Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 15 mai 2008, 07-83.885, Inédit

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Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 15 mai 2008, 07-83.885, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

– X… Yannick,

contre l’arrêt de la cour d’appel de DOUAI, 6e chambre, en date du 12 avril 2007 qui, pour escroquerie, abus de confiance, abus de biens sociaux, banqueroute, travail dissimulé, falsification de chèque et usage, l’a condamné à deux ans d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve, 10 000 euros d’amende, trois ans d’interdiction de gérer, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires en demande et en défense produits ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, article préliminaire du code de procédure pénale, 111-4 et 313-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré Yannick X… coupable du délit d’escroquerie et l’a condamné à une peine de deux années d’emprisonnement assortie du sursis avec mise à l’épreuve pendant une durée de trois années, à une amende de 10 000 euros et a prononcé une interdiction de gérer pendant trois ans ainsi qu’au versement d’une somme de 212 653,77 euros au titre des dommages-intérêts au profit de la partie civile Ge Factofrance ;

« aux motifs que la prévention vise une période courte située entre le 20 novembre et le 6 décembre 2001, soit quelques jours à peine avant la procédure de redressement judiciaire éclairant ainsi la déclaration de la responsable de la comptabilité expliquant que l’établissement des bons de livraison anticipés avait servi à verser la paye des salariés de l’entreprise pour le mois de novembre 2001; le prévenu soutient essentiellement que le rapprochement entre les 40 factures et les 38 avoirs présente un caractère improbable d’autant qu’à l’appui de sa plainte, la société Factofrance (anciennement FFH) ne cite que trois exemples, d’une part, et que toutes ces factures – au regard du fonctionnement habituel de l’entreprise – étaient causées, d’autre part ; que selon l’audit des comptes 2001 et 2002, il est établi que des avoirs enregistrés en compatibilité en décembre 2001 n’ont pas été transmis à FFH pour un montant de 234 919,52 euros TTC et que de nouvelles factures d’un montant identique ont été établies et comptabilisées, puis transmises à la banque Delubac pour une double mobilisation; qu’il résulte également du caractère massif de la technique financière utilisée (émission de 38 avoirs s’élevant à 217 278,16 euros annulant quarante factures s’élevant à 218 488,07 euros) et concentrée sur une très courte période, qu’elle ne procède pas du fonctionnement normal de l’entreprise et c’est à juste titre que les premiers juges ont rappelé cet aspect quantitatif anormal reposant sur des factures non causées, corroboré par les déclarations combinées de la responsable comptable susvisée, du prévenu lui-même admettant devant le magistrat instructeur une double mobilisation pour un montant limité de 83 380 euros et de l’administrateur judiciaire stigmatisant par un courrier du 14 mars 2002 ce comportement du dirigeant ; que c’est d’ailleurs sur relance des acheteurs que la FFH a appris que la société Sefna, avait ultérieurement annulé les factures dont la propriété lui avait été transmise, puis émis de nouvelles factures qui ont été cédées à la banque Delubac postérieurement au redressement judiciaire de la société Sefna, l’existence d’une procédure collective ne rendant pas caduques les facturations émises et les subrogations consenties antérieurement au jugement déclaratif ; les difficultés mises en avant par le prévenu visant à justifier que les factures étaient initialement causées (grève des magasiniers empêchant l’enlèvement, rétention de marchandises, refus de livraison, absentéisme du personnel de quai), mais non véritablement démontrées, ne sont pas recevables d’autant que s’agissant des mêmes créances, l’émission d’avoirs puis, la refacturation ne s’expliquent pas, sauf s’il s’agit de mobiliser deux fois la même créance ; que le prévenu a donc émis des factures non causées (aussitôt annulées) dont il a fait usage en mobilisant les créances correspondantes auprès de la société d’affacturage, la remise s’étant effectuée par la voie d’un paiement par inscription au crédit du compte courant de la société Sefna (paiement subrogatoire) de sorte que le délit d’escroquerie est caractérisé en tous ses éléments constitutifs ;

« alors que le prévenu avait fait valoir que les factures litigieuses étaient toutes causées, que la société Sefna ayant émis des bons de livraison pour des marchandises à quai, la comptabilité a émis les factures qui ont été envoyées pour mobilisation chez Factofrance, que la création des avoirs constituait une pratique normale dès lors, que soit les marchandises n’avaient pas été livrées, soit elles avaient été retournées, et que ces avoirs auraient du être compensés, avec les sommes dues par Factofrance en fin de mois, mais que le dépôt de bilan, suivi du choix par l’administrateur d’un autre factor, avait empêché cette régularisation ; qu’ensuite les clients ayant réclamé leur marchandise que cette fois les transporteurs avaient accepté de livrer, l’administrateur avait donné l’ordre de livraison et signé le bordereau de mobilisation des créances auprès du nouveau factor choisi par lui ; qu’il en est ainsi résulté une double mobilisation sans possibilité de régularisation ; qu’en ne s’expliquant pas sur ce chef péremptoire de défense propre à établir que tant l’élément matériel que l’élément moral de la prévention d’escroquerie faisaient défaut, les juges du fond ont privé de toute base légale leur décision au regard des textes susvisés ;

