Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Zurich Versicherungs Aktiengesellschaft que sur les pourvois incidents relevés par les sociétés Axa Belgium Nv, Aegon Schadeverz Nv, Generali Schadeverz Mij Nv et Allianz Versicherungs Ag et par la société Transalu ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Seita, aux droits de laquelle est venue la société Altadis distribution France (la société Altadis), a confié l’acheminement de cigarettes d’une usine de production située à Riom à destination de Piispanristi (Finlande) à la société Transalu, qui a fait appel à la société autrichienne Easy Shipping ; que la société Transalu a été avertie le 21 octobre 2006 par la société Easy Shipping que son chauffeur avait été agressé à Francfort (Allemagne), l’intégralité de l’ensemble routier et du chargement ayant été dérobés ; que le camion a été retrouvé le même jour en Autriche sans la marchandise ; que la société Altadis et son assureur, la société Zurich Insurance Ireland Ltd, devenue la société Zurich Insurance Public Limited Company (la société Zurich Insurance Ireland), ont assigné la société Transalu et la société Easy Shipping en paiement de dommages-intérêts ; que la société Transalu a appelé en garantie la société Easy Shipping et son assureur, la société Zurich Versicherungs, anciennement dénommée Zurich Kosmos Versicherungen AG ; que les sociétés Axa Belgium et Aegon Schadeverz.nv, Generali Schadeverz.nv et Allianz Versicherungs (les assureurs de la société Transalu) sont intervenues volontairement à l’instance ;
Sur les premiers moyens du pourvoi principal et des pourvois incidents de la société Transalu et des assureurs de celle-ci, rédigés en termes similaires, réunis :
Attendu que la société Zurich Versicherungs, la société Transalu et les assureurs de cette dernière font grief à l’arrêt de déclarer les sociétés Altadis et Zurich Insurance recevables en leur demande alors, selon le moyen, que la société bénéficiaire d’un apport partiel d’actif soumis au régime des scissions acquiert la qualité d’ayant cause à titre universel pour l’ensemble des droits, biens, obligations et actions se rapportant à la branche d’activité transmise et se substitue automatiquement à la société apporteuse, qui n’a plus ni qualité ni intérêt à agir au titre des droits et actions transmis ; qu’en considérant que la société Altadis, substituée à la société Seita par l’effet de l’apport partiel d’actif soumis au régime des scissions, de sa branche d’activité « distribution », réalisé au mois d’août 2007, avait intérêt à agir pour obtenir le remboursement des droits d’accise d’un montant de 909 225 euros, motif pris que le paiement avait été effectué par la société Seita, « en réalité Altadis venant aux droits de Seita en qualité de distributeur », sans même vérifier, comme il lui était demandé, si la société Altadis avait elle-même effectué le paiement, comme elle le devait, en qualité de société bénéficiaire de l’apport, substituée à la société Seita, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 31 et 125 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu’ayant souverainement retenu que la preuve du paiement des droits d’accises par virement du 4 novembre 2008 d’un montant de 909 225 euros était apportée aux débats et que ce paiement justifiait les demandes de la société Altadis, la cour d’appel, qui n’a pas dit que le virement avait été fait par la société Seita mais qu’il portait la référence « Seita Cigarettes France société », a effectué la recherche prétendument omise ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société Zurich Versicherungs fait grief à l’arrêt de la condamner, d’un côté, in solidum avec la société Transalu, les assureurs de cette société et la société Easy Shipping, à payer à la société Zurich Insurance Ireland la somme de 41 523,54 euros et, de l’autre, in solidum avec les sociétés Transalu et Easy Shipping à payer à la société Altadis Distribution France la somme de 939 225 euros, alors, selon moyen :
