Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1°/ la société anonyme A B… France, ayant son siège social à Paris (15e), …, représentée par son président-directeur général en exercice, domicilié en cette qualité audit siège,
2°/ la société de droit Suisse A Plus Holding, ayant son siège social à Genève CH 1208 (Suisse), …, représentée par ses représentants légaux en exercice, domiciliés audit siège,
3°/ M. A… de Rohan X…, demeurant à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), …,
en cassation d’un arrêt rendu le 7 février 1989 par la cour d’appel de Paris (4e chambre A), au profit :
1°/ de la société anonyme A + Conseils, ayant son siège social à Paris (8e), …, prise en la personne de son président, domicilié en cette qualité audit siège,
2°/ de M. Jean-Pierre Z…, demeurant à Suresnes (Hauts-de-Seine), …,
défendeurs à la cassation ; Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; LA COUR, en l’audience publique du 26 novembre 1990, où étaient présents :
M. Massip, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Gélineau-Larrivet, rapporteur, MM. Y…, Bernard de Saint-Affrique, Lemontey, conseillers, M. Savatier, conseiller référendaire, M. Sadon, premier avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Gélineau-Larrivet, les observations de la SCP Riché, Blondel et Thomas-Raquin, avocat de la société anonyme A B… France, de la société de droit suisse A Plus Holding et de M. de Rohan X…, de la SCP Lemaitre et Monod, avocat de la société anonyme A + Conseils et de M. Z…, les conclusions de M. Sadon, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu qu’en 1981, M. Jean-Pierre Z… a déposé la marque « A + Conseils », destinée à distinguer les services publicité et affaires de la classe 35 des marques de fabrique, puis en 1982, a consenti une licence d’exploitation de cette marque à la société A + Conseils dont il est le président ; qu’ayant appris la création, en 1985, d’une société A plus France et le dépôt, la même année, par la société Suisse A Plus Holding, actionnaire de la précédente, d’une marque « A Plus » pour distinguer divers services des classes 35, 41 et 42, M. Jean-Pierre Z… a
assigné ces deux sociétés aux fins de faire annuler pour contrefaçon le dépôt de la marque « A Plus » et interdire l’utilisation de l’expression « A Plus » ; que les sociétés A B… France et A Plus Holding ainsi que, par voie d’intervention, M. A… de C…, animateur de ces sociétés, ont formé contre M. Z… et la société A + Conseils des demandes similaires, en soutenant notamment que l’expression « A + » de la marque « A + Conseils » constituait l’usurpation de la devise de la famille C…, « A Plus » ; Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué (Paris, 7 février 1989) d’avoir décidé que le signe A Plus, devise de la famille C…, était disponible lors du dépôt de la marque « A + Conseils » et d’avoir, par voie de conséquence, accueilli l’action en contrefaçon dirigée par M. Z… contre les sociétés A B… France et A Plus Holding, débouté M. A… de C… de son intervention et rejeté la demande reconventionnelle en annulation du dépôt de la marque « A + Conseils », alors, d’une part, que l’arrêt relève que, choisie depuis des siècles par la famille C…, la devise « A Plus » est pour celle-ci un attribut de la personnalité ; d’où il suit qu’en excluant la protection que requérait par lui-même ce signe illustre, au prétexte d’une absence prétendue de confusion et de préjudice, la cour d’appel n’aurait pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 1er de la loi du 6 fructidor an II ; alors, d’autre part, que pour écarter le risque de confusion, la juridiction du second degré se serait déterminée par un motif général et abstrait ; alors, enfin, qu’en se référant à l’utilisation par M. A… de C… de sa devise dans l’exercice personnel de son activité professionnelle pour en déduire l’absence de toute faute et de tout préjudice imputable à M. Z… dans l’utilisation par celui-ci de la même devise aux mêmes fins, la cour d’appel aurait violé l’article 1382 du Code civil ; Mais attendu qu’après avoir rappelé à bon droit que le demandeur est tenu de justifier de l’existence d’une confusion possible à laquelle il a intérêt à mettre fin lorsque, comme en l’espèce, la devise de sa famille est utilisée à des fins commerciales ou publicitaires, l’arrêt retient souverainement que le patronyme d’A… de C… et la devise « A Plus », sont sans rapport avec le domaine commercial, de telle sorte que le rapprochement ne s’impose pas dans l’esprit du public et qu’aucune confusion n’est possible entre la marque et la dénomination sociale incriminées et cet accessoire du nom de la famille C… ; qu’il a également relevé que M. A… de C… ne faisait pas grief à ses adversaires d’une atteinte au prestige et à la dignité de sa devise ; qu’en se déterminant ainsi, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;
d’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ; Sur la demande d’une indemnité au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que la société A + Conseils et M. Z… sollicitent, sur le fondement de ce texte, l’allocation d’une somme de 15 000 francs ; Attendu qu’il y a lieu d’accueillir cette demande ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; Condamne les demandeurs, envers la société anonyme A + Conseils et M. Z…, aux dépens et aux frais d’exécution du présent arrêt ; Condamne également la société A B… France, la société A Plus Holding et M. A… de C… à payer à la société A + Conseils et à M. Z… la somme de 15 000 francs au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du huit janvier mil neuf cent quatre vingt onze.