Cour d’appel d’Angers, 16 février 2016, 13/03264

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Cour d’appel d’Angers, 16 février 2016, 13/03264

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL

d’ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N

aj/ jc

Numéro d’inscription au répertoire général : 13/ 03264.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 15 Novembre 2013, enregistrée sous le no F 12/ 00701

ARRÊT DU 16 Février 2016

APPELANTE :

La Société RILLETTES Y…

Route de Paris

72160 SCEAUX SUR HUISNE

représentée par Maître Mathilde PUYENCHET, avocat au barreau de CHARTRES

INTIME :

Monsieur Christian X…

72230 RUAUDIN

comparant-assisté de Maître Luc LALANNE de la SCP HAY-LALANNE-GODARD-HERON-BOUTARD-SIMON, avocats au barreau du MANS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Janvier 2016 à 14H00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Anne JOUANARD, président chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anne JOUANARD, président

Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller

Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller

Greffier : Madame BODIN, greffier.

ARRÊT :

prononcé le 16 Février 2016, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE,

M. Christian X… a été embauché par la société des Rillettes Y… par contrat de travail à durée indéterminée en date du 29 février 1996 en qualité de Responsable des Ressources Humaines, statut cadre coefficient 350 échelon 9 de la convention collective des industries charcutières moyennant une rémunération annuelle de 250 000 francs versé sur 13 mois.

Par  » avenant à son contrat de travail  » en date du 3 octobre 2000 M. X… a pris l’engagement de ne pas quitter l’entreprise pendant un délai précis en contrepartie de quoi, en cas de rupture de son contrat de travail à l’initiative de l’employeur, il lui serait versé, en sus de l’indemnité conventionnelle de licenciement, une somme équivalente à douze mois de salaire.

Suivant avenant du 15 janvier 2002 sa mission a été élargie aux trois sociétés dépendant du groupe Y….

L’entreprise emploie plus de 400 salariés.

Le 1er juillet 2011 le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute, avec mise à pied à titre conservatoire, et il a été licencié pour faute grave le 15 juillet 2011.

Dans le dernier état de la relation de travail, la rémunération brute annuelle de M. X… s’élevait à 125 000 ¿.

Contestant son licenciement, le 17 novembre 2011 M. X… a saisi le conseil de prud’hommes de demandes en paiement de diverses indemnités et rappel de salaire et de l’indemnité contractuellement prévue dans le document en date du 3 octobre 2000.

La société des Rillettes Y… a contesté la compétence du conseil de prud’hommes pour statuer sur la demande au titre de l’indemnité spéciale et s’est opposé aux autres demandes.

Par jugement en date du 15 novembre 2013 le conseil de prud’hommes du Mans :

– s’est déclaré compétent pour connaître de l’instance,

– a dit que le licenciement de M. X… reposait sur une cause réelle et sérieuse,- a dit que la convention figurant dans l’avenant au contrat de travail de M X… du 3 octobre 2000 devait s’appliquer dans le cadre de la rupture de son contrat de travail,

– en conséquence a condamné la société Rillettes Y… à verser à M. X… la somme de 124 405 ¿ en application de la convention du 3 octobre 2000 et la somme de 1 000 ¿ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– a débouté M. X… et la société des Rillettes Y… de leurs autres demandes,

– a condamné la société des Rillettes Y… aux dépens et ce compris la contribution de 35 ¿.

Par courrier posté le 16 décembre 2013 la société des Rillettes Y… a régulièrement relevé appel de ce jugement qui lui a été notifié le 19 novembre précédent.

La procédure a été enregistrée sous le numéro 13/ 3264.

Par courrier posté le 16 décembre 2013 M. X… a régulièrement relevé appel de ce jugement qui lui a été notifié le 19 novembre précédent.

La procédure a été enregistrée sous le numéro 13/ 3265.

Les procédures ont été jointes à l’audience du 5 janvier 2015.

