Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 6 décembre 2005, 02-16.912, Inédit

·

·

Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 6 décembre 2005, 02-16.912, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Donne acte à M. X… de ce qu’il se désiste de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre M. Y… ;

Attendu, selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 17 février 2000 et 18 avril 2002), que MM. Z… et A…, Mmes B…, C…, D…, E… et F…, médecins, ainsi que M. et Mme G…, dans l’intérêt de leur fils M. G…, médecin, ont souscrit un certain nombre d’actions de la société anonyme Clinique Monticelli à l’occasion d’une augmentation de capital de cette société ;

que celle-ci qui faisait partie d’un groupe de sociétés dénommé Euroclinik dont la société holding, du même nom, détenait une part de son capital, a fait l’objet d’une extension de la procédure de redressement judiciaire de la société Euroclinik, avec confusion des masses actives et passives ;

que soutenant que M. X…, commissaire aux comptes de la société Monticelli avait commis des fautes de négligence, dans le cadre de l’établissement du rapport spécial en vue de l’augmentation de capital et de la suppression partielle du droit préférentiel de souscription, les médecins souscripteurs de l’augmentation de capital, ainsi que M. et Mme G…, l’ont assigné en réparation ; que M. X… a appelé en garantie les administrateurs de la société, dont, notamment, M. H… ; que le tribunal a rejeté toutes les demandes ; que par un arrêt avant-dire droit du 17 février 2000, la cour d’appel a, notamment, reçu en la forme l’appel incident de Mme D… requalifié en appel principal et ordonné une expertise ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X… reproche à l’arrêt rendu sur le fond de l’avoir condamné à payer aux souscripteurs d’actions le montant des sommes souscrites, augmenté des intérêts au taux légal à compter de l’exploit introductif d’instance, avec anatocisme, ainsi que les intérêts des emprunts contractés pour financer cette souscription, alors, selon le moyen :

1 / que la discordance avérée entre la réalité et les comptes certifiés par le commissaire aux comptes ne caractérise pas à elle seule une faute engageant la responsabilité civile de ce dernier, en l’absence d’une négligence quant aux contrôles et vérifications ; que pour condamner M. X… à indemniser les souscripteurs de leur préjudice, l’arrêt retient que le commissaire aux comptes a l’obligation de s’assurer par tous moyens de vérification et de contrôle utiles de l’exactitude et la sincérité des éléments fondant la proposition de suppression du droit préférentiel de souscription en sorte qu’une discordance avérée entre la réalité et les comptes certifiés suffit à engager sa responsabilité civile, ce qui est le cas en l’espèce selon le rapport d’expertise ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé l’article 234 de la loi du 24 juillet 1966 ;

2 / que le commissaire aux comptes agissant tant dans le cadre du rapport spécial rédigé en cas d’augmentation de capital dans une société anonyme avec suppression du droit préférentiel de souscription, qu’au titre de sa mission générale n’est tenu que d’une obligation de moyens, sa responsabilité ne pouvant être engagée qu’en cas de faute prouvée ; que pour le condamner à indemniser les souscripteurs de leur préjudice, l’arrêt retient que l’expertise judiciaire a permis de constater qu’il ne rapportait pas la preuve de l’accomplissement des vérifications et contrôles lui incombant ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel qui a exigé de l’expert comptable qu’il rapporte la preuve de ses diligences et donc de son absence de faute, a inversé la charge de la preuve et a violé les articles 1315 du Code civil et 234 de la loi du 24 juillet 1966 ;

3 / que le commissaire aux comptes est responsable des conséquences dommageables des fautes commises dans l’exercice de ses fonctions, consistant notamment en l’insuffisance des contrôles et vérifications lui incombant ; que pour retenir sa responsabilité, l’arrêt se borne à énoncer que si ce dernier avait effectué les contrôles et vérifications, il aurait pu déceler l’évolution préoccupante de la SA Monticelli ; qu’en statuant ainsi, sans préciser en quoi consistaient les contrôles et vérifications dont l’absence lui était reprochée, la cour d’appel a privé da décision de base légale au regard de l’article 234 de la loi du 24 juillet 1966 ;

