Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
22ème Chambre C
ARRET DU 26 juin 2008
(no , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : Jonction – S 06/12184 / S 06/12444
Décision déférée à la Cour : jugements rendus les 13 juin 2006 et 12 septembre 2006 par le conseil de prud’hommes de Bobigny – section encadrement – RG no 03/04144 – 05/00838
APPELANT
INTIME
Monsieur Gérard Michel X…
…
92220 BAGNEUX
comparant en personne, assisté de Me Daniel Y…, avocat au barreau de PARIS, toque : B 408
INTIMEE
APPELANTE
SA G.P. INTERNATIONAL
11, rue de la Métallurgie
93210 ST DENIS LA PLAINE
représentée par Me Emeric LEMOINE, avocat au barreau de HAUTS DE SEINE, toque : 1701
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 mai 2008, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président, chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président
Madame Françoise CHANDELON, conseiller
Madame Evelyne GIL, conseiller
Greffier : Mme Francine ROBIN, lors des débats
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président
– signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président et par Mme Francine ROBIN, greffier présent lors du prononcé.
Vu l’appel régulièrement interjeté par Monsieur Gérard X… à l’encontre d’un jugement prononcé le 13 juin 2006 par le conseil de prud’hommes de BOBIGNY ayant statué sur le litige qui l’oppose à la S.A. GROUPE PLICOSA (G.P.) INTERNATIONAL sur des demandes de rappel de salaires.
Vu l’appel régulièrement interjeté par la S.A. G.P. INTERNATIONAL à l’encontre d’un jugement prononcé le 12 septembre 2006 par le conseil de prud’hommes de BOBIGNY ayant statué sur le litige qui l’oppose à Monsieur Gérard X… sur les demandes de ce dernier relatives à l’exécution de son contrat de travail et au licenciement dont il a été l’objet.
Vu le premier jugement déféré qui a débouté Monsieur Gérard X… de toutes ses demandes.
Vu le second jugement déféré qui a déclaré le licenciement de Monsieur Gérard X… sans cause réelle et sérieuse, l’a indemnisé de ce chef et l’a débouté du surplus de ses demandes.
Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l’audience aux termes desquelles :
Monsieur Gérard X…, appelant principal du premier jugement et appelant incident du second, formule les demandes suivantes :
fixation de son salaire moyen brut à la somme de 6 812 ,
condamnation de la S.A. G.P. INTERNATIONAL à lui payer :
– 6 326,14 au titre de l’aménagement et de la réduction du temps de travail,
– 15 092,50 à titre de rappel de salaire, outre les congés payés afférents et garantie du paiement de la somme mensuelle de 457,34 par QUATREM, organisme de prévoyance, de février 2005 jusqu’à la retraite,
– 3 639,75 à titre de reliquat sur l’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 20 436 à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents,
– 6 812 à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,
– 245 323 à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,
– 30 000 à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,
– 2 897 à titre de prime de fin d’année,
– 13 624 pour non-respect de la priorité de réengagement,
– 4 000 pour frais non compris dans les dépens.
La S.A. G.P. INTERNATIONAL, appelante du second jugement, conclut au débouté de toutes les demandes de Monsieur Gérard X… et requiert une indemnité de 2 500 sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
CELA ÉTANT EXPOSÉ
Par contrat verbal à durée indéterminée en date du 14 septembre 1978, Monsieur Gérard X… a été engagé par une société du groupe auquel appartient la S.A. G.P. INTERNATIONAL en qualité de comptable. Il a travaillé directement pour le compte de cette dernière à compter de 1991. Le premier janvier 1996, il est devenu directeur financier. Sa rémunération mensuelle était fixée en dernier lieu par l’employeur à la somme de 6 355 , chiffre qu’il conteste.
A compter du 18 juillet 2003, Monsieur Gérard X… a été en arrêt de travail pour raison médicale de manière ininterrompue.
