Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Lyon, 1er avril 2010), que, selon un accord du 28 janvier 2005, M. Hugues X… a transmis ses participations dans diverses sociétés à ses fils, MM. Marc et Maxence X… ; que, le 21 mars 2005, les parties ont, d’un commun accord, mis en place un audit de ces sociétés et l’obligation pour M. Marc X… de transmettre divers documents à l’expert comptable, M. Y…, sous peine d’être condamné à payer une « astreinte conventionnelle » de 10 000 euros par jour de retard ; que, le 13 juillet 2005, M. Y… dressait un procès-verbal de carence ; qu’à la suite de difficultés survenues dans l’exécution d’un protocole d’accord en date du 22 décembre 2005 intervenu entre les parties désignant M. Z… en qualité de médiateur ad hoc en cas de différend, ces derniers ont sollicité en référé la désignation d’un médiateur judiciaire, M. Z… étant désigné en cette qualité le 16 janvier 2006 ; que faute de paiement de la provision par les parties, le 7 juin 2006, le juge délégué a déclaré caduque l’ordonnance du 16 janvier 2006 ; que, par jugement du 28 septembre 2006, devenu définitif, le tribunal a confirmé la validité du protocole du 21 mars 2005, qualifié de clause pénale son article 3 et réduit l’astreinte d’inexécution prévue par cet article ; que, par jugement du 14 octobre 2008, le juge de l’exécution a dit que M. Hugues X… était recevable et bien fondé en son principe à solliciter la liquidation de l’astreinte contractuelle réduite en son quantum par le jugement du 28 septembre 2006, rejeté la « qualification d’astreinte définitive » et a liquidé cette astreinte provisoire à la somme de 1 000 euros ;
Attendu que M. Marc X… fait grief à l’arrêt d’avoir rejeté sa fin de non recevoir tirée de l’absence d’un préalable de conciliation et d’avoir reformé le jugement pour le surplus, alors, selon le moyen que l’action en justice introduite par l’une des parties au contrat sans observation de la clause de médiation prévue par cet accord est irrecevable ; qu’en l’espèce il résultait du protocole du 22 décembre 2005 signé par MM. Hugues, Marc et Maxence X… sous l’égide de M. Z…, médiateur ad hoc, qu’en cas de différend, notamment sur la transmission des pièces, ce dernier donnera un avis ; que la mission de médiation ainsi accordée à M. Z… avait ainsi un fondement contractuel ; que si par ordonnance du 16 janvier 2006 le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon a parallèlement désigné M. Z… en qualité de médiateur judiciaire avec pour mission « de donner son avis en cas de difficulté », le prononcé de la caducité de cette ordonnance le 7 juin 2006, n’a mis un terme qu’à la mission judiciaire du médiateur ad hoc mais aucunement au protocole d’accord du 22 décembre 2005 et à la mission de M. Z… telle qu’elle avait été conventionnement définie ; qu’en rejetant la fin de non recevoir soulevée par Marc X… tirée de l’absence de mise en oeuvre de la clause de médiation, au motif inopérant que par l’effet de la caducité de l’ordonnance du 16 janvier 2006 la mission judiciaire du médiateur ad hoc a pris fin, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil ;
Mais attendu que l’arrêt relève que, le 22 décembre 2005, MM. Hugues et Marc X…, souhaitant mettre en oeuvre l’audit comptable confié à M. Y…, ont convenu qu’en cas de différend sur la transmission des pièces, M. Z… devra intervenir en qualité de médiateur ad hoc, tandis que sa désignation en qualité de médiateur judiciaire a été faite ultérieurement d’un commun accord par les parties à la suite de la lettre de mission ayant donné lieu à l’ordonnance de référé du 16 janvier 2006 précisant que chacune d’entre elles devait verser entre ses mains une provision de 1 000 euros au plus tard le 31 janvier 2006 ; qu’il relève que la caducité de cette ordonnance a été constatée par ordonnance du 7 juin 2006 pour défaut de règlement de la provision ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations faisant ressortir la volonté des parties de lier d’une façon indissociable les deux missions confiées à M. Z…, la cour d’appel en a déduit à bon droit que, par l’effet de cette caducité, la mission du mandataire ad hoc avait pris fin rétroactivement et qu’en conséquence M. Marc X… n’était plus recevable à se prévaloir de l’absence de mise en oeuvre du processus conventionnel quant à une difficulté sur la transmission des pièces ; que le moyen n’est pas fondé ;
Et attendu que le second moyen ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Marc X… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à M. Hugues X… la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize septembre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils pour M. X….
