Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 6 février 2020, 18-19.251 19-12.410, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 6 février 2020, 18-19.251 19-12.410, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 6 février 2020

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 191 F-D

Pourvois n°

et

X 18-19.251

H 19-12.410 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 FÉVRIER 2020

La société Cledimo, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] , anciennement dénommée société Affinance, a formé les pourvois n° X 18-19.251 et H 19-12.410 contre les arrêts rendus les 5 avril 2018 et 13 décembre 2018 par la cour d’appel d’Amiens (1re chambre civile), dans les litiges l’opposant :

1°/ à M. N… J…,

2°/ à Mme W… U…, épouse J…,

domiciliés tous deux […],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse aux pourvois invoque, à l’appui de chacun de ses recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guého, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Cledimo, de la SCP Ortscheidt, avocat de M. et Mme J…, et l’avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l’audience publique du 8 janvier 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Guého, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Joint les pourvois n° X 18-19.251 et H 19-12.410 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que sur la proposition de la société Affinance, devenue la société Cledimo, M. et Mme J… ont, au titre d’un dispositif de défiscalisation, acquis de la société Alfim une chambre au sein d’un établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et conclu un bail commercial avec la société Résidence du château de Nampcel, exploitante de l’EHPAD ; que se plaignant du non-paiement des loyers et du retard dans l’exécution des travaux, M. et Mme J… ont obtenu en référé la condamnation de la société Résidence du château de Nampcel à leur payer une somme provisionnelle ; que cette dernière a été placée en redressement judiciaire et la société Alfim, en liquidation judiciaire ; que M. et Mme J… ont assigné la société Affinance devenue Cledimo en indemnisation ;

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique du pourvoi n° X 18-19.251 annexé, pris en sa première branche, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi n° X 18-19.251 dirigé contre l’arrêt du 5 avril 2018, pris en ses deuxième et troisième branches, qui est recevable comme étant de pur droit :

Vu l’article 1382, devenu 1240, du code civil ;

Attendu que pour condamner la société Affinance devenue Cledimo à payer à M. et Mme J… une somme de 58 190 euros au titre de la perte de loyers, l’arrêt énonce qu’il n’est ni contesté ni contestable que ces derniers, qui ont signé dans le même temps l’achat d’une chambre et le bail commercial s’y rapportant, ont subi des pertes de loyers consistant non seulement dans ceux non réglés mais également dans ceux réduits qu’ils ont dû accepter à la suite du plan de cession ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la faute de la société consistant seulement en un manquement à son obligation de s’informer sur la santé financière des sociétés partenaires du dispositif de défiscalisation qu’elle proposait à M. et Mme J…, le préjudice en résultant pour ces derniers ne pouvait s’analyser comme un manque à gagner au titre d’une opération à laquelle, mieux informés, ils n’auraient pas donné suite, si ce n’est à leurs risques, mais consistait, comme elle l’a retenu par ailleurs en allouant à ce titre une somme de 20 000 euros, en une perte de chance de réaliser un investissement plus rentable, laquelle doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi n° H 19-12.410, dirigé contre l’arrêt du 13 décembre 2018 :

Vu l’article 625 du code de procédure civile ;

Attendu que l’arrêt du 13 décembre 2018, qui rejette la requête tendant au retranchement d’un chef du dispositif de l’arrêt du 5 avril 2018, se rattache à celui-ci par un lien de dépendance nécessaire ; que la cassation de l’arrêt du 5 avril 2018 entraîne par voie de conséquence l’annulation de l’arrêt attaqué ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la dernière branche du moyen du pourvoi n° X 18-19.251, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne la société Affinance devenue Cledimo à payer à M. et Mme J… les sommes de 58 190 euros au titre de la perte de loyers et de 20 000 euros au titre de la perte de chance de souscrire un investissement plus rentable, l’arrêt rendu le 5 avril 2018, entre les parties, par la cour d’appel d’Amiens ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Douai ;

CONSTATE l’annulation de l’arrêt rendu le 13 décembre 2018 par la cour d’appel d’Amiens ;

Condamne M. et Mme J… aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme J… et les condamne à payer à la société Cledimo la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi n° X 18-19.251 par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Cledimo, anciennement dénommée société Affinance

