Cour d’appel d’Orléans, Chambre commerciale, 12 juin 2008, 07/00109

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Cour d’appel d’Orléans, Chambre commerciale, 12 juin 2008, 07/00109

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS

Me Estelle GARNIER

la SCP LAVAL- LUEGER

la SCP DESPLANQUES DEVAUCHELLE

Me DAUDE

Me BORDIER

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Tribunal de Commerce de TOURS en date du 1er Décembre 2006

PARTIES EN CAUSE

APPELANT :

Monsieur José Y…, demeurant…

représenté par Me Estelle GARNIER, avoué à la Cour

D’UNE PART

INTIMÉS :

Société RIMOLDI NECCHI SRL prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège, société de droit italien, Via Montebello, 33-220 Olcella di Busto Garolfo- ITALIE

N’ayant pas constitué avoué.

Société NECCHI SPA prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège, société de droit italien, Via Montebello, 33-220 Olcella di Busto Garolfo- ITALIE

N’ayant pas constitué avoué.

Maître Francis Z…, pris en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SA RIMOLDI FRANCE, demeurant…

représenté par la SCP LAVAL- LUEGER, avoués à la Cour

ayant pour avocat la SCP COTTEREAU- MEUNIER- BARDON, du barreau de TOURS

Monsieur Guy B…, demeurant…

représenté par la SCP DESPLANQUES- DEVAUCHELLE, avoués à la Cour

ayant pour avocat Me Jean- François FERRAND, du barreau de BORDEAUX

Monsieur Fabrizio D…, demeurant… ITALIE

représenté par Me Jean- Michel DAUDÉ, avoué à la Cour

ayant pour avocat la SCP PAETZOLD ASSOCIES, du barreau de PARIS

Monsieur Sandro E…, demeurant… ITALIE

N’ayant pas constitué avoué.

Monsieur Maurizio F…, demeurant… ITALIE

N’ayant pas constitué avoué.

Monsieur Francisco H…, demeurant…

représenté par Me Elisabeth BORDIER, avoué à la Cour

ayant pour avocat Me Patricia SEIGLE, du barreau de LYON

MADAME LA PROCUREURE GENERALE,

D’AUTRE PART

DÉCLARATION D’APPEL EN DATE DU 12 Janvier 2007

DOSSIER RÉGULIÈREMENT COMMUNIQUÉ AU MINISTÈRE PUBLIC LE 5 mars 2008

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats et du délibéré :

Monsieur Jean- Pierre REMERY, Président de Chambre,

Monsieur Alain GARNIER, Conseiller,

Monsieur Thierry MONGE, Conseiller.

Greffier :

Madame Nadia FERNANDEZ, lors des débats et du prononcé de l’arrêt.

DÉBATS :

A l’audience publique du 24 AVRIL 2008, à laquelle, sur rapport de Monsieur RÉMERY, Magistrat de la Mise en Etat, les avocats des parties ont été entendus en leurs plaidoiries.

ARRÊT :

Lecture de l’arrêt à l’audience publique du 12 JUIN 2008 par Monsieur le Président REMERY, en application des dispositions de l’article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile.

EXPOSÉ DU LITIGE

La Cour statue sur les appels d’un jugement rendu le 1er décembre 2006 par le tribunal de commerce de Tours.

Un premier appel principal, enregistré sous le n° 07 / 00109, a été formé selon déclaration du 12 janvier 2007 par M. Y…. Un second appel principal a été formé le 15 janvier 2007 par Me Z…, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société anonyme Rimoldi France, et a été enregistré sous le n° 07 / 00121. Les deux appels ont été joints sous le 1er numéro par ordonnance du magistrat de la mise en état du 14 février 2007.

Pour l’exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions des parties signifiées et déposées les :

-8 août 2007 (par M. B…),

-4 septembre 2007 (par M. H…),

-5 février 2008 (par Me Z…),

-26 février 2008 (par M. D…),

-27 février 2008 (par M. Y…).

