Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRET DU 05 DECEMBRE 2002 Huitième Chambre Prud’Homale R.G: 02/01353 S.A. KERTREGUIER C/ Melle Muriel LE PICHON
OEOMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE Mme Francine SEGONDAT, Président, Mme Marie-Hélène L’HENORET, Conseiller, Monsieur François PATTE, Conseiller, GREFFIER: M. Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé DÉBATS:
A l’audience publique du 25 Octobre 2002 devant Mme Marie-Hélène L’HENORET, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial ARRÊT Contradictoire, prononcé par l’un des magistrats ayant participé au délibéré, à l’audience du 05 Décembre 2002, date indiquée à l’issue des débats ** ** APPELANTE et intimée à titre incident la S.A. KERTREGUIER prise en la personne de ses représentants légaux Domaine de Kertréguier 29920 NEVEZ comparant en la personne de M. Jean-Luc A…, actionnaire, selon pouvoir, assisté de Me Dominique Y…, Avocat au Barreau de QUIMPER INTIMEE et appelante à titre incident Mademoiselle Muriel Z… 21, Résidence de Kervenil 56190 AMBON comparante en personne, assistée de M. Pierre X…, Délégué syndical C.F.D. T. de CONCARNEAU Statuant sur l’appel régulièrement interjeté par la société DE KERTREGUIER d’un jugement rendu le 4 février 2002 par le Conseil des Prud’hommes de QUIMPER. FAITS ET PROCEDURE Mademoiselle Muriel Z… a été engagée le 15 juillet 1999 par la société de KERTREGUIER qui exploite un centre équestre en qualité d’enseignante niveau BEESl, catégorie non cadre, coefficient 130. Après plusieurs échanges de courriers au cours des mois de septembre, octobre et novembre 2000, la salariée par lettre du 18 décembre 2000, a pris acte de la rupture de son contrat de travail en invoquant le refus de son employeur de lui régler ses heures supplémentaires. Estimant qu’elle n’avait pas été
remplie de ses droits et que la rupture de son contrat de travail était imputable à l’employeur et devait être re qualifiée en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, Mademoiselle Z… a saisi le Conseil des Prud’hommes de QUIMPER pour obtenir le paiement de ses heures supplémentaires, des repos compensateurs, un solde de congés payés, un rappel de salaire et des dommages intérêts. Par jugement en date du 4 février 2002 le Conseil des Prud’hommes de QUIMPER présidé par le Juge Départiteur : -a re qualifié la rupture du contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, -a condamné la société DE KERTREGUIER à verser à Muriel Z… : * 6.298, 73 euros au titre des heures supplémentaires pour l’année 2000 * 629,87 euros au titre des congés payés y afférents * 8.406,95 euros au titre de dommages intérêts en application de l’article L 122-14-4 du Code du Travail * 1.762,05 euros au titre du repos compensateur * 323,40 euros au titre du solde de congés payés * 107 ,80 euros au titre du congé de fractionnement * 26,83 euros + 2,68 euros au titre du rappel de salaire pour novembre 2000 et les congés payés y afférents * 457,35 euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. -débouté Mademoiselle Z… de ses demandes d’heures supplémentaires pour l’année 1999 et de dommages intérêts pour non respect de la procédure de licenciement. La société DE KERTREGUIER a interjeté appel de ce jugement. OBJET DE L’APPEL ET MOYENS DES PARTIES La société DE KER TREGUIER conclut à la réformation, du moins partielle, de la décision déférée, au rejet des prétentions de Mademoiselle Z…, à l’exception du rappel de salaire pour novembre 2000 et sollicite une somme de 1.347,50 euros à titre de dommages intérêts pour brusque rupture du contrat de travail, une somme de 1.524,49 euros à titre de dommages intérêts complémentaires ainsi qu’une indemnité du même montant sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de
Procédure Civile. Elle fait valoir : -que la salariée ne justifie pas des heures supplémentaires qu’elle prétend avoir effectuées et que les allégations de l’intéressé sont contredites par les plannings de cours, le relevé d’horaire réalisé par le stagiaire, le relevé du chiffre d’affaires et les attestations de clients qui font état des arrivées tardives de Mademoiselle Z… sur son lieu de travail, -que conformément aux dispositions de la Convention Collective les heures de repas et de pause ne font pas partie du temps de travail effectif, -que Mademoiselle Z… habitait sur son lieu de travail, que son cheval était également hébergé au centre équestre et que le temps qu’ elle consacrait à ce dernier ne pouvait être comptabilisé en temps de travail, -qu’au cours des discussions qui se sont déroulées à l’automne 2000 mademoiselle Z…, malgré les demandes réitérées qui lui ont été faites n’ a jamais chiffré sa réclamation ni présenté un décompte précis des heures prétendument accomplies, -que la rupture du contrat ne peut lui être imputable et doit s’ analyser en une démission, d’ autant que la salariée avait fait savoir dès l’ été 2000 qu’elle avait l’intention de quitter son emploi, -qu’elle a été remplie de ses droits au titre des congés payés, -qu’en arrêtant brusquement de travailler à la veille des vacances scolaires de Noùl, Mademoiselle Z… a mis le centre équestre en difficulté et lui a causé un préjudice dont elle demande réparation. Mademoiselle Muriel Z… conclut à la confirmation du jugement en son principe mais à titre incident présente les demandes suivantes : -heures supplémentaires pour l’année 2000 et congés payés y afférents : 7.332,78 euros + 733,28 euros -heures supplémentaires pour l’année 1999 et congés payés y afférents :
3.360,86 euros + 336,08 euros -repos compensateurs: 3.507,33 euros -indemnité pour non respect de la procédure de licenciement: 1.347,50 euros -dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et