MOYENS ET PRÉTENTIONS,

Dans ses écritures régulièrement communiquées déposées le 9 novembre 2015 et à l’audience, M. X… demande à la cour :

– d’infirmer le jugement entrepris et de dire et juger que son licenciement ne repose, ni sur une faute, ni sur une cause réelle et sérieuse,

– en conséquence, de condamner la société des Rillettes Y… à lui verser les sommes de 63 631 ¿ à titre d’indemnité de licenciement, 29 771 ¿ à titre d’indemnité de préavis outre les congés payés y afférents, 2 481 ¿ au titre du prorata de 13ème mois sur préavis outre les congés payés y afférents, 4 381 ¿ au titre du salaire pendant la mise à pied outre les congés payés y afférents et la somme de 150 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

– de retenir sa compétence s’agissant de l’indemnité spéciale de rupture et de confirmer le jugement entrepris en condamnant la société des Rillettes Y… à lui verser la somme de 124 405 ¿ nette à titre de dommages et intérêts,

– de condamner la société des Rillettes Y… à lui verser la somme de 3 000 ¿ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Il fait essentiellement valoir :

– sur le paiement de l’indemnité spéciale :

– qu’en 2000 M Y… a souhaité ouvrir à ses quatre principaux cadres collaborateurs l’accès au capital de la société des Rillettes Y… ; que dès lors que ces salariés s’engageaient financièrement dans le capital de la société, il était corrélativement légitime de pérenniser leur emploi ; que c’est ainsi qu’a été établi l’avenant du 3 octobre 2000 prévoyant, en cas de rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur pour quelque cause que ce soit, le versement d’une indemnité de rupture égale à 12 mois de salaire brut s’ajoutant à l’indemnité de licenciement prévue par la convention collective ; que c’est donc à bon droit que le conseil de prud’hommes a fait droit à sa demande, aucun des arguments avancés par la société des Rillettes Y… pour s’y opposer n’étant sérieux ;

– sur son licenciement :

– qu’il ne peut que formellement contester les griefs qui lui sont fait dans la lettre de licenciement, qui ne peuvent caractériser une faute grave, dès lors que son licenciement n’est que la conséquence d’une restructuration de l’entreprise par le groupe Alliance qui a racheté la société des Rillettes Y… et qu’il n’a été qu’un moyen de supprimer son poste puisqu’il n’a pas été remplacé dans sa fonction ; que les reproches qui lui sont faits ne sont pas pertinents, qu’il n’a fait que défendre les intérêts de l’entreprise ainsi qu’il l’explicite plus avant dans ses écritures et, qu’à supposer qu’il ait commis des erreurs d’interprétation sur le droit applicable, son employeur ne peut soutenir qu’il s’agirait d’une faute grave ni même d’une cause réelle et sérieuse de licenciement dès lors que toutes ses correspondances étaient visées par le cabinet conseil de la société ; qu’il n’a fait l’objet d’aucune observation pendant 15 ans ; qu’aucun grief ne peut lui être fait dans sa relation avec l’inspection du travail avec laquelle il a entretenu des relations d’une parfaite courtoisie pendant de nombreuses années, les quatre précédents inspecteurs n’ayant jamais fait d’observation sur l’application de l’accord multi-professionnel du 22 juin 1979 ; qu’il en est de même s’agissant de ses relations avec la médecine du travail et que les observations qui lui ont été faites par le nouveau médecin du travail depuis 2010 étaient injustifiés ; enfin que le reproche tenant à la perte de confiance des salariés est dépourvu de toute objectivité ;

– que le procédé qui consiste pour son employeur à produire des pièces sur lesquelles il ne conclut pas et qui sont afférents à des faits non visés dans la lettre de licenciement est particulièrement déloyal ;

– que ses demandes indemnitaires sont justifiées au regard du préjudice subi.

Dans ses écritures régulièrement communiquées déposées le 4 janvier 2016 et à l’audience la société des Rillettes Y… demande à la cour :

– à titre liminaire :

– d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamné à verser à M. X… les sommes de 124 405 ¿ en application de la convention du 3 octobre 2000 et de 1 000 ¿ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– ce faisant, de voir la cour se déclarer incompétente s’agissant de cette convention conclue entre la SCP Régis Y… et M. X… et de le renvoyer à mieux se pourvoir devant le tribunal de commerce du Mans,

– à titre subsidiaire, de dire et juger que M. X… n’a pas d’intérêt à agir contre la société des Rillettes Y… laquelle n’est pas signataire de la convention,

– à titre très subsidiaire, de débouter M. X… de sa demande de voir appliquer la convention signée le 3 octobre 2000, ladite indemnité devant en tout état de cause être qualifiée de clause pénale et réduite à 1 euro symbolique,

– à titre principal :

– de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. X… de sa demande de voir dire et juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de ses demandes subséquentes ;