Dans le présent arrêt, il sera seulement rappelé ici que la société anonyme Rimoldi France, ayant pour activité l’importation, l’exportation, le montage, la transformation, la vente et la réparation de machines à coudre industrielles et de tous matériels pour l’industrie textile et du cuir, dont le siège est à Bléré (Indre- et- Loire), a été mise en liquidation judiciaire immédiate, sur déclaration de cessation de ses paiements, par jugement du tribunal de commerce de Tours du 29 mai 2001. Me K…, nommé liquidateur, a été remplacé par Me Z… le 10 décembre 2002.

Une mission d’investigation comptable ayant été confiée à M. L…, par décision du 15 juin 2001, et celui- ci ayant déposé son rapport le 30 avril 2002, Me Z…, sur la base de ce document, a fait assigner, par actes d’huissier de justice des 27, 30 juin, 2, 21 juillet et 20 octobre 2003- avec convocations pour audition faites par des actes postérieurs des 17, 19 août et 7 septembre 2004-, les huit personnes physiques et morales suivantes :

– M. B… (tenu pour président du 17 décembre 1990 au 28 mai 1995),

– M. D… (tenu pour président du 22 mai 1995 au 10 avril 2000),

– M. E… (tenu pour président du 10 avril 2000 au 7 mars 2001),

– M. F… (tenu pour président à partir du 15 mai 2001),

– M. H… (tenu pour directeur général du 1er janvier 1995 au 8 août 1999),

– M. Y… (tenu pour directeur général à partir du 7 juin 2000),

– société Necchi SpA (tenue pour holding du groupe Rimoldi, actionnaire de Rimoldi France),

– société Rimoldi Necchi Srl (tenue pour l’actionnaire principal de Rimoldi France).

Ces assignations avaient pour objet principal l’ouverture à l’égard de chacune des huit personnes désignées d’une procédure collective personnelle de liquidation judiciaire à titre de sanction, sur le fondement de l’article L. 624-5 ancien du Code de commerce et, à titre subsidiaire, leur condamnation solidaire à supporter, sur le fondement de l’article L. 624-3 ancien du même Code, l’insuffisance d’actif à concurrence de la somme de 2. 108. 431 €. Une mesure de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer était également requise à l’encontre de chacune des six personnes physiques.

L’affaire ayant été plaidée devant le tribunal de commerce de Tours le 3 juin 2005, celui- ci a prononcé un premier jugement le 3 mars 2006, par lequel il a retenu sa compétence à l’égard des dirigeants demeurant en Italie, qui la contestaient, mais a rouvert les débats en expliquant qu’à la date à laquelle il statuait, postérieure à l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2006, de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, il ne pouvait plus ouvrir une procédure de liquidation judiciaire à titre de sanction personnelle à l’encontre des dirigeants poursuivis. C’est dans ces conditions qu’à une nouvelle audience tenue le 3 novembre 2006, après un premier report de cause, Me Z… a demandé, à titre principal, la condamnation solidaire des huit personnes poursuivies à payer les dettes sociales à concurrence de la somme de 2. 497. 261, 60 €, sur le fondement de la nouvelle obligation aux dettes sociales prévue à l’article L. 652-1 nouveau du Code de commerce et, à titre subsidiaire, leur condamnation solidaire à supporter l’insuffisance d’actif de la société Rimoldi France à concurrence de la somme de 2. 108. 431 €, la faillite personnelle ou l’interdiction de gérer étant toujours requise contre les dirigeants personnes physiques.

Par le jugement déféré du 1er décembre 2006, le tribunal, après avoir retenu l’absence de prescription de l’action en obligation aux dettes sociales, a rejeté toutes les demandes formées à l’encontre de MM. H…, E…, B…, D… et F…, a condamné M. Y… à payer, au titre de l’obligation aux dettes sociales, à Me Villa la somme de 100. 000 € et a prononcé à son encontre une mesure d’interdiction de gérer d’une durée de 5 ans. Le jugement a également condamné solidairement, sur le même fondement de l’obligation aux dettes sociales, les deux personnes morales à supporter les dettes sociales à concurrence de 2. 000. 000 €. En outre, Me Z…, ès qualités, a été condamné à payer 6. 500 € de dommages- intérêts pour procédure abusive à M. B….

