Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le trente octobre mil neuf cent quatre vingt neuf, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire LOUISE, les observations de la société civile professionnelle BORE et XAVIER et de Me VUITTON, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général PRADAIN ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
LA SOCIETE ANONYME SCIERIE DE LA PASSERELLE (SPAEF), partie civile,
contre l’arrêt de la chambre d’accusation de la cour d’appel de BORDEAUX, en date du 9 juillet 1985 qui, dans l’information suivie contre A… Jacques et Z… Yves, inculpés d’infractions à la loi sur les sociétés a confirmé l’ordonnance du juge d’instruction disant n’y avoir lieu à suivre ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 150 du Code pénal, 575 et 593 du Code de procédure pénale ;
» en ce que l’arrêt attaqué a confirmé l’ordonnance de non-lieu ;
» aux motifs qu’il y a lieu de rappeler que M. C…, commissaire aux comptes de la SPAEF a signalé trois sortes d’irrégularités : le rehaussement fictif des stocks lors du bilan du 31 décembre 1976, la disparition de 548 m3 de bois tropicaux et de 230 m3 de bois de pays et les graves lacunes qui affectent l’état de situation du 30 juin 1977, démenti par la situation réelle déterminée par la FIDEX au 30 septembre 1977 ;
» qu’il a tout d’abord été vérifié par le SRPJ que la situation comptable inexacte du 30 juin 1977 n’a pas été présentée aux actionnaires ni publiée et que les faits ne peuvent caractériser le délit de présentation de faux bilan ; d’autre part, cette situation comptable n’a pas été produite et présentée aux banques pour tenter d’obtenir des prêts plus facilement ;
» que C… estime que l’inventaire figurant au bilan du 31 décembre 1976 a été fictivement rehaussé, ce qui a amené une surévaluation de l’actif d’environ 55 000 francs » ;
» que les experts Y… et B… indiquent que le bilan du 31 décembre 1976 accuse une perte de 24 399 francs et soulignent partout des erreurs d’appréciation concernant les provisions pour fluctuation des cours, pour le compte client, et pour les dépréciations » ;
» que ces états mensuels sont des documents extra-comptables et que, même erronés, ils ne peuvent caractériser les infractions visées par la partie civile » ;
» que de plus, les experts indiquent que la situation dressée par la FIDEX n’est pas de nature à remettre en cause les indications des états mensuels » ;
» que les deux situations établies toutes deux par la FIDEX au 30 juin 1977 et au 30 septembre 1977 présentent elles-mêmes des différences notables dans leur élaboration » ;
» que les comptes arrêtés au 31 décembre 1977 accusent une perte de 3 395 554 francs et que cette perte a donc considérablement augmenté en trois mois, après le départ de A… et Z… » ;
» que les explications données à cet égard sont des plus diverses, à savoir erreur sur la valeur des bois, absence de provision pour dépréciation dans les bilans précédents, pertes et vices cachés, manque de trésorerie entraînant des ventes au rabais et le paiement des agios » ;
» que C… a pris en considération l’évaluation faite par D…, lequel explique qu’il ne s’est basé que sur un calcul théorique fondé sur l’état des stocks, des achats, des ventes et des pertes ; les experts expliquent le manquant par les causes qui déterminent habituellement de telles différences ;
» qu’il n’a pas été établi qu’il y ait eu détournement d’une partie de stock ;
» que la thèse avancée par la partie civile, à savoir les manoeuvres de A… et Z… qui auraient profité des difficultés financières de X… pour conduire la SPAEF à la liquidation des biens et en prendre personnellement le contrôle, n’est nullement confirmée par les éléments de l’information » ;
» qu’il n’est pas établi que les inculpés aient intentionnellement falsifié des bilans ou produit des faux états de situation, ou qu’ils aient fait en cela un usage des biens ou du crédit de la société, ou des pouvoirs qu’ils possèdaient, contraire à l’interêt de celle-ci » ;
