Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / M. François Y…, demeurant …,
2 / Mme Marie-Jeanne D…, épouse Y…, demeurant …,
3 / M. Jean-François Y…, demeurant …,
4 / Mme Ariane Y…, épouse A…, demeurant …,
5 / M. André X…, demeurant …,
6 / Mme Yvette C…, épouse X…, demeurant …,
7 / M. Jean Y…, demeurant Les Ulmes, 49700 Doué-La-Fontaine,
en cassation d’un arrêt rendu le 18 novembre 1997 par la cour d’appel de Poitiers (chambre civile, 1re section), au profit de la société Brasserie Kronenbourg, société anonyme, dont le siège est …,
défenderesse à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 3 mai 2000, où étaient présents : M. Dumas, président, M. Métivet, conseiller rapporteur, M. Poullain, conseiller, M. Feuillard, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Métivet, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat des consorts Y…, des époux X… et de Mme A…, de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société Brasserie Kronenbourg, les conclusions de M. Feuillard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à M. Jean Y… de son désistement de pourvoi ;
Attendu, selon l’arrêt confirmatif attaqué (Poitiers 18 novembre 1997), que les consorts Y…, qui détenaient 51% du capital de la société anonyme Générale de boissons La Rochelle (société GBLR), ont, par acte du 23 novembre 1993, promis de céder leur participation à la société des Brasseries Kronenbourg (la société Kronenbourg) qui en détenait 49%, ainsi que « les titres, actions ou parts » dont ils étaient propriétaires dans cinq autres sociétés dépendant du « groupe GBLR » ; que les parties avaient fixé un prix provisoire de 3 millions de francs « sur la base des comptes des différentes sociétés au 31 octobre 1992, rectifié dans le rapport établi par M. B… en date du 6 octobre 1993 » ; qu’elles « se réservaient de faire varier ce prix en plus ou en moins, selon les variations d’actifs et de passifs » entre la date du rapport de M. B… et « l’arrêté des comptes au 31 octobre 1993, après audit par M. B… » ; que les consorts Y… ayant refusé d’exécuter la promesse de cession, dès lors que la société Kronenbourg prétendait, sur le fondement de cette clause, ramener le prix de cession définitif à 1 franc, cette dernière les a assignés pour voir déclarer la vente parfaite et en paiement de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen, pris en ses cinq branches, et le deuxième moyen, pris en ses quatre branches, les moyens étant réunis :
Attendu que les consorts Y… reprochent à l’arrêt d’avoir rejeté leur demande tendant au prononcé de la nullité de la promesse de vente, souscrite par eux le 23 novembre 1993, au profit de la société Kronenbourg et de les avoir condamnés à lui verser des dommages-intérêts alors, selon le pourvoi, premièrement, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu’elles doivent être exécutées de bonne foi ; que par convention du 23 novembre 1993, M. François Y… agissant tant en son nom personnel qu’en celui des consorts Y…, avait promis de vendre à la société Kronenbourg l’ensemble des titres, actions ou parts de sociétés civiles ou commerciales dont il était propriétaire ou pour lesquels il détenait un mandat, moyennant le paiement d’une somme de 3 millions de francs lors de la signature des ordres de mouvement ; que la convention précisait que le prix de cession avait été fixé « sur la base des comptes des différentes sociétés au 31 octobre 1992, rectifié dans le rapport établi par M. Jean-Marc B… » en date du 6 octobre 1993, « les parties se réservant de faire varier ce prix en plus ou moins selon les variations d’actifs et de passifs entre la date d’établissement du rapport B… et l’arrêté des comptes au 31 octobre 1993, après audit par M. B…, préalablement au transfert prévu » ; qu’il ressort de cette disposition claire, précise et dénuée d’ambiguïté, que les parties s’étaient réservé la faculté de faire varier le prix, ce qui supposait une décision prise d’un commun accord au vu d’une variation d’actifs et de passifs résultant d’un arrêté de comptes après audit de M. B… ; qu’en décidant que les parties avaient convenu « de s’en remettre à l’intervention de M. B… » et qu’au terme de la mission de celui-ci « un nouvel accord n’était pas nécessaire », la cour d’appel a dénaturé les termes de la convention et a ainsi violé l’article 1134 du Code civil ; alors, deuxièmement, que dans le courrier, en date du 31 mars 1994, par lequel elle