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté la fin de non recevoir soulevée par Monsieur Marc X…, tirée de l’absence d’un préalable de conciliation et d’avoir reformé le jugement pour le surplus ;
AUX MOTIFS QUE « le 21 décembre 2005, sous l’égide de Monsieur Z…, les parties ont souhaité mettre en oeuvre l’audit selon lettre de mission dans l’objectif d’un examen limité de comptes par le commissaire aux comptes. Il est convenu qu’« en cas de différend sur la transmission des pièces, le mandataire ad hoc tranchera ». La désignation de Monsieur Z… en qualité de mandataire judiciaire d’un commun accord suite à la lettre de mission a donné lieu à une ordonnance de référé du 16 janvier 2006 précisant que chacune des parties (Hugues et Marc X…) devra verser entre les mains de Monsieur Z… une provision de 1. 000 euros au plus tard le 31 janvier 2006 ; la caducité de cette ordonnance a été constatée par ordonnance du 7 juin 2006 à défaut de règlement de la provision ; par l’effet de cette caducité, la mission du mandataire ad hoc a pris fin rétroactivement et Monsieur Marc X… n’est plus recevable à se prévaloir de l’absence de mise en oeuvre du processus conventionnel quant à une difficulté sur la transmission des pièces. La fin de non recevoir soulevée en cause d’appel par l’intimé doit être rejetée » (Arrêt page 6) ;
ALORS QUE l’action en justice introduite par l’une des parties au contrat sans observation de la clause de médiation prévue par cet accord est irrecevable ; qu’en l’espèce il résultait du protocole du 22 décembre 2005 signé par Messieurs Hugues, Marc et Maxence X… sous l’égide de Monsieur François Z…, médiateur ad hoc, qu’en cas de différend, notamment sur la transmission des pièces, ce dernier donnera un avis (Protocole du 22 décembre 2005, page 7) ; que la mission de médiation ainsi accordée à Monsieur Z… avait ainsi un fondement contractuel ; que si par ordonnance du 16 janvier 2006 le juge des référés du Tribunal de commerce de LYON a parallèlement désigné Monsieur Z… en qualité de médiateur judiciaire avec pour mission « de donner son avis en cas de difficulté », le prononcé de la caducité de cette ordonnance le 7 juin 2006, n’a mis un terme qu’à la mission judiciaire du médiateur ad hoc mais aucunement au protocole d’accord du 22 décembre 2005 et à la mission de Monsieur Z… telle qu’elle avait été conventionnement définie ; qu’en rejetant la fin de non recevoir soulevée par l’exposant tirée de l’absence de mise en oeuvre de la clause de médiation, au motif inopérant que par l’effet de la caducité de l’ordonnance du 16 janvier 2006 la mission judiciaire du médiateur ad hoc a pris fin, la Cour d’appel a violé l’article 1134 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir réformé le jugement entrepris et statuant à nouveau d’avoir dit n’y avoir lieu à la requalification de la clause pénale consacrée par le juge du fond, d’avoir fixé la clause pénale à la charge de Monsieur Marc X… à la somme de 146. 700 et d’avoir condamné Monsieur Marc X… au paiement de la moitié de cette somme soit 73. 350 au profit de Monsieur Hugues X… ;
PREMIEREMENT AUX MOTIFS QUE « la validité du protocole d’accord du 21 mars 2005 a été consacrée dans le dispositif du jugement du 28 septembre 2006 du tribunal de commerce de Lyon qui avait été saisi par Monsieur Marc X… soutenant en vain que les articles 2 et 3 dudit protocole étaient illicites et dépourvus d’objet ; cette même décision non frappée d’appel et devenue définitive, a qualifié l’astreinte conventionnelle d’inexécution de Marc X… de clause pénale et a réduit son montant journalier en application de l’article 1152 du Code civil visé de façon expresse dans la décision. L’autorité de la chose jugée attachée à cette décision rend inopérante l’argumentation de Monsieur Marc X… tirée de la non opposabilité de la mention manuscrite, non paraphée, en marge de l’article 2 du protocole du 21 mars 2005 le désignant pour remettre les documents au cabinet de l’expert comptable » (Arrêt page 6) ;