» qu’il n’est pas établi non plus qu’ils aient voulu favoriser une autre entreprise et à cet égard, les conditions de la vente en juin 1977 de la Scierie de SAUMOS à la société ABCD n’appraraissent pas comme frauduleuses ou suspectes » ;
» qu’enfin, il n’est pas établi que X… qui paraissait parfaitement au courant de la situation ait pu être trompé par les inculpés » ;
» qu’il apparaît ainsi que les délits de présentation de faux bilan et d’abus de biens et de crédits de la société ou d’abus de pourvoir, ni aucune autre infraction, ne sont établis ni caractérisés en d l’espèce et que l’ordonnance de non-lieu doit être confirmée » ;
» alors qu’aux termes de l’article 575, 2ème alinéa, 5° du Code de procédure pénale, la partie civile est admise à se pourvoir en Cassation contre un arrêt de non-lieu rendu par la chambre d’accusation lorsqu’il a été omis de statuer sur un chef d’inculpation ; qu’en l’espèce, dans sa plainte du 6 juillet 1978, M. X…, président-directeur général de la société SPAEF, rappelait qu’en lui » remettant systématiquement des situations comptables dont il ne pouvait ignorer la fausseté dans le but de dissimuler la situation réelle de la SPAEF et apparemment de prolonger dans son intérêt personnel l’activité de cette société et les fonctions qu’il exerçait auprès d’elle, A…, sous réserve de toutes autres qualifications qui vous paraîtraient adéquates, a commis les délits prévus par les articles 437, 3° et 4° de la loi du 24 juillet 1966 » ; et que » Z… s’est fait indiscutablement son complice » ; que l’arrêt attaqué constate expressément que la situation comptable du 30 juin 1977 est » inexacte » ; qu’en omettant de rechercher si ces faits ne caractérisaient pas le délit de faux, la chambre d’accusation a violé l’article 593 du Code de procédure pénale » ;
Et sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 437 alinéa 2 de la loi du 24 juillet 1966, 575 et 593 du Code de procédure pénale ;
» en ce que l’arrêt attaqué a confirmé l’ordonnance de non-lieu ;
» aux motifs que » il y a lieu de rappeler que M. C…, commissaire aux comptes de la SPAEF, a signalé trois sortes d’irrégularités : le rehaussement fictif des stocks lors du bilan du 31 décembre 1976, la disparition de 548 m3 de bois tropicaux et de 230 m3 de bois de pays et les graves lacunes qui affectent l’état de situation du 30 juin 1977, démenti par la situation réelle déterminée par la FIDEX au 30 septembre 1977 ;
» qu’il a tout d’abord été vérifié par le SRPJ que la situation comptable inexacte du 30 juin 1977 n’a pas été présentée aux actionnaires ni publiée et que les faits ne peuvent caractériser le délit de présentation de faux bilan ; d’autre part, cette situation comptable n’a pas été produite et présentée aux banques pour tenter d’obtenir des prêts plus facilement ;
» que C… estime que l’inventaire figurant au bilan du 31 décembre 1976 a été fictivement rehaussé, ce qui a amené une surévaluation de l’actif d’environ 55 000 francs » ;
» » que les experts Y… et B… indiquent que le bilan du 31 décembre 1976 accuse une perte de 24 399 francs et soulignent partout des erreurs d’appréciation concernant les provisions pour fluctuation des cours, pour le compte client, et pour les dépréciations » ;
» que ces états mensuels sont des documents extra-comptables et que, même erronés, ils ne peuvent caractériser les infractions visées par la partie civile » ;
» que de plus, les experts indiquent que la situation dressée par la FIDEX n’est pas de nature à remettre en cause les indications des états mensuels » ;
» que les deux situations établies toutes deux par la FIDEX au 30 juin 1977 et au 30 septembre 1977 présentent elles-mêmes des différences notables dans leur élaboration » ;
» que les comptes arrêtés au 31 décembre 1977 accusent une perte de 3 395 554 francs et que cette perte a donc considérablement augmenté en trois mois, après le départ de A… et Z… » ;
