Cour de cassation, Chambre criminelle, du 2 mai 1989, 86-93.152, Inédit

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Cour de cassation, Chambre criminelle, du 2 mai 1989, 86-93.152, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le deux mai mil neuf cent quatre vingt neuf, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller GONDRE, les observations de Me CELICE et de la société civile professionnelle BORE et XAVIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général GALAND ; Statuant sur le pourvoi formé par :

– Z… Jean-Paul-

contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 17 mars 1986, qui, pour infractions à la législation et à la réglementation sur les relations financières avec l’étranger, l’a condamné, d’une part, à la peine d’un an d’emprisonnement avec sursis et a dit que cette peine se confondra avec celle de 18 mois d’emprisonnement avec sursis prononcée le 12 juin 1984 par la même Cour d’appel, d’autre part, à des pénalités cambiaires ; Vu les mémoires produits en demande et en défense ; Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 4 du Code pénal, 1er et suivants de la loi du 28 décembre 1966 relative aux relations financières avec l’étranger, 6 du décret du 27 janvier 1967 fixant les modalités d’application de ladite loi, 1er, 3 et 4 du décret du 24 novembre 1968, 459 du Code des douanes, 591, 593, 689 et 693 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;  » en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Z… coupable d’infraction à la législation des changes par transferts irréguliers pour des sommes s’élevant respectivement à 2 518 642 francs, 107 000 francs et 1 562 692 francs et l’a condamné, outre une peine d’emprisonnement avec sursis, au paiement d’une somme de 5 493 224 francs pour tenir lieu de confiscation et d’une amende d’égal montant ;

 » aux motifs adoptés des premiers juges que  » des documents trouvés au domicile de Z… ont révélé que ce prévenu, qui l’a entièrement reconnu, faisait fonctionner les comptes bancaires ouverts auprès de l’UBS à Genève de deux sociétés panaméennes dénommées Novidor et Necoda, ayant pour activité la facturation à des entreprises françaises de prétendues commissions qui servaient ensuite à rétribuer des intermédiaires, le solde du prix étant par ailleurs distribué aux actionnaires desdites sociétés écrans, parmi lesquels, avant de se rétracter, Z… s’est rangé (c 23) ; que la société Novidor a perçu dans ces conditions 2 518 642 francs français entre le 12 octobre 1977 et le 13 novembre 1979, et les sociétés Novidor ou Necoda 107 000 francs en 1979 ou 1980, sommes représentant la facturation de commissions par Necoda à d’autres sociétés que Gevelot, Manurhin par exemple (c 30) ; qu’il n’est nullement démontré que SFM Gevelot ait été intéressée dans ces marchés, et que Nouaille et Girodet aient facilité ces opérations dont ils ont affirmé tout ignorer ; que ces deux prévenus ne seront dès lors pas retenus sur ce point dans les liens de la prévention, qui est en revanche constituée à l’encontre de Z…, lequel avait tous pouvoirs sur les comptes bancaires de ces sociétés panaméennes ouverts en Suisse  » ;  » que Z… a ouvert en 1978 à la Geoffrey’s Bank de Bruxelles un compte n° 11160 comportant un sous-compte en francs belges, et un sous-compte en francs français et au crédit duquel ont été notamment portées des commissions dues au titre des contrats de la SFM Gevelot ; que ce compte a servi à rémunérer A…, par virement à son compte n° 11161 que Z… lui avait fait ouvrir à la Geoffrey’s Bank  » ; que ce compte  » était essentiellement alimenté par les virements de fonds provenant de la société Novidor perçus par celle-ci par la présentation de commissions fictives auprès d’entreprises françaises ainsi que par des transferts directs effectués par d’autres firmes françaises sous le couvert de commissions qui en réalité étaient également fictives  » ; que le sous-compte 11160 en francs belges a été crédité le 14 décembre 1979 de 4 160 885 francs belges, soit 595 007 francs français ; que celui en francs français l’a été en 1978 et 1979, notamment en provenance de la banque Pommier ou de la Banque Générale du Commerce de Paris de 967 685 francs, soit un montant total de 1 562 692 francs français et non de 2 204 491 francs comme il avait été indiqué par erreur dans un premier temps par l’Administration ;  » que le compte 11160 a servi à créditer le compte de A… pour 277 300 francs français le 28 novembre 1978 et 200 000 francs le 27 février 1979  » ;