1°/ que l’article 7.2 de la police d’assurance n° 27052067-7 stipule que sont exclus de la garantie les « dommages que les autres auxiliaires d’exécution de l’assuré ont intentionnellement provoqués, pour autant que celui-ci n’a intentionnellement pas observé la diligence requise dans le choix et la surveillance des auxiliaires d’exécution » ; que le transporteur reconnaissait ainsi être redevable d’une obligation de diligence dans le choix et la surveillance des auxiliaires d’exécution ; qu’en considérant, après avoir relevé que le chauffeur avait déjà été condamné à plusieurs reprises, pour abus de confiance, recel, vol de biens séquestrés, contrebande organisée et fraude fiscale ou douanière, que la société Zurich Versicherungs ne rapportait pas la preuve que la société Easy Shipping avait pu ou dû avoir ces renseignements, cependant que le contrat d’assurance imposait à l’assuré, au titre d’une exclusion de garantie conventionnelle, une obligation de diligence dans le choix et la surveillance de ses préposés, impliquant nécessairement de se renseigner sur leurs compétences et antécédents judiciaires, la cour d’appel a méconnu la loi du contrat, en violation de l’article 1134 du code civil ;
2°/ que s’il incombe à l’assureur qui invoque une exclusion de garantie de démontrer la réunion des conditions de fait de cette exclusion, il appartient ensuite à l’assuré, dont l’exécution de certaines obligations visées par la police est contestée, de rapporter la preuve de cette exécution ; qu’en retenant qu’il appartenait à la société Zurich Versicherungs de prouver que l’assuré s’était intentionnellement abstenu d’observer les diligences nécessaires lors de l’embauche de son chauffeur, cependant qu’il appartenait à l’assuré, sur lequel la police d’assurance faisait peser une obligation de diligence dans le choix et la surveillance de auxiliaires d’exécution, de démontrer qu’il avait pris les précautions nécessaires pour remplir son obligation de diligence, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l’article 1315 du code civil ;
3°/ que l’article 7.2 de la police d’assurance imposait à l’assuré une double obligation de diligence, dans le choix mais aussi dans la surveillance de l’auxiliaire d’exécution ; qu’en se référant, pour écarter l’application de l’exclusion de garantie, à la seule obligation du transporteur d’obtenir les renseignements relatifs aux antécédents judiciaires du chauffeur, ou d’observer les diligences nécessaires lors de l’embauche de celui-ci, sans prendre en compte l’obligation de diligence dans la surveillance de ses auxiliaires de transport, pourtant expressément visée par l’article 7.2 de la police d’assurance, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil ;
4°/ que la société Zurich Versicherungs faisait valoir, dans ses dernières conclusions d’appel, déposées et signifiées le 18 avril 2013, que la société Easy Shipping ne pouvait de toute façon solliciter sa garantie en raison du défaut de concession administrative l’autorisant à exercer l’activité de transport routier de marchandises ; que cette cause d’exclusion de garantie, notifiée à la société de transport, n’avait d’ailleurs jamais été contestée ; qu’en ne répondant pas à ce moyen, fondée sur l’existence de déclarations inexactes de l’assuré, susceptibles de justifier un refus de le garantir de la part de la société Zurich Versicherung, la cour d’appel a méconnu les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que la société Zurich Versicherungs n’ayant pas précisé, dans ses conclusions devant la cour d’appel ou sa lettre du 14 janvier 2008 adressée à la société Easy Shipping, de quelle exclusion de garantie elle entendait se prévaloir en raison du défaut de concession administrative autorisant cette société à exercer l’activité de transport routier de marchandises, la cour d’appel, qui ne disposait pas des éléments suffisants pour se prononcer sur cette exclusion, n’avait pas à répondre à des conclusions imprécises ;
Et attendu, en second lieu, que, s’il appartient à l’assuré qui réclame l’exécution du contrat d’assurance d’établir l’existence du sinistre, il incombe à l’assureur qui invoque une exclusion de garantie de démontrer la réunion des conditions de fait de cette exclusion ; qu’après avoir relevé que, si l’article 7.3 de la police d’assurance excluait de la garantie les dommages provoqués intentionnellement par les auxiliaires d’exécution de l’assuré, c’était à la condition que celui-ci n’ait intentionnellement pas observé lui-même la diligence requise dans le choix et la surveillance de ces auxiliaires, l’arrêt retient que le rapport d’enquête dressé le 21 octobre 2006 par la préfecture de Francfort mentionnait que le chauffeur n’était pas connu des services de police et était décrit comme un bon collaborateur et que si, en réalité, il avait déjà été condamné à plusieurs reprises pour des faits similaires, la preuve n’était pas rapportée que ces informations aient pu être connues de la société Easy Shipping avant son embauche ; que par ces constatations et appréciations, la cour d’appel a pu, sans inverser la charge de la preuve, écarter l’exclusion de garantie invoquée par la société Zurich Versicherungs ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen du pourvoi incident de la société Transalu :
