Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 octobre 2009, 07-45.038, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 octobre 2009, 07-45.038, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X… a été engagé à compter du 1er juillet 2002 en qualité de directeur général délégué par la société Le Tanneur suivant un contrat de travail du 10 juin 2002 qui prévoyait que sa rémunération comporterait une partie variable et qui fixait le montant de l’indemnité de licenciement ; qu’il a bénéficié de l’attribution d’options de souscription d’actions ; qu’il a été licencié le 11 février 2003 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de condamner la société Le Tanneur à lui verser seulement 100 000 euros à titre d’indemnité contractuelle de licenciement, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge ne peut modérer le montant de l’indemnité contractuelle de licenciement convenue entre les parties qu’à condition de relever en quoi son montant est manifestement excessif et que la somme allouée ne soit pas inférieure à l’indemnité prévue par la loi ou la convention collective ; qu’en l’espèce, pour réduire à 100 000 euros l’indemnité contractuelle, la cour d’appel énonce simplement que le salarié a été employé sept mois et que la clause représente vingt trois mois de salaire ; qu’en statuant ainsi, sans préciser les circonstances d’où résultait le caractère manifestement excessif de l’indemnité convenue et sans rechercher si l’indemnité conventionnelle de licenciement n’était pas supérieure à la somme accordée, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1152 du code civil ;

2°/ que le juge qui réduit le montant de l’indemnité contractuelle de licenciement doit en fixer le montant en fonction du préjudice subi par le salarié du fait de la rupture de son contrat de travail ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a fixé l’indemnité contractuelle de licenciement à 100 000 euros en tenant compte, d’une part, « des responsabilités qui étaient celles de M. X… » et, d’autre part, « du caractère précaire de l’emploi de M. X… » ; qu’en statuant ainsi, sans nullement tenir compte du préjudice subi par le salarié et, notamment, de la période de chômage ayant suivi son licenciement, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 1134 et 1152 du code civil ;

Mais attendu, d’une part, que, le jugement ayant fixé l’indemnité contractuelle de licenciement à 100 000 euros, il ne résulte ni du dossier de la procédure ni de l’arrêt que M. X… a critiqué cette disposition devant la cour d’appel en soutenant que cette somme était inférieure au montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement à laquelle il aurait pu prétendre compte tenu de son salaire et de son ancienneté ; d’autre part, que la cour d’appel a motivé sa décision de réduire la clause pénale et en a souverainement apprécié le montant ;

D’où il suit que le moyen, pour partie irrecevable en sa première branche comme étant nouveau et mélangé de fait et de droit, n’est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande au titre de sa rémunération variable, alors, selon le moyen :

1°/ que le bonus, lorsqu’il est un élément de la rémunération contractuelle, et non pas une prime, doit être versé prorata temporis, quand le salarié n’a travaillé qu’une partie de l’année ; que le déboutant de ses demandes formées au titre de sa rémunération variable parce que « le contrat ne prévoit pas de règle prorata temporis », sans rechercher si le bonus ne représentait pas un élément de sa rémunération, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil ;

2°/ que l’employeur ne peut se dégager de l’obligation de payer le bonus, élément de salaire calculé en fonction des objectifs réalisés, en licenciant le salarié avant le terme fixé pour l’obtention de ce droit ; qu’en l’espèce, les juges du fond ont retenu le caractère sans cause réelle et sérieuse de son licenciement ; qu’en le déboutant néanmoins de sa demande de bonus au titre de l’année 2003 parce qu’il avait été licencié le 11 février 2003, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil ;

3°/ que lorsque le droit à une rémunération variable résulte du contrat de travail et à défaut d’accord entre l’employeur et le salarié sur le mentant de cette rémunération, il incombe au juge de la déterminer en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes, de sorte que si l’objectif de résultats dont le contrat de travail fait dépendre la rémunération n’a pas été déterminé, il appartient au juge de le fixer par référence aux années antérieures ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a affirmé qu’aucun bonus n’était dû au salarié pour l’année 2003 dans la mesure où aucun objectif n’avait été fixé pour 2003 et que l’employeur n’avait pas même fourni au salarié d’indications sur le mode de détermination de ces objectifs ; qu’en statuant ainsi, quand il lui incombait de fixer les droits du salarié, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil ;

Mais attendu que c’est par une interprétation que les termes équivoques du contrat de travail rendaient nécessaire que les juges du fond ont estimé que le doit à la rémunération variable n’était ouvert qu’au terme de l’année de référence en fonction, d’une part, du résultat courant consolidé de la société, d’autre part, de la réalisation d’un objectif ; qu’elle a dès lors décidé à bon droit qu’en l’absence de stipulations contractuelles prévoyant le paiement d’un prorata temporis en cas de départ du salarié avant le terme prévu, l’intéressé ne pouvait prétendre au paiement de la prime ; que par ce seul motif, elle a légalement justifié sa décision ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu l’article L. 122 14 4, alinéa 1, du code du travail, recodifié aux articles L. 1235 2 et L. 1235 3 du même code, ensemble les articles 1134, 1135 et 1147 du code civil ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour la perte de ses droits relatifs aux options sur titre, l’arrêt retient que le plan de souscription d’actions prévoit que le bénéficiaire doit avoir la qualité de salarié au moment de la levée d’option et que M. X… avait été licencié alors que le droit de lever les options sur titres qui lui avaient été attribuées n’était pas encore ouvert ;