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR déclaré la SARL Affinance, devenue Cledimo, responsable, en sa qualité de conseiller en gestion du patrimoine intermédiaire, du préjudice subi par les époux J… en application de l’article 1382 du code civil, d’AVOIR déclaré la SARL Affinance, devenue Cledimo, tenue à réparer l’entier préjudice subi par les époux J…, et d’AVOIR condamné la SARL Affinance, devenue Cledimo, à payer aux époux J… les sommes de 58 190 euros au titre de la perte de loyer et de 20 000 euros au titre de la perte de chance de souscrire un investissement plus rentable :

AUX MOTIFS QUE l’activité de conseiller en gestion de patrimoine, qualité de l’intimé qui ne fait pas l’objet de contestation, implique de la part de ce dernier un certain nombre d’obligations ; qu’ainsi, le conseiller en gestion de patrimoine, se doit de s’informer, d’informer son client sur les risques et les caractéristiques des produits qu’il recommande et de conseiller à son client des produits adaptés à sa situation, son expérience et ses objectifs ; qu’il doit notamment se renseigner sur la nature juridique, la fiscalité directe et induite ainsi les caractéristiques des opérations qu’il est susceptible de conseiller ; qu’il doit également se renseigner tant sur la faisabilité de l’opération que sur sa fiabilité ; que le devoir de conseil comme celui d’information en matière de conseil en gestion de patrimoine s’analyse en une obligation de moyens du fait du caractère intellectuel de la prestation et de l’aléa propre à toute gestion de patrimoine ; que si en principe c’est à la victime qu’il incombe de prouver le manquement à l’obligation de moyens, s’agissant d’une obligation particulière d’information, c’est à celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulière d’information d’apporter la preuve de l’exécution de son obligation, à moins que le client ne soit un client averti, soit en raison d’une compétence propre qu’il détient dans son domaine, soit parce qu’il s’entoure de conseillers dans les différents domaines juridiques et fiscaux ; que la responsabilité contractuelle du conseiller en gestion de patrimoine peut être engagée si son client rapporte la preuve d’une faute, de l’existence d’un préjudice certain, direct et personnel et d’un lien de causalité entre les deux ; que par ailleurs, même en dehors de tout contrat, le conseiller en gestion de patrimoine peut engager sa responsabilité vis-à-vis des tiers pour manquement à ses obligations professionnelles, la victime se plaçant alors sur le terrain de la responsabilité délictuelle ; que c’est le cas du conseiller en gestion de patrimoine prestataire de service ou intermédiaire, comme ici la société Affinance devenue Cledimo ; qu’il ressort des éléments du dossier que, sur les conseils de la société Affinance, élément non discuté et étayé par de nombreux courriers et courriels échangés entre les parties, les époux J… ont signé le 6 octobre 2009 une promesse d’achat ainsi qu’une promesse de bail commercial, opérations régularisées le 28 décembre 2009 dans le cadre d’un investissement en EHPAD ; qu’ainsi, par acte authentique dressé par Me P… V… avec la participation de Me S… en date du 28 décembre 2009 la SARL Alfim a vendu aux époux J… le lot […] situé dans un ensemble immobilier situé à […] d’une surface ce 51 a 69 ca consistant en une chambre avec cabinet de toilette et wc situé au premier étage du bâtiment A d’une superficie « loi Carrez » de 19 m2 au prix de 214.418,88 curas TTC ; qu’et par acte sous seing privé en date du 28 décembre 2009, les époux J… ont donné à bail commercial à la SARL Résidence du Château de Nampcel le lot de copropriété […] (chambre donnée à bail meublée et équipée) pour une durée de neuf années commençant à courir à compter du 28 décembre 2009 pour se terminer le 31 décembre 2018 moyennant le paiement d’un loyer annuel de 9.611,05 euros payable en quatre termes égaux échu les 10 janvier, 10 avril, 10 juillet et 10 octobre de chaque année ; que cependant, les époux J… se sont trouvés confrontés au non-paiement des loyers de leur preneur, la SARL Résidence du Château de Nampcel elle-même confrontée au retard dans les travaux afférents au projet immobilier de rénovation du Château, travaux confiés à la SARL Alfim ; que de nombreux courriers ont été échangés entre la société Affinance et les époux J… mais également entre ces derniers et le Groupe Elysée Vendôme Holding (GEVH) ; que le 16 septembre 2010, les époux J… ont écrit à la Chambre des Indépendants du Patrimoine qui, après avoir contacté la société Affinance, leur a indiqué, le 5 novembre 2010 que la commission d’arbitrage et de discipline n’avait pas relevé de manquements réglementaires ou déontologiques dans le traitement du dossier ; que par jugement en date du 6 avril 2011, le tribunal de commerce de Compiègne a prononcé le redressement judiciaire de la SARL Résidence du Château de Nampcel et fixé la date de cessation des paiements au 31 décembre 2009 ; que par jugement en date du 15 septembre 2011, la SARL Alfim a été mise en liquidation judiciaire ; que par jugement en date du 23 mai 2012, le tribunal de commerce de Compiègne a validé le plan de cession de la SARL Résidence du Château de Nampcel à la société Santé Actions et les époux J… ont signé un protocole de reprise de leur lot […] situé dans le bâtiment « Château » avec la dite société pour un loyer annuel de 2.000 euros la première année, 2.800 euros la deuxième année et 4.000 euros les années suivantes ; que M. J… a adhéré à l’association des copropriétaires du Château de Nampcel sur les conseils de la société Affinance (bulletin d’adhésion