– ce faisant, de dire et juger que le licenciement pour faute grave de M. X… était justifié et repose sur une faute grave et de le débouter de toutes ses demandes,

– à titre subsidiaire de dire que ce licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, de statuer ce que de droit s’agissant de l’indemnité de licenciement, de l’indemnité de préavis et du rappel de salaire pendant la mise à pied et de débouter M. X… de ses autres demandes,

– en tout état de cause, de condamner M. X… à lui verser la somme de 4 500 ¿ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle soutient en résumé :

– sur l’indemnité spéciale :

– que par application des dispositions de l’article L. 1411-1 du code du travail le conseil de prud’hommes était incompétent pour statuer sur la demande de M X… au titre de cette convention dont l’examen ressort de la compétence du tribunal de commerce ; qu’en effet la convention du 3 octobre 2000 a été signée le même jour qu’un acte de cession de parts et qu’un pacte d’actionnaires qui ont fait de M. X… un associé ; que ces conventions sont liées entre elles, chacune trouvant sa cause dans l’autre ; que c’est en qualité de gérant de la SCP Régis Y… détenant le capital de la société des Rillettes Y… que M. Régis Y… a cédé à chacun des quatre cadres, 666 des 206062 actions de la société des Rillettes Y… qui n’avait aucun intérêt à prendre l’engagement en cause qui aurait été dépourvu de cause et serait donc nulle, seule la SCP-qui n’a jamais été l’employeur de M. X…-pouvant y avoir un intérêt dans le cadre de l’opération de cession envisagée par son dirigeant ;

– à titre subsidiaire, qu’en application de l’article 1152 du code civil, cette indemnité doit s’analyser en une clause pénale ; que  » l’indemnité spécifique de rupture sollicitée constitue indiscutablement un contrat sans cause puisque sans contre partie  » ; que  » si la cour devait écarter la nullité d’une telle convention  » elle ne pourrait que la qualifier de manifestement excessive et la réduire à de plus juste proportion ;

– sur le licenciement :

– que  » le salarié qui conteste le bien fondé de son licenciement doit en tant que demandeur apporter les éléments nécessaires à fonder ses prétentions conformément aux articles 6 et 9 du code de procédure civile et 1315 du code civil  » ; que de son coté l’employeur doit fournir au conseil de prud’hommes les éléments qu’il a retenu pour prendre la sanction ; que le salarié se contente d’alléguer que son licenciement serait dépourvu de cause réelle et sérieuse sans apporter aucun élément de nature à fonder ses prétentions ; que le licenciement de M. X… pour faute grave était justifié au regard du nombre des manquements relevés et  » de leurs conséquences préjudiciables pour la société aussi bien en interne compte tenu de la dégradation du climat social que vis à vis des instances telles que l’inspection du travail ou la médecine du travail, ou encore sur le plan judiciaire du fait des sanctions encourue du fait des manquements répétés de M. X… lequel s’est refusé à respecter les dispositions légales et conventionnelles applicables, au détriment des salariés  » qu’elle détaille dans ses écritures ;

– qu’à tout le moins le licenciement de M. X… était justifié par une cause réelle et sérieuse, les manquements du salarié étant incontestables, ses demandes indemnitaires étant par ailleurs excessives.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties il convient de se reporter à leurs écritures ci dessus visées figurant au dossier de la procédure et aux débats à l’audience du 5 janvier 2016.

MOTIFS DE LA DÉCISION,

Sur le licenciement,

Sur les règles de preuve tout d’abord et contrairement à ce que soutient l’employeur lorsqu’il écrit  » le salarié qui conteste le bien fondé de son licenciement doit, en tant que demandeur, apporter les éléments nécessaires à fonder ses prétentions conformément aux articles 6 et 9 du code de procédure civile et 1315 du code civil « , et que la cour pourra constater que  » le salarié se contente d’alléguer que son licenciement serait dépourvu de cause réelle et sérieuse sans apporter aucun élément de nature à fonder ses prétentions « , si, dans le cadre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la charge de la preuve est partagée, le juge formant alors sa conviction, en cas de litige, au vu des éléments fournis par les parties, il appartient à l’employeur qui a licencié son salarié pour faute grave, de rapporter seul la preuve des fautes de ce dernier.

Ces fautes, qui ne peuvent résulter que d’un fait avéré, un acte positif ou une abstention de nature volontaire constituant de la part du salarié une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, doivent au surplus être de nature à rendre impossible son maintien dans l’entreprise.