Le 7 octobre 2004, la S.A. G.P. INTERNATIONAL convoquait Monsieur Gérard X… pour le 26 octobre 2004 à un entretien préalable à un éventuel licenciement.
Cette mesure était prononcée par lettre du 29 octobre 2004 pour absence prolongée désorganisant l’entreprise et nécessitant un remplacement définitif.
SUR CE
Sur la procédure.
Les dossiers enregistrés sous les numéros 06/12184 et 06/12444 sont étroitement connexes. Il convient de les joindre et de statuer par une seule décision.
Sur le rappel de salaire au titre des dispositions sur l’aménagement et la réduction du temps de travail.
Le premier janvier 2002, la S.A. G.P. INTERNATIONAL a appliqué la durée de 35 heures de travail hebdomadaire au personnel non cadre de l’entreprise. Aux cadres, elle a proposé en octobre 2003 une « convention de forfait en jours sur une base annuelle ». Cette convention a été adressée pour approbation à Monsieur Gérard X…, qui était alors en congé maladie, le 2 décembre 2003. Il l’a signée le 19 janvier 2004. La S.A. G.P. INTERNATIONAL n’avait nulle obligation de mettre en oeuvre une telle convention antérieurement. Par ailleurs il n’est pas établi que le texte soumis à Monsieur Gérard X…, lequel prévoit une entrée en vigueur le premier décembre 2003, ait été différent de celui proposé aux autres cadres ou que ces derniers aient, d’une façon ou d’une autre et de manière discriminatoire par rapport à l’intéressé, bénéficié d’un « rappel » de jours ARTT pour l’année 2002 et les onze premiers mois de 2003. La prétention de Monsieur Gérard X… au paiement de la somme de 6 326,14 est dès lors mal fondée.
Sur la fixation du salaire.
Monsieur Gérard X… soutient que son salaire a été abusivement diminué de la somme mensuelle de 457,34 à compter du premier mai 2002, après une augmentation du même montant obtenue le premier juin 2001. Toutefois il résulte des éléments du dossier que l’augmentation alléguée, soit à l’époque la somme de 3 000 francs, correspondait à une prime exceptionnelle destinée à gratifier Monsieur Gérard X… pour le travail supplémentaire qui lui était demandé sur une période de quelques mois (qui a finalement couru de juin 2001 à avril 2002) relativement à la mise en place de la comptabilité d’une nouvelle structure venant d’intégrer le groupe Z…, la société HÔTEL PARIS NORD II. Le versement de cette somme a d’ailleurs correspondu exactement au laps de temps pendant lequel Monsieur Gérard X… s’est effectivement occupé de cette comptabilité.
L’accord entre les parties sur ce point est attesté par un document daté du 31 mai 2001. Monsieur Gérard X… soutient que ce document est antidaté mais il ne démontre pas que son contenu est contraire aux dispositions voulues par les parties. A supposer donc qu’il y ait faux matériel, ce dont Monsieur Gérard X… assumerait d’ailleurs conjointement la responsabilité puisqu’il a signé le document et que ses déclarations sur la contrainte pesant alors sur lui sont aussi peu vraisemblables que dénuées de tout commencement de preuve, il n’est pas établi un faux intellectuel, le contenu du document étant confirmé par des éléments extrinsèques tels que la chronologie des faits, les déclarations de l’expert-comptable, la facturation du montant litigieux par la S.A. G.P. INTERNATIONAL à la société bénéficiaire de la prestation (les initiales GB apparaissant en en-tête des factures) et l’absence de toute réclamation de Monsieur Gérard X… au cours des mois suivants.
Ainsi le document daté du 31 mai 2001 a très bien pu être en réalité formalisé en mars ou avril 2002, à un moment où pouvait être défini, compte tenu de l’avancement des travaux, le terme de la mission temporaire confiée à Monsieur Gérard X… au sein de la société HÔTEL PARIS NORD II, ce qui n’enlève rien à sa valeur probante quant au contenu de la convention qu’il matérialise.