signé le 20 septembre 2011) ; que par jugement en date du 18 juin 2013, le GEVH à laquelle appartenait la société Alfim par jugement en date du 18 juin 2013 a été mise en liquidation judiciaire ; que par jugement en date du 25 septembre 2013, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la faillite personnelle pour une durée de 10 ans de M. C… I… (gérant de fait de la société Alfim) ainsi qu’une interdiction de gérer d’une durée de deux ans ; que si l’intimé verse aux débats une plaquette concernant la SAS Elysée Vendôme vantant l’expérience et les mérites de cette dernière depuis de nombreuses années et rapporte la preuve de ce qu’elle a répondu aux courriers des époux J…, a pris contact avec les intervenants à l’opération, dépêché un avocat aux fins de protéger au mieux les investisseurs en difficultés, il n’en demeure pas moins qu’il résulte des pièces produites par les appelants que la société Affinance devenue Cledimo a failli à son obligation de prudence en ce qu’elle était tenue de rechercher et d’accomplir les diligences nécessaires à la vérification du sérieux et de la régularité de l’opération proposée ; qu’en effet, la simple lecture des éléments comptables basiques trouvés sur le site « société.com » suffisait, à tout le moins, à retenir l’attention et éveiller la méfiance vis à vis tant des sociétés Alfim et Résidence du Château de Nampcel que du GEVH et il n’est bien évidemment pas suffisant d’attendre qu’une société bénéficie d’une procédure collective pour s’inquiéter ; qu’ainsi, l’article L223-42 du code de commerce prévoit que si du fait des pertes constatées dans les documents comptables, les capitaux propres de la société, qui sont les ressources de la société, deviennent inférieurs à la moitié du capital social, les associés (pour une SARL) ou les actionnaires (pour une SA ou une SAS) doivent être consultés sur la dissolution éventuelle de la société, procéder à diverses mesures de publicité et, si la dissolution est écartée, la société doit reconstituer ses capitaux propres de la sociétés dans un délai de deux ans ; qu’étant rappelé que les époux J… ont réalisé une opération de défiscalisation fin 2009 et que parallèlement les sociétés ont l’obligation de déposer les comptes chaque année au greffe du tribunal de commerce, la simple mention de capitaux propres négatifs, donc bien au-delà de la moitié du capital social, dès 2007 pour les sociétés Résidence du Château de Nampcel à hauteur de – 363.000 euros et Alfim à hauteur de – 20.000 euros, les capitaux propres du GEVH atteignant quant à eux – 6.800.000 euros au 31 décembre 2008, aurait dû inciter à la plus grande prudence la société Affinance vis à vis de ses clients quant à la fiabilité de l’opération qu’elle leur conseillait ; que par ailleurs les dites sociétés présentaient toutes des résultats nets négatifs en 2007 ou 2008 ; que dans ses conditions, il a lieu de considérer que la société Affinance devenue Cledimo a commis une faute délictuelle en ne s’informant pas suffisant de la bonne santé financière des sociétés partenaires de l’opération de défiscalisation qu’elle proposait aux époux J… et engage à ce titre sa responsabilité, la circonstance que le bail comportait une clause résolutoire, tout à faire traditionnelle en la matière ou que le GEVH avait bonne réputation ou encore que les sociétés n’ont été placées en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire que postérieurement à l’opération ne constituant pas une cause exonératoire de responsabilité ; que les époux J… victimes ont donc droit à la réparation intégrale de leur préjudice certain, direct et personnel en lien avec cette faute ; qu’il est évident que si la société Affinance devenue Cledimo avait tout simplement consulté un site relatif aux comptes des sociétés partenaires, elle aurait été alertée, étant elle-même une société commerciale soumise au droit commercial, de l’état des comptes et notamment des capitaux propres des sociétés Alfim et Résidence du Château de Nampcel et GEVH ; que les époux J… sollicitent la condamnation de la société Affinance devenue Cledimo à leur régler les sommes suivantes : – 58.190 euros au titre de la perte de loyers, – 50.000 euros au titre de la perte de chance de souscrire un investissement plus rentable ; qu’en l’espèce, il n’est pas contesté ni contestable que les époux J… qui ont signé dans le même temps l’achat d’une chambre et le bail commercial s’y rapportant ont subi des pertes de loyer consistant non seulement aux loyers non réglés mais également aux loyers réduits qu’ils ont dû accepter suite au plan de cession ; qu’il y a lieu dans ces conditions de faire droit à leur demande de ce chef ; que par contre, s’agissant de l’opération de défiscalisation en elle-même qui n’a pas véritablement échoué mais a eu un impact positif bien moindre que prévu, il y a lieu d’indemniser les époux J… de la perte de chance subie à hauteur de 20.000 euros à raison des manquements de la société Affinance devenue Cledimo ; que dans ces conditions, le jugement déféré doit être infirmé en ce qu’il a débouté les époux J… de l’ensemble de leur demande et il convient statuant à nouveau, de déclarer la SARL Affinance devenue Cledimo responsable, en sa qualité de conseiller en gestion de patrimoine intermédiaire, du préjudice subi par les époux J… en application de l’article 1382 du code civil, déclarer la SARL Affinance devenue Cledimo tenue à réparer l’entier préjudice subi par les époux J… et en conséquence, la condamner à payer la somme de 58.190 euros au titre de la perte de loyer et 20.000 euros au titre de la perte de chance de souscrire un investissement plus rentable ;