Le juge à par ailleurs l’obligation de rechercher la cause exacte du licenciement.

Aux termes de la lettre de licenciement du 15 juillet 2011 qui fixe les limites du litige, M. X… s’est vu notifier son licenciement pour faute grave en ces termes :

 » Après avoir été alertés par l’inspection du travail, le 27 juin dernier, sur de graves dysfonctionnements, au sein de l’entreprise, qui vous sont entièrement imputables, vous avez été placé en mise à pied à titre conservatoire depuis le 1er juillet 2011.

Nous avons décidé de vous licencier pour les motifs suivants :

En qualité de Directeur des Ressources Humaines de l’entreprise, vous avez pour mission essentielle de veiller au respect des grands principes du droit du travail, aussi bien dans la gestion des payes que dans celle concernant la durée du travail, ceci afin de protéger l’entreprise contre d’éventuelles sanctions relatives à des infractions et des litiges qui pourraient en découler.

Force est de constater que vous avez complètement failli à votre mission et que l’entreprise trouve aujourd’hui confrontée à de graves et nombreuses anomalies qui ont fortement contribué a la détérioration du climat social de l’entreprise (perte de confiance des salariés) et de la communication avec les services de l’Inspection du travail et de la médecine du travail.

Ainsi, nous découvrons, entre autre, un litige sur les rémunérations de Mademoiselle A…, dont vous étiez informé depuis le 27 octobre 2010, et que vous n’avez absolument pas su gérer, tant en terme de délai de réponse avec l’Inspection du Travail, qu’en terme de résultats… puisque ce dossier n’est, à ce jour, toujours pas solutionné.

Rappel des faits :

En date du 27 octobre 2010, Madame B…, Inspectrice du Travail, vous demande de vous justifier sur la manière dont vous avez géré l’absence de Mademoiselle A….

En date du 30 décembre 2010, soit deux mois après, vous répondez à ce courrier. Cette réponse ne repose sur aucun justificatif et, de plus, vous allez jusqu’à écrire que vous appliquez un accord d’entreprise qui se trouve être moins favorable que l’accord de branche.

Le 15 mars 2011, Madame B… revient donc sur ce dossier et vous impose, cette fois un délai de réponse de 15 jours.

Le 5 avril 2011, vous faites savoir à Madame B… que vous êtes dans l’incapacité de respecter les délais impartis.

Le 29 avril 2011, vous tentez de clore ce dossier en indiquant à Madame B…, je cite :  » la société a accepté, à titre de concession exclusivement et pour faire montre de sa bonne volonté à votre égard, de verser à Mademoiselle A…, sur la paye d’avril, un rappel de salaire de 312, 40 ¿.  »

Un tel comportement, ne pouvait entraîner qu’une réaction impérieuse de l’inspection du travail et, dans son courrier recommandé, réceptionné le 27 Juin, Madame B… revient, point par point, sur les dysfonctionnements qu’elle a soulevés :

1/ le dossier de Mademoiselle A…

L’inspectrice du travail indique clairement que. cette affaire n’est toujours réglée et, plus grave encore, vous lui avez transmis des documents qui ne sont pas ceux utilisés dans l’entreprise, ce qui est constitutif d’un délit d’obstacle à ses fonctions. De ce fait, elle vous met en demeure de pratiquer les régularisations, non seulement concernant Mademoiselle A…, mais également aux autres salariés concernés depuis 2009.

2/ La durée du travail

Nous ne reprendrons pas, point par point, toutes les irrégularités soulevées dans le constat de Madame B… mais, en synthèse, nous notons que la gravité des événements se traduisant par le non respect du code du travail et de notre accord d’entreprise, expose l’entreprise aux amendes prévues par le code du travail et au re-calcul de la durée du travail sans modulation avec déclenchement des heures supplémentaires à 35 heures… ce qui constituerait une charge financière très lourde pour l’entreprise.

3/ Rémunération

Là encore, le non respect des règles vous est reproché : non paiement des heures supplémentaires au-delà de la limite haute et non paiement des heures effectuées au-delà de la durée annuelle légale en fin de période.

4/ Informations complémentaires

Des informations complémentaires sont demandées par Madame B… sur les feuilles d’heures prépaie ; les explications données oralement le jour de sa visite, comme : « cette colonne ne sert à rien »,… n’ayant pas su la convaincre et pour cause.