Appels ont été interjetés aux dates déjà indiquées, Me Z… reprenant l’ensemble de ses demandes présentées au premier juge.

En appel, chaque partie a développé les demandes et moyens qui seront analysés et discutés dans les motifs du présent arrêt.

La cause a été communiquée au procureur général.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du magistrat de la mise en état du 21 avril 2008, dont les avoués des parties ont été avisés.

A l’issue des débats, le président d’audience a indiqué aux parties que l’arrêt serait rendu le 12 juin 2008.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Sur la saisine de la Cour à l’égard des personnes non comparantes :

Attendu, en ce qui concerne les personnes morales, qu’il résulte des actes d’exécution de la signification des assignations à comparaître devant la cour d’appel d’Orléans qui leur étaient destinées, que l’autorité italienne chargée de la notification a simplement indiqué, à la date du 8 janvier 2008, que tant la société Necchi SpA que la société Rimoldi Necchi Srl se trouvaient en état de « faillite » ; qu’aucune tentative de notification n’a alors eu lieu, ainsi que le prouvent les attestations en retour délivrées conformément aux dispositions du règlement communautaire (CE) n° 1348 / 2000 du 29 mai 2000 ; que, dès lors, la Cour n’est pas saisie à l’égard des deux sociétés poursuivies ;

Attendu, en ce qui concerne les personnes physiques, qu’elles n’ont pas été touchées à leur personne, puisque, s’agissant de M. E…, le procureur de la République de Milan indique qu’après une tentative infructueuse de signification le 18 décembre 2007 à une première adresse, à Legnano, des informations ont permis d’effectuer la signification à une autre adresse de la même ville, où l’acte a pu être remis le 7 janvier 2008 à la fille (« figlia ») de l’intéressé, demeurant avec lui ; que, s’agissant de M. F…, le procureur de la République de Busto Arsizio atteste que l’acte a pu être remis à son épouse (« moglie ») le 17 décembre 2007 ; que, dès lors, le présent arrêt sera rendu par défaut à l’égard de MM. E… et F… ;

Sur l’obligation aux dettes sociales :

Sur la prescription de l’action, invoquée par MM. H…, Y… et D… :

Attendu, au préalable, qu’il sera relevé qu’en p. 6 de ses conclusions, Me Z… expose que la prescription serait invoquée par MM. H…, B… et D…, alors que l’examen des conclusions des autres parties démontre qu’elle est invoquée aussi par M. Y…, mais pas par M. B… ;

Attendu que l’action en obligation aux dettes sociales est soumise, par l’article L. 652-4 nouveau du Code de commerce, à un délai de prescription de trois ans à compter du prononcé de la liquidation judiciaire, soit en l’espèce le 29 mai 2001- et non 2002, comme il est parfois écrit par Me Z… (p. 6 de ses dernières conclusions)- ; que, plus de trois ans s’étant écoulés depuis cette date jusqu’au 3 novembre 2006, date à laquelle Me Z… a formé devant le tribunal une demande additionnelle en obligation aux dettes sociales, il considère que ses assignations initiales tendant à l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à titre de sanction personnelle, dont la première remonte au 27 juin 2003, ont préservé son action en obligation aux dettes sociales, faisant valoir exclusivement que cette action, comme la sanction à laquelle elle tend, se serait purement et simplement substituée à sa précédente demande, ce qu’a d’ailleurs jugé le tribunal ; que, cependant, s’il est exact que, depuis le 1er janvier 2006, il ne peut plus être ouvert de procédure collective à titre de sanction personnelle et que la nouvelle sanction de l’obligation aux dettes sociales est immédiatement applicable, il est inexact de soutenir que ces deux sanctions auraient le même but et que la seconde aurait remplacé, avec le même objet, la première ; que, non seulement, les deux sanctions n’obéissent pas aux mêmes conditions (ce ne sont pas tous les mêmes faits qui sont sanctionnés ; seule la liquidation judiciaire autorise l’application de l’obligation aux dettes sociales ; la faute reprochée doit avoir contribué à la cessation des paiements) mais que la finalité qui leur est assignée est différente ; qu’une demande tendant au paiement, même si ce paiement a pour objet des dettes sociales par un dirigeant de société est, en effet, distincte d’une demande en ouverture d’une véritable procédure collective à l’encontre de ce dirigeant ; que, par conséquent, l’assignation initiale tendant à cette ouverture n’a pu interrompre la prescription triennale de l’action en obligation aux dettes sociales, dont l’objet est différent ; que, certes, il pourrait être soutenu que le liquidateur judiciaire ne pouvant agir, avant le 1er janvier 2006, en obligation aux dettes sociales et qu’à cette date, le délai de prescription de trois ans était déjà consommé, cette impossibilité absolue d’agir devrait tenir en échec la prescription ; que, cependant, outre qu’en l’espèce, le liquidateur ne le soutient pas, c’est le législateur lui- même qui a décidé la suppression immédiate de l’ancienne sanction de l’ouverture d’une procédure collective, interdit qu’elle soit prononcée après le 1er janvier 2006 et prévu, à compter de cette date, l’application de la nouvelle sanction de l’obligation aux dettes sociales, mais avec un délai de prescription courant depuis le prononcé de la liquidation judiciaire ;

