Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 octobre 2011, 10-18.327, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 octobre 2011, 10-18.327, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l’article L. 1221-1 du code du travail ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X… a été engagé le 5 février 1979 par la société Les Pépinières Derly en qualité de directeur technique et que par un nouveau contrat du 1er juillet 1990, il a exercé la fonction de responsable des opérations techniques au sein de la société Derly France, fonction confirmée au sein de la société Derly Gestion ; qu’à compter du 1er octobre 1996, il est devenu directeur général de la société ; qu’une procédure de redressement judiciaire de cette société a été ouverte le 9 juin 2005 et que le tribunal de commerce, par jugement du 9 mars 2006, a arrêté le plan de redressement et la cession du fonds de commerce au profit de la société groupe Plan ; que le jugement prévoit que M. X… sera embauché par la société Derly France ; que M. X… a été désigné le 24 février 2006 directeur général délégué de la SAS Derly France, devenue Plan environnement, jusqu’au 30 avril 2008, date à laquelle il a été mis fin à ses fonctions ;

Attendu que pour dire que M. X… était lié à la société Plan environnement par un contrat de travail, sans faire référence au contrat qui l’avait antérieurement lié à la société Derly France, l’arrêt retient que le plan de redressement prévoit son embauche et que des bulletins de salaire lui ont été délivrés durant toute son activité ;

Attendu que le lien de subordination résulte de l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ;

Qu’en se déterminant comme elle l’a fait, sans rechercher si M. X… avait effectivement exercé des fonctions techniques distinctes de son mandat social, dans un lien de subordination avec la société Plan environnement, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 30 mars 2010, entre les parties, par la cour d’appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Caen ;

Condamne M. X… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Derby France, et autre

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit que Monsieur X… a été lié par un contrat de travail à durée indéterminée avec la société PLAN ENVIRONNEMENT, qu’il a été licencié sans cause réelle ni sérieuse, et d’AVOIR en conséquence condamné cette société à lui verser 30 000 euros à titre d’indemnité conventionnelle de préavis et 3000 euros à titre de congés payés afférents, 60 000 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement 5384, 60 euros à titre d’indemnité de congés payés pour la période 2007-2008, 120 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, 1500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à Monsieur X… dans la limite de six mois.

AUX MOTIFS PROPRES QUE « En exécution du jugement rendu le 9 mars 2006 par le tribunal de commerce d’EVREUX ayant arrêté le plan de redressement de la société DERLY FRANCE SA communiqué par Me Z…, administrateur judiciaire, concernant la cession du fonds de commerce de ladite société au profit de la société Groupe PLAN, ce repreneur était tenu de faire embaucher sans délai Michel X… par la société nouvelle DERLY FRANCE, c’est-à-dire de le faire bénéficier d’un contrat de travail. L’examen de cette décision de justice, prononcée après débats du 2 mars 2006 au cours desquels le représentant du Groupe PLAN avait été entendu, révèle qu’elle n’était assortie d’aucune réserve sur l’obligation d’embauche et qu’elle ne faisait pas état de ce que le 24 février 2006, Michel X… avait été désigné comme directeur général délégué de la société nouvellement constituée DERLY FRANCE SAS (dont l’actionnaire unique était la société Groupe PLAN) avec attribution d’une rémunération.

Des bulletins de paie mensuels ont été délivrés à Michel X… par la société DERLY FRANCE SAS pour la période du 10 mars 2006 au 31 janvier 2008, puis par la société PLAN ENVIRONNEMENT pour la période du 1er février au 30 avril 2008, faisant apparaître qu’il a notamment bénéficié d’un salaire de base de 4.807,69 € bruts pour 151,66 heures de travail et d’une prime d’ancienneté de 4 %, de congés payés comptabilisés sur la base de 2.5 jours par mois, que des cotisations sociales ont été prélevées à son profit, et que 49 heures d’absence non rémunérées lui ont été retenues pour la période non travaillée du 1er au 9 mars 2006. Ils mentionnent comme date d’entrée dans l’entreprise le 16 février 1979, ce qui correspond à celle de son engagement initial en qualité de salarié du groupe DERLY FRANCE, et font référence à la convention collective régionale des pépinières de Haute-Normandie. Ils attribuent à Michel X… la qualification de directeur général délégué entre le 10 mars et le 31 décembre 2006 puis entre le 1er novembre 2007 et le 30 avril 2008, et celle de directeur entre le 1er janvier et le 31 octobre 2007.

Dans ces conditions, Michel X… est en droit de se prévaloir de l’existence, imposée par décision de justice intervenue postérieurement à sa désignation comme directeur général délégué de la société nouvellement constituée DERLY FRANCE SAS, d’un contrat de travail avec cette société devenue par la suite la société PLAN ENVIRONNEMENT, et de la perception d’une rémunération salariale de son activité professionnelle pour le compte de ladite société entre le 10 mars 2006 et le 30 avril 2008, l’absence de retenue de cotisations à l’ASSEDIC n’étant pas un élément déterminant.

