Cour de cassation, Chambre criminelle, du 19 décembre 1990, 90-80.837, Inédit

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Cour de cassation, Chambre criminelle, du 19 décembre 1990, 90-80.837, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf décembre mil neuf cent quatre vingt dix, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller MALIBERT, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général PERFETTI ; Statuant sur le pourvoi formé par :

X… Robert,

contre l’arrêt de la cour d’appel de VERSAILLES, 8ème chambre, en date du 19 janvier 1990, qui, pour délit d’ingérence, l’a condamné à 13 mois d’emprisonnement avec sursis, à une amende de 117 623 francs et l’a déclaré à jamais incapable d’exercer une fonction publique ;

Vu le mémoire produit ;

Vu l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de Cassation du 30 mai 1984 portant désignation de juridiction ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 6, 85 et 86, 591 et 593, 861 et suivants du Code de procédure pénale, manque de base légale ;

 » en ce que l’arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d’ingérence pour des faits commis d’octobre 1980 à mars 1983 ;

 » alors qu’il appartient à la juridiction de jugement, qui n’est pas liée par la décision de la chambre d’accusation, d’examiner d’office tous moyens d’ordre public, notamment celui tiré de la prescription de l’action publique ; qu’en l’espèce le cours de la prescription a été suspendu du 23 mai 1984, jour de la requête aux fins de désignation de la juridiction de la chambre criminelle en l’absence de plainte assortie de constitution de partie civile, jusqu’au 9 août 1984, date à laquelle l’arrêt de la chambre criminelle a été porté à la connaissance du prévenu ; que le réquisitoire à fins d’information devant la juridiction désignée est daté du 17 septembre 1984, en sorte que la prescription est acquise pour tous les faits commis antérieurement au 30 juin 1981 et notamment pour la sous-traitance des différents chantiers confiés à la SERCEN en 1981 ainsi que pour le contrat conclu directement avec cette société pour les parcs de stationnement le 28 novembre 1980 ; dès lors, en s’abstenant de constater d’office la prescription, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

 » et alors, au surplus, que le délit d’ingérence est un délit instantané ; que, dès lors, l’arrêt de renvoi qui a saisi la juridiction de jugement ne distinguant pas et ne datant pas chaque fait reproché à X… dans la période du 2 octobre 1980 à mars 1983 qu’il retient, la Cour de Cassation n’est pas en mesure d’exercer son contrôle sur ceux d’entre eux qui, antérieurs au 30 juin 1981, sont prescrits ; qu’ainsi l’annulation encourue est totale  » ;

Attendu que si l’exception de prescription est d’ordre public et peut, à ce titre, être opposée pour la première fois devant la Cour de Cassation, c’est à la condition que cette Cour trouve, dans les constatations des juges du fond, les éléments nécessaires pour en apprécier la valeur ; qu’à défaut de ces constatations, qui manquent en l’espèce et qu’il appartenait au demandeur de provoquer en soulevant l’exception de prescription devant la cour d’appel, le moyen ne peut qu’être écarté ;

Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 175 du Code pénal, du principe d’interprétation stricte de la loi pénale, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

 » en ce que l’arrêt attaqué a déclaré X… coupable d’avoir commis le délit d’ingérence par interposition de sociétés ou de personnes, par sous-traitance à la SERCEN des marchés confiés officiellement à la SA BMC, à SOMA et à M. A…, et l’a condamné de ce chef ;

 » alors, d’une part, que le délit d’ingérence commis par interposition de personnes et de sociétés suppose que les personnes ou les sociétés bénéficiaires des actes dont l’officier public avait la surveillance aient un lien direct, moral ou pécuniaire avec ce dernier ; qu’aucune des constatations de l’arrêt attaqué ne relève, d’une part que X… avait une participation financière dans les sociétés BMC et SOMA ou les dirigeait en fait, et ni ne précise d’autre part que M. A… lui servait de prête-nom pour obtenir les marchés, de sorte que sa décision n’est pas légalement justifiée ;

 » alors, d’autre part, qu’en tout état de cause la prise d’intérêt de l’officier public qui confie officiellement un marché dont il avait la surveillance à une société ou à une personne qui lui est étrangère, mais qui sous-traite le chantier à une société dont il est actionnaire, n’est caractérisée que si, aux termes d’un accord préalable, le bénéficiaire du marché délègue le chantier en connaissance de cause pour favoriser la société de l’officier public ; que l’arrêt attaqué, qui n’établit aucunement l’existence d’une connivence entre les dirigeants de BMC, SOMA et M. A…, dont les responsabilités ont d’ailleurs été écartées, n’a pas relevé la prise d’intérêt exigée par l’article 175 du Code pénal et n’a pas légalement justifié sa décision  » ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué et du jugement qu’il confirme quant à la culpabilité mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a caractérisé, sans insuffisance, tous les éléments constitutifs du délit retenu, en ses différentes formes, à la charge du prévenu ; que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause par les juges du fond, ne saurait être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux dépens ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents :

M. Angevin conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Malibert conseiller rapporteur, MM. Diémer, Guth, Guilloux, Massé conseillers de la chambre, MM. Pelletier, Nivôse conseillers référendaires, M. Perfetti avocat général, Mme Gautier greffier de chambre ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


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