Qu’en statuant ainsi, alors que le salarié avait été privé, du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, de la possibilité de lever les options sur titres et qu’il en était nécessairement résulté un préjudice qui devait être réparé, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu à renvoi du chef faisant l’objet de la cassation, la Cour de cassation pouvant donner sur ce point la solution appropriée en application de l’article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a débouté M. X… de sa demande de dommages intérêts pour la perte du droit de lever les options sur titres, l’arrêt rendu le 27 septembre 2007, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

Dit n’y avoir lieu à renvoi du chef faisant l’objet de la cassation ;

Dit que M. X… a droit à la réparation du préjudice résultant de la perte du droit de lever les options sur titres ;

Renvoie la cause et les parties devant la cour d’appel de Versailles pour qu’il soit statué sur le montant de l’indemnité due à M. X… en réparation de son préjudice né de la perte du droit de lever les options sur titres qui lui ont été attribuées ;

Condamne la société Le Tanneur aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Le Tanneur à verser à M. X… la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de M. X…

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR limité la condamnation de la société LE TANNEUR à verser à monsieur X… la somme de 100.000 euros au titre de l’indemnité contractuelle de licenciement ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Olivier X… sollicite l’octroi de la somme de 350.000 euros prévue contractuellement dans sa lettre d’embauche du 10 juin 2002, qui stipule qu’en cas de rupture de contrat de travail à l’initiative de l’employeur et sauf faute lourde, il bénéficiera d’une indemnité à hauteur de cette somme pendant les deux premières années et d’une année de salaire incluant la rémunération variable au-delà ; que l’indemnité de licenciement lorsqu’elle est prévue par le contrat de travail, a le caractère d’une clause pénale qui peut être réduite par le juge si elle présente un caractère manifestement excessif ; qu’en l’espèce, Olivier X… n’a été employé que durant une période de 7 mois et 11 jours ; que l’indemnité contractuelle qui représente près de 23 mois de salaire apparaît ainsi manifestement excessive ; qu’il convient de la réduire ; que les premiers juges en ont fait une exacte appréciation en la fixant à la somme de 100.000 euros qu’il y a lieu de confirmer le jugement critiqué de ce chef ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le conseil dit et juge que l’indemnité contractuelle de licenciement présentée s’analyse en une clause pénale du fait de son caractère excessif ; qu’en effet, la Cour de cassation a précisé : « l’indemnité de licenciement, lorsqu’elle est prévue par le contrat de travail, a le caractère de clause pénale qui peut être réduite par le juge si elle présente un caractère manifestement excessif » (Cass. soc. 3 décembre 2002, n° 00-4423) ; que le conseil fixe à 100.000 euros l’indemnité contractuelle de licenciement au regard des responsabilités qui étaient celles de monsieur X… et du caractère précaire de l’emploi de monsieur X… dont l’employeur et le salarié étaient parfaitement conscients ;

1. – ALORS QUE le juge ne peut modérer le montant de l’indemnité contractuelle de licenciement convenue entre les parties qu’à condition de relever en quoi son montant est manifestement excessif et que la somme allouée ne soit pas inférieure à l’indemnité prévue par la loi ou la convention collective ; qu’en l’espèce, pour réduire à 100.000 euros l’indemnité contractuelle, la Cour d’appel énonce simplement que le salarié a été employé 7 mois et que la clause représente 23 mois de salaire ; qu’en statuant ainsi, sans préciser les circonstances d’où résultait le caractère manifestement excessif de l’indemnité convenue et sans rechercher si l’indemnité conventionnelle de licenciement n’était pas supérieure à la somme accordée, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1152 du code civil ;