La réalité du contrat de travail de Michel X… étant ainsi établie à compter du 10 mars 2006 en dépit du défaut de régularisation par un écrit, la société PLAN ENVIRONNEMENT n’est pas fondée à invoquer l’absence éventuelle de lien de subordination en raison du mandat social confié à l’intéressé le 24 février 2006, ou l’absence éventuelle de fonctions techniques distinctes de celles liées à ce mandat de directeur général délégué, alors qu’il appartenait en toute hypothèse à l’employeur d’exercer son pouvoir hiérarchique et de déterminer les attributions du salarié dans le cadre du contrat de travail.

La décision prise le 30 avril 2008 par la société PLAN de ne pas renouveler le mandat précité n’a pu valablement mettre fin au contrat de travail de Michel X…, dont la rupture à cette date par la société PLAN ENVIRONNEMENT en dehors de toute procédure et sans cause réelle et sérieuse s’analyse en un licenciement abusif.

Michel X… (né en 1955) bénéficiait d’une ancienneté de 29 ans reconnue sur ses bulletins de paie délivrés par la société PLAN ENVIRONNEMENT, qui employait au moins 11 salariés, et il avait perçu une rémunération mensuelle moyenne brute de 5.000 € au cours des 12 derniers mois. Selon son bulletin d’avril 2008, il avait acquis 27,50 jours de congés payés au cours de la période de référence 2007/2008 qui étaient à prendre. Il n’a pas justifié dé l’évolution de sa situation professionnelle ou personnelle depuis le mois de mai 2008. En fonction de ces éléments d’appréciation, des dispositions de la convention collective applicable, des circonstances de la rupture et du préjudice qui en est résulté, le conseil de prud’hommes a fait une exacte évaluation des sommes auxquelles il était en droit de prétendre à titre d’indemnité compensatrice de préavis (30.000 €) et de congés payés afférents (3.000 €), d’indemnité conventionnelle de licenciement (60.000 €) et d’indemnité compensatrice de congés payés non pris (5.384,60 €), mais le montant des dommages intérêts qui lui ont été accordés en première instance est excessif et doit être réduit à 120.000 €. Conformément à la demande du salarié, les sommes précitées sont ainsi fixées nettes de CSG/RDS.

Le conseil de prud’hommes a fait une application équitable de l’article 700 code de procédure civile au profit de Michel X… et, eu égard à l’issue de l’instance d’appel, il peut lui être attribué une somme complémentaire de 1.500 € pour frais non répétibles exposés devant la cour, qui devra lui être payée par la société PLAN ENVIRONNEMENT.

Les conditions d’application de l’article L 1235-4 du code du travail étant réunies en la cause, il y a lieu d’ordonner le remboursement par la société PLAN ENVIRONNEMENT, aux organismes concernés, des indemnités de chômage payées à Michel X… du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 6 mois.

Il convient en conséquence de réformer partiellement et de compléter le jugement déféré selon les termes du présent arrêt »

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur le statut de Monsieur GOURDAIN Michel Monsieur X… Michel a bénéficié d’un contrat à durée indéterminée depuis son entrée dans le Groupe DERLY et jusqu’au 9 mars 2006, date du jugement du Tribunal de Commerce d’EVREUX et de la cession de DERLY FRANCE à Groupe PLAN.

Pendant cette période, Monsieur X… a exercé des fonctions techniques opérationnelles successives en parallèle et un mandat de mandataire social qu’il conservera à partir de juillet 1994 en étant successivement Directeur Général et Président Directeur Général.

Par jugement du 9 mars 2006, le Tribunal de Commerce d’EVREUX, dans le volet social de l’offre du Groupe PLAN, indique : « Le Groupe PLAN souligne que Messieurs X… et B… actuellement salariés pour la Société DERLY Gestion, seront embauchés par la Société Nouvelle DERLYFRANCE (…) »;

A l’examen des pièces, il apparaît sans aucune ambiguïté que Monsieur X… était salarié de DERLY Gestion et qu’à ce titre, il percevait un salaire auquel était attaché l’ensemble des charges sociales liées à un contrat de droit commun (SS – ASSEDIC..,) pour les fonctions techniques (Directeur technique) opérationnelles qu’il exerçait.

A partir du 30 mars 2006, Monsieur X… Michel est nommé Directeur Général délégué de la nouvelle entité DERLY FRANCE SAS au sein du Groupe Plan et à ce titre, se voyait attribuer une « rémunération brute annuelle de 60 000 € (…) » (décision du 24 février 2006 du Président de Groupe PLAN). L’examen des bulletins de salaire de Monsieur X… Michel à partir de cette date (mars 2006) montre que celui-ci n’est plus affilié aux ASSEDIC.

