e),

4 / M. Didier Y…, demeurant … (Val-de-Marne), en cassation d’un arrêt rendu le 27 novembre 1992 par la cour d’appel de Paris (15e chambre, section B), au profit :

1 / de la société anonyme Crédit lyonnais, dont le siège social est … et le siège central … (2e),

2 / de M. Roger B…,

3 / de Mme Lydie Z…, épouse Le Gallo, demeurant ensemble … (Seine-Saint-Denis),

4 / M. Jean-Paul X…, domicilié anciennement … (Loiret), et actuellement … (Val-d’Oise), défendeurs à la cassation ;

Les époux B…, défendeurs au pourvoi principal, ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l’appui de leur recours, le moyen unique de cassation, annexé au présent arrêt ;

Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l’appui de leur recours, les deux moyens de cassation, également annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 28 mars 1995, où étaient présents : M. Nicot, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Dumas, conseiller rapporteur, M. Vigneron, conseiller, M. de Gouttes, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller Dumas, les observations de Me Blondel, avocat des consorts Y…, de la SCP Vier et Barthélémy, avocat du Crédit lyonnais, de la SCP Urtin-Petit et Rousseau Van-Troeyen, avocat des époux B…, les conclusions de M. de Gouttes, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant, tant sur le pourvoi principal, formé par MM. Odilson et Didier Y…, Mme Ghislaine Y… et Mlle Isabelle Y…, que sur le pourvoi incident formé par M. et Mme B… ;

Attendu, selon l’arrêt critiqué (Paris, 27 novembre 1992) que M. Odilson Y…, Mme Ghislaine C…, épouse Y…, M. Didier Y…, Mlle Isabelle Y…, M. Jean-Paul X…, M. Roger B… et Mme Lydie Z…, épouse Le Gallo, étaient porteurs des parts de la société Planeclair organisation, créée en avril 1986 ;

que le Crédit lyonnais a consenti à cette société des facilités de caisse à hauteur de 40 000 francs et un crédit d’équipement de 90 000 francs ;

que, le 22 septembre 1986, les porteurs de part se sont engagés, jusqu’au 31 décembre suivant, comme cautions solidaires des dettes de la société à l’égard du Crédit lyonnais ;

qu’après la liquidation judiciaire de la société, prononcée le 7 avril 1987, le Crédit lyonnais a assigné les cautions en paiement de ses dettes ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches, du pourvoi principal :

Attendu que MM. Odilson et Didier Y…, Mme Ghislaine Y… et Mlle Isabelle Y… reprochent à l’arrêt d’avoir rejeté leurs demandes tendant à ce que le Crédit lyonnais soit déclaré responsable des conséquences dommageables d’une rupture de concours, alors, selon le pourvoi, d’une part, que, par le canal de conclusions signifiées le 25 février 1992 ils insistaient sur le fait qu’il résultait d’une lettre du Crédit agricole du Loiret, en date du 5 mars 1987, adressée à M. Y…, que le Crédit lyonnais, par la voix de M. A…, directeur de l’agence de Drancy, avait confirmé le 13 février 1987 au Crédit agricole la mise en place d’un crédit de 350 000 francs pour la société Planeclair ;

que ce crédit devait être accordé courant février 1987 et avait déjà reçu l’accord de principe de la SOFARIS, ce qui démontrait à l’évidence que la société Planeclair disposait de réelles potentialités, et ce d’autant plus qu’elle allait rentrer en janvier et février 1987 pour 127 000 francs de commandes à livrer, 26 000 francs de livraisons déjà effectuées et 60 000 francs de subventions accordées, ce qui représentait une somme globale de 213 000 francs de recettes acquises ;

qu’ainsi, il ressort clairement de ces données que la décision de mettre un terme à tout concours financier de la part du Crédit lyonnais à une toute jeune société qui ainsi s’est vue privée d’une chance de réussir, apparaissait d’autant plus abusive que le solde débiteur du compte courant de la société s’élevait, lorsque le concours de la banque a été finalement retiré, à une somme de 116 000 francs ;

qu’en ne répondant pas à ce moyen circonstancié, de nature à avoir une incidence sur la solution du litige, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

