Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Claude X…, demeurant … (Haut-Rhin), en cassation d’un arrêt rendu le 29 avril 1992 par la cour d’appel de Nancy (chambre sociale), au profit de la société anonyme Imprimerie et éditions Braun, sise Vieux Thann (Haut-Rhin), défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l’audience publique du 14 juin 1994, où étaient présents : M. Kuhnmunch, président, M. Brissier, conseiller rapporteur, MM. Saintoyant, Lecante, Bèque, Carmet, Boubli, Le Roux-Cocheril, Ransac, conseillers, Mmes Beraudo, Pams-Tatu, Bignon, Girard-Thuilier, Barberot, conseillers référendaires, M. Le Foyer de Costil, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Brissier, les observations de la SCP Peignot et Garreau, avocat de M. X…, de Me Vincent, avocat de la société Imprimerie et éditions Braun, les conclusions de M. Le Foyer de Costil, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Nancy, 29 avril 1992), rendu sur renvoi après cassation, que M. X…, entré, en 1960, au service de la société Etablissements Braun et Cie en qualité de directeur salarié, en a été nommé directeur général en 1970 ; qu’à la suite de la reprise de cette société par la société anonyme Imprimerie et éditions Braun (la société), il a été désigné comme directeur général, puis, en juillet 1978, président-directeur général de cette société, ses fonctions de directeur salarié étant maintenues ; qu’un nouveau contrat, qualifié de contrat de travail, a été conclu le 1er juillet 1980 entre M. X… et la société, pour une durée déterminée expirant le 31 décembre 1983 ; que la société a mis fin à ce contrat en juillet 1982 ; que, se prévalant de ce contrat, M. X… a saisi le conseil de prud’hommes de demandes afférentes à sa rupture ;
Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir décidé que la juridiction prud’homale n’était pas compétente pour statuer sur ces demandes, alors, selon le moyen, que, d’une part, en l’espèce, il résultait très clairement des termes du contrat du 1er juillet 1980 que celui-ci avait eu pour objet de confirmer les conventions antérieures, aux termes desquelles M. X…, outre qu’il était mandataire social, exerçait par ailleurs d’importantes responsabilités en sa qualité de directeur salarié ; que la cour d’appel, qui a cependant décidé que le contrat avait vidé de toute substance les fonctions de salarié, l’a dénaturé en violation de l’article 1134 du Code civil ;
alors, d’autre part, que la direction technique implique d’importants pouvoirs, en particulier dans le secteur de l’imprimerie ; qu’ainsi, le directeur technique a généralement en charge la gestion administrative, la gestion courante du personnel et d’autres fonctions en particulier ;
qu’en l’espèce, la circonstance qu’ait été retiré à M. X… le « domaine technique » qui correspondait seulement au choix des investissements n’était pas de nature à le priver de sa qualité de directeur salarié, dès lors, ainsi qu’il résultait de l’arrêt, que lui étaient conservées ses attributions de gestion administrative, de gestion financière, de politique commerciale et de gestion
courante du personnel ; qu’ainsi, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision de ce chef au regard de l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
alors, en outre, que l’article 93 de la loi du 24 juillet 1966 autorise le cumul d’un mandat social et d’un contrat de travail dès lors que celui-ci correspond à un emploi effectif ; que cette condition est satisfaite, s’agissant d’un salarié qui, parallèlement à ses activités salariales, se voit confier la fonction de mandataire social et touche des rémunérations distinctes et qu’en vertu du contrat de 1980, il cumulait avec des attributions différentes les qualités de mandataire et de salarié ; que la cour d’appel ne pouvait le priver de cette dernière qualité sans violer le texte susvisé ; alors, au surplus, que lorsque le contrat de travail constate expressément le cumul des fonctions du salarié et de mandataire et distingue les attributions découlant de chaque qualité et la rémunération versée pour chacune de ces tâches, la réalité de ce cumul ne peut être contestée que s’il est prouvé qu’en fait, ces missions ont été confondues ; que la cour d’appel, qui constate que le contrat de travail organisait le cumul en prévoyant une double rémunération et des attributions distinctes, a cependant nié l’existence de ce cumul, sans rechercher si, en pratique, les fonctions avaient été confondues, de sorte que, ce faisant, elle a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article 93 de la loi du 24 juillet 1966 ; alors, par ailleurs, qu’en se bornant à affirmer qu’ »il n’apparaissait pas que M. X… ait exécuté ses missions dans un lien quelconque de subordination », sans répondre au chef des conclusions de ce dernier qui faisait valoir que, dans le cadre de son contrat de travail, il était en état de subordination à l’égard de la société Braun, dont le capital était détenu à 99,82 % par le Groupe Burda, actionnaire et associé majoritaire, lequel lui dictait la conduite à tenir et lui imposait certains collaborateurs, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, au demeurant, que le contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu’en l’espèce, la cour d’appel ne pouvait, sans se contredire, affirmer que, depuis le 1er juillet 1980, C. X… ne disposait plus que de ses pouvoirs de gestion administrative et financière et retenir néanmoins que les attributions de nature administrative ou financières s’étaient trouvées absorbées par les fonctions sociales (violation de l’article 455 du nouveau Code de procédure civile) ;
et alors, enfin, que la cour d’appel n’a pu, sans se contredire, relever davantage que le contrat de travail du 1er juillet confiant à M. X… la gestion administrative, en général, et financière, en particulier, de la société, la responsabilité de la distribution des fabrications et prestations de la société, la gestion courante du personnel, le soin de « faire le nécessaire » afin d’exercer sa responsabilité au mieux des intérêts de la société et décider, ensuite, que le contrat avait vidé de toute substance les fonctions de directeur salarié de M. X… ;
Mais attendu que la cour d’appel a estimé que c’était par fraude qu’avaient été attribuées à M. X… les fonctions salariées prévues par contrat du 1er juillet 1980 ; que le moyen, en ses différentes branches, est, dès lors, dépourvu de fondement ;
Sur la demande présentée par la société Imprimerie et éditions Braun au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que la société sollicite l’allocation de la somme de 10 000 francs sur le fondement de ce texte ;
Mais attendu qu’il n’y a pas lieu d’accueillir cette demande ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Rejette la demande présentée par la société Imprimerie et éditions Braun au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne M. X…, envers la société Imprimerie et éditions Braun, aux dépens et aux frais d’exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du cinq octobre mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.