Que si Me Z… soutient aussi que l’assignation initiale en paiement de l’insuffisance d’actif aurait elle- même suffi à interrompre la prescription de la nouvelle action en obligation aux dettes sociales, il ne peut être suivi dans son argumentation pour les mêmes raisons, les deux actions n’ayant pas non plus le même objet, sauf à se demander pourquoi le législateur aurait pris le soin de les distinguer et d’interdire tout cumul entre elles ;

Qu’il résulte de ce qui précède que MM. H…, Y… et D… ne peuvent être condamnés aux dettes sociales sur le fondement de l’article L. 652-1 nouveau du Code de commerce ;

Sur la demande en tant qu’elle est dirigée, sur ce fondement, contre M. B…, comparant ;

Attendu que le moyen de la prescription ne pouvant être, selon le principe général posé à l’article 2223 du Code civil, suppléé d’office par le juge, et aucune solidarité n’existant, au regard de l’obligation aux dettes sociales, entre les dirigeants poursuivis à ce titre, dès lors qu’il n’appartient qu’au juge, en motivant sa décision, de les déclarer solidairement responsables, ce qu’ils ne sont pas de plein droit, il convient d’examiner la situation personnelle de M. B… sans égard au moyen tiré de la prescription qui, soulevé par ses co- intimés, ne peut lui profiter personnellement ;

Mais attendu que, sur le terrain de l’obligation aux dettes sociales seule ici examinée, le seul fait que Me Z… reproche à M. B…- lequel était président jusqu’en 1995 et a pris sa retraite cette année, sans jamais exercer postérieurement les fonctions de directeur général que lui prête le liquidateur (p. 24 de ses conclusions), M. L… précisant lui- même (p. 83 de son rapport) que M. B… a définitivement quitté l’entreprise le 28 février 1995- est la poursuite abusive, dans un intérêt personnel, d’une exploitation déficitaire ne pouvant conduire qu’à la cessation des paiements, ce fait étant prévu à l’article L. 652-1. 4° nouveau du Code de commerce ; que, cependant, si, pendant la gestion de M. B…, les pertes ont été importantes, de l’ordre de 7. 000. 000 FF à la fin de l’exercice 1994, et si M. B… percevait une rémunération annuelle de l’ordre de 600. 000 FF, la poursuite d’exploitation ne peut être jugée abusive, alors que la société mère italienne soutenait sa filiale française et que M. L… lui- même observe que les véritables difficultés ne sont apparues, après plusieurs années de stabilité du chiffre d’affaires et des résultats positifs, qu’en 1998-1999, époque où il situe (page 129 du rapport), et pas avant, la cessation des paiements («… l’état de cessation des paiements… était patent depuis 1999… »), le liquidateur, de son côté, n’établissant pas une cessation des paiements antérieure au 29 novembre 1999, date retenue par le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire ; que, dans ces conditions, il n’est pas possible d’affirmer que la poursuite d’activité par M. B… jusqu’en 1995 ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements et, encore moins, comme l’exige le texte de l’article L. 652-1 du Code de commerce, que la faute imputée à ce dirigeant aurait contribué à cette cessation des paiements, laquelle n’existera que près de quatre ans après le retrait de M. B…, alors que la situation de l’entreprise s’était plutôt redressée entre 1995 et 1999 ;