Attendu que la société Transalu fait grief à l’arrêt de la condamner, in solidum avec la société Easy Shipping et la société Zurich Versicherungs, à payer la somme de 939 225 euros en principal alors, selon le moyen, que le dol, qui suppose une imprudence délibérée, est exclu en cas de vol avec violence ; qu’en retenant que les circonstances du vol permettaient de retenir l’existence d’un dol de la société Easy Shipping, sans rechercher si le fait que le conducteur ait été retrouvé drogué et dépouillé de ses effets personnels, mettant en évidence la violence de l’agression dont il avait été victime, n’était pas exclusif du dol, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1150 du code civil et 23, alinéa 3, et 29 de la convention CMR ;
Mais attendu que l’arrêt retient que le vol commis le 20 octobre 2006 a donné lieu à une enquête et des poursuites judiciaires en Autriche, qui ont permis d’établir que le chauffeur de la société Easy Shipping, alors en fuite, et son frère, condamné pour ces faits le 23 août 2012, avaient organisé le détournement de l’ensemble routier et de sa cargaison en simulant un vol à main armée à Francfort ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui a effectué la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Vu l’article 3 du code civil ;
Attendu que pour déclarer les sociétés Altadis et Zurich Insurance Ireland recevables en leur action directe contre la société Zurich Versicherungs, l’arrêt, après avoir exactement énoncé que cette action est soumise à la loi du lieu du dommage, retient que si le vol, événement ponctuel, a eu lieu en Allemagne comme il aurait pu avoir lieu à n’importe quel autre point du trajet, le dommage s’est produit et n’a pu se produire qu’en France où la société Altadis a subi la perte des cigarettes volées mais également la charge d’accises exigibles à son encontre en qualité d’expéditeur à raison du constat des manquants, de sorte que le dommage présente, pour la société Altadis et son assureur, un lien de rattachement plus étroit avec la France ;
Qu’en statuant ainsi, alors que le lieu du dommage ne se confond pas avec celui où la victime en a subi les conséquences patrimoniales préjudiciables, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le deuxième moyen du pourvoi incident de la société Transalu et le second moyen du pourvoi incident des assureurs de cette société, pris en sa première branche, rédigés en termes similaires, réunis :
Vu l’article 3 du code civil ;
Attendu qu’ il incombe au juge français qui reconnaît applicable un droit étranger d’en rechercher, soit d’office soit à la demande d’une partie qui l’invoque, la teneur, avec le concours des parties et personnellement s’il y a lieu, et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger ;
Attendu que pour déclarer irrecevables les appels en garantie dirigés par la société Transalu et les assureurs de celle-ci contre la société Zurich Versicherungs, l’arrêt retient que les appelants en garantie, qui font grief au tribunal de ne pas avoir pris en compte l’application dans le temps de la loi autrichienne du 9 juin 2005, qui seule a permis pour l’avenir l’interdiction de la cession de droits dans les polices d’assurance et son opposabilité aux tiers, ne produisent aucun élément aux débats justifiant du contenu du droit autrichien applicable au contrat d’assurance souscrit en 2002 et ne rapportent pas la preuve que les dispositions de celui-ci seraient nulles ou inopposables ;