 » alors, d’une part, qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 28 décembre 1966, les relations entre la France et l’étranger sont libres ; que les exceptions à ce principe doivent être entendues strictement ; que l’article 3 du décret du 28 novembre 1968 ne prohibe, sauf autorisation préalable, que les transferts ou opérations de change en France ; qu’en se bornant à retenir que Z… aurait fait fonctionner les comptes bancaires ouverts en Suisse au nom des deux sociétés panaméennes sans indiquer en quoi il aurait accompli, sur le territoire de la République française, un acte caractérisant un élément constitutif d’un transfert ou d’une opération de change en France, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés ;  » alors, d’autre part, qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 28 décembre 1966, les relations financières entre la France et l’étranger sont libres ; que les exceptions à ce principe doivent être entendues strictement ; que si l’article 3 du décret du 24 novembre 1968 prohibe, sauf autorisation préalable, tous transferts ou opérations de change, ce n’est, aux termes de ce texte, que s’ils tendent à la constitution par un résident d’avoirs à l’étranger ; qu’il appartient aux parties poursuivantes de rapporter la preuve que des sommes transférées sans autorisation seraient demeurées, directement, ou indirectement, à la disposition du résident français hors de France ; que dans ses écritures, Z… faisait valoir que les sommes litigieuses transférées avec l’autorisation des autorités compétentes, étaient destinées à rémunérer des interventions de tiers et qu’il n’avait constitué aucun avoir à l’étranger à son profit ; que le jugement et l’arrêt constatent en effet que les sommes ainsi transférées à l’étranger servaient à rémunérer des intermédiaires ; qu’en n’indiquant pas en quoi Z… aurait conservé la disposition des sommes litigieuses, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés ;  » alors, enfin, que tout jugement doit être motivé ; que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu’en l’espèce, il résulte des énonciations de l’arrêt que le compte n° 11160 à la Geoffrey’s Bank était essentiellement alimenté par des virements de fonds provenant de la société Novidor ayant son siège à Panama ; qu’en retenant, à l’encontre du prévenu, les sommes créditées sur ce compte à partir de la société étrangère Novidor, au sujet de laquelle le prévenu était, par ailleurs, déclaré coupable de transferts irréguliers, les juges du fond ont entaché leur décision de contradiction ; d’où il suit qu’à ce titre encore la cassation est encourue  » ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 4 du Code pénal, 1er et suivants de la loi du 28 décembre 1966 relative aux relations financières avec l’étranger, 6 du décret du 27 janvier 1967 fixant les modalités d’application de ladite loi, 1er, 3 et 4 du décret du 24 novembre 1968, 459 du Code des douanes, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;  » en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Z… coupable d’infraction à la législation des changes par emprunts à l’étranger sans autorisation et l’a condamné, outre une peine d’emprisonnement avec sursis, à des pénalités proportionnelles au titre d’amende et de sommes pouvant tenir lieu de confiscation ;  » aux motifs adoptés des premiers juges que  » à la fin de l’années 1979, Z…, avec l’accord de Nouaille et de Girodet, a obtenu de la société Luso Expansion de Bâle un prêt de 1 million de francs français que devait rembourser la société Gevelot et dont le montant a été viré au compte de A… à la Geoffrey’s Bank  » ;  » aux motifs propres qu’ » il résulte d’une part des déclarations de Nouaille devant le juge d’instruction que l’opération de l’emprunt a été prise sur l’initiative de Girodet qui entendait ainsi dégager certaines sommes qui devaient être versées ultérieurement à des intermédiaires, à titre de  » pots de vin « . D’autre part, il est constant que la somme de 1 000 000 francs a été ensuite versée au compte n° 11160 de Z… à la Geoffrey’s Bank à Bruxelles. Ces circonstances établissent à l’évidence que l’opération dont s’agit a été conçue et exécutée de concert par Nouaille, Z… et Girodet  » ;  » alors, d’une part, que, contrairement aux énonciations de l’arrêt, il était constant que la somme de 1 000 000 de francs provenant du prêt, n’a pas transité par le compte n° 11160 de Z… à la Geoffrey’s Bank, mais a été virée directement sur le compte n° 11161 ouvert au nom de A… ; que ce fait résultant de l’instruction et constaté par les premiers juges (p. 17, alinéa 2), était d’ailleurs rappelé par Z… dans ses conclusions d’appel (p. 7, dernier alinéa) ; qu’en se prononçant ainsi qu’elle l’a fait, la cour d’appel a dénaturé les termes du litige et privé sa décision de base légale ;