Par ailleurs, nous vous rappelons également l’échange de correspondances avec la médecine du travail (cf. courriers des 30 octobre 2010 et 17 mai 2011) qui vient également corroborer la situation critique dans laquelle vous avez placé l’entreprise.

Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l’entreprise, votre licenciement prend donc effet immédiatement, dès réception de la présente, sans exécution ni indemnisation du préavis et sans indemnité de rupture.

Nous vous signalons à cet égard qu’en raison de la gravité des faits qui vous sont reprochés, le salaire correspondant à la période pendant laquelle nous vous avons mis à pied à titre conservatoire ne vous sera pas versé.  »

Suivent les mentions relatives aux documents de fin de contrat et aux droits à DIF.

Il ne fait pas débat que M. X… en sa qualité de DRH aux termes de sa mission telle que définie dans son contrat de travail était responsable de la gestion du personnel et notamment de l’application et du suivi des réglementations internes en matière de classification, de qualification et de rémunération du personnel, du respect de la législation du travail, de la gestion du personnel intérimaire, de la communication interne, du fonctionnement des IRP, de la gestion du restaurant d’entreprise, de la liaison avec le DAF avec l’ensemble des organismes de retraite et de prévoyance, d’assurer la gestion des accords de participation et d’intéressement, de veiller à la bonne application des principes relatifs au droit disciplinaire et au licenciement, d’assurer les relations avec l’ensemble des organismes et administrations concernant la gestion du personnel (médecine du travail, inspection du travail, fédération des industries charcutières), d’assurer le contrôle des activités relatives à la gestion du personnel (paie, tenue et mise à jour des registres réglementaires, déclarations aux organismes sociaux), assurer l’élaboration du bilan social, formation, recenser les besoins pour permettre de les quantifier en termes d’effectifs et assurer mission recrutement.

Il gérait également le service du personnel de son service.

Il disposait d’une délégation de pouvoir définie dans un document du 30 juillet 2010 pour tout ce qui se rapportait notamment à l’application de la réglementation du travail l’animation des IRP et en matière de santé et sécurité du travail (pièce 5, 6 et 7 de l’employeur).

M. X… ne produit aucun document permettant de laisser penser, et a fortiori d’établir, que son licenciement en juillet 2011 ait une autre cause que celle visée dans la lettre de licenciement.

Sa pièce no10, seul document produit, est l’organigramme de la société au 1er juin 2010 sur lequel il a porté mention d’un changement à la direction générale et des suppressions de postes dont celles du directeur logistique en avril 2011, du directeur industriel en octobre 2011 et du DRH en juillet 2011 ; or ce seul document est insuffisant à établir que son licenciement, intervenu en juillet 2011, aurait pour cause une restructuration organisée par le groupe Alliance qui, en 2009, a  » racheté  » le groupe Bigard qui, en 2008, avait lui même  » racheté  » la Socopa qui en 2003, avait elle même  » acheté  » la société des Rillettes Y… qui en était devenue une filiale.

L’employeur a fait le choix d’un licenciement disciplinaire sur lequel il ne peut plus revenir de sorte que, s’il ne rapporte pas la preuve d’une  » faute  » du salarié à savoir d’un acte positif ou d’une abstention de nature volontaire constituant de la part de dernier une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, le licenciement est alors nécessairement sans cause réelle et sérieuse.

La faute grave reprochée au salarié est d’avoir complètement failli à sa mission de sorte que l’entreprise s’est trouvé confrontée à de graves et nombreuses anomalies qui ont fortement contribué a la détérioration du climat social et de la communication avec les services de l’Inspection du travail et de la médecine du travail.

Les manquements à sa mission tels que visés dans la lettre de licenciement qui, encore une fois, s’agissant de faute et donc d’acte positif ou d’une abstention de nature volontaire constituant de la part de dernier une violation des obligations découlant du contrat de travail, fixe les limites du juge sont :

– une application erronée des dispositions conventionnelles et légales en matière de durée de travail et de rémunérations des salariés (dossier de Mlle A…, non respect du code du travail et de l’accord d’entreprise sur la durée du travail, défaut de calcul et de paiement conformes des heures supplémentaires) et la gestion par M. X… des demandes de régularisation et d’information qui lui ont été faites par l’inspection du travail,

– la gestion par M. X… des diverses demandes qui lui ont été faites par le médecin du travail (cf. courriers des 30 octobre 2010 et 17 mai 2011).