Qu’en statuant ainsi, en se bornant à constater que les preuves fournies par les parties étaient insuffisantes pour établir la teneur du droit autrichien applicable, la cour d’appel, qui a méconnu son office, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant le jugement, il déclare les sociétés Altadis distribution France et Zurich Insurance Public Limited Company recevables en leur action à l’encontre de la société Zurich Versicherungs, en ce que, confirmant le jugement, il déclare irrecevables les appels en garantie dirigés par la société Transalu et les sociétés Axa Belgium, Aegon Schadeverz.nv, Generali Schadeverz.nv et Allianz Versicherungs contre la société Zurich Versicherungs, et en ce qu’il statue sur les dépens, ainsi que sur l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 25 juin 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles, autrement composée ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Zurich Versicherungs Aktiengesellschaft.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir déclaré les sociétés Altadis Distribution France et Zurich Insurance Ireland recevables en leurs demandes principales et, en conséquence, d’avoir débouté la société Zurich Versicherung de sa demande tendant à voir déclarer sans objet les appels en garantie dirigés contre elle par ricochet ;
AUX MOTIFS QUE le transport a été effectué pour Seita, commandé par son unité logistique exportation de Mions pour un départ de son établissement de Riom ; qu’Altadis Distribution est une SAS unipersonnelle immatriculée le 6 avril 2007 ayant pour activité la distribution et commercialisation du tabac ; figure sur son extrait Kbis à la date du 10 août 2007 mention de 1’augmentation de son capital par suite d’apport d’actif sous le régime juridique des scissions, par Seita qui à l’issue de cette opération détenait 100% de son capital ; qu’avant tout litige, Altadis a adressé au courtier gérant le contrat d’assurance Zurich un courrier visant à organiser le transfert du bénéfice de ce contrat. Il y est précisé que Seita apporte sa branche d’activité distribution à Altadis Distribution France, figure en annexe la liste détaillée des sites qui seront désormais rattachés à Altadis Distribution, au nombre des quels figurent les centres de distribution de Mions et de réapprovisionnement de Riom ; qu’en application des dispositions de l’article L.236-3 du code de commerce, l’apport partiel d’activité sous le régime de la scission entraine la transmission universelle du patrimoine aux sociétés bénéficiaires dans l’état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l’opération. L’universalité de cette transmission implique que sont concernés non seulement les contrats en cours, mais tous les éléments d’actif existant, incluant les créances quelle qu’en soit les causes et date de leur fait générateur ; que dans ces conditions Altadis Distribution a bien qualité à agir, venant aux droits de Seita au titre de la créance née du sinistre survenu au cours du transport litigieux ; que Seita est l’expéditeur de la marchandise et victime du dommage lors de la survenance du sinistre ; qu’elle figure dans la liste des filiales de la société Altadis SA entrant dans le périmètre de la police souscrite initialement auprès de Zurich International France ; cette dernière, ainsi qu’il est établi par son Kbis, a fait l’objet d’une transmission universelle de patrimoine réalisée le 31 décembre 2005 par son actionnaire unique Zurich Insurance Ireland Ltd avec laquelle le contrat d’assurance s’est poursuivi ; que sont produits aux débats l’acte de subrogation au profit de Zurich Insurance Ireland daté du 4 juillet 2007 et signé par Seita à hauteur de la somme de 41 523,54 ¿ représentant l’indemnité relative au sinistre survenu le 20 octobre 2006, et la lettre datée du même jour adressée au courtier gestionnaire de la police, contenant un chèque de règlement de ce montant également daté du même jour établi à l’ordre de Seita, portant les mêmes références que celles mentionnées sur la quittance ; qu’il n’est pas discuté que cette indemnisation correspond à un paiement obligé en exécution des clauses de la police d’assurance ; que ces éléments suffisent à établir l’existence d’une subrogation légale au profit de Zurich Insurance Ireland et en conséquence sa qualité à agir, venant aux droits de son assurée d’alors, Seita, à hauteur de la somme quittancée ; que l’action d’Altadis a pour objet le recouvrement de la franchise de 30.000 euros laissée à charge, ainsi que les droits d’accises, pour la somme telle qu’évaluée par l’expert dans son rapport ; qu’en raison de la transmission universelle de patrimoine ci dessus évoquée, elle vient aux obligations de Seita ; or ainsi que l’indique elle-même Transalu, en vertu des dispositions de l’article 15 §4 alinéa 4 de la loi allemande relative aux taxes sur les tabacs, issues de l’article 8 de la directive, le redevable de l’accise peut