sérieuse : 10.823,88 euros -remise des documents administratifs rectifiés sous astreinte -article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile: 762,25 euros. Elle soutient : -que la société DE KER TREGUIER ne fournit pas d’élément permettant de contrôler ses horaires de travail et que les demandes qu’ elle même produit, attestent des heures supplémentaires qu’elle a effectuées, -qu’en 1999, tout en admettant n’être en possession d’aucune pièce justifiable, elle a également exécuté des heures supplémentaires qu’elle a évaluées d’une façon forfaitaire, -que les plannings de reprises versés aux débats par la société ne sont pas probants dans la mesure où elle assumait par ailleurs des tâches administratives, -que d’autres salariés ont rencontré des difficultés similaires et ont également saisi la juridiction prud’homale qui leur a donné raison, -que les repos compensateurs sont dus, de même que le solde de congés payés, -que la rupture des relations contractuelles est imputable à l’employeur et s’analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, -que le préjudice qu’elle a subi est important. Pour un plus ample exposé des moyens de parties la Cour se réfère expressément aux conclusions déposées et développées oralement à l’audience. DISCUSSION Sur les heures supplémentaires Considérant qu’aux termes de l’article L 212-1-1 du Code du Travail « en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au Juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le Juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles » Considérant que selon les dispositions de la Convention Collective le centre qui emploie habituellement moins de 11 salariés doit, à défaut de l’affichage de l’horaire de travail, tenir un registre émargé chaque semaine par le
salarié et l’employeur où est consigné au jour le jour le nombre des heures de travail effectuées par chaque salarié ; Considérant que force est de constater : -que la société DE KERTREGUIER se trouve dans l’incapacité de produire un tel registre et ne fournit aucun élément permettant de déterminer avec précision les heures de travail accomplies par Mademoiselle Z…, -que les plannings de reprises dont fait état l’ employeur sont inopérants dans la mesure où il est constant que la salariée en sus de ses fonctions de monitrice d’équitation, exécutait un certain nombre de tâches administratives ( entretien et maintenance, accueil, animation, gestion, ..) -que les attestations versées par la société DE KER TREGUIER sont contredites par celles produites par la salariée ; Qu’il convient dès lors de tenir pour exact le décompte établi par mademoiselle Z… pour l’année 2000 qui ne présente aucune anomalie ni aucune invraisemblance et que rien ne permet de remettre en cause et ce d’autant plus que la salariée admet elle-même qu’elle n’a tenu aucun relevé d’horaire pour l’année 1999 et qu’elle ne dispose d’aucune pièce justificative pour cette année là ; Qu’il convient en outre de relever que la société DE KERTREGUIER peut difficilement se prévaloir de l’ambigu’té d’une situation (logement à certaines périodes de Mademoiselle Z… au centre -mise à disposition d’un box pour son cheval) qu’elle a contribué à créer ; Qu’il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris sur ce point, certaines semaines pour lesquelles aucun justificatif n’était produit ayant été déduits à juste titre ; Considérant en revanche que la demande concernant l’année 1999 ne peut être accueillie dans la mesure où la salariée réclame une somme forfaitaire calculée par analogie avec les heures supplémentaires réalisée l’année suivante ; Considérant en dernier lieu que les repos compensateurs sont dus, l’employeur n’ayant pas respecté ses obligations légales à cet égard.
Sur la rupture du contrat de travail. Considérant que la démission résulte de la volonté claire librement exprimée et dépourvue d’équivoque de la part du salarié de mettre fin aux relations contractuelles ; Qu’en l’espèce Mademoiselle Z… a clairement motivé son départ de l’entreprise par les refus de son employeur de lui régler ses heures supplémentaires qu’elle avait pourtant réclamées à plusieurs reprises ; Qu’une telle rupture ne peut être qualifiée de démission est imputable à la société DE KERTREGUIER qui a manqué » à ses obligations et ne peut s’analyser que comme un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; Que Mademoiselle Z… est en conséquence fondée à obtenir des dommages intérêts par application combinée des articles L 12214-5 et L 122-14-4 du code du travail dont le montant a fait l’objet d’une exacte appréciation par le Conseil des Prud’hommes eu égard au préjudice subi par l’intéressée mais qui, par contre, ne peuvent se cumuler avec une indemnité pour le non respect de la procédure de licenciement. Sur les rappels de congés et de salaire. Considérant que si l’indemnité au titre des congés de fractionnement est due compte tenu des périodes au cours desquelles la salariée a pris ses congés en revanche rien ne justifie le solde de congés payés qui est réclamé ; Considérant que le rappel de salaire pour novembre 2000 n est pas contesté ; Considérant qu’ il serait inéquitable de laisser à la charge de Mademoiselle Z… les frais irrépétibles non inclus dans les dépens ; qu’il lui sera accordé à ce titre une indemnité de 700 euros ; Considérant que la société DE KERTREGUIER qui succombe pour l’ essentiel ne peut utilement prétendre à des dommages intérêts pour brusque rupture du contrat de travail et procédure abusive et supportera ses propres frais irrépétibles et les entiers dépens. DECISION PAR CES MOTIFS LA COUR Confirme le jugement entrepris à l’exception du solde de congés payés. Déboute mademoiselle Z…
de la demande formée à ce titre. Dit n’y avoir lieu à assortir d’une astreinte la remise des documents administratifs rectifiés. Condamne en outre la société DE KERT GUIER à verser à Mademoiselle Z… la somme de 700 euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens. Déboute les parties de leurs autres demandes.