» que les explications données à cet égard sont des plus diverses, à savoir erreur sur la valeur des bois, absence de provision pour dépréciation dans les bilans précédents, pertes et vices cachés, manque de trésorerie entraînant des ventes au rabais et le paiement des agios » ;
» que C… a pris en considération l’évaluation faite par D…, lequel explique qu’il ne s’est basé que sur un calcul théorique fondé sur l’état des stocks, des achats, des ventes et des pertes ; les experts expliquent le manquant par les causes qui déterminent habituellement de telles différences ;
» qu’il n’a pas été établi qu’il y ait eu détournement d’une perte de stock ;
» que la thèse avancée par la partie civile, à savoir les manoeuvres de A… et Z… qui auraient profité des difficultés financières de X… pour conduire la SPAEF à la liquidation des biens et en prendre personnellement le contrôle, n’est nullement confirmée par les éléments de l’information » ;
» qu’il n’est pas établi que les inculpés aient intentionnellement falsifié des bilans ou produit des faux états de situation, ou qu’ils aient fait en cela un usage des biens ou du crédit de la société, ou des pouvoirs qu’ils possèdaient, contraire à l’intérêt de celle-ci » ;
» qu’il n’est pas établi non plus qu’ils aient voulu favoriser une autre entreprise et à cet égard, les conditions de la vente en juin 1977 de la Scierie de SAUMOS à la société ABCD n’appraraissent pas comme frauduleuses ou suspectes » ;
» qu’enfin, il n’est pas établi que X… qui paraissait parfaitement au courant de la situation ait pu être trompé par les inculpés » ;
» qu’il apparaît ainsi que les délits de présentation de faux bilan et d’abus de biens et de crédit de la société ou d’abus de pourvoir, ni aucune autre infraction, ne sont établis ni caractérisés en l’espèce et que l’ordonnance de non-lieu doit être confirmée » ;
» alors qu’aux termes de l’article 575 alinéa 2, 5° du Code de procédure pénale, la partie civile est admise à se pourvoir en cassation contre un arrêt de non-lieu rendu par la chambre d’accusation lorsqu’il a été omis de statuer sur un chef d’inculpation ; que dans sa plainte, X…, président-directeur général de société SPAEF avait déclaré » qu’en rehaussant artificiellement la valeur du stock au 31 décembre 1976 « , A… et Z… avaient commis le délit prévu par l’article 437 de la loi du 24 juillet 1966 ; qu’en se bornant à énoncer qu’il n’était pas établi que les inculpés avaient intentionnellement falsifié des bilans sans rechercher si le chef d’inculpation » rehaussement artificiel de la valeur des stocks au 31 décembre 1976 » n’était pas susceptible de recevoir la qualification de délit de présentation d’un bilan inexact, la chambre d’accusation a violé l’article 593 du Code de procédure pénale » ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que pour confirmer l’ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre d’accusation, après avoir analysé l’ensemble des faits dénoncés dans la plainte de la partie civile appelante, a statué sur tous les chefs d’inculpation visés et énoncé les motifs dont elle a déduit que la preuve des délits reprochés à A… et à Z… n’était pas apportée ;
Attendu que les moyens de cassation proposés qui, sous le couvert d’une prétendue omission de statuer sur des chefs d’inculpation, se limitent à critiquer les motifs de fait et de droit retenus par les juges, ne contiennent aucun des griefs que l’article 575 du Code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l’appui de son pourvoi contre un arrêt de non-lieu de la chambre d’accusation en l’absence de pourvoi du ministère public ;
D’où il suit que les moyens ne sont pas recevables et que, par application du texte précité, le pourvoi est lui-même irrecevable ;
DECLARE le pourvoi IRRECEVABLE ;
Condamne la demanderesse aux dépens ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : MM. Le Gunehec président, Louise conseiller rapporteur, Morelli, de Bouillane de Lacoste, Jean Simon, Blin conseillers de la chambre, Mme Ract-Madoux, M. Maron conseillers référendaires, Mme Pradain avocat général, Mme Patin greffier de chambre ;
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.