être tant l’expéditeur des marchandises que la personne les ayant irrégulièrement soustraites ; à la date de l’assignation, les auteurs du vol étaient inconnus de sorte que la notification à son encontre de droits d’accises à payer était future mais certaine, ce qui suffisait dès la date de l’assignation à caractériser son intérêt à agir de ce chef ; que l’enquête à la suite du vol étant achevée et les auteurs du vol identifiés, le bureau des douanes de Darmstadt (Allemagne) a notifié le 1er octobre 2008 le montant des droits d’accises de 909 225 € à payer avant le 3 novembre 2008, avec indication que la dette est à partager avec Vojuslav Didic, Srboljub Jovanovic et Toplica Jovanovic, les deux derniers étant actuellement en fuite ; que la preuve du paiement de ces droits, pour la somme de 909 225 ¿ est apportée aux débats ; que le virement daté du 4 novembre 2008 porte la référence « Seita Cigarettes France société : 8100 », en réponse à la notification adressée à « Seita Cigarette » usine de Riom France, en réalité Altadis venant aux droits de Seita en qualité de distributeur/expéditeur ; que ces droits d’accises n’étaient pas susceptibles de contestation sérieuse, et avaient d’ailleurs déjà été prévus dans le rapport d’expertise, pour un montant estimé supérieur, et les autres codébiteurs étant en fuite tout recours à leur encontre est illusoire ; que dès lors aucun grief ne peut utilement être opposé à Altadis à raison de ce paiement ; que la circonstance que le paiement de ces droits a été effectué le 4 novembre 2008 soit postérieurement à l’expiration du délai de prescription de l’action prévu par l’article 32 Ib de la convention CMR tel qu’invoqué par Transalu est sans aucune incidence sur la recevabilité de l’action d’Altadis dès lors que son intérêt à agir était caractérisé dès l’assignation et que ce paiement ne vient aujourd’hui que justifier le bien fondé de ses prétentions ; qu’au regard de l’ensemble de ces éléments, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a déclaré Altadis Distribution et Zurich Insurance Ireland Ltd (aujourd’hui dénommée Zurich Insurance Public Limited Company) recevables en leur action à l’encontre de Transalu ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE sur la recevabilité de l’action principale de ZURICH INSURANCE IRELAND, que ZURICH VERSICHERUNGS AKTIENGESELLSCHAFT conteste qu’ALTADIS DISTRIBUTION FRANCE ait subrogé ZURICH INSURANCE IRELAND dans ses droits ; mais qu’ALTADIS DISTRIBUTION FRANCE verse aux débats l’acte de subrogation du 4 juillet 2007 aux termes duquel SEITA GROUPE ALTADIS reconnaît avoir reçu de ZURICH INSURANCE IRELAND la somme de 41.523,54 représentant l’indemnité relative au sinistre survenu le 20 octobre 2006 ; qu’il a été établi qu’ALTADIS DISTRIBUTION FRANCE venait désormais aux droits de SEITA ; qu’en conséquence le tribunal jugera recevable l’action principale de ZURICH INSURANCE IRELAND ;
ALORS QUE la société bénéficiaire d’un apport partiel d’actif soumis au régime des scissions acquiert la qualité d’ayant cause à titre universel pour l’ensemble des droits, biens, obligations et actions se rapportant à la branche d’activité transmise et se substitue automatiquement à la société apporteuse, qui n’a plus ni qualité ni intérêt à agir au titre des droits et actions transmis ; qu’en considérant que la société Altadis Distribution, substituée à la société Seita par l’effet de l’apport partiel d’actif soumis au régime des scissions, de sa branche d’activité « distribution », réalisé au mois d’août 2007, avait intérêt à agir pour obtenir le remboursement des droits d’accise d’un montant de 909.225 euros, motif pris que le paiement avait été effectué par la société Seita, « en réalité Altadis venant aux droits de Seita en qualité de distributeur », sans même vérifier, comme il lui était demandé, si la société Altadis Distribution avait elle-même effectuée le paiement, comme elle le devait, en qualité de société bénéficiaire de l’apport, substituée à la société Seita, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 31 et 125 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir déclaré les sociétés Altadis Distribution France et Zurich Insurance Ireland Ltd, aujourd’hui Zurich Insurance Public Limited Company, recevables en leur action à l’encontre de la société Zurich Versicherungs AG ;