L’examen des différents documents des parties permettant d’apprécier le caractère réel de mandataire social ou de salarié exerçant sa fonction dons le cadre d’un lien de subordination montre la coexistence des deux situations telles que celles-ci semblaient exister avant la reprise par le Groupe PLAN.

Cette coexistence entre mandat et fonction opérationnelle était antérieurement sanctionnée par un contrat de travail pour une fonction technique opérationnelle qui était exercée et qui a continué à être exercée légitimement, ainsi la décision du Tribunal de Commerce acceptée par le repreneur.

Les éléments des bulletins de salaire de Monsieur X… depuis mars 2006, à l’exception de la fonction et des cotisations ASSEDIC, ne montrent aucun élément distinctif entre un salarié au régime général et un mandataire.

En conséquence, le Conseil de Prud’hommes dit que la relation entre Monsieur X… et Groupe PLAN était caractérisée par un contrat de travail à durée indéterminée dont l’ancienneté remonte à 1979.

Le Conseil de Prud’hommes dit que la rupture du contrat de travail de Monsieur X… est abusive et qu’il y a lieu d’examiner ses demandes.

Sur les demandes :

Indemnité conventionnelle compensatrice de préavis Les dispositions de la convention collective des Pépinières de la région Haute-Normandie (article 66) prévoient un délai de préavis de 6 mois pour un salarié cadre de groupe 1 et qu’il convient de faire droit à sa demande à hauteur de 30 000 €.

Indemnité de congés payés sur préavis II est accordé une somme correspondant à 10 % de l’indemnité compensatrice de préavis, soit 3 000 € pour congés payés y afférents.

Indemnité compensatrice de congés payés 2007-2008 Le bulletin de salaire d’avril 2008 de Monsieur X… fait apparaître 28,5 jours de congés payés non pris correspondant à la somme de 5 384,68 €.

II convient de lui accorder cette indemnité.

Indemnité conventionnelle de licenciement Les dispositions de la convention collective des Pépinières de la région Haute-Normandie (article 68) accordent une indemnité maximale de 12 mois en cas de rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur, soit la somme de 60 000 euros et il convient d’accéder pleinement à cette demande.

Remise des documents administratifs Le conseil des prud’hommes ordonne la remise du certificat de travail dûment modifié et d’une attestation ASSEDIC mentionnant la présente décision sous astreinte globale de 50 euros par jour de retard à compter du 10 ème jour de la notification de la présente décision, le Conseil se réservant la liquidation de l’astreinte »

1. ALORS QUE la simple offre d’emploi ne précisant aucune des clauses essentielles du contrat de travail ne vaut pas contrat de travail, fut elle formulée dans le cadre d’un plan de cession arrêté par jugement du tribunal de commerce; qu’en se fondant sur l’engagement pris par la société PLAN ENVIRONNEMENT dans le cadre du plan de cession de la société DERLY France de « proposer une embauche à Monsieur X… », pour en déduire l’existence, imposée par décision de justice, d’un contrat de travail à durée indéterminée, liant ce dernier à la société PLAN ENVIRONNEMENT, la Cour d’appel a violé l’article L1221-1 du Code du travail ;

2. ALORS QUE lorsque celui qui prétend avoir été salarié exerçait un mandat social, la production de bulletins de salaire est à elle seule insuffisante à créer l’apparence d’un contrat de travail; qu’en déduisant des bulletins de paie établis par la société PLAN ENVIRONNEMENT ainsi que des mentions y figurant, l’existence d’un contrat de travail liant Monsieur X… à cette société, sans caractériser que ce dernier exerçait des fonctions techniques distinctes de son mandat de directeur général délégué de cette société, dans le cadre d’un lien de subordination, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L1221-1 du code du travail ;

3. ALORS QUE pour mettre la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle, les juges du fond sont tenus d’indiquer sur quels éléments et documents ils se fondent pour déduire les constatations de fait à l’appui de leur décision sans pouvoir se référer uniquement aux documents de la cause sans autre analyse; qu’en se bornant à affirmer que de « l’examen des différents documents des parties », il ressort une « coexistence entre mandat et fonction opérationnelle antérieurement sanctionnée par un contrat de travail pour une fonction technique opérationnelle qui était exercée et qui a continué à être exercée légitimement », sans préciser de quelles pièces précisément ils tiraient l’exercice par Monsieur X… de fonctions techniques distinctes de son mandat de directeur général délégué dans le cadre d’un lien de subordination, les juges du fond ont violé l’article 455 du Code de procédure civile.


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