Qu’en conséquence, la sanction de l’obligation aux dettes sociales n’est pas, non plus, applicable à M. B… ;

Sur la demande, en tant qu’elle est dirigée, sur le fondement de l’article L. 652-1 du Code de commerce, à l’encontre de MM. E… et F…, non comparants

Attendu que, pour les mêmes motifs que ci- dessus, la prescription triennale ne peut être opposée à l’action exercée contre ces deux dirigeants ;

Que s’agissant de M. E…, il a été président du 10 avril 2000 au 7 mars 2001 ; que, certes, il semble ne s’être jamais intéressé à la gestion de Rimoldi France, société dont il n’aurait même jamais visité le site de Bléré (p. 89 du rapport L…), mais que, pour autant, le liquidateur judiciaire n’explicite pas précisément les faits qu’il lui reproche sur le terrain de l’obligation aux dettes sociales, se bornant à indiquer qu’il devait, en qualité de président, avoir une parfaite connaissance de la situation de la société Rimoldi France ; qu’il semble peut- être lui imputer les mêmes fautes qu’à M. Y…, directeur général durant la même période, c’est- à- dire celles qui ont justifié, d’après les motifs du jugement reproduits en page 13 des conclusions de Me Z…, la condamnation de ce dernier à supporter les dettes sociales à concurrence de 100. 000 € ; que Me Z…, à la fin de la page 13 de ses conclusions, qualifie ces faits essentiellement d’usage des biens sociaux contraire à l’intérêt de la société et de détournement d’actif et met principalement en exergue deux faits, savoir, peu de temps avant le dépôt de la déclaration de cessation des paiements, la création, en avril 2001, par M. Y…, sur instructions de M. A…, président de la holding italienne, d’une filiale algérienne, la société Rimoldi Maghreb à laquelle auraient été transférés des actifs (p. 11 du rapport L…) et le détournement concomitant de la clientèle au profit d’un ancien concurrent, la société Pfaff France Industrie qui, après rapprochement avec le groupe Rimoldi, aurait repris, en France, la distribution des produits de celui- ci ; que, cependant, il ne résulte de ces faits aucune démonstration positive que M. E…, qui avait cessé ses fonctions en avril 2001 et qui, auparavant, le 25 mai 2000, avait délégué tous ses pouvoirs à M. Y… (annexe 65 du rapport L…), aurait participé, comme M. Y…, à l’usage et au détournement invoqués ; qu’il n’y a pas lieu de lui appliquer la sanction de l’obligation aux dettes sociales ;

Que, s’agissant de M. F…, il sera relevé qu’il n’a été nommé président de la société Rimoldi France que le 15 mai 2001 (p. 88 et 89 du rapport L…) et qu’il a fait déposer la déclaration de cessation des paiements dix jours après ; que dans ce très court laps de temps, Me Z… semble lui reprocher plus précisément- en renvoyant, comme ci- dessus, à la situation de M. Y…- le fait, relevé par M. L… (p. 89 de son rapport), d’avoir organisé, dans la perspective imminente du dépôt de la déclaration de cessation des paiements, le transfert rapide et sans bourse délier de stocks et matériels, via la société Rimoldi Maghreb, aux sociétés italiennes du groupe, qualifiant ce fait de détournement ou de dissimulation d’actif au sens de l’article L. 652-1, 5°, du Code de commerce ; que, cependant, à supposer démontré le rôle de M. F…, le texte, en son début, exige que la faute qui lui est imputée ait contribué à la cessation des paiements elle- même, ce qui apparaît impossible à retenir à son encontre dans la mesure où la cessation des paiements est très antérieure à la très courte période pendant laquelle M. F… a dirigé l’entreprise, M. L… estimant lui- même (p. 89 du rapport) son rôle non déterminant ; qu’il n’y a donc pas lieu de lui appliquer la sanction de l’obligation aux dettes sociales ;