AUX MOTIFS QU’il est constant que si le régime de l’assurance est régi par la loi du contrat, l’action directe de la victime contre l’assureur du responsable d’un dommage est régie, en matière de responsabilité contractuelle comme en matière de responsabilité quasi-délictuelle, par la loi du lieu du dommage ; le lieu du dommage s’entend aussi bien de celui du fait générateur du dommage que du lieu de réalisation de ce dernier ; que si le vol, événement ponctuel, a eu lieu en Allemagne comme il aurait pu avoir lieu à n’importe quel point du trajet, le dommage s’est produit et n’a pu se produire qu’en France où Seita aujourd’hui Altadis Distribution a subi la perte des cigarettes volées mais également la charge d’accises exigibles à son encontre en qualité d’expéditeur à raison du constat des manquants, de sorte que le dommage présente, pour Altadis et son assureur, un lien de rattachement plus étroit avec la France ; que dans ces conditions, en application des dispositions de l’article L.124- 3 du code des assurances français, l’action directe d’Altadis Distribution et de Zurich Insurance Ireland à l’encontre de Zurich Versicherungs AG assureur d’Easy Shipping doit être déclarée recevable ; le jugement sera réformé en ce sens ;
1°) ALORS QUE l’action directe de la victime contre l’assureur du responsable est régie, en matière de responsabilité contractuelle comme en matière de responsabilité quasi-délictuelle, par la loi du lieu du dommage ; qu’en considérant que le dommage n’avait pu se produire qu’en France, au lieu où la société Altadis Distribution a subi la perte des cigarettes volées, cependant que cette perte, qui ne représentait que les conséquences pécuniaires du vol, dont le fait générateur et la réalisation étaient situés en Allemagne, ne pouvait caractériser le dommage, la société Altadis Distribution n’ayant de surcroît pas été destinataire des marchandises, la cour d’appel a violé l’article 3 du code civil ;
2°) ALORS QUE le dommage subi par la société Altadis Distribution ne pouvait davantage s’apparenter au paiement des droits d’accise en France, lequel ne représentait qu’une conséquence pécuniaire du vol des cigarettes et un préjudice accessoire à la perte de la marchandise, sans pouvoir être considéré comme des frais encourus à l’occasion du transport ; qu’en retenant néanmoins, pour décider que le dommage subi par la société Altadis Distribution consécutif au vol des marchandises, était situé en France, motif pris qu’il consistait dans la charge d’accises exigibles à son encontre, la cour d’appel a violé l’article 3 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la société Zurich Versicherung, d’une part, in solidum avec la société Transalu, les sociétés Axa Belgium, Aegon Schadeverz.nv, Generali Schadeverz.nv et Allianz Versicherung, et la société Easy Shipping, à payer à la société Zurich Insurance Ireland aujourd’hui Zurich Insurance Public Limited Company la somme de 41.523,54 euros avec intérêts de 5% par an conformément à l’article 27 de la convention CMR et capitalisation des intérêts selon les dispositions de l’article 1154 du Code civil et, d’autre part, in solidum avec les sociétés Transalu et Easy Shipping à payer à la société Altadis Distribution France la somme de 939.225 euros avec intérêts de 5% par an conformément à l’article 27 de la convention CMR et capitalisation des intérêts selon les dispositions de l’article 1154 du code civil ;
AUX MOTIFS QUE la Zurich Versicherung ne peut prétendre dénier sa garantie en qualité d’assureur d’Easy Shipping sur le fondement de l’article 7.3 de sa police ; qu’en effet si cette disposition exclut la garantie des dommages que les auxiliaires d’exécution de l’assuré ont intentionnellement provoqué, c’est « pour autant que cet assuré n’a intentionnellement pas observé la diligence requise dans le choix et la surveillance de ces auxiliaires » ; que le rapport d’enquête dressé le 21 octobre 2006 par la préfecture de Francfort indique que Srboljub Jovanovic n’est pas connu des services de police et est décrit comme un bon collaborateur ; qu’il s’avère aujourd’hui qu’il a déjà condamné à plusieurs reprises notamment pour abus de confiance et recel, vol de biens séquestrés et contrebande organisée et fraude fiscale ou douanière, la dernière condamnation remontant à 2002 ; mais que Zurich Versicherung ne rapporte pas la preuve qu’Easy Shipping aurait pu ou dû avoir ces renseignements, et se serait intentionnellement abstenue d’observer les diligences nécessaires lors de l’embauche