transmettait à M. Y… l’étude de M. B…, la société Kronenbourg indiquait : « nous avons également noté lors de notre dernier entretien votre intention de trouver rapidement un accord sur le prix définitif de la cession des titres du groupe Générale de Boissons et vous proposons de vous rencontrer le 18 avril 1994 à la Rochelle » ; qu’il résultait sans ambiguïté de ce courrier que le prix définitif de la cession dépendait d’un accord entre les parties, que la société Kronenbourg se proposait de trouver lors d’une réunion ultérieure, et non des seules conclusions de M. B… ; qu’en décidant que la société Kronenbourg ne marquait pas son accord pour une renégociation mais qu’il s’agissait d’une « approbation des calculs effectués sur les bases de la convention litigieuse et qui faisaient apparaître qu’à la suite des variations la valeur des parts sociales n’était plus que de un franc », la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis du courrier susvisé, violant ainsi l’article 1134 du Code civil ; alors, troisièmement, que par un courrier du 4 mai 1994, M. et Mme Y…, observant que la convention du 23 novembre 1993, n’était pas respectée, l’arrêté des comptes contradictoire n’ayant pas été réalisé dans les délais légaux, avaient mis en demeure la société Kronenbourg « de mettre en application la convention du 23 novembre 1993, alinéa 1 » ; que cette mise en demeure visait la cession au prix de 3 millions de francs, prévue par l’alinéa 1 de la convention en cause ; qu’en relevant, pour décider que la cession aurait lieu au prix de un franc, que les époux Y… avaient demandé à la société Kronenbourg « d’exécuter purement et simplement la convention du 23 novembre 1993 », la cour d’appel a dénaturé les termes du courrier susvisé et ainsi violé l’article 1134 du Code civil ; alors, quatrièmement, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu’en décidant que, désigné d’un commun accord par les parties, M. B… avait exécuté la mission qui lui avait été confiée, sans relever les éléments constitutifs de la convention qui serait intervenue entre eux-mêmes et la société Kronenbourg, d’une part, et M. B…, d’autre part, aux termes de laquelle ils lui auraient conjointement confié une mission d’audit, que celui-ci aurait accepté de mener pour le compte de l’ensemble des parties, la cour d’appel a violé l’article 1134 du Code civil ; alors, cinquièmement, que la convention du 23 novembre 1993, prévoyait que les parties se réservaient de faire varier le prix en plus ou en moins selon les variations d’actifs et de passifs entre la date d’établissement du rapport B… et l’arrêté des comptes au 31 octobre 1993, « après audit par M. Jean-Marc B… » ; que celui-ci a adressé le 28 mars 1994, à la société Kronenbourg un « rapport d’investigation » relatif au Groupe générale de boissons La Rochelle comportant un « examen limité des états financiers au 31 octobre 1993 ;
que, dans la note introductive de cet examen limité, il précisait : « un examen limité consiste pour l’essentiel à s’entretenir avec la direction et certains membres du personnel de la société, ainsi qu’à effectuer une revue analytique des informations financières. Il ne s’agit donc pas d’un audit conformément aux normes généralement admises » ; qu’il apparaît ainsi que les dispositions claires et précises de la convention, qui prévoyaient que les parties se réservaient la possibilité de faire varier le prix après audit de M. B…, n’ont pas été respectées, puisqu’il n’a pas procédé à cet audit, mais à un examen limité ; qu’en décidant que l’évaluation des biens réalisée par M. B… s’imposait aux parties en l’absence de dépassement de la mission ou d’erreur grossière, la cour d’appel a violé l’article 1134 du Code civil ; alors, sixièmement, que le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties ; qu’en l’espèce, un prix provisoire avait été fixé sur la base des comptes, au 31 octobre 1992, tels que rectifiés par un rapport de M. B…, de certaines des sociétés dont les titres étaient cédés ; que les parties s’étaient réservé la faculté de faire varier ce prix en plus ou en moins selon des variations d’actifs et de passifs entre la date d’établissement du rapport de M. B… et l’arrêté des comptes au 31 octobre 1993, après