« alors que les manoeuvres frauduleuses constitutives d’escroquerie sont caractérisées par un mensonge corroboré par un élément extérieur venu lui donner force et crédit, de sorte qu’un simple mensonge écrit n’est pas punissable s’il n’est accompagné d’aucun acte extérieur de cette nature ; que l’émission de factures – postérieurement annulées par des avoirs – suivie de la mobilisation auprès d’une société d’affacturage qui inscrit au crédit du compte courant de la société émettrice le montant des créances, constitue tout au plus un simple mensonge écrit ayant entraîné remise du paiement ; qu’en se bornant à faire état de la mobilisation de factures (ultérieurement annulées) auprès de la société d’affacturage, sans relever aucun élément extérieur venant corroborer le mensonge, pour conclure à la culpabilité du prévenu, les juges d’appel n’ont pas légalement justifié leur décision » ;

Sur le deuxième moyen pris de la violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, article préliminaire du code de procédure pénale, 111-4 et 313-1 du code pénal, 314-1 et suivants du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré Yannick X… coupable du délit d’escroquerie et l’a condamné à une peine de deux années d’emprisonnement assortie du sursis avec mise à l’épreuve pendant une durée de trois années, à une amende de 10 000 euros et a prononcé une interdiction de gérer pendant trois ans ainsi qu’au versement d’une somme de 62 526,46 euros au titre des dommages-intérêts au profit de la partie civile Cofacredit;

« aux motifs que dès lors qu’une des deux factures (ECI Allemagne/ Faurecia) n’était pas causée, puisque les deux factures n’avaient donné lieu qu’à une seule commande et à une seule livraison, le délit d’escroquerie est caractérisé en tous ses éléments, car l’usage de la fausse facture par le prévenu a entraîné la double remise de la société Cofracredit par inscription au crédit du compte courant de la société Sefna (paiement subrogatoire), l’intention frauduleuse résultant de la mobilisation des deux factures pour une seule prestation et de leur présentation à des dates différentes et avec d’autres factures afin de mieux tromper ladite société; quant à l’abus de confiance, il est également caractérisé en tous ses éléments constitutifs car le prévenu en violation de l’article 11 des conditions générales du contrat d’affacturage, a reçu les règlements (7 factures d’un montant global de 13 714 euros) de plusieurs clients en qualité de mandataire de la société Cofacredit et il aurait dû les reverser immédiatement, en leur forme originale, à la société d’affacturage ; il ne fournit aucune explication justifiant cette absence de restitution des fonds ;

« alors que le prévenu avait fait valoir qu’il ne disposait d’aucun élément lui permettant de comprendre l’erreur qui a conduit à l’émission de deux factures pour la même commande et avait en vain demandé la communication du bon de livraison qui accompagnait impérativement chaque facture ; qu’enfin aucun élément n’établissait une quelconque intervention de sa part ; qu’en ne répondant pas à ces chefs péremptoires de défense, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés ;

« alors que les manoeuvres frauduleuses constitutives d’escroquerie sont caractérisées par un mensonge corroboré par un élément extérieur venu lui donner force et crédit, de sorte qu’un simple mensonge écrit n’est pas punissable s’il est accompagné d’aucun acte extérieur de cette nature ; que l’émission d’une facture non causée suivie de sa mobilisation auprès d’une société d’affacturage, qui inscrit au crédit du compte courant de la société émettrice le montant de cette créance, constitue un simple mensonge écrit ayant entraîné remise du paiement ; qu’en se bornant à faire état de la mobilisation de cette facture auprès de la société d’affacturage, laquelle correspondait à une commande et à une livraison déjà facturée et mobilisée, sans relever aucun élément extérieur venant corroborer le mensonge, pour conclure à la culpabilité du prévenu, les juges d’appel n’ont pas légalement justifié leur décision ;

« alors que le prévenu avait fait valoir que Cofacredit devait tenir un compte mensuel de compensation, permettant la régularisation en cas de paiements reçus à tort, et qu’il n’avait donné aucune consigne de conserver ces paiements ; que là encore, l’accès aux pièces justificatives lui avait été refusé et qu’il n’avait donc pu se défendre sur l’imputation de son fait personnel qui n’est même pas relevé dans la décision ; qu’en ne répondant pas à ces chefs péremptoires de défense, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés » ;

