Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 30 janvier 2002, 00-30.109, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 30 janvier 2002, 00-30.109, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente janvier deux mille deux, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE et BRIARD et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

– X… Michel,

– X… Michèle,

contre l’ordonnance du président du tribunal de grande instance de MONTPELLIER, en date du 20 mars 2000, qui a autorisé l’administration des Impôts à effectuer des opérations de visite et saisie, en vue de rechercher la preuve d’une fraude fiscale ;

Vu les mémoires produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l’article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;

 » en ce que l’ordonnance attaquée a autorisé MM. Y…, inspecteur principal, Michel Z…, Jean-Luc A…, Jacques B…, Daniel C…, Bertrand D…, Bernard E…, Françoise F…, Eve G…, inspecteurs, en résidence à la direction nationale d’enquête fiscales, brigade d’intervention interrégionale de Paris-Centre, 6 bis, rue Courtois à Pantin (93) pour les six premiers, à la direction des services fiscaux de l’Hérault, brigade de contrôle et de recherches 22, rue de Claret (34000) Montpellier pour les septième et huitième, à la direction des vérifications nationales et internationales, 3ème brigade de vérification des comptabilités informatiques 6 bis, rue Courtois à Pantin (93) pour le dernier, après avoir énoncé qu’avaient été soumises au président du tribunal les habilitations nominatives des inspecteurs susvisés, pour procéder à la visite et des saisies dans des locaux et des dépendances occupés par M. et Mme X… au… (34) ;

 » alors qu’il résulte de l’énumération exhaustive constatée dans l’ordonnance qu’ont été soumises à l’appréciation du juge de l’autorisation 34 pièces (ord., p. 2 à 7), au nombre desquelles ne comptent pas les habilitations nominatives des inspecteurs des Impôts ; qu’en énonçant, néanmoins, dans son dispositif que ces habilitations lui avaient été soumises, le président du tribunal a entaché sa décision de contradiction dans ses constatations de fait, privant la Cour de Cassation de pouvoir exercer son contrôle, en violation de l’article L. 16 B du Livre des procédures fiscales  » ;

Attendu que les pièces énumérées dans l’ordonnance ne concernent que les documents produits par l’Administration pour justifier des présomptions de fraudes invoquées à l’appui de sa requête ;

Attendu que le juge en énonçant ensuite dans le dispositif que les copies des habilitations nominatives des agents autorisés lui avaient été présentées, a satisfait aux exigences légales, sans entacher sa décision de contradiction dans ses constatations de fait ;

Que le moyen ne peut qu’être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l’article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;

 » en ce que l’ordonnance attaquée a autorisé les agents de la direction générale des Impôts à procéder à la visite et à des saisies dans les locaux et dépendances occupés par M. ou Mme Michel X… au… (34) ;

 » aux motifs que les époux X… ont fait l’objet, dans le cadre de vérifications de comptabilité portant sur les exercices 1991 à 1994 de sociétés dont ils étaient les principaux actionnaires, de redressements ayant pour origine le solde débiteur que présentaient leurs comptes courants au sein de ces sociétés ;

qu’un dénommé Michel X… figure sur l’annuaire de Genève au… avec le numéro de téléphone… (pièce n° 1) ; qu’à cette adresse, est également répertorié la société MB (n 840 26 64) dirigée par Michel X… et Mme Michèle X… tous deux de Paris, selon les indications recueillis par l’interrogation des banques de données (pièce n° 1) ; que la société Médecine Beauty SA au sein de laquelle Michel X… et Michèle X… apparaissent comme directeurs, était précédemment dénommée MB SA, et a été créée le 26 mars 1996 (pièce n° 1) ;

qu’elle a pour objet la conception, la mise au point, la distribution et la commercialisation de produits naturels (pièce n° 1) ; que son siège est situé avenue Cardinal Mermillot 6-1227 Carouge (Suisse) (pièce n° 1) ; que, pour ce motif, la première dénomination de la société, soit SA MB peut aussi correspondre aux initiales de Michel X… ; qu’Alain H… est le représentant légal de la société Médecine Beauty SA (pièce n° 1) ; que, toutefois, ce dernier apparaît comme administrateur dans 30 sociétés de droit helvétique (pièce n° 1) ; qu’il peut donc être présumé qu’Alain H… agit en tant que prête nom pour le compte de M. et Mme X… ; que l’adresse du siège correspond à une fiduciaire, soit une société de domiciliation (pièce n° 1) ; que, dès lors, la société Médecine Beauty est présumée ne disposer d’aucun moyen matériel et humain en Suisse ; que la consultation du site Internet de la société Médecine Beauty a également permis de découvrir deux numéros de téléphone, 08 03 33 39 99 et 04 50 31 80 80 attribués à Médecine Beauty Swiss, au 23, rue René Cassin à Aillard-74- (pièces n° 5 et 5) ; que, selon l’annuaire électronique 3611, Médecine Beauty dispose à cette adresse de services administratifs et commerciaux (service conseils consommateurs, service commandes, facturation achats, service qualité) (pièce n° 6) ; qu’à cette adresse existe une boîte à lettres aux noms de Service Conseil-Médecine Beauty-et B. Design SA selon les constatations effectuées le 30 mars 1999 de Jean-Pierre I… contrôleur principal des Impôts et rapportées dans une attestation qu’il a signée (pièce n° 7) ; que par courrier, en date du 13 septembre 1996, la compagnie d’expertise comptable et de gestion Arfeuille, a présenté la société Service Conseil, comme candidate à la représentation fiscale en France de la SA Médecine Beauty et a joint un extrait Kbis, en date du 29 août 1996 de la SARL Services Conseils, société dont la gérante est Mme J… née K… Véronique (pièce 8) ; qu’en juin 1998, la représentation fiscale a été prise en charge par l’EURL Médecine Beauty Swiss (pièce n° 9) ; que, lors de l’assemblée générale de l’EURL Médecine Beauty Swiss, en date du 1er septembre 1998, il a été décidé d’une nouvelle dénomination sociale, soit  » INFOTEX  » (pièce n° 10) ; que la procédure de contrôle à la facturation menée au sein de la SARL Top Action a révélé l’existence de deux factures n° 356 et 444 des 31 octobre 1997 et 30 novembre 1997 émises par la SARL Top Action à destination de la société Médecine Beauty, 6, avenue Cardinal Mermillot-1227 Carouge-Genève, mentionnant de manière abusive de la TVA (pièce n° 19) ; qu’interrogée sur la facture n° 444, Françoise Labigne, gérante de la SARL Top Action, a déclaré que l’activité de vente par correspondance de la société Médecine Beauty se faisait à partir de la France (pièce n° 19) ; que les recherches effectuées par le CERDOC de la direction régionale des douanes du Leman concernant le trafic marchandises entre la France et la Suisse se sont révélés négatives s’agissant de la société Médecine Beauty, ce qui tend à démontrer qu’elle développe la totalité de ses activités à partir du territoire national (pièce n° 20) ;

qu’ainsi, ces éléments permettent de présumer que la société helvétique Médecine Beauty a réalisé en France des activités professionnelles (…) ; que Michel X… et Michèle X… née K… demeurent au… à Paris 17ème (pièce n 2-2) ; que M. et Mme X… sont titulaires de onze comptes bancaires, dont neuf sont domiciliés… à Paris 17ème ou… 34130 Mauguio (pièce n° 2-2) ; qu’à cette dernière adresse, M. et Mme X… occupent des locaux pour une surface totale de 95 m (pièce n° 21) ; qu’au 17 mai 1999 et suite aux nombreux contrôles fiscaux dont ils ont fait l’objet ainsi qu’aux vérifications de la SA Naturellement et de la SA Vitamin System, M. et Mme Michel X… étaient redevables de la somme de 12 838 546, 50 francs auprès de la trésorerie principale du 17ème arrondissement (pièce n° 3) ; que les sociétés Médecine Beauty, B. Design, Stylum, Bodywell, Bodywell Ltd, Bodywell Gmbh, ne souscrivent pas de déclaration de résultat auprès du centre des impôts des non-résidents (pièce n° 4) ; que seule l’existence de présomptions est exigée par l’article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ; qu’il ressort ainsi de l’ensemble de ces constatations des présomptions selon lesquelles les sociétés SA Medecine Beauty (Suisse), SA B. Design (Suisse), SA Stylum (Suisse), SA Bodywell (Suisse), Bodywell Limited (Grande-Bretagne), Bodywell Gmbh (Autriche), SA Mardis 154, rue Guynemer à Mauguio (Hérault), se soustraient à l’établissement et au paiement de l’impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), en se livrant à des achats ou à des ventes sans factures, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles, en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code général des impôts (54 et 209-1 pour l’impôt sur le revenu et 286-3 pour la TVA) ; qu’ainsi la demande est justifiée, la preuve des agissements frauduleux présumés peut, compte tenu des procédés mis en place, être apportée par une visite inopinée ;

 » alors que le président du tribunal est tenu d’identifier expressément les lieux où les visites sont autorisées, les agents pouvant solliciter au cours des opérations des autorisations complémentaires ; qu’après avoir constaté que M. et Mme Michel X… occupaient une surface de 95 m au … 34130 Mauguio, le président du tribunal, qui n’a pas limité à cette surface les locaux dans lesquels les visite et saisie étaient autorisées, laissant ainsi à l’Administration le soin d’apprécier l’étendue de la surface à visiter, a ainsi violé l’article L. 16 B du Livre des procédures fiscales et l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme  » ;

Attendu que le juge, en autorisant des visite et saisie dans les locaux et dépendances occupés par M. ou Mme Michel X…, identifiés par l’adresse précise des lieux, a justifié sa décision sans encourir le grief allégué au moyen qui doit être rejeté ;

Et attendu que l’ordonnance attaquée est régulière en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme de la Lance conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


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