Pour preuve de ce qu’elle précise dans ses écritures être une  » violation délibérée des dispositions conventionnelles et légales « , des  » manquements intolérables tant du fait de leur existence que de leur nombre) qu’elle impute à son salarié, la société des Rillettes Y… produit les courriers visés dans la lettre de licenciement et le rapport  » d’audit paie  » effectué par le cabinet d’avocat de la société en août 2010.

La lecture de ces courriers permet de constater que :

– le 27 octobre 2010 Mme B… inspectrice du travail, a demandé à l’employeur de lui justifier des textes lui permettant de ne pas verser à Mlle A… en arrêt de travail les primes qu’elle aurait dû percevoir si elle avait travaillé comme le prévoit l’accord de branche du 22 juin 1979 et de lui fournir diverses informations concernant la situation de cette salariée (25-2- d) ;

– le 30 décembre 2010 M. X… a indiqué qu’il n’est pas d’accord sur l’interprétation par Mme B… de l’accord collectif et lui a fourni les informations demandées (25-2- h) ;

– le 15 mars 2011 (25-2- c), l’inspectrice du travail a indiqué maintenir sa position en expliquant les raisons et a mis en demeure M. X… de régulariser la situation de Mlle A… et de lui fournir des documents précis sur la situation de cette dernière dans un délai de 2 semaines (calcul au mois avec le planning réalisé par l’équipe de travail de cette salariée, décompte de son temps de travail, calcul de la prime d’ancienneté et des trop perçus) ;

– que le 5 avril M. X… a indiqué à Mme B… que le délai de 15 jours était trop court et qu’il fournirait les éléments demandés et réglerait la situation avant fin avril puis, par lettre du 29 avril, a fait connaître à Mme B… (25-2- g) son désaccord sur son analyse de l’accord d’entreprise (dossier A…) en lui précisant qu’à titre de concession exclusivement et pour faire montre de bonne volonté à votre égard, il serait versé à Mlle A… la somme de 312 ¿ en avril (primes habillage) ; il a ajouté que le salaire de Mlle A… serait recalculé en fonction de sa demande après traitement de la paie d’avril et que, sitôt les calculs validés, il procéderait, s’il y avait lieu, aux régularisations avant le paiement du salaire du mois de mai et que les sommes dues lui seraient versées à titre d’acompte.

Il ressort de cet échange de courriers que Mme B… inspectrice du travail était en désaccord avec M. X… sur l’interprétation de l’accord de branche du 22 juin 1979 et qu’en définitive, compte tenu de la position arrêtée de Mme B…, la situation de Mlle A… serait réglée comme elle le souhaitait.

Or il n’est pas discuté par l’employeur que l’application par M. X… de cet accord de branche n’avait jamais donné lieu à discussion depuis que ce dernier était en poste soit depuis plus de quinze ans et/ ou que l’inspection du travail a pendant cette période formalisé quelques observations que ce soit sur ce point… ou sur un autre d’ailleurs.

La position défendue par M. X… dans ses courriers est argumentée et ses réponses aux courriers comminatoires et affirmatifs de l’inspection du travail sont certes claires et affirmées sur son désaccord mais pour autant courtoises.

L’employeur, auquel il appartient de rapporter la preuve d’une application volontairement inexacte de l’accord par M. X… et d’un manquement délibéré de sa part, ne justifie pas même, par les documents qu’il produit, de la mauvaise interprétation qu’il impute à son salarié ; l’audit paie qui a été effectué par le cabinet Fidal en août 2010 permet de constater que la situation de Mlle A… était particulièrement peu évidente à régler, cet audit n’évoquant d’ailleurs pas, s’agissant de cette salariée, le problème relevé par l’inspection du travail et portant sur la base de calcul du maintien de salaire. M. X… produit par ailleurs des extraits de documentation (Lamy social et Lamy Paie) qui sont de nature à justifier son point de vue sur le salaire à maintenir à Mlle A… (pièces 12, 13 et 14 du salarié).

Le fait que la situation de Mme A… ait été régularisée (25-2- b) dans les conditions exigées par l’inspection du travail ne suffit pas à établir que M. X… a commis une faute en le faisant pas avant.