2. – ALORS QUE le juge qui réduit le montant de l’indemnité contractuelle de licenciement doit en fixer le montant en fonction du préjudice subi par le salarié du fait de la rupture de son contrat de travail ; qu’en l’espèce, la Cour d’appel a fixé l’indemnité contractuelle de licenciement à 100.000 euros, en tenant compte d’une part « des responsabilités qui étaient celles de M. X… » et d’autre part « du caractère précaire de l’emploi de M. X… » ; qu’en statuant ainsi, sans nullement tenir compte du préjudice subi par le salarié et, notamment de la période de chômage ayant suivi son licenciement, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1152 du code civil ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Le pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté monsieur X… de sa demande au titre de la perte de ses droits relatifs aux stocks options ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE il est constant que le conseil d’administration de la société LE TANNEUR a mis en ..uvre à la suite du conseil d’administration du 5 août 2002 un plan d’options de souscription d’actions dont Olivier X… est bénéficiaire à hauteur de 50.000 actions, les options pouvant être souscrites à compter du 5 août 2003 et jusqu’au 4 août 2007 ; qu’Olivier X… en a été informé par une lettre du août 2002 qui en détaille le dispositif et le régime fiscal ; considérant cependant que le plan de souscription d’actions prévoit que le bénéficiaire doit avoir la qualité de salarié au moment de la levée d’option ; qu’au 5 août 2003 Olivier X… n’était plus salarié de la société LE TANNEUR pour avoir été licencié le 11 février de la même année ; qu’en conséquence il ne peut bénéficier du plan de souscription d’actions ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE du fait de son licenciement, monsieur X… ne pouvait prétendre à devenir actionnaire de la société, de plus l’article 3-3 du plan de souscription signé par monsieur X… le 5 août 2002 stipule que « les options ne pourront être exercées que si le bénéficiaire est salarié de la société à la date de levée des options » ; or monsieur X… a été licencié par lettre du 11 février 2003, alors que les options pouvaient être levées selon l’article 3-1 de ce même plan, du 5 août 2003 au 4 août 2007 ;

ALORS QUE dès lors que le salarié n’a pas pu, du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, lever les options sur titres dont il était bénéficiaire, il en est nécessairement résulté un préjudice qui doit être réparé ; qu’en l’espèce, la Cour d’appel a retenu le caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciement de monsieur X… ; qu’elle l’a néanmoins débouté de sa demande d’indemnisation formée au titre de la perte de chance de lever les options en énonçant que le droit de lever ces options était réservé aux salariés présents dans l’entreprise à la date de levée des options ; qu’en statuant ainsi, la Cour d’appel a violé l’article L.122-14-4 du code du travail, ensemble les articles 1134, 1135 et 1147 du code civil ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Le pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté monsieur X… de sa demande au titre de sa rémunération variable ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE le contrat d’embauche d’Olivier X… prévoit l’octroi d’un bonus accessoire au salaire calculé à hauteur de 50 % du plafond sur un pourcentage du résultat courant consolidé de la société et pour 50 % sur la base d’objectifs définis avec la direction annuellement ; que pour l’exercice 2002, eu égard à l’embauche en milieu d’année, aucun pourcentage sur les résultats de l’exercice 2002 ne saurait lui être octroyé ; que par ailleurs l’employeur et le salarié n’ont fixé pour l’année 2003 aucun objectif, qu’aucune pièce ne vient établir l’existence d’indications données à Olivier X… par la société LE TANNEUR quant à la base sur laquelle elle entendait fixer ses objectifs, sur les critères de leur détermination et de leur évaluation ; qu’enfin le contrat ne prévoit pas de règle prorata temporis ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE il n’y a aucune obligation contractuelle à payer un bonus à monsieur X… dans la mesure où il était prévu de fixer « un pourcentage de résultat courant consolidé » ; que monsieur X… a été embauché le 8 juin 2002, il ne pouvait être question d’un pourcentage sur le résultat courant consolidé pour l’exercice 2002 ; que d’autre part, il était prévu de fixer une base d’objectifs annuellement là encore, les objectifs n’ont pu être fixés que pour l’année 2003 ; que monsieur X… a été licencié le 11 février 2003 ; qu’enfin il n’avait pas été prévue de fixer un bonus prorata temporis et pas davantage pour la première année ;

1. – ALORS QUE le bonus, lorsqu’il est un élément de la rémunération contractuelle, et non pas une prime, doit être versé prorata temporis, quand le salarié n’a travaillé qu’une partie de l’année ; qu’en déboutant monsieur X… de ses demandes formées au titre de sa rémunération variable parce que « le contrat ne prévoit pas de règle prorata temporis », sans rechercher si le bonus ne représentait pas un élément de sa rémunération et non une prime, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil ;

2. – ALORS QUE l’employeur ne peut se dégager de l’obligation de payer le bonus, élément de salaire calculé en fonction des objectifs réalisés, en licenciant le salarié avant le terme fixé pour l’obtention de ce droit ; qu’en l’espèce, les juges du fond ont reconnu le caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciement de monsieur X… ; qu’en déboutant néanmoins le salarié de sa demande de bonus au titre de l’année 2003, parce qu’il avait été licencié le 11 février 2003, la Cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil ;

3. – ALORS QUE lorsque le droit à une rémunération variable résulte du contrat de travail et à défaut d’un accord entre l’employeur et le salarié sur le montant de cette rémunération, il incombe au juge de la déterminer en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes, de sorte que si l’objectif de résultats dont le contrat de travail fait dépendre la rémunération n’a pas été déterminé, il appartient au juge de le fixer par référence aux années antérieures ; qu’en l’espèce, la Cour d’appel a affirmé qu’aucun bonus n’était dû au salarié pour 2003 dans la mesure où aucun objectif n’avait été fixé pour 2003 et que l’employeur n’avait pas même fourni au salarié d’indications sur le mode de détermination de ces objectifs ; qu’en statuant ainsi, quand il lui incombait de fixer les droits du salarié, la Cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil ;


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