Sur le troisième moyen pris de la violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de l’article L. 242-6 du code de commerce, 111-4 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Yannick X… coupable du délit d’abus de biens sociaux pour avoir fait voter par l’assemblée générale de la société qu’il présidait une augmentation de salaire importante avec effet rétroactif et l’a condamné à une peine de deux années d’emprisonnement assortie du sursis avec mise à l’épreuve pendant une durée de trois années, à une amende de 10 000 euros et a prononcé une interdiction de gérer pendant trois ans ainsi qu’au versement d’une somme de 1 euro à payer à Me Eric Z…, agissant en qualité de commissaire à l’exécution du plan de cession de la SA Sefna, à titre de provision à valoir sur le montant total du préjudice subi par la société ;

« aux motifs propres et adoptés que, s’agissant de l’augmentation de salaire, selon la jurisprudence, le fait pour un dirigeant de se faire octroyer des avantages excessifs au moment où une société connaît des difficultés est constitutif d’un abus de biens sociaux ; que l’octroi d’une augmentation mensuelle de 4 467,45 euros à 7 424,46 euros à une époque au cours de laquelle la société connaissait des difficultés financières réelles, avait pour seule finalité de permettre au prévenu en cas de perte de salaire consécutive à une procédure collective de bénéficier personnellement d’un montant d’allocations de 5 030 euros garantis par la garantie sociale des chefs d’entreprise au lieu de 3 658 euros ;

« alors que le délit d’abus de biens sociaux prévu par l’article L. 242-6 du code de commerce est caractérisé par un acte positif d’usage des biens contraire à l’intérêt de la société, à savoir une atteinte à son patrimoine ou un risque anormal de sanctions pénales ou fiscales ; que l’augmentation de la rémunération du dirigeant d’une société présentant des difficultés, mais toujours in bonis, est dépourvue de caractère abusif, si ce choix économique est justifié par des responsabilités complémentaires et représente une contrepartie positive incitant le dirigeant à s’investir davantage dans le rétablissement financier de la société ; qu’en statuant comme elle l’a fait, sans s’expliquer sur l’accord des actionnaires au regard des tâches accomplies par le prévenu, dont la rémunération n’avait pas été augmentée depuis 1995 et supportait les tâches d’un collègue malade depuis plusieurs mois avant son départ, la cour d’appel n’a pas tenu compte de cet élément et n’a pas légalement justifié sa décision » ;

Sur le quatrième moyen pris de la violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, des articles L. 626-2 ancien et L. 654-1 et suivants du code de commerce, 111-4 et 121-4 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, excès de pouvoir, violation des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Yannick X… coupable du délit de banqueroute par augmentation frauduleuse du passif et l’a condamné à une peine de deux années d’emprisonnement assortie du sursis avec mise à l’épreuve pendant une durée de trois années, à une amende de 10.000 euros et a prononcé une interdiction de gérer pendant trois ans ainsi qu’au versement d’une somme de 1 euro à payer à Me Eric Z…, agissant en qualité de commissaire à l’exécution du plan de cession de la SA Sefna, à titre de provision à valoir sur le montant total du préjudice subi par la société ;

« aux motifs propres et adoptés des premiers juges que, le prévenu a tenté de se faire verser une rémunération double le 31 mai 2002 la faisant passer de 7 622,45 euros à 14 292,72 euros, versement qui était finalement bloqué par l’administrateur judiciaire vigilant, dans la mesure où le dirigeant avait tenté de masquer son geste en ne mentionnant pas l’identité du destinataire ; que les circonstances de dissimulation de cette opération démontrent qu’il ne pouvait s’agir effectivement de remboursement de frais, de sorte que la déclaration de culpabilité sera confirmée ;

« alors que le délit de banqueroute commis par augmentation frauduleuse du passif est une infraction matérielle qui exige un résultat, à savoir une augmentation effective du passif de la société faisant l’objet d’une procédure de redressement judiciaire, délit pour lequel la tentative n’est pas incriminée ; que selon les énonciations des premiers juges, adoptés par la cour d’appel, si le prévenu a tenté de se faire verser une rémunération double le 31 mai 2002, la faisant passer de 7 622,45 euros à 14 292, 72 euros, ce versement n’a pas eu lieu en raison de la vigilance de l’administrateur judiciaire qui l’a finalement bloqué ; qu’en conséquence, faute d’avoir constaté un versement effectif de rémunération ayant frauduleusement augmenté le passif de la société, les juges du fond ne pouvaient ensuite déclarer constitué le délit de banqueroute par augmentation de passif, sans commettre un excès de pouvoir » ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance, ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu’intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable et a ainsi justifié l’allocation au profit des parties civiles des indemnités propres à réparer les préjudices en découlant ;

Que les moyens, qui se bornent à remettre en question l’appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause ainsi que la valeur des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 000 euros la somme que Yannick X… devra payer respectivement à la société Cofacredit et à la société Factofrance, parties civiles, au titre de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Dulin conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Bayet conseiller rapporteur, Mme Thin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


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