de son chauffeur ; qu’elle n’est pas davantage fondée à opposer la limitation de garantie prévue par l’article 8.5 de sa police, à 51 000 ¿ au titre des taxes douanières, en premier lieu parce que les accises ne sont pas des taxes douanières, et en second lieu parce que l’article 8.5 qu’elle invoque est inapplicable au cas d’espèce, car il prévoit une limitation « pour les droits issus de l’assurance risque de douane conformément au point 1.3 », qui se rapporte exclusivement au mandat d’exécution des formalités douanières ; qu’en conséquence, Zurich Versicherung sera tenue in solidum avec la société Transalu, les sociétés Axa Belgium, Aegon Schadeverz.nv, Generali Schadeverz.nv, Allianz Versicherung, et la société Easy Shipping de toutes les condamnations prononcées à leur encontre au profit d’Altadis et Zurich Insurance Ireland ;
1°) ALORS QUE l’article 7.2 de la police d’assurance n° 27052067-7 stipule que sont exclus de la garantie les « dommages que les autres auxiliaires d’exécution de l’assuré ont intentionnellement provoqués, pour autant que celui-ci n’a intentionnellement pas observé la diligence requise dans le choix et la surveillance des auxiliaires d’exécution » ; que le transporteur reconnaissait ainsi être redevable d’une obligation de diligence dans le choix et la surveillance des auxiliaires d’exécution ; qu’en considérant, après avoir relevé que le chauffeur avait déjà été condamné à plusieurs reprises, pour abus de confiance, recel, vol de biens séquestrés, contrebande organisée et fraude fiscale ou douanière, que la société Zurich Versicherung ne rapportait pas la preuve que la société Easy Shipping avait pu ou dû avoir ces renseignements, cependant que le contrat d’assurance imposait à l’assuré, au titre d’une exclusion de garantie conventionnelle, une obligation de diligence dans le choix et la surveillance de ses préposés, impliquant nécessairement de se renseigner sur leurs compétences et antécédents judiciaires, la cour d’appel a méconnu la loi du contrat, en violation de l’article 1134 du code civil ;
2°) ALORS QUE s’il incombe à l’assureur qui invoque une exclusion de garantie de démontrer la réunion des conditions de fait de cette exclusion, il appartient ensuite à l’assuré, dont l’exécution de certaines obligations visées par la police est contestée, de rapporter la preuve de cette exécution ; qu’en retenant qu’il appartenait à la société Zurich Versicherung de prouver que l’assuré s’était intentionnellement abstenu d’observer les diligences nécessaires lors de l’embauche de son chauffeur, cependant qu’il appartenait à l’assuré, sur lequel la police d’assurance faisait peser une obligation de diligence dans le choix et la surveillance de auxiliaires d’exécution, de démontrer qu’il avait pris les précautions nécessaires pour remplir son obligation de diligence, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l’article 1315 du code civil ;
3°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE l’article 7.2 de la police d’assurance imposait à l’assuré une double obligation de diligence, dans le choix mais aussi dans la surveillance de l’auxiliaire d’exécution ; qu’en se référant, pour écarter l’application de l’exclusion de garantie, à la seule obligation du transporteur d’obtenir les renseignements relatifs aux antécédents judiciaires du chauffeur, ou d’observer les diligences nécessaires lors de l’embauche de celui-ci, sans prendre en compte l’obligation de diligence dans la surveillance de ses auxiliaires de transport, pourtant expressément visée par l’article 7.2 de la police d’assurance, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil ;
4°) ALORS QUE la société Zurich Versicherungs faisait valoir, dans ses dernières conclusions d’appel, déposées et signifiées le 18 avril 2013 (p.16), que la société Easy Shipping ne pouvait de toute façon solliciter sa garantie en raison du défaut de concession administrative l’autorisant à exercer l’activité de transport routier de marchandises ; que cette cause d’exclusion de garantie, notifiée à la société de transport, n’avait d’ailleurs jamais été contestée ; qu’en ne répondant pas à ce moyen, fondée sur l’existence de déclarations inexactes de l’assuré, susceptibles de justifier un refus de le garantir de la part de la société Zurich Versicherung, la cour d’appel a méconnu les dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.
Moyens produits au pourvoi incident par la SCP