audit de M. B… ; qu’à défaut d’accord des parties sur le prix définitif, la convention ne permettait pas de déterminer celui-ci en fonction d’éléments objectifs convenus préalablement et indépendants de la volonté de l’une des parties ; qu’ainsi, en déclarant la vente parfaite, la cour d’appel a violé l’article 1591 du Code civil ; alors, septièmement, que lorsqu’il n’est pas déterminé, le prix de la vente doit être déterminable en fonction d’éléments objectifs convenus par les parties ; qu’ils avaient fait valoir que si le prix de trois millions de francs avait été déterminé sur la base des comptes de certaines sociétés pour l’exercice 1992, tels que rectifiés par un rapport de M. B… du 6 octobre 1993, ce rapport, incomplet, ne constituait qu’une base de référence, sans que la relation entre le prix provisoire et les comptes audités soit définie ; qu’il y avait notamment lieu de tenir compte de la valeur du fonds de commerce et des plus-values latentes ; que faute de corrélation directe et objective entre le prix provisoire et les comptes de l’exercice 1992 de certaines des sociétés cédées, il n’était pas possible de déterminer le prix définitif en appliquant aux chiffres déjà retenus ceux qui ressortaient d’un nouveau rapport de M. B… ; qu’ainsi, la cour d’appel, en omettant de répondre à leurs conclusions faisant valoir que le prix provisoire n’ayant pas de relation définie avec les comptes de 1992, audités le 6 octobre 1993, par M. B…, il n’était pas possible d’appliquer à ces comptes les conclusions de l’étude de M. B…, communiquée le 28 mars 1994 à la société Kronenbourg, relative aux comptes de l’exercice 1993 de certaines sociétés, a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, huitièmement, que, par les mêmes motifs, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1591 du Code civil ;
et alors, enfin, que lorsqu’il n’est pas déterminé, le prix de la vente doit être déterminable en fonction d’éléments objectifs convenus par les parties ne dépendent pas de la volonté de l’une d’elles ; qu’ils avaient fait valoir que la société Kronenbourg, après s’être emparée du contrôle des sociétés cédées, avait lourdement et abusivement lesté les comptes desdites sociétés à l’aide de provisions indues, et privé celles-ci de crédits de TVA ; que ces agissements avaient donné lieu à des redressements fiscaux ; que la société Kronenbourg n’a pas nié avoir pris le contrôle des sociétés dès le 10 décembre 1993 ; que les redressements fiscaux n’ont pas été contestés ; que quelle qu’ait été l’étendue de ces redressements, il en ressortait que les comptes étaient établis sous la responsabilité de la nouvelle équipe dirigeante, contrôlée par l’actionnaire majoritaire ; que dès lors, que ces comptes servaient à l’établissement du prix, l’une des parties pouvait influer sur celui-ci ; qu’en décidant que les variations retenues ne dépendaient pas de la volonté des parties, mais résultait d’éléments comptables objectifs, la cour d’appel, qui ne s’est pas expliquée sur le rôle joué par la société Kronenbourg dans l’établissement des comptes de l’exercice 1993, a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l’article 1591 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu’appréciant la commune intention des parties, la cour d’appel a, par motifs propres et adoptés, en se référant non seulement à la convention du 23 novembre 1993, mais également à un document établi par les parties le 9 décembre 1993, qui en éclairait le sens et la portée, décidé que celles-ci avaient convenu que la fixation du prix définitif ne nécessitait pas un nouvel accord de volonté entre les parties, mais qu’il serait déterminé à partir du prix provisoire qui serait augmenté ou diminué des résultats au 31 octobre 1993, ajustés par l’audit de M. B… ; qu’en l’état de cette interprétation à laquelle elle a dû procéder et qui excluait la dénaturation alléguée, la cour d’appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées et a légalement justifié sa décision, a souverainement estimé que le prix était déterminable en fonction d’éléments objectifs ne dépendant pas de la volonté des parties ;
Attendu, en deuxième lieu, qu’étant, ainsi qu’elle le relève, dans la nécessité de replacer les courriers, tant de la société Kronenbourg que des consorts Y…, dans le contexte général des diverses correspondances échangées entre eux, la cour d’appel ne peut se voir reprocher de les avoir dénaturés ;