et alors, d’autre part, et en toute hypothèse, qu’en ne tenant pas compte des données sus-évoquées régulièrement entrées dans le débat, de nature à avoir une incidence sur la solution du litige au regard de la responsabilité de la banque n’ayant pas donné à la société qu’elle avait encouragée, la possibilité de trouver un équilibre financier en la mettant en demeure quelques mois après sa naissance de rendre créditeur son compte-courant, la cour d’appel a privé son arrêt de base au regard de l’article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l’arrêt constate que le Crédit lyonnais écrivait à la société le 19 décembre 1986, après avoir rappelé que le compte était débiteur de 203 042,48 francs, qu’il n’avait accepté ce débit que « dans l’attente d’une très prochaine rentrée… » que « ce décalage passager que nous avons bien voulu admettre, à titre tout à fait exceptionnel dans l’attente d’une couverture imminente, ne devra pas être considéré comme une ouverture de crédit » ;

qu’il rélève en outre que, le 26 décembre 1986, le Crédit lyonnais confirmait son intention de mettre fin au découvert, au plus tard le 15 mars 1987, et proposait un amortissement mensuel de 40 000 francs par mois jusqu’à cette date, indiquant « nous souhaitons que vous preniez en considération cet ultime préavis afin d’éviter de graves conséquences pour la société… » ;

qu’il retient, enfin, que la banque, à la demande d’Odilson Y… accordait encore un délai, à la condition que la société obtienne un prêt de 250 000 francs de la SOFARIS, mais que, le 17 février, cet organisme, qui intervient auprès des banques comme co-preneur de risques, donnait une réponse négative ;

qu’en l’état de ces constatations, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les appelants dans le détail de leur argumentation, a légalement justifié sa décision en retenant qu’il apparaissait bien que le Crédit lyonnais n’avait pas mis brutalement fin aux facilités qu’il accordait auparavant, qu’au contraire, après avoir bien précisé qu’il n’acceptait un tel découvert qu’à titre exceptionnel, il avait laissé à la société la possibilité de trouver une solution, et proposé des arrangements, accordant chaque fois des délais, en particulier le 2 mars 1987, et qu’en conséquence, cette banque n’avait pas commis de faute ;

que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Et sur les deux moyens, réunis, du pourvoi incident :

Attendu que les époux B… font grief à l’arrêt d’avoir déclaré valable le cautionnement qu’ils avaient consenti au Crédit lyonnais en garantie des obligations de la société Planeclair, alors, selon le pourvoi, d’une part, que l’engagement de caution n’est valable que si la caution est informée de l’étendue et de la nature de l’obligation cautionnée au moment de l’acte ;

qu’en retenant que Mme B…, actionnaire de la société Planeclair, ne pouvait ignorer la vie de l’entreprise en raison de son titre, la cour d’appel s’est prononcée par un motif inopérant insusceptible de caractériser l’information de Mme B… et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1326 et 2015 du Code civil ;

et alors, d’autre part, que la responsabilité du banquier est engagée envers les cautions, dès lors qu’il manque aux obligations incombant à un professionnel du crédit ;

qu’en l’espèce, les écritures d’appel invoquaient la faute commise par le banquier en pariant sur l’entreprise puis en lui retirant brusquement les facilités de caisse accordées jusqu’alors, prétendument contre son gré ;

qu’en ne répondant pas à ce moyen déterminant, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d’une part, qu’il résulte de ses conclusions, que, si Mme B… invoquait sa méconnaissance de la situation de la société Planeclair, c’était pour demander, à titre subsidiaire, la limitation de son obligation au principal de la dette de cette société, à l’exclusion des intérêts et accessoires, et non pour justifier sa demande d’annulation de son cautionnement ;

d’où il suit que le grief est inopérant ;

Attendu, d’autre part, qu’en décidant que le Crédit lyonnais n’avait pas mis brutalement fin aux facilités qu’il accordait auparavant à la société Planeclair, la cour d’appel a répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument omises ;

D’où il suit qu’aucun des deux moyens ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi principal et le pourvoi incident ;

Rejette les demandes du Crédit lyonnais fondées sur l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Condamne les demandeurs aux pourvois principal et incident aux dépens et aux frais d’exécution du présent arrêt ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le conseiller doyen faisant fonctions de président en son audience publique du trente mai mil neuf cent quatre-vingt-quinze.


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