Enfin, le simple fait que la somme litigieuse soit apparue pendant quelques mois sur la feuille de paie de Monsieur Gérard X…, que ce dernier avait la responsabilité d’établir, comme étant intégrée au salaire de base ne peut contredire utilement l’évidence résultant des autres éléments du dossier.
Monsieur Gérard X… sera donc débouté de cette demande.
Il en sera de même pour la prime annuelle 2004 à laquelle il ne peut prétende puisqu’elle est liée à une activité professionnelle effective et qu’il n’en a eu aucune au cours de cette année, entièrement couverte par des arrêts de travail.
Par voie de conséquence, Monsieur Gérard X… sera également débouté de sa demande tendant à redéfinir la moyenne mensuelle de son salaire et à obtenir le paiement d’un reliquat d’indemnité conventionnelle de licenciement recalculés en intégrant ces prétendus éléments de rémunération.
Sur la cause du licenciement.
Il peut être procédé au licenciement d’un salarié malade dès lors que l’employeur se trouve dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif de ce salarié, dont l’absence prolongée ou répétée perturbe le bon fonctionnement de l’entreprise.
Après avoir été absent pour maladie du 31 mai au 30 juin 2003, Monsieur Gérard X… a été arrêté de manière continue à partir du 18 juillet suivant. A la date de la lettre de licenciement, il cumulait donc une absence de 501 jours calendaires, notamment 470 jours pour la période continue. Cette absence peut être qualifiée de prolongée et au surplus répond aux exigences de la convention collective en la matière.
Sauf à admettre que Monsieur Gérard X… était payé à ne rien faire, il existe une très forte présomption que l’absence continue du directeur financier d’une société telle que G.P. INTERNATIONAL perturbe la marche quotidienne de celle-ci. Comme le rappelle la lettre de licenciement, « de telles fonctions revêtent pour notre entreprise une importance toute particulière ». Cette présomption, et l’affirmation de l’employeur, sont confirmées par des éléments concrets démontrés par les pièces versées au dossier, tel que le surcroît de travail imposé aux autres membres du personnel, les hésitations ou les erreurs de ces remplaçants d’occasion ne disposant pas de la technicité de Monsieur Gérard X… ou encore l’externalisation de certaines des tâches qu’il assumait et le recrutement d’une comptable à durée déterminée.
Il relève de la même évidence que cette perturbation ne pouvait cesser, indépendamment des palliatifs mis en place par la S.A. G.P. INTERNATIONAL dans l’ignorance où elle se trouvait d’une date certaine de reprise de son travail par Monsieur Gérard X…, que par le remplacement définitif du salarié absent. C’est ce qui s’est produit, après le licenciement, avec le recrutement de Monsieur Alain A… en qualité de directeur administratif et financier. C’est de manière tout à fait artificielle que Monsieur Gérard X… soutient que Monsieur A… aurait en fait remplacé Madame B…, qui avait été recrutée le 14 février 2004 à durée déterminée en qualité de comptable. Il est bien clair que Madame B… faisait partie du dispositif destiné à pallier autant que faire se peut l’absence momentanée de Monsieur Gérard X… et la perturbation qu’elle impliquait, alors que Monsieur A… reprend, le licenciement étant consommé, la place laissée vacante par Monsieur Gérard X…. Ses attributions, sans pouvoir être comparées mot à mot puisque Monsieur Gérard X… ne disposait pas de contrat écrit, sont sensiblement les mêmes et sa rémunération est du même ordre de grandeur si l’on considère la différence d’expérience et d’ancienneté, moindres chez le remplaçant.
Enfin Monsieur Gérard X… soutient que le remplacement est intervenu tardivement, ce qui ne peut aucunement être retenu dans la mesure où cinq mois seulement séparent la fin de son préavis (30 janvier 2005) de l’entrée en fonction de son successeur (premier juillet 2005, contrat signé le 27 mai 2005), lui-même tenu par un préavis, et dont le recrutement, eu égard à son niveau de responsabilité, a nécessité une recherche attentive et une réflexion nourrie.