4 / que seul le préjudice réel et certain peut être indemnisé ;

qu’il ressort des constatations de l’arrêt, que ce n’est que postérieurement à la mise en redressement judiciaire que l’indisponibilité des fonds a présenté un caractère préjudiciable pour les souscripteurs dès lors qu’antérieurement, ces derniers ont bénéficié de la possibilité d’exercer au sein de la clinique en contrepartie du règlement opéré par les souscriptions d’actions, opérations indivisibles de la conclusion des contrats d’exercice privilégié ; qu’en le condamnant au remboursement de la totalité du montant des souscriptions, ainsi que les intérêts des emprunts, alors qu’il ressortait de ses propres constatations que l’opération litigieuse avait pour partie bénéficié aux souscripteurs, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales qui s’en évinçaient et a violé les articles 1382 du Code civil et 234 de la loi du 24 juillet 1966 ;

5 / que seul le préjudice actuel et certain peut être indemnisé ; que pour fixer au montant de la souscription le préjudice subi par les demandeurs, l’arrêt se borne à relever que ces derniers ont souscrit les actions en pure perte puisque la société Monticelli s’est trouvée en redressement judiciaire par suite de l’extension de la procédure collective ouverte à l’encontre de la société Euroclinik et qu’il n’est pas soutenu qu’elle aurait permis le redressement de la situation de la société plutôt que leur liquidation sans récupération d’un quelconque boni pour quiconque ; qu’en statuant ainsi, par des motifs ne caractérisant pas la perte par les souscripteurs de la totalité de leurs apports, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 234 de la loi du 24 juillet 1966 et 1382 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que l’arrêt relève qu’il est établi par les pièces communiquées et l’expertise que M. X… a certifié exacts des comptes et donné un avis sur la proposition de suppression du droit préférentiel de souscription des actionnaires de la société Clinique Monticelli et les éléments de calcul du prix d’émission des nouvelles actions ayant abouti à une valorisation de 1 400 francs l’action, alors que ces comptes étaient faux ; qu’il ajoute qu’il ressort de l’expertise judiciaire qu’il n’existe aucune trace de notes relatives aux contrôles effectués par M. X… et que les vérifications et contrôles, s’ils avaient été effectués, auraient permis à ce dernier de déceler sans difficulté particulière l’évolution préoccupante de la société Monticelli, ainsi que de la société Pasteur ; qu’en l’état de ces constatations et énonciations, dont il ressort que M. X… avait, à tout le moins, commis des négligences sans lesquelles il aurait décelé d’importantes anomalies des comptes et qui étaient constitutives d’une faute, la cour d’appel, appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, sans inverser la charge de la preuve et sans encourir les griefs de la cinquième branche a par ces seuls motifs, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche, pu statuer comme elle a fait ;

Attendu, en deuxième lieu, que l’arrêt retient que le préjudice causé par M. X… aux souscripteurs résulte du fait que ceux-ci ont acquis les actions de la société Monticelli en pure perte, puisque les procédures collectives ouvertes pour la société mère de cette dernière, ainsi que l’une de ses filiales, lui ont été étendues, avec confusion des masses actives et passives, sans qu’il soit soutenu que ces procédures auraient permis un redressement de la situation des sociétés concernées plutôt que leur liquidation sans récupération d’une quelconque somme pour quiconque ; qu’en l’état de ces constatations et énonciations, dont il résulte que le préjudice résultait de la souscription d’actions en pure perte, sans que la possibilité d’exercer dans la clinique Monticelli pendant quelques mois soit de nature à remettre en cause l’étendue de ce préjudice, la cour d’appel appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, a pu statuer comme elle a fait ;

