Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 29 novembre 2000, 00-84.996, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 29 novembre 2000, 00-84.996, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf novembre deux mille, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PIBOULEAU, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur les pourvois formés par :

– Z… Pierre,

– A… Nessim,

– C… Joël,

contre l’arrêt n° 738 de la chambre d’accusation de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, en date du 28 juin 2000, qui, dans l’information suivie contre eux pour abus de confiance et abus de biens sociaux, corruption, complicité de corruption et d’abus de biens sociaux, a rejeté une requête en nullité d’actes de la procédure présentée par Pierre Z… ;

Vu l’ordonnance du président de la chambre criminelle du 28 août 2000 joignant les pourvois et prescrivant leur examen immédiat ;

Sur les pourvois de Nessim A… et Joël C… :

Attendu qu’aucun moyen n’est produit ;

Sur le pourvoi de Pierre Z… :

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 80, 81, 151, 170, 171, 173, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

 » en ce que l’arrêt attaqué a refusé de prononcer l’annulation de la procédure suivie à l’encontre de Pierre Z… ;

 » aux motifs que le 23 décembre 1996 le juge d’instruction Alenda communiquait au procureur de la République des procès-verbaux pris en exécution d’une commission rogatoire du 1er juillet 1996 dans le cadre d’une information dont il était saisi du chef d’abus de biens sociaux, recel, faux et usage, prise illégale d’intérêts concernant une opération de reconstruction ; parmi les pièces communiquées par le juge Alenda, figure un procès-verbal 1214/ 96 BT Cannes faisant état d’un document à l’entête de la SDBO constituant le compte-rendu d’une réunion entre M. D… et le maire de Cannes ; il était également indiqué qu’il apparaissait aux enquêteurs que Michel E… semblait avoir donné des assurances à son interlocuteur sur son intervention sur des projets immobiliers et plus précisément sur le projet SNC Cannes Roubine ;

sur la base de l’ensemble de ces pièces était pris le 31 décembre 1996 un réquisitoire supplétif du chef de faux et usage, abus de biens sociaux, recel, abus de crédit, favoritisme ; le 30 janvier 1997 le juge d’instruction devait délivrer une commission rogatoire visant expressément le réquisitoire du 31 décembre 1996 ainsi que les renseignements résultant de l’enquête sur commission rogatoire de M. Alenda aux fins de poursuite des investigations ; à cet égard, le fait que le procureur de la République ait choisi d’agir par voie de réquisitions supplétives au lieu d’ouvrir une information distincte relève de la liberté du procureur de la République et ne saurait entacher de nullité le réquisitoire, dès lors que les pièces visées au réquisitoire supplétif établissaient un lien possible entre Michel E… et les opérations immobilières mentionnées dans ces pièces ; dans un procès-verbal de synthèse (D. 367) visant à la fois les commissions rogatoires du 5 décembre 1996 et du 30 janvier 1997, il est fait état de l’acquisition de la parcelle AE 188 auprès de la société OFI, pour un montant de 165 millions de francs avec un financement intégral par la SDBO, la société OFI comprenant comme actionnaires Maurice B…, Didier Y… de la SDBO ; sur la base de ces pièces était pris le 21 mars 1997 un réquisitoire supplétif qui saisissait le juge notamment de faits susceptibles d’être qualifiés d’abus de confiance, recel à l’occasion de la vente intervenue entre la société OFI et la SNC Cannes Roubine, le juge n’étant pas lié par les qualifications visées au réquisitoire ; sur la base de ce réquisitoire supplétif, des investigations vont être entreprises par voie de commission rogatoire du 26 mars 1997 ; ainsi le magistrat instructeur a bien été saisi régulièrement des faits sur lesquels il a fait porter ses investigations ;

 » alors que la saisine du juge d’instruction est strictement limitée aux faits dont il est régulièrement saisi par des réquisitions claires et dénuées d’ambiguïté du ministère public ; qu’il ne résulte ni des énonciations du réquisitoire supplétif du 31 décembre 1996, ni du procès-verbal n° 1214/ 96 BT Cannes qu’il vise, que le procureur de la République ait requis le magistrat instructeur d’informer sur de prétendus abus de biens sociaux commis dans le cadre du projet SNC Canne Roubine, aucune présomption d’infraction ne pouvant résulter de la seule indication  » qu’il apparaît aux enquêteurs que Michel E… semblait avoir donné des assurances à son interlocuteur sur son intervention sur des projets immobiliers et plus précisément sur le projet SNC Cannes Roubine  » et que, par conséquent, en ordonnant, par commission rogatoire du 30 janvier 1997, des investigations concernant l’opération SNC Cannes Roubine, le magistrat instructeur a excédé ses pouvoirs ;