1°) ALORS QUE le professionnel n’est tenu d’un devoir de conseil qu’à l’égard de ses clients ; qu’en l’absence de contrat liant la société Cledimo aux époux J…, la cour d’appel a écarté la responsabilité contractuelle de la société Cledimo à l’égard des époux J… au profit d’une responsabilité délictuelle ; qu’en retenant, pour condamner la société Cledimo à verser diverses sommes aux époux J…, qu’elle aurait dû les informer des difficultés financières rencontrées par les sociétés partenaires de l’opération de défiscalisation projetée et leur déconseiller ladite opération, quand la société Cledimo n’était pas tenu d’un devoir de conseil à l’égard de tiers, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constations et a violé l’article 1382, devenu 1240 du code civil ;

2°) ALORS QU’en toute hypothèse l’indemnité accordée à la victime doit la replacer dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée sans la faute retenue ; qu’en condamnant la société Cledimo à verser aux époux J… la somme de 58 190 euros au titre de la perte des loyers qu’il espérait tirer de l’opération de défiscalisation projetée, quand il lui était reproché de ne pas les avoir informés des difficultés financières rencontrées par les sociétés partenaires de l’opération litigieuse et, partant, de ne pas leur avoir déconseillé ladite opération de sorte que sans la faute ainsi retenue ils n’auraient pas conclu ou auraient conclu à leurs risques périls, la cour d’appel a violé l’article 1382, devenu 1240 du code civil ;

3°) ALORS QU’en toute hypothèse l’indemnité accordée à la victime doit la replacer dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée sans la faute retenue ; qu’en indemnisant les époux J…, outre d’une perte de chance de souscrire un investissement plus rentable, du préjudice résultant de la perte des loyers escomptés, quand les époux J… ne pouvaient être replacée simultanément dans la situation où l’opération litigieuse aurait porté ses fruits et celle dans laquelle ils auraient souscrit une autre opération, la cour d’appel a violé l’article 1382, devenu 1240 du code civil ;

4°) ALORS QU’en toute hypothèse le juge ne doit se prononcer que sur ce qu’il lui est demandé ; que dans le dispositif de leurs conclusions d’appel, les époux J… se bornaient à demander la condamnation de la société Cledimo à leur verser la somme de 50 000 euros ; qu’en condamnant la société Cledimo à indemniser les époux J… à hauteur de 20 000 euros au titre d’une perte de chance de souscrire un investissement plus rentable et de 58 190 euros au titre d’une perte de loyers, quand les époux J… limitaient leur demande à la somme de 50 000 euros, la cour d’appel, qui a statué au-delà de leurs prétentions, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.