ALORS D’UNE PART QUE par jugement du 28 septembre 2006 le Tribunal de commerce de LYON avait confirmé la validité du protocole du 21 mars 2005 en statuant sur le caractère illicite de ses articles 2 et 3 ; qu’il ne résulte en revanche aucunement du dispositif de cette décision ni d’ailleurs de ses motifs-que le Tribunal avait été saisi de et se serait prononcé sur la question de l’ajout de mentions manuscrites par Monsieur Hugues X… en marge de l’article 2 du Protocole du 21 mars 2005 ; qu’en rejetant le moyen pertinent de l’exposant selon lequel la mention manuscrite « par Monsieur Marc X… » figurant, en marge de l’article 2 du Protocole du 21 mars 2005 prévoyant qu’« il sera communiqué les documents suivants » avait été rajoutée par Monsieur Hugues X… postérieurement à la signature de l’acte, au seul motif erroné que « l’autorité de la chose jugée attachée à cette décision rend inopérante l’argumentation de Monsieur Marc X… tirée de la non opposabilité de la mention manuscrite » cependant que le jugement du 28 septembre 2006 n’avait pas tranché cette question, la Cour d’appel s’est méprise sur la portée de cette décision en violation de l’article 4 du Code de procédure civile ;
DEUXIEMEMENT AUX MOTIFS QUE « la preuve d’une inexécution partielle des obligations mises à la charge de Monsieur Marc X… dans le protocole d’accord est suffisamment établie par le processus conventionnel mis en place par les parties et les divers constats d’inexécution partielle dressés par l’expert comptable désigné dans ledit protocole, Monsieur Y…, comme précisé dans les lettres du 13 juillet 2005, 23 décembre 2005, 30 juillet 2007, 6 décembre 2007, 16 mai 2008 et 31 juillet 2009 qui détaillent au fil du temps l’inventaire des pièces reçues et des pièces manquantes, étant précisé que les soupçons de détournement portent sur la filiale russe sur laquelle l’expert-comptable indique disposer le moins d’informations ; l’argumentation de l’intimée tirée du caractère non probant des constats de l’expert comptable taxé de partialité pour être aux ordres de l’appelant ne saurait être admise en présence d’un accord donné par lui-même quant au choix de l’expert-comptable pour la réalisation de l’audit convenu ; encore, un comportement déloyal de la part du père pour être déjà en possession des documents comptables des filiales russes et polonaises pour établir la comptabilité de SIBERIC France n’est pas démontré par les éléments du dossier ; en effet les pièces produites (numéros 36, 21, 22) font apparaître que les relevés de compte du 8 février 2000 concernent l’exercice de 1999 non visé dans la période de contrôle stipulée dans le protocole d’accord et que les coûts et produits inhérents aux filiales n’étaient pas inscrits dans la comptabilité analytique de la société française mais relevaient des comptabilités polonaises et russes ; le caractère prétendument impossible de l’audit et de l’existence d’un enrichissement sans cause au profit de Monsieur Hugues X… ne sont pas davantage établis » (Arrêt page 6, dernier § à page 7, § 4) ;
ALORS D’AUTRE PART QUE dans ses conclusions d’appel (page 21 et 23), l’exposant avait longuement fait valoir que son père avait manqué à son obligation d’exécuter le contrat de bonne foi en ne fournissant pas à l’expert comptable les pièces qu’il avait lui-même reçues en sa qualité d’actionnaire et président de la société SIBERIC et en affirmant n’avoir aucune information comptable sur la société SIBERIC RUSSIE ; qu’à l’appui de son moyen, l’exposant avait produit aux débats une attestation de Madame Larissa A… du 10 décembre 2009 (pièce n° 32) ainsi qu’une lettre du 15 mars 2006 de Monsieur C…(pièce n° 33), pièces desquelles il résulte que les documents comptables, afférents à l’exercice arrêté au 31 décembre 2004 avaient été adressés directement à Monsieur Hugues X… et que la société elle-même « n’avait plus aucun document » ; que Monsieur Marc X… avait ainsi fait valoir devant la Cour d’appel que dès lors que la société SIBERIC n’avait plus en sa possession les documents litigieux, il lui était impossible de communiquer aujourd’hui des documents ; qu’en refusant de répondre aux conclusions de l’exposant démontrant qu’en recevant lui-même les pièces, Monsieur Hugues X… avait rendu impossible la transmission des même pièces par son fils, la Cour d’appel a violé l’article 455 du Code de procédure civile.