Sur le paiement de l’insuffisance d’actif, demandée à titre subsidiaire :

Attendu qu’aux termes de l’article L. 652-1, dernier alinéa, du Code de commerce, dans les cas visés par ce texte, il ne peut être fait application des dispositions de l’article L. 651-2 du même Code, qui définit les conditions de la responsabilité pour insuffisance d’actif ; que, certes, ce dernier texte n’est pas lui- même applicable aux procédures collectives en cours, ainsi qu’en dispose l’article 191, 5°, de la loi de sauvegarde des entreprises, au titre de ses dispositions transitoires, mais que, la sanction de l’obligation aux dettes sociales étant elle- même immédiatement applicable, cela implique que, dans les cas visés aux 1° à 5° de l’article L. 652-1 du Code de commerce, il n’est pas possible, comme le soutiennent les intéressés, d’examiner les mêmes faits au regard d’une demande subsidiaire de paiement de l’insuffisance d’actif, si de tels faits sont constitutifs d’un cas d’obligation aux dettes sociales, mais que cette sanction ne peut être prononcée en raison de la prescription ; qu’autrement dit, ne peuvent être qualifiées de simples fautes de gestion, de nature à justifier la condamnation des dirigeants au paiement de l’insuffisance d’actif, des faits qui, en l’absence de prescription, constitueraient l’un des cinq cas visés par l’article L. 652-1 du Code de commerce ;

Qu’en ce qui concerne M. Y…, auquel Me Z… ne reproche, comme l’indiquent d’ailleurs ses conclusions (p. 13, en bas), que des faits entrant dans les prévisions des 1°, 3° et 5° de l’article L. 652-1 nouveau du Code de commerce et qui, effectivement, relevaient des catégories de faits visées par ces textes (disposition des biens de la société comme des siens propres ; usage des biens de la société Rimoldi France contraire à l’intérêt de celle- ci pour favoriser la société Rimoldi Maghreb, dont il a été le gérant et le seul associé à l’époque considérée ; détournement d’actif au profit de celle- ci et, à travers elle, des sociétés italiennes du groupe Rimoldi Necchi), aucune faute de gestion distincte ne peut être relevée, celle consistant à avoir eu simplement connaissance de la surfacturation des produits Rimoldi Necchi par les sociétés italiennes à la société française et de n’être pas intervenu pour faire cesser (d’une manière que le liquidateur ne définit d’ailleurs pas) cette pratique sur laquelle il avait peu de prise n’étant pas suffisamment grave, dans le contexte, pour justifier une sanction personnelle ; qu’il sera également relevé que le liquidateur ne reproche pas à M. Y… personnellement le système de facturation anticipée qui sera examiné plus avant ; qu’il y a donc lieu d’infirmer le jugement en ce qui concerne M. Y… ;

