Cour d’appel de Lyon, du 8 mars 2001, 2000/05311

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Cour d’appel de Lyon, du 8 mars 2001, 2000/05311

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES La société MATRELEC, exerçant une activité industrielle de conception, étude et réalisation de machines-outils, a confié en sous-traitance, pendant plusieurs années, la réalisation de machines à la société ATELIERS DU VAL NOIR (ci-après dénommée AVN) dont elle est était par ailleurs le principal actionnaire; Suite à la mise en redressement judiciaire de cette dernière le 15-02-1999, M° PEY, agissant en qualité d’administrateur de ce redressement judiciaire et la société AVN, ont fait assigner, par acte du 18-05-1999, la société MATRELEC devant le tribunal de commerce de LYON en paiement de la somme en principal de 639 146, 79 francs au titre de factures de travaux impayées, procédure reprise par M° SABOURIN intervenant volontaire en qualité de mandataire liquidateur de la société AVN dont le redressement judiciaire avait été converti le 12-05-1999 en liquidation judiciaire; Par jugement en date du 13-07-2000 le tribunal, déboutant la société MATRELEC de son exception de compensation légale ou judiciaire, a fait intégralement droit à cette demande, assortissant la créance des intérêts légaux échus à compter du 24-03-1999 et capitalisés par année entière et allouant à la partie demanderesse une indemnité de procédure de 5 000 francs; La société MATRELEC a relevé appel de ce jugement aux fins de réformation et notifié le 19-12-2000 des conclusions récapitulatives aux termes desquelles, reprenant les moyens qu’elle avait fait valoir en première instance, elle soutient: – que trois des factures, datées du 26-02-1999, dont M° SABOURIN réclame le paiement à hauteur de 64 991, 34 francs T.T.C. ne sont pas fondées, s’agissant de prestations de montage et réglage de presses que la société AVN n’a pas effectuées et qu’elle a dû sous-traiter à une autre entreprise, la société REIMA, ce qui a entraîné un retard de livraison auprès de ses clients; – que si les autres factures ne sont pas contestées à hauteur de 574 155, 54

francs, elle est fondée à opposer à la demande en paiement de M° SABOURIN une exception de compensation à raison des créances, antérieures au jugement d’ouverture, qu’elle détient sur la société AVN à hauteur de 552 291, 92 francs et qui ne sont pas contestées à l’exception de la facture n° 981291 du 17-12-1998 d’un montant de 51 013, 80 francs; – que ces créances ont, à hauteur de leur montant non contesté, éteint sa propre dette par le jeu de la compensation légale s’agissant de créances réciproques liquides, exigibles et certaines avant le jugement d’ouverture, – que c’est ainsi qu’invoquant le bénéfice de cette compensation, elle a adressé à la société AVN, le 29-03-1999, un chèque de 22 047, 51 francs, correspondant au solde de sa dette non éteint par la compensation; – que l’article 33 de la loi du 25-01-1985 que M° SABOURIN lui oppose pour absence de connexité entre les créances n’est pas applicable en l’espèce dès lors que la compensation légale a joué de plein droit en dépit du fait qu’une partie de sa créance avait été inscrite au crédit de son compte-courant d’associé, s’agissant d’une créance dont le remboursement est exigible à tout moment; – qu’elle démontre le bien fondé de la créance contestée de 42 300 francs H.T. (facture du 17-12-1998) par la production de pièces justificatives de l’intervention qu’elle a effectuée pour le compte de la société AVN dans le cadre de l’exécution d’un marché que celle-ci avait passé avec la société BRESSE BLEU; que cette créance est en toute hypothèse certaine à hauteur de 36 180 francs T.T.C. montant de la prestation litigieuse que la société AVN a facturé à son client; Elle demande donc à la cour de rejeter la demande de M° SABOURIN à hauteur de 64 991, 34 francs T.T.C., de constater la compensation intervenue en vertu des articles 1289 et suivants du code civil à concurrence de la somme de 552 107, 93 francs T.T.C. et le règlement du solde intervenu le 29-03-1999, de débouter en conséquence M° SABOURIN es qualités de

ses prétentions et de le condamner à lui verser une indemnité de procédure de 20 000 francs; M° Bernard SABOURIN a notifié le 02-01-2001 des conclusions récapitulatives tendant à la confirmation du jugement aux motifs: – que la contestation soulevée par la société MATRELEC au titre des trois factures du 26-02-1999 n’est pas fondée dès lors que la société AVN justifie bien avoir intégralement réalisé les travaux de montage et réglage des machines livrées; – qu’en vertu de l’article 33 de la loi du 25-01-1985 selon lequel seules les créances connexes peuvent donner lieu à compensation, aucune compensation judiciaire ne peut intervenir en l’espèce, en l’absence de toute connexité démontrée entre les créances respectives des deux sociétés, lesquelles procèdent de contrats distincts et spécifiques; – que la société MATRELEC n’est pas non plus fondée à lui opposer la compensation légale dès lors d’une part que la créance qu’elle détient sur la société AVN a fait l’objet d’une inscription à son compte-courant d’associé à hauteur de 500 000 francs et que l’ouverture du jugement d’ouverture ne rendant pas exigible le solde d’un tel compte, cette créance ne remplissait pas les conditions d’exigibilité requises avant l’ouverture de la procédure collective, que d’autre part la facture du 17-12-1998 de 42 300 francs est contestée en son principe même en l’absence de tout devis ou bon de commande s’y rapportant; – qu’ainsi la compensation ne pourrait jouer qu’à concurrence de la somme de 1 094, 13 francs T.T.C. représentée par les factures n° 981179 et n° 990131; Il entend donc voir déboutée l’appelante de ses prétentions et la voir condamnée à lui verser la somme de 50 000 francs à titre d’indemnité de procédure; SUR QUOI LA COUR, 1° sur la créance de M° SABOURIN Attendu que la créance revendiquée est constituée de diverses factures impayées d’un montant total de 639 146, 79 francs, s’échelonnant du 31-07-1998 au 26-02-1999, dont trois, en date du 26-02-1999, relatives à des