ALORS EN OUTRE QUE dans ses conclusions d’appel, Monsieur Marc X… avait souligné que Monsieur Y… était partial et de mauvaise foi en signant le constat d’inexécution partielle et en prétendant qu’il ne disposait pas des documents visés à l’article 2 du protocole du 21 mars 2005 ; que, selon l’exposant, l’expert comptable a en réalité « toujours eu toutes les informations utiles sur les filiales russes et polonaises » ainsi que tous « les documents qu’ils prétendent manquants » puisque « à défaut Monsieur Y…, expert comptable du groupe SIBERIC, aurait préparé de faux bilans » (Conclusions page 23) ; que pour rejeter ce moyen de l’exposant, la Cour d’appel s’est bornée à relever que « l’argumentation de l’intimé ne saurait être admise en présence d’un accord donné par luimême quant au choix de l’expert-comptable pour la réalisation de l’audit convenu » (Arrêt page 7, § 2) ; qu’il est en réalité parfaitement inopérant de constater que l’exposant avait, le 21 mars 2005, donné son accord quant au choix de l’expert-comptable dès lors que les faits reprochés à Monsieur Y… (procès-verbal de carence du 13 juillet 2005 notamment), étaient postérieurs au choix de l’expert ; qu’en refusant d’examiner le moyen de Monsieur Marc X… relatif à la partialité de l’expert, au motif inopérant que plusieurs mois avant les faits ainsi reprochés à l’expert, Monsieur Marc X… avait lui-même donné son accord quant au choix de Monsieur Y…, la Cour d’appel a violé l’article 1134 du Code civil ;
TROISIEMEMENT AUX MOTIFS QUE « l’article 3 du protocole d’accord ci-dessus rappelé instaure deux bénéficiaires de la même « astreinte » (le père et le frère) ; a défaut de stipulation expresse de solidarité dans le titre, les créances sont divisibles par application de l’article 1217 du Code civil et Monsieur Hugues X…, en sa qualité de cocréancier, a qualité à agir non pas pour le tout mais pour sa part, étant observé qu’il ne demande aucune condamnation au profit de Maxence X… ni d’ailleurs pour lui-même ; son action est bien recevable ; là encore, la décision déférée, quoiqu’autrement motivée, est confirmée il découle de ce qui précède sur la qualité à agir que Monsieur Hugues X… n’est recevable à obtenir condamnation pour lui-même que pour sa quote-part de moitié de 73. 350 » (Arrêt page 5, dernier § et page 7, § 10).
ALORS DE SURCROIT QUE dans ses conclusions d’appel (page 27), Monsieur Hugues X… s’était borné à solliciter la condamnation de Monsieur Marc X… au paiement de l’astreinte sans néanmoins demander aucune condamnation au profit de lui-même ; qu’il précisait au contraire expressément qu’« étant observé au surplus que Monsieur Hugues X… n’a nullement sollicité le versement à lui-même de l’astreinte dont il sollicite la liquidation » (Conclusions page 12, § 10) ; qu’en condamnant néanmoins l’exposant « au paiement de la moitié de cette somme soit 73. 350 au profit de Monsieur Hugues X… » (Arrêt page 8), la Cour d’appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile.
ALORS ENFIN QU’en relevant, d’une part dans la partie de l’arrêt réservée aux motifs concernant la qualité à agir du père de l’exposant que « Monsieur Hugues X… ne demande aucune condamnation pour lui-même » (Arrêt page 5, dernier §), tout en constatant d’autre part que « Monsieur Hugues X… est recevable à obtenir condamnation pour lui-même pour sa quote-part de moitié de 73. 350 » (Arrêt page 7, § 10)
et en condamnant l’exposant dans le dispositif de la décision attaquée à payer à Monsieur Hugues X… la somme de 73. 350 , l’arrêt a statué par une contradiction manifeste entre les motifs et le dispositif, violant de ce fait l’article 455 du Code de procédure civile.