 » alors, d’autre part, qu’il résulte de la combinaison des articles 1er et 3 de la loi du 28 décembre 1966, relative aux relations financières avec l’étranger que des emprunts à l’étranger ne peuvent être soumis à déclaration, autorisation préalable ou contrôle que s’ils constituent des opérations de change, des mouvement de capitaux, ou des règlements de toute nature entre la France et l’étranger ; qu’en l’espèce, si l’arrêt constate que le prêt de 1 million de francs français a été contracté par la société SFM, résidente de France, auprès d’une société Luso Expansion de Bâle, cet emprunt en francs français, qui n’a donné lieu à aucun transfert de France à l’étranger ou de l’étranger en France, n’était pas susceptible d’être, légalement, soumis à autorisation ; d’où il suit, qu’en statuant ainsi qu’ils l’ont fait, les juges du fond ont violé les textes susvisés  » ; Les moyens étant réunis ; Attendu qu’il appert des énonciations de l’arrêt attaqué et du jugement qu’il confirme que pour déclarer Jean-Paul Z… coupable d’infractions cambiaires les juges, après avoir exposé que le susnommé, directeur commercial adjoint de la Société Française de Munitions (SFM), a approvisionné divers comptes bancaires, ouverts au nom de sociétés panaméennes à Genève et à son nom à Bruxelles, avec le produit de la surfacturation de marchandises exportées, relèvent que les transferts ainsi opérés ont permis à l’intéressé, résident français, de se constituer irrégulièrement des avoirs à l’étranger en qualité d’actionnaire des sociétés écrans précitées et en celle d’intermédiaire chargé du versement de commissions ; qu’ils constatent encore que le prévenu a contracté des emprunts auprès de personnes morales étrangères sans autorisation préalable du ministre de l’Economie et des Finances, et qu’il a effectué des règlements à des non-résidents sans passer par l’entremise d’un intermédiaire agréé ; Attendu par ailleurs que si l’article 24 II de la loi du 8 juillet 1987 n’exige désormais des résidents français de justifier de l’origine des avoirs détenus à l’étranger que pour ceux constitués ou détenus pendant un délai de dix ans précédant la date à laquelle une procédure administrative est engagée, cette disposition plus douce, qui restreint l’assiette des avoirs considérés comme irrégulièrement transférés au regard de l’article 3 du décret du 24 novembre 1968, alors applicable, est sans effet en l’espèce, les faits incriminés ayant été, selon les énonciations des juges, commis à partir du 12 octobre 1977 et constatés le 23 janvier 1980 ; Attendu qu’en cet état, et alors que la cour d’appel a caractérisé en tous leurs éléments les infractions reprochées, les moyens, qui tentent de remettre en question l’appréciation souveraine des circonstances de la cause par les juges du fond, ne sauraient être accueillis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 4 du Code pénal, 1er et suivants de la loi du 28 décembre 1966 relative aux relations financières avec l’étranger, 6 du décret du 27 janvier 1967 fixant les modalités d’application de ladite loi, 1er, 3 et 4 du décret du 24 novembre 1968, 459 du Code des douanes, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;  » en ce que l’arrêt attaqué a condamné Z… à payer à l’administration des Douanes la somme de 5 493 334 francs pour tenir lieu de confiscation ;  » alors, d’une part, que tout jugement doit être motivé ; qu’en ne justifiant, par aucun motif, l’application de cette sanction, les juges du fond n’ont pas satisfait aux exigences des textes susvisés ;  » alors, d’autre part, que la condamnation au paiement d’une somme devant tenir lieu de confiscation est subordonnée à la condition que les objets passibles de confiscation n’aient pas pu être saisis ; qu’il résulte des propres énonciations du jugement et de l’arrêt que les sommes de respectivement 1 million de francs et 477 300 francs ont été saisies sur le compte de A…, dont la confiscation a été prononcée ; qu’en condamnant néanmoins Z… à payer une pénalité proportionnelle égale au montant de la somme saisie, les juges du fond n’ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations et ont, par suite, violé les textes susvisés  » ; Attendu que Jean-Paul Z…, déclaré coupable d’infractions cambiaires par constitution irrégulière d’avoirs à l’étranger, emprunts à l’étranger sans autorisation, et règlements à des non-résidents sans l’entremise d’un intermédiaire agréé, a été condamné de ces chefs à payer à l’administration des Douanes la somme de 5 493 334 francs pour tenir lieu de confiscation des sommes saisies sur le compte de Henri A…, condamné pour infraction cambiaire par non rapatriement de créances sur l’étranger ; Attendu qu’en cet état l’arrêt attaqué ne saurait encourir les griefs du moyen ; Qu’en effet, d’une part, les juges du fond apprécient librement en matière douanière et cambiaire, sans être tenus de s’en expliquer, la valeur des objets de fraude qui doit servir à déterminer le montant des condamnations pécunaires ; qu’ils peuvent, à cet égard, adopter la valeur attribuée par l’administration des Douanes ;

Que, d’autre part, selon l’article 459 du Code des douanes, la confiscation du corps du délit doit être prononcée pour chaque infraction à la législation et à la réglementation sur les relations financières avec l’étranger ; que lorsque les objets passibles de confiscation n’ont pu être saisis ou ne sont pas représentés par le délinquant, le tribunal doit, pour tenir lieu de la confiscation, condamner au paiement d’une somme égale à la valeur de ces objets ; D’où il suit que le moyen ne peut qu’être écarté ; Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi


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