Qu’en ce qui concerne MM. H… et D…, ne peuvent, pour les mêmes motifs, être examinés, comme ces derniers l’indiquent justement, les faits qualifiés de poursuite abusive d’une exploitation déficitaire et d’usage des biens sociaux contraire à l’intérêt de la société Rimoldi France, mais exclusivement les fautes de gestion tenant à la comptabilité de la société et à la non- déclaration, dans le délai légal, de la cessation des paiements ; que, s’agissant, plus particulièrement, de la tenue des documents comptables, le seul fait que les archives comptables informatiques n’ont pu toutes être exploitées parce que des codes d’accès avaient été égarés ne démontre pas l’existence d’une faute de gestion et, en tout cas, ne justifie pas le prononcé d’une sanction ; que, de même, le seul fait que seuls manquaient- ou plus exactement, n’ont pu être remis à M. L…-, dans une comptabilité certifiée par un commissaire aux comptes, que les livres d’inventaire et journal n’établit pas nécessairement l’inexistence de ces documents, mais plus sûrement le fait qu’ils n’ont pas été retrouvés après l’ouverture de la liquidation judiciaire, M. L… ayant cependant eu accès, comme le montre son rapport, à des archives comptables très abondantes qui lui ont permis d’effectuer ses investigations ; que, par ailleurs, s’il est exact que la société Rimoldi France, sur instructions de sa holding italienne, enregistrait son stock de pièces détachées suivant une méthode comptable non admise (LIFO, last in, first out), au dernier coût d’achat, le liquidateur n’indique pas l’influence réelle que l’emploi de cette méthode aurait pu avoir sur les comptes de l’entreprise et sa contribution à l’insuffisance d’actif ; qu’en tout état de cause, elle n’est significative dans son résultat par rapport aux autres qu’en période de forte inflation et qu’en l’espèce, sur la période considérée, son incidence a donc été marginale, non de nature, par conséquent, à justifier une sanction personnelle ; que le seul grief sérieux tient donc ici à l’existence de fausses factures ou, plus précisément, de factures émises, à partir de 1996 et surtout 1997, par anticipation puis ensuite annulées, dont les dirigeants visés ont tous expliqué qu’elle avait pour objet de présenter à la société mère une situation acceptable, en accroissant artificiellement le chiffre d’affaires de Rimoldi France pour masquer ses pertes réelles ; que si M. D…, qui demeurait en Italie, n’a eu connaissance que tardivement de cette pratique douteuse, qui lui était cachée par un « reporting » trompeur, et y a mis un terme, comme il l’a indiqué lors de son audition par le tribunal, sans être sérieusement contesté, le tribunal a, pour sa part (p. 10 du jugement), retenu, pour exonérer également M. H…, « que… les factures anticipées au cours d’un exercice étant systématiquement annulées par des avoirs au cours de l’exercice suivant, il n’est pas démontré que ce système, aussi répréhensible soit- il, ait contribué à l’insuffisance d’actif » ; que cette preuve n’est pas davantage rapportée en appel, puisque le liquidateur n’indique pas en quoi M. H…, qui est à l’origine de cette pratique, poursuivie par M. Y…- lequel n’est pas spécialement critiqué pour cela, alors que sa situation est la même, mais qui souligne quand même que l’impact de l’anticipation de la facturation « n’était que de la marge »- aurait ainsi contribué à l’insuffisance d’actif, Me Z… indiquant seulement, et à juste titre, que la pratique dénoncée avait pour résultat de créer, mais seulement temporairement, un chiffre d’affaires fictif et de présenter une situation non fidèle des comptes, ce qui n’établit pas que cette pratique serait à l’origine, fût- ce partiellement, de la différence entre l’actif réel et le passif réel ; que, dans ces conditions, il n’y a pas lieu de retenir cette faute à l’appui d’une sanction personnelle à l’encontre de MM. H… et D… ;

Que s’agissant de la non- déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal, ce grief, que le tribunal n’avait pas retenu à l’encontre de M. Y…, n’est pas, non plus, avancé à l’encontre de ce dernier en appel, mais seulement à l’appui de la demande d’infirmation du jugement en ce qui concerne MM. H… et D… ; que, cependant, le premier ayant cessé, de fait, en raison d’une grave maladie, ses fonctions de directeur général en août 1999 et aucune démonstration n’ayant été faite, comme il a déjà été dit, de ce que la date de cessation des paiements serait réellement antérieure au 29 novembre 1999, M. H… n’est pas concerné ; que, dans ces conditions, et alors que n’est retenue ni la responsabilité de M. H…, ni celle de M. Y… qui lui a succédé, pourtant tous deux chargés de la direction effective et opérationnelle de l’entreprise, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu, non plus, de sanctionner M. D… pour cela, d’autant plus que, même s’il ne s’est pas particulièrement investi dans la gestion sociale, des informations essentielles lui ont été cachées ;