 » alors que les réquisitions du ministère public, parce qu’elles déterminent strictement la saisine du juge d’instruction, ne sont pas susceptibles d’une interprétation extensive de la part de ce magistrat ; qu’il résulte du réquisitoire supplétif du 21 mars 1997 visant des faits d’abus de confiance, de corruption active et passive, de trafic d’influence et de recel et visant les cotes D. 344 à D. 371, qui sont relatives à des infractions commises au sein de la section départementale du Parti Républicain et de la Clinique des Sources, que le ministère public n’a pas entendu saisir le juge d’instruction d’éventuelles infractions d’abus de confiance et d’abus de biens sociaux commises courant 1989 à 1991 et notamment à Cannes dans le cadre de l’achat et de la revente de terrains sis à Cannes cadastrés AE 188, aucun élément du procès-verbal de synthèse ne relevant d’infraction à cet égard et que dès lors, en faisant procéder à des auditions en garde à vue, puis en procédant à la mise en examen de Pierre Z… pour ces faits et en le plaçant sous mandat de dépôt, le magistrat instructeur a, de plus fort, excédé ses pouvoirs  » ;

Attendu qu’en l’état des motifs repris au moyen l’arrêt n’encourt pas le grief allégué dès lors que les agissements délictueux commis à l’occasion de la cession d’un terrain sis à Cannes cadastré AE 188 conclue entre la société OFI et la SNC Cannes Roubine ont été révélés à l’occasion de l’exécution de deux commissions rogatoires des 5 décembre 1996 et 30 janvier 1997 délivrées postérieurement aux réquisitoires supplétifs des 3 et 31 décembre 1996, et qu’ils ont donné lieu au réquisitoire supplétif du 21 mars 1997 qui a régulièrement saisi le juge d’instruction ;

D’où il suit que le moyen ne peut qu’être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 658 du Code de procédure pénale, 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 4 du protocole n° 7 à cette Convention, et de la règle non bis in idem ;

 » en ce que l’arrêt attaqué a refusé d’annuler la procédure d’instruction suivie à l’encontre de Pierre Z… au cabinet de M. Murciano, juge d’instruction à Cannes ;

 » aux motifs qu’il est argué que Pierre Z… est déjà mis en examen par Eva Joly, juge d’instruction à Paris pour la plus-value réalisée lors de la cession de la société OFI à la société Immopar ; que la chambre d’accusation n’ayant pas connaissance du dossier instruit à Paris, ce moyen ne résulte que des écritures de Pierre Z… et qu’en tout état de cause, la pluralité des poursuites peut constituer un motif de non-lieu mais non une cause de nullité ;

 » alors qu’un même fait ne peut donner lieu contre le même prévenu à deux poursuites distinctes et que si la chambre d’accusation n’était pas en mesure de vérifier que la procédure suivie à Grasse au cabinet de M. Murciano portait sur les mêmes faits que la procédure instruite à Paris, il lui appartenait d’ordonner la mesure d’instruction dont la nécessité ressortait de sa décision  » ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 114, 170 et 171 du Code de procédure pénale, 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

 » en ce que la chambre d’accusation a refusé d’annuler les interrogatoires de Pierre Z… en date des 23 et 24 septembre 1996 ainsi que la procédure subséquente ;

 » au motif que les dispositions de l’article 114 du Code de procédure pénale ne visent que les interrogatoires devant le juge d’instruction et non les interrogatoires par les services de police ;

 » alors qu’aux termes de l’article 114 du Code de procédure pénale dont les dispositions sont essentielles au droit de la défense, les parties ne peuvent être entendues, interrogées ou confrontées, à moins qu’elles n’y renoncent expressément, qu’en présence de leurs avocats ou ces derniers dûment appelés ; que ces dispositions font obstacle de la manière la plus absolue à ce qu’une personne mise en examen par un juge d’instruction soit entendue par les services de police sans être assistée d’un avocat et que Pierre Z…, étant déjà mis en examen par un juge d’instruction à Paris, ne pouvait, au prétexte de l’ouverture d’une procédure distincte portant sur les mêmes faits, être entendu par les services de police sans l’assistance de son conseil  » ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que le demandeur ne saurait faire grief à la chambre d’accusation saisie d’une requête en annulation d’actes de la procédure de n’avoir pas ordonné la mesure d’instruction incriminée dès lors qu’il lui appartenait de la solliciter dans les conditions prévues par les articles 81, alinéa 9 et 175 du Code de procédure pénale après la notification de l’avis de fin d’information ;

D’où il suit qu’en rejetant les demandes de nullité de Pierre Z… par les motifs repris aux moyens, la chambre d’accusation a justifié sa décision ;

Qu’ainsi les moyens doivent être écartés ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Pibouleau conseiller rapporteur, MM. Schumacher, Martin, Challe, Roger, Dulin conseillers de la chambre, Mme de la Lance, MM. Soulard, Samuel conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Di Guardia ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


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