Par ailleurs M. X… est directeur des ressources humaines d’une entreprise qui emploie plus de 450 salariés et il ne peut sérieusement lui être fait grief par son employeur de n’avoir répondu que le 30 décembre 2010 au courrier du 20 octobre précédent de l’inspectrice du travail qui, ayant sans doute elle même également d’autres tâches, n’a réécrit à M. X… que le 15 mars 2011.

Il ressort ensuite du dernier courrier visé dans la lettre de licenciement en date du 24 juin 2011 de l’inspectrice du travail Mme B… (pièce 8 de l’employeur) que celle-ci, considérant qu’elle n’avait pas eu de réponse dans un délai raisonnable alors que son premier courrier datait d’octobre 2010 ni reçu de justification de la situation de Mlle A…, et compte tenu de dysfonctionnements dont elle avait été avertie sur la durée du travail, s’est rendue dans l’entreprise le 8 juin 2011.

Elle indique avoir constaté de nombreuses irrégularités portant essentiellement sur une application erronée de l’accord d’entreprise (modalités de maintien de salaire pendant les arrêts de travail, modulation et donc paiement des heures supplémentaires de janvier à mars 2011, décompte non conforme de la durée du travail), un non respect de la durée hebdomadaire à 12 reprises dans l’année, une absence de programmation indicative (les salariés n’étant prévenu que le jeudi du planning qui change toutes les semaines), des pratiques de récupération d’heures perdues ne correspondant pas aux cas prévus par L. 3122-27 code du travail, un non paiement des heures effectuées au delà de la limite haute et dans le mois suivant et des heures supplémentaires effectuées au delà de la durée annuelle légale.

Or ces anomalies et/ ou infractions ont été relevées dans un courrier du 24 juin reçu dans l’entreprise le 27 juin et dès le 1er juillet M. X… e été mis à pied, ce qui ne lui a pas permis de répondre.

L’employeur n’établit pas par ailleurs que ces anomalies constatées-dont la preuve n’est pas autrement rapportée que par les affirmations de l’inspectrice du travail-aient débouchées sur des PV et/ ou une quelconque poursuite.

Or dans la mesure où il a considéré que les faits visés dans cette lettre constituaient des manquement délibérés du salarié aux règles du code du travail justifiant un licenciement disciplinaire pour faute grave, il lui appartient d’établir autrement que par le courrier de l’inspection du travail la réalité et le caractère volontaire de ces manquements, ce qu’il ne fait pas.

La lettre de licenciement ne vise aucun autre courrier de l’inspection du travail et ne relève aucun fait afférent à la gestion des réunions du CHSCT de sorte que les éléments produits par l’employeur sur ce point ne sauraient être examinées par la cour.

S’agissant des relations avec le médecin du travail, s’il résulte du courrier du docteur C… en date du 30 octobre 2010 qu’il a souhaité disposer d’un local dédié à la santé au travail qui soit réellement insonorisé et a fait part de ce que les statistiques démontraient une montée en charge des problèmes de santé, accidents du travail et risques psychosociaux depuis 2004, aucun investissement n’ayant été fait depuis la cession de l’entreprise à la Socopa sur des machines qui vieillissent et les salariés s’inquiétant au surplus de leur avenir depuis la reprise par le groupe Alliance, la réponse qui a été faite le 15 novembre 2010 par M. X… à ce courrier est là encore courtois.

Même s’il indique au médecin, ce qui n’est pas contredit par l’employeur, que son prédécesseur ne s’était à aucun moment manifesté auprès de lui pour lui faire part du problème et que depuis trois ans de nombreuses vacations médicales s’étaient déroulées sans difficultés, il lui précise que les possibilités techniques pour insonoriser ce local conformément à ses souhaits étaient à l’étude, qu’il était surpris que le courrier ait été adressé à la direction du groupe et qu’il ne manquerait pas d’évoquer avec lui chacun des points évoqués dans ce courrier dans un souci de transparence (pièce 31-3).

L’employeur est de particulière mauvaise foi lorsqu’il écrit que  » M. X… a annoncé à la médecine du travail étudier la possibilité d’insonoriser le local ce dont il n’a jamais référé à sa direction seule apte à prendre une telle décision d’entreprendre des travaux  » tout en soulignant, pour justifier de la gravité des fautes qu’elle lui impute, l’importance des fonctions de ce salarié et la délégation de pouvoir qu’elle lui a donnée s’agissant notamment des responsabilités de la société


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