Moyen produit au pourvoi n° H 19-12.410 par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Cledimo, anciennement dénommée société Affinance

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté la société Cledimo de sa demande tendant au retranchement, du dispositif de l’arrêt du 5 avril 2018, de sa condamnation à payer aux époux J… la somme de 58 190 euros en réparation de leur perte de loyers, laquelle n’était pas réclamée par les époux J… ;

AUX MOTIFS QU’aux termes de l’article 463 du code de procédure civile : « La juridiction qui a omis de statuer sur un chef de demande peut également compléter son jugement sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs, sauf à rétablir, s’il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens. La demande doit être présentée un an au plus tard après que la décision est passée en force de chose jugée ou, en cas de pourvoi en cassation de ce chef, à compter de l’arrêt d’irrecevabilité. Le juge est saisi par simple requête de l’une des parties, ou par requête commune. Il statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées. La décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions da jugement. Elle est notifiée comme le jugement et donne ouverture aux mêmes voies de recours que celui-ci. » ; qu’en vertu de l’article 464 du même code : « Les dispositions de l’article précédent sont applicables si le juge s’est prononcé sur des choses non demandées ou s’il a été accordé plus qu’il ria été demandé. » ; qu’en l’espèce, aux termes de leurs dernières écritures en date du 18 octobre 2016, les époux J… demandaient à la cour, au visa de l’article 1382 du code civil, de : – infirmer le jugement du 6 juillet 2016, – dire que la société AFFINANCE a commis une faute en ne vérifiant pas la fiabilité du produit qu’elle commercialisait et la santé financière des sociétés qu’elle mettait en relation avec les époux J…, – dire que cette faute a créé un préjudice qui est constitué en partie par une perte de loyers de 58.190 euros, – dire que la société AFFINANCE devenue CLEDIMO est tenue de réparer le préjudice subi par les époux J… qui s’analyse en une perte de chance de souscrire un investissement plus rentable et sera évalué à la somme de 54.000 euros, – confirmer le jugement pour le surplus, – condamner la société AFFINANCE devenue CLEDIMO au paiement de la somme de 5.000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ; qu’il ressort clairement de ce dispositif que les époux J… ont sollicité la réparation de leur préjudice constitué, en partie, par une perte de loyer qu’ils évaluaient à la somme de 58.190 euros et, de facto, en partie, par une perte de chance de souscrire un investissement plus rentable qu’ils chiffraient à la somme de 50.000 euros ; que leurs conclusions étaient d’ailleurs parfaitement claires sur ce point puisqu’en page 27 « SUR LE PRÉJUDICE SUBI » ils soutenaient avoir subi une perte de loyer depuis 2010 et quelques lignes plus loin il était indiqué « ceux-ci subissent également une perte sur leur investissement dès lors que le rendement de celui-ci à ce jour sera moindre » ; qu’il résulte de ce qui précède que la société CLEDIMO ne pourra qu’être déboutée de sa demande retranchement ;

ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; que dans le dispositif de leurs conclusions d’appel du 19 octobre 2016, les époux J… demandaient à la cour d’appel de « dire que [la] faute [imputée à la société Affinance] a créé un préjudice qui est constitué en partie par une perte de loyers de 58 190 €, dire que la société Affinance, devenue Cledimo, est tenue de réparer le préjudice subi par Monsieur et Madame J… qui s’analyse en une perte de chance de souscrire un investissement plus rentable et sera évalué à la somme de 50 000 €, condamner à ce titre la société Affinance, devenue Cledimo au paiement de la somme de 50 000 € » (dispositif des conclusions du 19 octobre 2016 des époux J…, souligné par nos soins) ; qu’en retenant, pour écarter la demande de la société Cledimo tendant au retranchement, du dispositif de l’arrêt du 5 avril 2018, de sa condamnation à payer aux époux J… la somme de 58 190 euros en réparation de leur perte de loyers que ces derniers sollicitaient, dans le dispositif de leurs conclusions, « la réparation de leur préjudice constitué, en partie, par une perte de loyer qu’ils évaluaient à la somme de 58 190 euros et, de facto, en partie par une perte de chance de souscrire un investissement plus rentable qu’ils chiffraient à la somme de 50 000 euros », quand il résultait du chef de dispositif des conclusions d’appel des époux J… clair et précis, qu’ils ne demandaient la condamnation de la société Cledimo qu’à leur verser la somme de 50 000 euros, la cour d’appel a dénaturé ledit document et violé le principe susvisé.

ECLI:FR:CCASS:2020:C200191


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