Attendu, en troisième lieu, qu’ayant constaté que la convention du 23 novembre 1993 stipulait que le prix définitif serait fixé selon les variations d’actifs et de passifs entre le premier rapport B… et l’arrêté de comptes au 31 octobre 1993, après audit de M. B…, c’est justement que la cour d’appel a dit que les parties avaient convenu de s’en remettre à l’intervention de M. B… ;
Attendu, en quatrième lieu, qu’après avoir relevé que M. B… avait, pour sa seconde mission, procédé, selon les mêmes méthodes, à l’évaluation des mêmes éléments des mêmes sociétés que dans son premier rapport, qui n’avait fait l’objet d’aucune critique des consorts Y… et que l’étendue du second audit était identique à celle du premier qui avait servi de base à la fixation du prix provisoire, c’est souverainement que la cour d’appel a considéré que les consorts Y… ne pouvaient formuler de critiques sur la caractère limité du second audit ;
Attendu, enfin, que l’arrêt retient que les consorts Y… ne rapportent pas la preuve d’erreurs commises par « l’auditeur » et que si le contrôle fiscal invoqué a abouti à un redressement, en raison de l’existence de provisions jugées excessives par l’administration, cela est sans portée sur la question en débat, les techniques comptables n’étant pas les mêmes et qu’en tout état de cause, même en retenant les chiffres ressortant des avis de redressement, la situation nette restait négative ;
que la cour d’appel, qui a ainsi répondu aux conclusions prétendument délaissées, a pu statuer comme elle a fait ;
D’où il suit que les premier et deuxième moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;
Sur le troisième moyen, pris en ses quatre branches :
Attendu que les consorts Y… font encore le même reproche à l’arrêt alors, selon le pourvoi, premièrement, que dans sa lettre introductive au rapport d’investigation concernant le groupe Générale de boissons La Rochelle, M. B… écrivait à M. Z…, directeur des comptabilités des Brasseries Kronenbourg, le 28 mars 1994, « conformément à vos instructions, nous avons réalisé un examen limité du bilan et du compte de résultat de certaines sociétés du groupe Générale de boissons La Rochelle arrêtés au 31 octobre 1994… » ;
que M. B… ne leur a jamais adressé aucun rapport ; qu’il ressort des termes clairs et précis de l’introduction dudit rapport que M. B… avait été, et se considérait comme ayant été, missionné par la seule société Kronenbourg ; qu’en décidant qu’ils ne rapportaient pas la preuve que M. B… était sous la dépendance de la société Kronenbourg, la cour d’appel a dénaturé le rapport en cause, violant ainsi l’article 1134 du Code civil ; alors, deuxièmement, que, pour des raisons identiques, la cour d’appel a privé sa décision de motifs, violant ainsi l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, troisièmement, que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que la convention du 23 novembre 1993, prévoyait que les parties s’étaient reservé la possibilité de faire varier le prix en plus ou en moins après arrêté des comptes de l’exercice 1993 et audit de M. B… ; qu’ils ont fait valoir que le rapport de M. B…, destiné à la seule société Kronenbourg, avait été établi avant même que les comptes de l’exercice 1993 aient été arrêtés, et que ceux-ci n’avaient fait l’objet d’aucun examen contradictoire ; que la cour d’appel, en décidant qu’aucune forme spéciale contradictoire ne devait, d’après la convention, être donnée à l’arrêté des comptes « du 23 novembre 1992 » et que le prix de cession des titres résultait de cet arrêté et de cet audit, non contradictoirement débattus, a violé l’article 16 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, que pour rejeter leur argumentation selon laquelle le prix de cession des titres devait être négocié par les parties après arrêté des comptes et audit de M. B…, la cour d’appel a énoncé que les courriers que leur avait adressé les 31 mars et 6 octobre 1994 la société Kronenbourg les invitaient à marquer leur accord, cet accord devant porter, selon la cour d’appel, sur l’approbation des calculs effectués sur la base de la convention litigieuse ; qu’en décidant qu’aucune forme spéciale contradictoire ne devait, d’après la convention, être donnée à l’arrêté des comptes, la cour d’appel a entaché sa décision d’une contradiction de motifs, violant ainsi l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que sans dénaturer le rapport de M. B…, la cour d’appel a souverainement constaté que les consorts Y… ne rapportaient pas la preuve que M. B… serait sous la dépendance de la société Kronenbourg, qu’ils ne justifiaient pas qu’il aurait été salarié de cette entreprise, alors que l’intimée soutenait qu’il n’avait aucun lien de subordination avec elle et qu’en tout état de cause, il avait été choisi par les deux parties ; qu’elle a ainsi répondu aux conclusions prétendument délaissées ;