Attendu, en troisième lieu, qu’il ne résulte ni de l’arrêt ni des pièces de la procédure que tandis que les demandeurs indiquaient que leur préjudice était causé par le montant du remboursement des emprunts qu’ils ont dû conclure pour pouvoir acquérir les actions de la société Monticelli, ainsi que des intérêts produits par ces emprunts, M. X… a soutenu devant la cour d’appel que leur préjudice ne serait pas équivalent à la perte de leurs apports ; que le grief est donc nouveau, mélangé de fait et de droit ;

D’où il suit que le moyen irrecevable en sa cinquième branche, n’est pas fondé pour le surplus ;

Sur le deuxième moyen, après avertissement délivré aux parties :

Attendu que M. X… reproche à l’arrêt avant dire droit, du 17 février 2000, d’avoir déclaré recevable l’appel de Mme D…, alors selon le moyen :

1 / que lorsque le jugement n’a pas été notifié dans le délai de deux ans de son prononcé, la partie qui a comparu n’est plus recevable à exercer un recours à titre principal après l’expiration dudit délai ; que pour déclarer recevable l’appel formé par Mme D… le 5 août 1999, à l’encontre du jugement rendu le 15 décembre 1994, l’arrêt retient que ce recours doit être requalifié en un appel principal dont il n’appartient pas à la cour d’appel d’apprécier la recevabilité en l’absence de signification invoquée par les parties et d’exploit de signification versé aux débats ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu’il lui en était fait obligation, si en l’absence de signification de la décision de première instance l’appel n’était pas irrecevable pour n’avoir pas été régularisé dans le délai de deux ans à compter du jugement, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 528-1 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que la fin de non recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel principal par voie de conclusions présente un caractère d’ordre public et doit donc être soulevé d’office par les juges ; que pour déclarer recevable l’appel de Mme D…, formé par voie de conclusions, l’arrêt retient que la cour d’appel n’a pas à discuter d’office la régularité de l’appel réalisé par voie de conclusions, lesquelles comportent les mentions prévues par l’article 901 du nouveau Code de procédure civile ;

qu’en statuant ainsi, alors que l’appel principal formé par voie de conclusions est irrecevable et qu’il appartient aux juges du fond de soulever d’office ce moyen d’ordre public, la cour d’appel a violé les articles 900 et 125 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / alors que le juge doit en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que pour déclarer recevable l’appel formé par Mme D…, la cour d’appel retient qu’il convient de requalifier l’appel provoqué en appel principal et qu’il ne lui appartient pas de discuter d’office de la recevabilitté de l’appel tant quant à la forme que quant au délai en l’absence d’acte de signification ; qu’en statuant ainsi, sans inviter les parties à débattre contradictoirement sur les conséquences de la requalification de l’appel provoqué quant à la recevabilité de l’appel, l’arrêt a méconnu l’article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l’appel incident peut émaner, sur l’appel principal ou incident qui le provoque, de toute personne, même non intimée, ayant été partie en première instance, que cet appel peut être formé en tout état de cause, alors même que celui qui l’interjetterait serait forclos pour agir à titre principal et qu’il est recevable dès lors que l’appel principal l’est lui-même ;

Attendu que Mme D… ayant été partie en première instance, l’appel qu’elle a formé était un appel incident provoqué qui pouvait être formé en tout état de cause et par voie de conclusions ; que par ce motif de pur droit substitué à ceux critiqués, la décision déférée se trouve justifiée ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Et sur les troisième et quatrième moyens réunis :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ces moyens, pris, pour le premier, d’une violation des articles 1382 du Code civil et 234 de la loi du 24 juillet 1966, devenu l’article L. 225-241 du Code de commerce et, pour le second, d’une violation de l’article L. 225-254 du Code de commerce qui ne seraient pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X… aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X…, le condamne à payer à MM. Z… et A…, à Mmes I…, J…, K…, veuve G…, F… et D…, ainsi qu’aux héritiers de M. G… la somme globale de 2 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille cinq.


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x