Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / la société Sebel, société anonyme, dont le siège est …,
2 / la société Soieries Jean-Michel Y…, société anonyme, dont le siège est …,
en cassation d’un arrêt rendu le 11 décembre 1997 par la cour d’appel de Nîmes (2e chambre B), au profit de la société Barclays bank PLC, venant aux droits de la société Barclays bank par l’effet d’une fusion-absorption, laquelle venait elle-même aux droits de l’Européenne de banque, anciennementé dénommée Banque Rotschild, dont le siège est 54 Lombard street, EC3P 3 AH, Londres (Angleterre), ayant une succursale française, …,
défenderesse à la cassation ;
En présence de : M. Claude X…, pris en sa qualité d’administrateur judiciaire des sociétés Sebel et Jean-Michel Y…, dommicilié Immeuble Part Dieu Garibaldi, …,
Les demanderesses invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 16 janvier 2001, où étaient présents : M. Dumas, président et rapporteur, MM. Poullain et Métivet, conseillers, M. Viricelle, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Dumas, président, les observations de Me Blanc, avocat des sociétés Sebel et Soieries Jean-Michel Y… et de M. X…, ès qualités, de la SCP Bachellier et Potier de La Varde, avocat de la société Barclays Bank, les conclusions de M. Viricelle, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à M. Claude X…, administrateur judiciaire de la société Sebel et de la société Soieries Jean-Michel Y… de ce qu’il s’associe au pourvoi formé par lesdites sociétés ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 11 décembre 1997), que la société Européenne de banque (la banque), aux droits de laquelle se trouve la banque Barclays, est intervenue pour favoriser la prise de contrôle de la société Sebel par la société Y…, laquelle a été réalisée en janvier 1991 pour un prix des actions d’un franc seulement, et moyennant un abandon de créances par la banque, ainsi que par d’autres établissements ; que quelques mois plus tard, les comptes établis par l’ancien dirigeant de la société Sebel sont apparus falsifiés et une condamnation pénale pour escroqueries, faux et abus de biens sociaux a été prononcée contre lui, le directeur de l’agence locale de la banque bénéficiant, lui, d’un non-lieu ; que courant 1994, la banque a réclamé judiciairement à la société Sebel le règlement d’échéances restant dues d’un crédit à moyen terme ; que la société Y… est intervenue à l’instance et a formé une demande d’indemnisation contre la banque, lui reprochant d’avoir soutenu abusivement la société Sebel et d’avoir méconnu ses obligations envers elle-même lors de son intervention pour le rapprochement des sociétés ; que la cour d’appel a condamné la société Sebel à payer les sommes à elle réclamées par la banque, relevant qu’elle n’avait pas critiqué en appel le jugement prononçant cette condamnation et déclarant irrecevable, pour défaut de qualité, la critique de cette décision par la société Y… ; qu’elle a rejeté, en outre, la demande de cette dernière en dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les deux sociétés, auxquelles s’associe leur administrateur judiciaire, font grief à l’arrêt de la condamnation de la société Sebel au paiement du montant du crédit à moyen terme, alors, selon le moyen, que toutes les parties à une opération complexe portée dans un acte ont qualité pour demander l’annulation des engagements y figurant ; qu’ainsi la cour d’appel, en l’état du protocole d’accord intervenu entre l’Européenne de banque, la société Sebel et la société Y…, dans le cadre de la reprise de la deuxième par la troisième, ne pouvait dénier la qualité à agir de la société Y… demandant l’annulation des engagements pour vice du consentement ; que l’arrêt viole les articles 31 et 32 du nouveau Code de procédure civile, 1117 et 1165 du Code civil ;
Mais attendu que la société Sebel est irrecevable à critiquer devant la Cour de cassation une décision dont elle n’a pas demandé l’infirmation en instance d’appel ; que la cour d’appel a, à bon droit, déclaré que l’appel de la société Y… avait été soutenu contre la condamnation de l’autre société, dès lors qu’il n’apparaît d’aucun des éléments en débat devant elle que la société Y… ait été partie aux engagements de remboursement souscrits par la société Sebel ou que ses propres engagements en aient été indivisibles ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en ses quatre branches :
Attendu que la société Y… fait grief à l’arrêt du rejet de son action en responsabilité contre la banque, alors, selon le moyen :