Attendu, en deuxième lieu, que l’arrêt auquel il n’est reproché ni d’avoir retenu un moyen dont les conclusions ne faisaient pas état, ni de s’être fondé sur des faits qui n’étaient pas dans le débat ou qui n’auraient pas été soumis à la discussion contradictoire des parties, n’encourt pas le grief de violation de l’article 16 du nouveau Code procédure civile ;
Attendu, enfin, qu’il n’est pas contradictoire de constater que la convention du 23 novembre 1993 ne prévoyait aucune forme spéciale contradictoire pour l’arrêté des comptes et d’énoncer que la société Kronenbourg, par lettres des 31 mars et 6 octobre 1994, invitait les consorts Y… à approuver les calculs effectués sur la base de cette convention ;
D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le quatrième moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que les consorts Y… font encore le même reproche à l’arrêt alors, selon le pourvoi d’une part, que seule la victime d’un dommage peut en obtenir la réparation ; que la cour d’appel relève que M. Y… s’était opposé à l’augmentation de capital de la société ABLR, et qu’il s’opposait à l’ensemble des résolutions soumises aux votes des actionnaires ; qu’elle en déduit qu’une incertitude ne peut que peser sur l’avenir des sociétés et leur être préjudiciable ; qu’en revanche, elle ne relève aucun préjudice subi par la demanderesse, la société Kronenbourg ; qu’en accordant 100 000 francs de dommages-intérêts à celle-ci sans que cette dernière ait allégué ni démontré un préjudice qui lui aurait été propre, la cour d’appel a violé l’article 1382 du Code civil ;
alors, d’autre part, que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ;
que si la cour d’appel a relevé que M. Y… s’était opposé à l’augmentation de capital de l’une des sociétés du groupe Général de Boissons -la société ABLR- elle n’a pas précisé en quoi cette augmentation de capital était la seule possibilité de redresser les entreprises du groupe, ni exposé les résolutions auxquelles M. Y… s’était opposé et en quoi elles tendaient au redressement de l’entreprise ;
qu’ainsi, la cour d’appel n’a pas caractérisé la faute de M. Y… et a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil ;
et alors, enfin, que dès lors que la cour d’appel relevait que la société Kronenbourg avait attendu le 28 juin 1996, pour les assigner en exécution de la convention, soit deux ans et demi après la signature de celle-ci, elle avait par là même exclu tout lien de causalité entre les faits reprochés et le préjudice allégué ; qu’ainsi, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil ;
Mais attendu, que l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que le refus des consorts Y… d’exécuter la promesse de cession d’actions contenue dans la convention du 23 novembre 1993 avait causé un préjudice à la société Kronenbourg, devenue gestionnaire du groupe, à la suite de l’acquisition des actions de Mme Y…, dans la société GBLR, et de la démission de M. Y… de ses fonctions de président, en la privant de la possibilité de mettre utilement en oeuvre le redressement des sociétés ; que par ce seul motif, non critiqué par le pourvoi, la cour d’appel a pu, par une décision motivée, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deux premières branches du moyen, et sans que le délai mis par la société Kronenbourg à faire valoir judiciairement ses droits, soit de nature à affecter le lien de causalité entre la faute et le préjudice, statuer comme elle a fait ; d’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux dépens ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, les condamne à payer à la société Kronenbourg la somme de 15 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille.