Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 7 juillet 2009, 08-15.686, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 7 juillet 2009, 08-15.686, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Evreux distribution dirigée par M. X… et membre de la société coopérative d’approvisionnement Normande (la SCA Normande), coopérative régionale des magasins à l’enseigne Leclerc, exploitait un hypermarché à cette enseigne ; qu’ un pacte de préférence a été signé le 2 juillet 1992 entre ces deux sociétés, aux termes duquel la société Evreux distribution était tenue d’informer la Sca Normande en cas de vente de son fonds de commerce et de lui accorder la préférence ; qu’en 1995, les époux X… ont cédé la plus grande partie des actions de la société Evreux distribution à la société Ope Intermarché devenue la société Direction enseigne Intermarché ; que le 29 août 1996, la société Evreux distribution a cédé son fonds de commerce à la société Teutates, créée par M. Y… et la société ITM entreprises, lequel fonds a été donné en location gérance à la société Maepso ; que par arrêt du 9 décembre 1999 devenu irrévocable, la cour d’appel a déclaré nulles les cessions d’actions intervenues en violation du pacte de préférence ; qu’en 2001, la Sca Normande a assigné les sociétés Evreux distribution et Teutates, en paiement de dommages-intérêts et la société Ope Intermarché en garantie ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les sociétés Evreux distribution et Direction enseigne Intermarché, font grief à l’arrêt de les déclarer responsables du préjudice subi par la Sca Normande à la suite de la violation du pacte de préférence du 2 juillet 1992, et de les condamner in solidum avec la société Teutates, à payer à la Sca Normande la somme de 1 500 000 euros à titre de dommages-intérêts pour son préjudice commercial ou d’image, outre les intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2001, alors, selon le moyen, que l’article 4 du pacte de préférence du 2 juillet 1992 stipule : Il est convenu qu’à prix égal, la société Evreux dstribution s’engage à donner la préférence à la « Sca Normande » sur toute autre personne se portant acquéreur. Les parties rappellent expressément que la société Evreux distribution, en sa qualité d’associée adhérente de la Sca Normande, est soumise au respect de toutes les dispositions statutaires régissant la société, spécialement aux pénalités en cas de retrait en cours de la période d’engagement ou d’exclusion telles qu’actuellement définies dans l’article 11 des statuts. En conséquence par prix égal, il faut entendre, si le prix offert par les acheteurs n’a pas pris en compte l’intégralité des pénalités telles que ci-dessus définies, un prix diminué de l’intégralité des pénalités prévues par les statuts de la Sca Normande en vigueur à l’époque ; qu’il en résulte clairement et précisément que l’exercice du droit de préférence de la Sca Normande se trouve subordonné à la détermination, préalable, du montant des pénalités de retrait applicables à la société Evreux distribution ; qu’en retenant néanmoins que l’article 4 précité ne ferait que convenir d’une compensation entre le prix « égal » dû par la Sca Normande au cas où elle exerce son droit de préemption et les pénalités dues le cas échéant à la Sca Normande conformément à ses statuts, sans remettre en cause le prix offert par le tiers, parfaitement déterminé et que le prix égal offert par la Sca normande qui exerce son droit de préemption serait parfaitement connu immédiatement , la cour d’appel a dénaturé la clause contractuelle précitée et violé l’article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu’ayant retenu que l’article 4 du pacte de préférence qui, après avoir fait référence au prix égal à celui offert par un tiers et dû par la Sca Normande au cas où elle exerce son droit de préemption, mentionnait qu’il y avait lieu de tenir compte des pénalités prévues par l’article 11 des statuts de cette société en cas de retrait en cours de période d’engagement ou d’exclusion, ne faisait que convenir d’une compensation entre ce prix parfaitement connu immédiatement et les pénalités qui lui sont le cas échéant dues, sans remettre en cause le prix offert par le tiers, et qu’en d’autres termes, seule la créance venant en compensation des pénalités n’était connue, comme ce fut le cas en l’espèce, qu’après leur détermination par le tribunal compétent, la cour d’appel n’a pas dénaturé la clause litigieuse; que le moyen n’est pas fondé ;

Et sur le deuxième moyen :

Attendu que les sociétés Evreux distribution et Direction enseigne Intermarché font encore le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ qu’en déclarant la société Ope Intermarché responsable, envers la Sca Normande, des conséquences dommageables de la méconnaissance du pacte de préférence conclu le 2 juillet 1992 entre la société Evreux distribution et, notamment, la Sca Normande, pacte auquel la société Ope Intermarché n’était pas partie, en se fondant sur la circonstance inopérante que la société Evreux distribution avait, alors qu’était pendante l’action en annulation de la cession des actions des époux X… à la société Ope Intermarché, signé une promesse de vente de son fonds de commerce aux époux Y… le 29 mai 1996, puis cédé ce fonds à la société Teutates nouvellement créée et ayant pour notamment associée la société Itm entreprises, personne morale distincte de la société Ope Intermarché, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil ;

2°/ qu’en déclarant la société Ope Intermarché, tierce à la cession de fonds de commerce intervenue entre la société Evreux distribution et la société Teutates, responsable envers la Sca Normande des conséquences dommageables de la méconnaissance du pacte de préférence conclu le 2 juillet 1992 entre la société Evreux distribution et, notamment, la Sca Normande, pacte auquel la société Ope Intermarché n’était pas partie, au motif inopérant qu’en sa qualité professionnelle de la grande distribution, la société Ope Intermarché ne pouvait ignorer que les époux X…, alors actionnaires majoritaires de la société Evreux distribution, étaient tenus par un pacte de préférence au profit du groupe Leclerc, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil ;

Mais attendu que l’arrêt retient qu’à la même période, la société Ope Intermarché signait avec les époux X… le rachat de leurs actions dans la société Evreux distribution, cession qui fut par la suite annulée et signait avec les époux Y… une promesse de vente du fonds de commerce ; qu’il retient encore que quelques jours plus tard, la société Teutates, dont les associés étaient M. Y… et la société ITM entreprises, se rendait acquéreur du même fonds ; que de ces constatations, la cour d’appel a pu déduire que la société Ope Intermarché, avait commis une faute consistant en ce qu’ après des pourparlers avec M. X…, elle avait recruté un nouvel adhérent aux fins de reprendre le magasin exploité initialement sous l’enseigne Leclerc, alors qu’elle ne pouvait ignorer l’existence d’un pacte de préférence obligeant les époux X… et la société Evreux distribution ; que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l’article 1382 du code civil ;

Attendu que pour condamner les sociétés Evreux distribution et Direction enseigne Intermarché, in solidum avec la société Teutates, à réparer le préjudice commercial ou d’image de la Sca Normande, l’arrêt retient que cette dernière était chargée de gérer les intérêts de l’enseigne Leclerc au niveau régional, et avait subi une perte d’image importante, suite à la violation du pacte de préférence, en n’ayant plus aucun de ses adhérents présent sur l’agglomération d’Evreux pendant de nombreuses années, dans l’impossibilité où elle fut de retrouver un fonds de commerce pour exploiter l’enseigne Leclerc ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans préciser les éléments d’où il résulterait que la Sca Normande aurait été titulaire, au niveau régional, de droits d’image sur l’enseigne Leclerc lui permettant de prétendre à la réparation d’un préjudice résultant d’une atteinte à cette image, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu’il a condamné les sociétés Evreux dstribution, Ope Intermarché (désormais dénommée Direction enseigne Intermarché) et Teutates à payer in solidum à la Sca Normande la somme de 1 500 000 euros à titre de dommages-intérêts pour son préjudice commercial ou d’image, outre les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 24 janvier 2001, l’arrêt rendu le 20 mars 2008, entre les parties, par la cour d’appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Rouen, autrement composée ;

Condamne la société Sca Normande aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer aux sociétés Evreux distribution et Direction enseigne Intermarché, la somme globale de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Direction enseigne Intermarché et autre

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt partiellement confirmatif attaqué d’avoir déclaré les sociétés EVREUX DISTRIBUTION et DIRECTION ENSEIGNE INTERMARCHE, anciennement dénommée OPE INTERMARCHE, responsables du préjudice subi par la SCA NORMANDE à la suite de la violation du pacte de préférence du 2 juillet 1992, et de les avoir en conséquence condamnées, in solidum avec la société TEUTATES, à payer à la SCA NORMANDE la somme de 1 500 000 euros à titre de dommages-intérêts pour son préjudice commercial ou d’image, outre les intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2001,

AUX MOTIFS QUE le pacte de préférence litigieux dispose que la société EVREUX DISTRIBUTION, si elle se décide à vendre son fonds de commerce, est tenue de le porter à la connaissance de la SCA Normande et de lui faire connaître les offres qui sont faites par lettre recommandée avec accusé de réception dans les huit jours de leur réception ; que l’article 4 précise : « Il est convenu qu’à prix égal, la société Evreux Distribution s’engage à donner la préférence à la SCA Normande sur toute autre personne se portant acquéreur. /Les parties rappellent expressément que la société Evreux Distribution, en sa qualité d’associée adhérente de la SCA Normande, est soumise au respect de toutes les dispositions statutaires régissant la société, spécialement aux pénalités en cas de retrait en cours de période d’engagement ou d’exclusion telles qu’actuellement définies dans l’article 11 des statuts. /En conséquence, par prix égal il faut entendre, si le prix offert par les acheteurs n’a pas pris en compte l’intégralité des pénalités telles que ci-dessus définies, un prix diminué de l’intégralité des pénalités prévues par les statuts de la SCA Normande en vigueur à l’époque » ; que pour conclure à la nullité du pacte de préférence signé le 2 juillet 1992 entre la société Evreux Distribution et la SCA Normande, les sociétés société EVREUX DISTRIBUTION et OPE INTERMARCHE font valoir que la combinaison de l’article 4 de ce pacte et de l’article 11 des statuts de la SCA NORMANDE auquel il renvoie oblige le sociétaire qui se retire au cours de sa période d’engagement à prendre en compte l’application d’une ou deux pénalités que le conseil d’administration applique de manière discrétionnaire avec appel impossible devant l’assemblée générale, de telle sorte que ledit sociétaire est dans l’incapacité de calculer, au moment où il reçoit l’offre d’un tiers pour l’achat du fonds de commerce, le montant des pénalités applicables et de déterminer le véritable prix, d’autant que les modalités de calcul de chacune des pénalités les rendent incertaines ; qu’elles soulignent qu’en l’espèce, le tribunal arbitral compétent a qualifié ces créances de la SCA NORMANDE de clauses pénales qu’il a estimées manifestement excessives, ce dont elles déduisent qu’il était impossible de connaître à l’avance leur montant total ; qu’il en résulte selon les sociétés EVREUX DISTRIBUTION et OPE INTERMARCHE que l’adhérent est dans l’incapacité, lorsqu’il reçoit l’offre d’un tiers, de tenir compte des pénalités qu’il encourt ; que la société EVREUX DISTRIBUTION ajoute que le fonds de commerce a été cédé par elle au prix de 7 500 000 francs alors que les pénalités ont été fixées par l’expert M. Z… à la somme total de 10 200 000 francs, de telle sorte que le prix calculé après déduction des pénalités conformément à l’article 4 du pacte de préférence aurait été négatif de 2 700 000 francs, alors qu’un prix de vente ne peut être négatif ; qu’en réplique, la SCA NORMANDE soutient en premier lieu que la validité de l’article 11 des statuts a été définitivement jugée par la sentence arbitrale du 8 avril 1999, l’autorité de la chose jugée interdisant la remise en cause par les mêmes parties de ce qui a été définitivement jugé ; que toutefois l’autorité de chose jugée n’a d’effet que s’il existe une identité de parties, d’objet et de cause ; que la décision arbitrale, qui a fixé le montant des pénalités dues par la société EVREUX DISTRIBUTION à la SCA NORMANDE à la suite de son retrait, n’avait pas le même objet que la présente instance et ne s’est pas prononcée sur le caractère déterminable du prix du fonds de commerce dans le cadre de l’application du pacte de préférence, de telle sorte que l’autorité de chose jugée ne peut être opposée de ce chef à la société EVREUX DISTRIBUTION ; qu’en outre, la société OPE INTERMARCHE n’était pas partie à ce litige arbitral ; qu’en second lieu, la SCA NORMANDE fait grief à la société EVREUX DISTRIBUTION, qui ne pouvait se faire justice à elle-même et devait, si elle estimait nul le pacte de préférence, le faire annuler par la juridiction compétente, de l’avoir violé délibérément ; que toutefois, l’indemnisation du préjudice résultant de la violation de ce pacte suppose que soit tranché préalablement le litige soulevé par la société EVREUX DISTRIBUTION relatif à sa nullité éventuelle ; qu’en dernier lieu, la SCA NORMANDE fait valoir que le préjudice subi par elle du fait du retrait de la société EVREUX DISTRIBUTION était parfaitement déterminable et a d’ailleurs été définitivement déterminé dans la même décision arbitrale ; mais que cette objection ne répond pas au moyen de l’indétermination des pénalités au moment de la vente du fonds de commerce, puisque les indemnités n’ont été fixées par le tribunal arbitral que le 17 août 1999, soit plusieurs années après la cession du fonds, sans que les montants aient pu être prévus puisque les arbitres ont modéré les pénalités en appliquant les règles classiques relatives aux clauses pénales ; que toutefois l’article 4 du pacte de référence litigieux, qui après avoir fait référence au prix égal mentionne qu’il y a lieu de tenir compte des dispositions prévues par l’article 11 des statuts de la SCA NORMANDE, ne fait ainsi que convenir d’une compensation entre le prix « égal » dû par la SCA Normande au cas où elle exerce son droit de préemption et les pénalités dues le cas échéant à la SCA NORMANDE conformément à ses statuts, sans remettre en cause le prix offert par le tiers, parfaitement déterminé ; qu’en d’autres termes, le prix égal offert par la SCA NORMANDE qui exerce son droit de préemption est parfaitement connu immédiatement et seule la créance venant en compensation de ce prix du fait de l’application des pénalités peut n’être connue, comme ce fut le cas en l’espèce, qu’après détermination par le tribunal compétent ; que ces pénalités ont été en l’espèce validées et fixées par une décision devenue définitive ; que le moyen pris de la nullité du pacte de préférence n’est en conséquence pas fondé ; qu’il est constant que la société EVREUX DISTRIBUTION, en omettant de faire connaître à la SCA NORMANDE la teneur des offres du tiers acquéreur et notamment le prix offert dans les formes prévues par l’article 3 du pacte puis en cédant son fonds de commerce à la société TEUTATES le 29 septembre 1996, a délibérément violé les stipulations de ce pacte et engagé sa responsabilité contractuelle (arrêt, p. 7, § 5 – p. 10, § 3), Alors que l’article 4 du pacte de préférence du 2 juillet 1992 stipule : « Il est convenu qu’à prix égal, la société EVREUX DISTRIBUTION s’engage à donner la préférence à la « SCA NORMANDE » sur toute autre personne se portant acquéreur. /Les parties rappellent expressément que la société EVREUX DISTRIBUTION, en sa qualité d’associée adhérente de la « SCA NORMANDE », est soumise au respect de toutes les dispositions statutaires régissant la société, spécialement aux pénalités en cas de retrait en cours de la période d’engagement ou d’exclusion telles qu’actuellement définies dans l’article 11 des statuts. /En conséquence par prix égal, il faut entendre, si le prix offert par les acheteurs n’a pas pris en compte l’intégralité des pénalités telles que ci-dessus définies, un prix diminué de l’intégralité des pénalités prévues par les statuts de la « SCA NORMANDE » en vigueur à l’époque » ; qu’il en résulte clairement et précisément que l’exercice du droit de préférence de la SCA NORMANDE se trouve subordonné à la détermination, préalable, du montant des pénalités de retrait applicables à la société EVREUX DISTRIBUTION ; qu’en retenant néanmoins que l’article 4 précité ne ferait que « convenir d’une compensation entre le prix « égal » dû par la SCA NORMANDE au cas où elle exerce son droit de préemption et les pénalités dues le cas échéant à la SCA NORMANDE conformément à ses statuts, sans remettre en cause le prix offert par le tiers, parfaitement déterminé » et que « le prix égal offert par la SCA NORMANDE qui exerce son droit de préemption » serait « parfaitement connu immédiatement » (arrêt, p. 9, pénult. et dernier paragr.), la cour d’appel a dénaturé la clause contractuelle précitée et violé l’article 1134 du Code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l’arrêt partiellement confirmatif attaqué d’avoir déclaré la société DIRECTION ENSEIGNE INTERMARCHE, anciennement dénommée OPE INTERMARCHE, responsable du préjudice subi par la SCA NORMANDE à la suite de la violation du pacte de préférence du 2 juillet 1992, et de l’avoir en conséquence condamnée à payer, in solidum avec les sociétés EVREUX DISTRIBUTION et TEUTATES la somme de 1 500 000 euros à titre de dommages-intérêts à la SCA NORMANDE pour son préjudice commercial ou d’image, outre les intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2001,

AUX MOTIFS QUE pour contester sa responsabilité en qualité de «��maître d’oeuvre des opérations », la société OPE INTERMARCHE fait grief à la SCA NORMANDE de ne pas rapporter la preuve de ses affirmations, sa seule qualité d’associé de la société EVREUX DISTRIBUTION étant à cet égard insuffisante ; que toutefois il résulte des pièces versées aux débats que la société OPE INTERMARCHE, qui en sa qualité de professionnel de la grande distribution ne pouvait ignorer que les époux X… étaient tenus par un pacte de préférence au profit du groupe Leclerc, avait dès le 16 août 1995 signé un protocole avec ces derniers pour le rachat des actions de la société EVREUX DISTRIBUTION et de celles des deux SCI « Bonne Mare » et « Impasse Jacques Monod », propriétaires des terrains sur lequel le magasin était édifié ; que dans le même temps, un contrat d’adhésion des époux Y… à la charte des mousquetaires du groupe Intermarché était signé avec la société ITM Entreprises ; que, alors que la société OPE INTERMARCHE avait été assignée en annulation de l’acte de cession des actions de la société EVREUX DISTRIBUTION, cette dernière société signait une promesse de vente du fonds de commerce le 29 mai 1996 au profit des époux Y… ; que la société TEUTATES, créée le 1er juin 1996 et ayant notamment pour associée la société ITM Entreprises, se rendait acquéreur du fonds de commerce de la société Evreux Distribution ; qu’au vu de cette chronologie des faits, il est établi que la société OPE INTERMARCHE, après des pourparlers avec M. X…, a recruté un nouvel adhérent aux fins de reprendre le magasin exploité initialement sous l’enseigne Leclerc, alors qu’elle ne pouvait ignorer l’existence d’un pacte de préférence obligeant les époux X… et la société EVREUX DISTRIBUTION ; que de même la société ITM ENTREPRISES a été associée dans la création de la société MAEPSO qui, après l’annulation par décision de justice de la cession des actions de la société EVREUX DISTRIBUTION, a pris en location-gérance le fonds de commerce litigieux, vidant la société EVREUX DISTRIBUTION de son seul élément d’actif économiquement intéressant et exploitable, puis a acquis ce fonds ; que la responsabilité de la société OPE INTERMARCHE est en conséquence établie à l’égard de la SCA NORMANDE sur le fondement de l’article 1382 du Code civil (arrêt, p. 10, § 4 – p. 11, § 3),

Alors, d’une part, qu’en déclarant la société OPE INTERMARCHE responsable, envers la SCA NORMANDE, des conséquences dommageables de la méconnaissance du pacte de préférence conclu le 2 juillet 1992 entre la société EVREUX DISTRIBUTION et, notamment, la SCA NORMANDE, pacte auquel la société OPE INTERMARCHE n’était pas partie, en se fondant sur la circonstance inopérante que la société EVREUX DISTRIBUTION avait, alors qu’était pendante l’action en annulation de la cession des actions des époux X… à la société OPE INTERMARCHE, signé une promesse de vente de son fonds de commerce aux époux Y… le 29 mai 1996, puis cédé ce fonds à la société TEUTATES nouvellement créée et ayant pour notamment associée la société ITM ENTREPRISES, personne morale distincte de la société OPE INTERMARCHE, la cour d’appel a violé l’article 1382 du Code civil ;

Alors d’autre part qu’en déclarant la société OPE INTERMARCHE, tierce à la cession de fonds de commerce intervenue entre la société EVREUX DISTRIBUTION et la société TEUTATES, responsable envers la SCA NORMANDE des conséquences dommageables de la méconnaissance du pacte de préférence conclu le 2 juillet 1992 entre la société EVREUX DISTRIBUTION et, notamment, la SCA NORMANDE, pacte auquel la société OPE INTERMARCHE n’était pas partie, au motif inopérant qu’en sa qualité de professionnelle de la grande distribution, la société OPE INTERMARCHE ne pouvait ignorer que les époux X…, alors actionnaires majoritaires de la société EVREUX DISTRIBUTION, étaient tenus par un pacte de préférence au profit du groupe LECLERC (arrêt, p. 10, § 5), la cour d’appel a violé l’article 1382 du Code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION (plus subsidiaire)

Il est fait grief à l’arrêt partiellement confirmatif attaqué d’avoir condamné les sociétés EVREUX DISTRIBUTION et société DIRECTION ENSEIGNE INTERMARCHE à payer, in solidum avec la société TEUTATES, la somme de 1 500 000 euros à titre de dommages-intérêts à la SCA NORMANDE pour son préjudice commercial ou d’image, outre les intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2001,

AUX MOTIFS QUE la SCA NORMANDE fait valoir que le changement d’enseigne, devenu irréversible en raison de la modification considérable des conditions d’exploitation du fonds et de son agencement pour le mettre « aux normes Intermarché », a eu pour conséquence une hémorragie considérable de la clientèle ; qu’elle soutient que son préjudice est constitué : du manque à gagner pour la non exploitation du fonds et la privation des résultats escomptés, qu’elle chiffre à 18 865 000 francs suivant rapport du cabinet MOUCHONNIER en date du 12 décembre 2000 ; de la perte de valeur patrimoniale évaluée à 4 352 000 francs par le même rapport ; d’une perte considérable d’image puisque l’enseigne Leclerc a été absente dix ans à EVREUX en raison du gel des surfaces commerciales ; que néanmoins elle déclare accepter les conclusions contraires de l’expert en ce qu’elle ont fixé son préjudice total à 3 280 000 (21 515 390 francs) ; que les sociétés OPE INTERMARCHE, EVREUX DISTRIBUTION et TEUTATES exposent que l’expert a estimé nul le préjudice relatif à la perte de résultats, puis chiffré le préjudice lié à la perte de valeur patrimoniale à 420 000 au maximum et le préjudice d’image ou commercial à 2 860 000 au maximum, les deux premières soulignant que le préjudice commercial et d’image est supporté non par la société SCA NORMANDE mais par l’association ACEDELEC, issue du mouvement LECLERC mais qui n’appartient pas à la SCA NORMANDE ; que s’agissant du préjudice lié à la perte de résultats, l’expert judiciaire a relevé que le cabinet MOUCHONNIER et le rapport DELOITTE, qui ont chiffré ce préjudice à la demande de la SCA NORMANDE, ont cherché quels auraient été les résultats sur la période considérée d’un magasin LECLERC de taille comparable, alors qu’il convient de tenir compte du contexte particulier de l’exploitation du magasin concerné par le litige ; que de plus les travaux ainsi fournis par la SCA NORMANDE sont basés sur les résultats de l’exercice 2004-2005, alors qu’il résulte des constatations de l’expert non seulement que les résultats se sont effondrés pour aboutir à des pertes à partir de 1996 mais aussi que cette perte de rentabilité, au vu des analyses financières et comptables, commençait à se manifester avant la cession malgré un léger sursaut en 1995, de telle sorte que, même sans changement d’enseigne, il est probable qu’aucun bénéfice n’aurait pu être dégagé à partir de 1996 ; que la cour, adoptant de ce chef les conclusions de l’expert, constate qu’aucune somme ne peut être allouée au titre de la perte de résultats ; que s’agissant de la perte patrimoniale, chiffrée à la somme de 4 352 000 francs par le cabinet Mouchonnier et correspondant selon ce dernier à la différence de valeur du fonds entre 2000 et 1995, l’expert judiciaire M. Z… souligne qu’une indemnisation à ce titre et au titre de la perte de résultats ferait double emploi car la valeur d’un fonds de commerce est fonction des résultats futurs susceptibles d’être générés ; que M. Z… expose néanmoins que le préjudice lié à la perte patrimoniale de la SCA NORMANDE correspond à la différence entre le prix qu’elle aurait payé en 1995 pour acquérir le fonds et le prix qu’elle en aurait obtenu en le revendant ; que, constatant que le prix total payé était de 37 000 000 francs pour l’acquisition des biens de la société EVREUX DISTRIBUTION et des deux SCI propriétaires des immeubles servant à l’exploitation du commerce, l’expert a évalué à 17 000 000 francs la part correspondant à la valeur du fonds ; qu’il a constaté que la société OPE INTERMARCHE avait néanmoins payé 5 500 000 francs de plus au titre du montant des pénalités fixées par le tribunal arbitral, de telle sorte que le prix réel du fonds était selon lui de 22 500 000 francs, ce qui correspondait au haut de la fourchette par rapport aux résultats du fonds et était peu représentatif du marché, l’enseigne ayant manifestement accepté de surpayer pour enlever un fonds à son concurrent ; que le fonds a été revendu au prix de 7 500 000 francs un an après à la société TEUTATES, dont 1 000 000 francs au titre des éléments incorporels, puis cédé à la société MAEPSO en 1999 au prix de 6 500 000 francs et enfin ultérieurement à M. A… au prix de 1 ; que constatant que la valeur du fonds selon la méthode d’évaluation des centres Leclerc était de 3 756 000 francs en septembre 1995 et n’avait pas varié en août 1996, date à laquelle la SCA NORMANDE aurait pu l’acquérir en exerçant son droit de préemption prévu par le pacte du 2 juillet 1992, puis le revendre à sa valeur qui n’avait pas changé en un an, l’expert en conclut que la perte de valeur patrimoniale pourrait être fixée à la différence, soit 2 756 000 francs ; que toutefois, ce résultat, que l’expert prend soin de qualifier de maximal, est obtenu en déduisant du prix d’acquisition des éléments incorporels du fonds au moment le plus favorable le prix de revente théorique de ces mêmes éléments au moment également le plus favorable ; que la cour constate que la société SCA NORMANDE, si elle avait exercé son droit de préemption sur le fonds de commerce en 1995, aurait payé le prix de 7 500 000 francs et qu’elle n’aurait jamais pu le céder par la suite à un prix supérieur, même si il avait été mieux géré, tant il existait de facteurs inhérents au fonds et tendant à sa perte de valeur ; qu’il n’est donc pas établi l’existence d’un préjudice lié à la perte patrimoniale ; que s’agissant enfin du préjudice d’image ou commercial, l’expert a simplement indiqué qu’il était « à l’extrême » équivalant au sur-prix qu’avait accepté de débourser la société OPE INTERMARCHE en septembre 1995 pour contrer de façon agressive le réseau Leclerc, soit 18 700 000 francs, tout en se demandant si ce préjudice n’avait pas été partiellement ou totalement indemnisé par les indemnités allouées par le tribunal arbitral ; que toutefois, si comme l’indiquent les sociétés EVREUX DISTRIBUTION et OPE INTERMARCHE, c’est l’association ACEDELEC qui est propriétaire au niveau national du nom commercial et de l’enseigne LECLERC, il reste que la SCA NORMANDE, chargée de gérer les intérêts de cette enseigne au niveau régional, a subi une perte d’image importante, suite à la violation du pacte de préférence, en n’ayant plus aucun de ses adhérents présent sur l’agglomération d’EVREUX pendant de nombreuses années, dans l’impossibilité où elle fut de retrouver un fonds de commerce pour exploiter l’enseigne LECLERC ; que si ce préjudice ne peut être fixé comme l’a fait l’expert au montant du surcoût payé par le réseau INTERMARCHE pour prendre la place du réseau LECLERC, il est manifestement important et sera fixé par la cour, en tenant compte des indemnités déjà allouées par le tribunal arbitral et qui le réparaient partiellement, à la somme de 1 500 000 , avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 24 janvier 2001 ; que les sociétés EVREUX DISTRIBUTION, OPE INTERMARCHE et TEUTATES, qui ont toutes participé aux faits concertés visant à faire obstacle au respect du pacte de préférence dont elles avaient eu connaissance, seront condamnées in solidum à réparer le préjudice subi par la SCA NORMANDE (arrêt, p. 13, pénult. § – p. 15, § 3),

Alors, d’une part, qu’en indemnisant le préjudice lié à la « perte d’image »

qu’aurait subie la SCA NORMANDE du fait de « l’impossibilité de retrouver un fonds de commerce pour exploiter l’enseigne LECLERC » (arrêt, p. 15, § 1), après avoir relevé que seule l’association ACEDELEC, personne morale distincte de la SCA NORMANDE, était propriétaire sur le plan national du nom commercial et de l’enseigne LECLERC, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l’article 1382 du Code civil ;

Alors d’autre part (subsidiaire) qu’en se bornant à affirmer que la SCA NORMANDE, bien que non propriétaire au plan national du nom commercial et de l’enseigne LECLERC, se trouvait « chargée de gérer les intérêts de cette enseigne au niveau régional », sans préciser la nature des droits éventuellement exercés par la SCA NORMANDE sur l’enseigne, et sans se fonder sur aucun élément de preuve ni procéder à aucune analyse, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article 1382 du Code civil ;

Alors enfin qu’en affirmant que la SCA NORMANDE aurait subi, à la suite du violation du pacte de préférence conclu le 2 juillet 1992 et relatif à la cession du fonds de commerce alors exploité sous l’enseigne LECLERC par la société EVREUX DISTRIBUTION, un préjudice lié à une « perte d’image » du fait de « l’impossibilité de retrouver un fonds de commerce pour exploiter l’enseigne LECLERC » dans l’agglomération d’EVREUX (arrêt, p. 15, § 1), sans préciser en quoi une telle « impossibilité » se trouvait liée de façon directe et certaine à la méconnaissance du pacte de préférence litigieux, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil.


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