1 ), que commet une faute le banquier qui accorde des crédits à une entreprise dès lors qu’il sait -ou qu’il aurait dû savoir- que cette entreprise se trouvait en situation irrémédiablement compromise ;
que la cour d’appel, en énonçant qu’il n’était pas établi que l’Européenne de banque connaissait début octobre 1990 la situation financière réelle de la société Sebel, a statué par des motifs inopérants dès lors qu’elle aurait dû rechercher si la banque n’aurait pas dû connaître la situation effective de cette société ; que l’arrêt manque de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil ;
2 ), que la cour d’appel aurait dû s’expliquer sur l’énonciation suivant laquelle il n’était pas établi que, malgré des difficultés financières importantes rencontrées par la société Sebel, celle-ci ne présentait en octobre 1990 aucune chance sérieuse de redressement économique dès lors qu’après un abandon de créance de douze millions de francs et une recapitalisation par la société Y… de plus de quinze millions de francs en 1991 la société Sebel restait avoir une situation nette négative ce qui traduisait une situation pour le moins obérée compte tenu des abandons de créance et recapitalisation ; que l’arrêt manque de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil ;
3 ), que la cour d’appel aurait dû rechercher, comme l’y invitaient les conclusions de la société Y… (déposées le 2 mai 1997, p 18 in fine), si l’Européenne de banque assurait une véritable gestion de fait de la société Sebel « 1 en tant qu’actionnaire créancier qui impose ses vues aux dirigeants, 2 en tant que financier qui maintient l’activité déficitaire dans une période de cessation des paiements en vue de la vente de la société, 3 en tant que mandataire qui négocie » et ne pouvait écarter ce moyen par la seule considération des engagements en haut du bilan ce qui laissait d’ailleurs à part les découverts d’un montant respectif de 2 500 000 francs et de 2 500 000 francs lesquels se situaient en bas du bilan ; que l’arrêt manque de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil ;
4 ), que le banquier chargé de négocier la vente des actions d’une société est tenu d’une obligation d’information et de conseil à l’égard des acquéreurs éventuels pour l’accomplissement de laquelle il est tenu de s’informer sur la situation réelle de la Société concernée ; que la cour d’appel devait donc rechercher si l’Européenne de banque, à supposer pour les besoins de la discussion qu’elle n’aurait pas dû connaître la situation réelle de l’entreprise, n’aurait pas dû alors s’informer sur la situation de la société Sebel et savoir que celle-ci se trouvait dans une situation irrémédiablement compromise ; que l’arrêt manque de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil ;
Mais attendu, d’une part, qu’en retenant qu’il n’était pas démontré par la société Y… que la banque ait manqué à son obligation de s’informer sur la situation réelle de la société Sebel, qui bénéficiait à la Banque de France d’une cotation favorable et dont il est établi que le dirigeant a dissimulé de juin à novembre 1990 les difficultés, la cour d’appel a procédé à la recherche prétendument omise selon la première branche du moyen ;
Attendu, d’autre part, qu’en retenant l’absence de preuve quant à la connaissance par la banque de l’impossibilité de tout redressement de la société Sebel en octobre 1990, la cour d’appel a procédé à la recherche prétendument omise selon la deuxième branche du moyen ;
Attendu, en outre, qu’en tenant comme non prouvée l’allégation selon laquelle la banque se serait comportée en dirigeant de fait de la société Sebel, et en retenant que le dirigeant de cette société lui avait caché les pertes subies, la cour d’appel a procédé à la recherche prétendument omise selon la troisième branche du moyen ;
Attendu, enfin, qu’en considérant que la banque ne connaissait pas la situation financière réelle de la société Sebel, par laquelle elle avait été trompée, que la société Y… connaissait parfaitement la situation critique de la société Sebel dont la totalité des actions lui était cédée pour une somme symbolique, et dont une grande partie des dettes bancaires était abandonnée par différents établissements, et que la société Y… était « un professionnel particulièrement averti, qui avait su s’entourer, pour l’opération, de spécialistes d’expérience dans la comptabilité et la négociation des entreprises », la cour d’appel a procédé à la recherche prétendument omise selon la quatrième branche du moyen ;
D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Sebel et Y… aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille un.