Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Banque nationale de Paris (BNP), dont le siège social est …,
en cassation d’un arrêt rendu le 26 juin 1998 par la cour d’appel de Paris (3e Chambre civile, Section B), au profit de M. Alain-François X…, pris en qualité de représentant des créanciers et de mandataire-liquidateur de la société Filotechnic, domicilié anciennement … et actuellement …,
défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 13 mars 2001, où étaient présents : M. Dumas, président, M. Leclercq, conseiller rapporteur, M. Métivet, conseiller, M. Viricelle, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Leclercq, conseiller, les observations de la SCP Defrenois et Levis, avocat de la Banque nationale de Paris, de Me Bertrand, avocat de M. X…, ès qualités, les conclusions de M. Viricelle, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le représentant des créanciers de la société Filotechnic a engagé une action en responsabilité pour soutien abusif contre la BNP, lui reprochant d’avoir augmenté massivement ses concours malgré l’état de cessation des paiements de la société et la faiblesse de ses fonds propres ; que la banque a invoqué l’existence de chances de redressement pour l’entreprise à l’époque de l’octroi de ses crédits, l’élaboration d’un plan de refinancement avec la participation de nouveaux actionnaires et l’ignorance des pratiques frauduleuses des dirigeants de la société dans laquelle elle-même a été tenue ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l’article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour fonder la responsabilité de la banque, l’arrêt retient que, compte tenu de l’importance de la différence croissante entre le passif et les éléments d’actif, la société était en état de cessation des paiements dès fin décembre 1987 et qu’en tout cas, ses difficultés de trésorerie étaient telles que sa survie était en cause ;
Attendu qu’en se déterminant par de tels motifs impropres à caractériser la situation irrémédiablement compromise de la société lors de l’octroi des crédits litigieux et la connaissance qu’aurait eue la banque de l’absence de possibilité de redressement, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l’article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour infirmer le jugement selon lequel, au moment de l’octroi des crédits, l’augmentation du capital de la société était apparemment sérieuse et salutaire, lui donnant des chances raisonnables de redressement, ce qui n’a échoué qu’en raison de l’attitude des dirigeants, l’arrêt considère que la banque aurait appris, si elle s’était convenablement informée, que l’augmentation de capital devait être souscrite par une société de création récente et ayant pour principal actionnaire une filiale de la société Filotechnic ; que cet arrêt retient encore que la garantie de réalisation de l’apport en capital, souscrit par une compagnie d’assurance, n’avait pas de valeur réelle parce qu’impliquant une augmentation du capital dans un certain délai, si bien que l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire l’a rendue inopérante ;
Attendu qu’en se déterminant par de tels motifs, impropres à exclure que la banque ait pu estimer raisonnables les chances de succès du plan de refinancement qui lui avait été présenté et qu’il ait échoué pour des causes dont la probabilité apparaissait faible à l’époque de l’augmentation des crédits litigieux ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 26 juin 1998, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles ;
Condamne M. X…, ès qualités, aux dépens ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la Banque nationale de Paris et de M. X…, ès qualités ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mai deux mille un.