Attendu, s’agissant de M. B…, que les cas d’obligation aux dettes sociales ayant été examinés et écartés, et la non- déclaration de la cessation des paiements ne lui étant pas reprochée- et pouvant difficilement l’être, puisque postérieure de plusieurs années à son retrait- les seuls griefs le concernant, à l’exclusion de tout problème de facturation apparue en 1997, touchent à la prétendue non- tenue des livres d’inventaire et journal et au choix de la méthode de valorisation du stock de pièces détachées que la Cour n’a pas pris en considération ; qu’en conséquence, aucune sanction ne sera prononcée à son encontre ;

Attendu, en ce qui concerne MM. E… et F…, que le liquidateur leur imputant expressément les mêmes fautes de gestion qu’à M. Y… (p. 28 des conclusions de Me Z…), c’est- à- dire, hors cas d’obligations aux dettes sociales déjà vus, l’abstention à faire cesser la surfacturation à la société Rimoldi France par le groupe, cette faute est insuffisante, comme pour M. Y…, à justifier le paiement de l’insuffisance d’actif ;

Sur la faillite personnelle ou l’interdiction de gérer :

Attendu que la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de prononcer une telle sanction à l’encontre de quiconque, dans le contexte de l’affaire, parfaitement analysée par le tribunal ; qu’en effet, ce sont les sociétés italiennes du groupe et leurs dirigeants, qui ne sont pas ici en cause, qui sont, pour l’essentiel, à l’origine, par la politique pratiquée à l’égard de leur filiale française, des difficultés rencontrées par celle- ci, la « complicité » des dirigeants locaux étant accessoire ;

Sur les demandes accessoires :

Attendu que c’est à juste titre que le tribunal a condamné Me Z…, ès qualités, à payer à M. B… la somme de 6. 500 € de dommages- intérêts pour procédure abusive ; qu’en effet, il est assez incompréhensible qu’après les indications fournies par M. L… et l’intéressé lui- même, le liquidateur ait engagé et maintenu, jusque devant la cour d’appel, une action à l’encontre de ce dirigeant, en persistant inexactement, alors qu’il en était informé, à affirmer péremptoirement que M. B… avait exercé les fonctions de directeur général de Rimoldi France de 1995 à 2000 ; que cette disposition du jugement sera confirmée ;

Que les dépens seront passés en frais privilégiés de liquidation judiciaire ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

STATUANT en dernier ressort, publiquement, contradictoirement à l’égard de Me Z…, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Rimoldi France, et de MM. H…, B…, Y… et D…, et par défaut à l’égard de MM. E… et F… ;

SE DÉCLARE non saisie à l’égard des sociétés Necchi SpA et Rimoldi Necchi Srl ;

INFIRMANT partiellement le jugement entrepris :

DÉCLARE prescrite et irrecevable l’action en obligation aux dettes sociales à l’encontre de MM. H…, Y… et D… ;

REJETTE la demande en obligation aux dettes sociales formée à l’encontre de MM. E…, B… et F… ;

REJETTE la demande subsidiaire en paiement de l’insuffisance d’actif formée à l’encontre de MM. H…, E…, B…, Y…, D… et F… ;

REJETTE toute demande de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer à l’encontre de ces six dirigeants ;

CONFIRME le jugement en ce qu’il a condamné Me Z…, ès qualités, à payer la somme de 6. 500 € à M. B… à titre de dommages- intérêts pour procédure abusive et

REJETTE la demande d’augmentation de ces dommages- intérêts ;

ORDONNE l’emploi des dépens de première instance et d’appel en frais privilégiés de liquidation judiciaire ;

VU l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, CONDAMNE Me Z…, ès qualités, à payer à M. B… la somme de 5. 000 € par application de ce texte, en remboursement global de ses frais hors dépens exposés aux deux degrés de juridiction,

MAIS REJETTE toute autre demande présentée sur ce fondement ;

ET le présent arrêt a été signé par M. Rémery, Président, et Mme Fernandez, Greffier ayant assisté au prononcé de l’arrêt.


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