Les conditions du licenciement de Monsieur Gérard X… pour absence prolongée sont ainsi remplies.
Les autres éléments invoqués par Monsieur Gérard X…, tels que le retrait, non démontré, de ses principaux dossiers, la réprimande qui lui a été adressée le 16 juillet 2003 ou sa prétendue disparition de l’organigramme de la société dès septembre 2003, sont sans emport sur le débat.
Il convient donc de constater que le licenciement de Monsieur Gérard X… par la S.A. G.P. INTERNATIONAL est fondé sur une cause réelle et sérieuse. Monsieur Gérard X… sera dès lors débouté de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.
Sur la procédure de licenciement.
Monsieur Gérard X… soutient que l’entretien préalable serait entaché d’irrégularité dans la mesure où y assistait, aux côtés de l’employeur, une personne étrangère à la société. Il s’avère toutefois que cette personne, Monsieur Franck Z…, est le fils du dirigeant, qu’il est actionnaire de la société et de sa société mère, qu’il en a été le salarié, qu’il est salarié du groupe auquel elle appartient et qu’il est destiné à prendre la succession de son père. Il ne peut donc être considéré comme une personne étrangère à la S.A. G.P. INTERNATIONAL. Par ailleurs la lettre de convocation du 7 octobre 2004 portait la mention manuscrite particulièrement apparente « et en présence de Franck Z… ». Monsieur Gérard X… a donc été dûment informé de cette présence, ce qui n’a provoqué aucune doléance de sa part. Il n’invoque à ce jour aucun préjudice qui en serait résulté et il ne démontre pas que l’entretien n’a pas répondu à l’objet qui lui est assigné par la loi. La procédure est donc régulière.
Sur l’indemnité compensatrice de préavis.
Le délai de préavis de Monsieur Gérard X…, en l’occurrence trois mois, a été respecté par l’employeur. Le salarié n’ayant pu venir travailler au cours de cette période pour une raison qui lui est personnelle, le préavis n’a pas à être payé.
Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral.
Les circonstances du licenciement ne font apparaître de la part de l’employeur aucun comportement fautif susceptible, indépendamment de toute considération sur le bien fondé de la mesure, d’avoir provoqué un dommage à Monsieur Gérard X…. La procédure était parfaitement prévisible, Monsieur Gérard X… ne pouvant imaginer que la situation devait se perpétuer. Elle n’a été ni précipitée ni brutale.
Les allégations de Monsieur Gérard X… sur le deuil qu’aurait fait l’employeur de sa présence dans l’entreprise dès septembre 2003 ne sont pas établies. Les autres considérations développées au fil de ses conclusions, notamment sur le lien entre son activité professionnelle et sa maladie, lequel n’est pas établi, ou sur le manque de courtoisie de son employeur, ne permettent pas de caractériser un préjudice judiciairement indemnisable dans le cadre de la présente instance.
Sur la priorité de réengagement.
Les dispositions invoquées par Monsieur Gérard X… sont relatives au licenciement pour motif économique et n’ont leur logique que dans ce cadre. Elles ne sauraient donc s’appliquer au cas d’espèce.
Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens.
Succombant au principal, Monsieur Gérard X… sera condamné aux dépens de première instance et d’appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’il a exposés.
Il y a lieu, en équité, de laisser à la S.A. G.P. INTERNATIONAL la charge de ses frais non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Ordonne la jonction des procédures 06/12184 et 06/12444.
Confirme le jugement du 13 juin 2006 en toutes ses dispositions.
Infirme partiellement le jugement du 12 septembre 2006.
Statuant à nouveau,
Déboute Monsieur Gérard X… de toutes ses demandes.
Condamne Monsieur Gérard X… aux dépens de première instance et d’appel afférents aux deux procédures.
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la S.A. G.P. INTERNATIONAL.
LE GREFFIER : LE PRÉSIDENT :