travaux de montage et cblage de trois presses que la société AVN a réalisées et facturées le 28-01-1999, sont contestées par la société MATRELEC au motif que ces presses ont été livrées en l’état et qu’elle a dû elle-même procéder aux travaux de montage et câblage aux lieu et place de cette dernière; Mais attendu que M° SABOURIN verse aux débats le témoignage écrit, établis le 20-09-1999 en la forme légale, par les deux techniciens de la société AVN, MM. X… et FERREUL qui attestent, alors qu’ils n’ont plus de lien de subordination avec celle-ci, avoir, à la demande expresse de M. Y…, dirigeant de la société MATRELEC, procédé aux travaux litigieux dans les ateliers de la société AVN pendant les mois de février et mars 1999; Que la société MATRELEC, qui conteste la véracité de ces attestations se borne, pour justifier de ce qu’elle aurait assumé elle-même les prestations litigieuses dans ses ateliers, à produire aux débats un bordereau de transport de trois machines et deux tours en date du 11-02-1999, qui, portant sur un transfert de matériels non identifiés de ses ateliers de VAUGNERAY à ses nouveaux ateliers de GREZIEU LA VARENNE, apparaît radicalement étranger aux opérations de montage et câblage des presses litigieuses qu’elle prétend avoir exécutées; Que sa contestation a donc été à juste titre écartée par le tribunal; 2° sur l’exception de compensation Attendu que si la compensation peut s’opérer de plein droit entre dettes réciproques nées avant l’ouverture de la procédure collective c’est à la condition qu’elles remplissent, avant le prononcé du jugement d’ouverture, les conditions de certitude, de liquidité et d’exigibilité requises par l’article 1 289 du code civil; Qu’en l’espèce la société MATRELEC soutient que la compensation légale s’est opérée de plein droit, avant le jugement d’ouverture du redressement judiciaire de la société AVN, à concurrence de la somme de 552 107, 93 francs, montant de la créance

qu’elle détenait sur celle-ci en vertu de 4 factures impayées, s’échelonnant entre le 25-06-1997 et le 26-01-1999, et qu’elle a déclarée « à titre conservatoire » au passif de la débitrice; Mais attendu qu’elle ne conteste pas les affirmations de M° SABOURIN selon lesquelles cette créance a été inscrite, à hauteur de 500 000 francs, au crédit de son compte-courant d’associé de la société AVN; Or attendu que si le solde créditeur d’un compte d’associé constitue, sauf convention particulière ou statutaire contraire, une dette sociale remboursable à tout moment, il ne résulte pas des pièces versées aux débats que la société MATRELEC, qui, en faisant inscrire cette créance sur son compte d’associé, avait entendu accorder une avance en trésorerie à la société AVN, ait entendu la révoquer avant le courrier que son mandataire a adressé le 15-02-1999 à M° SABOURIN, en même temps que sa déclaration de créance, et par lequel elle oppose pour la première fois cette exception de compensation; Qu’il s’en suit que la mise en redressement judiciaire de la société n’ayant pas pour effet de rendre exigible de plein droit le solde créditeur des comptes d’associés, M° SABOURIN est bien fondé à soutenir que la compensation légale n’a pu jouer entre cette créance en compte courant de 500 000 francs et la dette de la société MATRELEC; Attendu que pour pouvoir opposer la compensation prévue par l’article 33 de la loi du 25-01-1985 il appartient à la société MATRELEC de rapporter la preuve du caractère connexe des créances réciproques; Or attendu qu’en faisant inscrire sa créance de factures, à hauteur de 500 000 francs, sur son compte d’associé, la société MATRELEC a accepté d’en modifier la nature en accordant à la société AVN une avance en trésorerie, de telle sorte, qu’à supposer même que les créances aient pu présenter un caractère de connexité, cette connexité n’existait plus au moment de l’ouverture du redressement judiciaire à concurrence de 500 000 francs; Qu’en toute

hypothèse les créances réciproques en cause, bien que nées de la complémentarité de leurs activités respectives et de l’existence de relations commerciales régulières consistant en des opérations d’achat et vente croisées ou de sous-traitance mutuelle, ne dérivent pas d’un contrat unique mais trouvent leur cause dans des conventions successives distinctes qui, en l’absence de convention ayant défini entre elles le cadre de leurs relations d’affaires, n’ont pu créer entre leurs obligations réciproques des liens de connexité; Attendu que c’est donc à juste titre que le tribunal a écarté l’exception de compensation opposée par la société MATRELEC qui est renvoyée à se soumettre à la procédure de vérification des créances; Attendu que l’équité commande que M° SABOURIN, es qualités, soit indemnisé des nouveaux frais qu’il a dû exposer dans la présente instance et qu’il convient d’évaluer à la somme de 5 000 francs; PAR CES MOTIFS, Confirme le jugement entrepris; Y ajoutant, Condamne la société MATRELEC à verser à M° SABOURIN es qualités, une indemnité complémentaire de 5 000 francs en vertu de l’article 700 du nouveau code de procédure civile; Rejette toutes autres demandes; Condamne la société MATRELEC aux dépens et accorde à la S.C.P. BRONDEL et TUDELA, avoués, le bénéfice de l’article 699 du nouveau code de procédure civile. Le Greffier Le Président


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