Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 21 juin 2005, 04-86.668, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 21 juin 2005, 04-86.668, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un juin deux mille cinq, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller POMETAN, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

– X… Edgard,

contre l’arrêt de la cour d’appel de Besançon, chambre correctionnelle, en date du 21 octobre 2004, qui, pour faux, travail dissimulé, direction d’une entreprise commerciale malgré interdiction de gérer, banqueroute, et abus de biens sociaux, l’a condamné à 2 ans d’emprisonnement, à la faillite personnelle, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 427, 464, 513, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a confirmé la décision des premiers juges ayant retenu la qualité de gérant de fait de la société SDVS d’Edgard X… et la culpabilité de celui-ci des chefs de direction d’une entreprise commerciale malgré une interdiction judiciaire, de travail dissimulé, de banqueroute, d’abus de biens sociaux et de faux et a condamné celui-ci pénalement et civilement ;

« aux motifs que l’enquête et l’instruction très approfondies, quoi qu’en dise Edgard X…, ont mis en évidence que la SDVS était une création fictive dont l’essence même était de poursuivre l’activité déficitaire des caves de Saint-Joseph ;

qu’Edgard X… a été au cours de la procédure, unanimement désigné comme le gérant de fait de la société SDVS ; qu’Edgard X… procède par voie d’allégations pour tenter d’échapper à sa responsabilité ; qu’à la barre, il est une nouvelle fois parti dans des digressions absolument sans intérêt et faisait preuve de mauvaise foi ; qu’il a produit devant la Cour des documents qui auraient dus être soumis au juge d’instruction ; qu’à cet égard, il est bon de rappeler qu’Edgard X… n’a jamais demandé pendant l’information l’accomplissement d’actes précis (art. 81 al. 10 du Code de procédure pénale) ; que les premiers juges ont soigneusement repris les infractions reprochées à Edgard X… les unes après les autres en relevant en quoi elles sont caractérisées ; qu’adoptant les motifs pertinents du tribunal, la Cour ne peut que confirmer le jugement quant à la culpabilité d’Edgard X… ;

« alors que, d’une part, aucune disposition légale ne s’opposant à ce que la personne poursuivie produise pour la première fois en cause d’appel des pièces venant au soutien de sa défense, la Cour, qui ne s’est livrée à aucun examen des pièces produites devant elle par Edgard X… parce que, selon elle, elles auraient dû être soumises au juge d’instruction, n’a pas, par cette décision privée de toute base légale, assuré au prévenu le droit à un procès équitable ;

« et alors que, d’autre part, l’absence de demande d’actes au cours de l’information ne saurait priver la personne poursuivie du droit de contester devant la juridiction de jugement les conclusions de l’information, de sorte que la Cour ne pouvait, sans entacher sa décision d’insuffisance de motifs et priver Edgard X… du droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, prétendre se fonder sur son attitude au cours de l’information pour refuser d’examiner les éléments nouveaux qu’il produisait en cause d’appel » ;

Attendu que, contrairement à ce qui est allégué, les juges du second degré n’ont pas déclaré les pièces versées aux débats par le prévenu pour la première fois en cause d’appel irrecevables, faute d’avoir été soumises au juge d’instruction au soutien d’une demande d’actes d’information, mais ont souverainement estimé que leur production n’apportait aucun élément utile à la manifestation de la vérité ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 441-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré Edgard X… coupable de faux, et l’a condamné pénalement et civilement ;

« aux motifs que dès sa création la SARL a reposé sur un faux, à savoir l’élaboration de statuts mensongers à M. Y… le 28 juin 1999 faisant état de prétendus apports pour un montant de 350 000 francs lesquels auraient été évalués par Laurence Z…, commissaire aux apports désigné à cet effet ; que cet expert comptable bien que démarché par M. A…, rédacteur de ces statuts, à la demande d’Edgard X…, avait en fait décliné cette mission qui avait finalement été confiée le 2 septembre 1999 à un deuxième expert comptable, installé à Luxeuil, Jean-Luc B… ;

que celui-ci avait accepté à partir de factures fantaisistes, d’attestations de complaisances, d’informations mensongères, de rédiger, le 13 septembre 1999, un rapport attestant de la réalité des stocks, objets des apports, et ce pour la valeur indiquée dans les statuts, soit 350 000 francs ; que divers documents viennent établir cette prévention : – une reconnaissance de dette en date du 30 juin 1999 de Mme X… envers son mari pour un montant de 304 000 francs, pour des avances ou des salaires impayés au titre de son activité aux Caves de Saint-Joseph ; – des bons de commande établis le 28 juin 1999 par le vendeur Edgard X… au nom des clients Jean-Louis et Catherine C…, pour l’achat de vin justifiant leur apport dans le capital social, – une attestation des époux C…, en date du 30 juin 1999, certifiant la réalité de leur apport, – une prétendue convention signée le 1er novembre 1998 avec M. A… se rapportant au gardiennage et au stockage des vins moyennant rémunération mensuelle de 2 000 francs, – diverses factures de fournisseurs de vins qui auraient mérité un examen plus attentif, en raison de la rotation rapide des stocks, ou des clauses de réserve de propriété les affectant notamment pour certaines d’entre elles ;

« alors que la Cour qui déduit ainsi l’existence d’une déclaration mensongère affectant l’évaluation du capital social indiqué dans les statuts de la société SDVS, d’un certain nombre de documents dont elle ne précise aucunement en quoi consistait leur défaut de sincérité, n’a pas en l’état de cette absence totale de motifs, justifié de la matérialité d’une altération frauduleuse de la vérité nécessaire pour que se trouve constituée l’infraction de faux telle qu’incriminée par l’article 441-1 du Code pénal » ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 627-4, L. 626-2, L. 626-3 du Code du commerce, L. 362-3 du Code du Travail, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré Edgard X… coupable de direction d’une entreprise commerciale malgré une interdiction judiciaire et, en cette qualité de dirigeant, a retenu sa responsabilité pénale et civile des chefs d’exécution d’un travail dissimulé ainsi que de banqueroute pour absence de comptabilité et détournement d’actifs ;

« aux motifs qu’il signait des documents engageant contractuellement la société dont plusieurs commandes, factures, et un nantissement du stock ; que c’est également lui qui engageait, au nom de la société, un expert comptable ; qu’enfin il agissait d’initiative à la place du gérant de droit arguant de sa qualité d’actionnaire majoritaire ; qu’il était décrit par l’ensemble des protagonistes comme étant le véritable gérant de la SARL SDVS, outrepassant ainsi largement ses fonctions officielles de directeur commercial ; que cette qualité est en outre étayée par des preuves matérielles résultant d’écrits signés de sa main, le 9 septembre 1999 (scellés N 11), la mention « bon pour nantissement » de son stock de vins, le 18 novembre 1999, accompagné d’un courrier du même jour débutant ainsi « nous, Edgard X…, actionnaire majoritaire de la SARL SDVS, agissant es-qualité et à défaut de Mme C… » par lequel il reconnaissait sa société débitrice du CIAL à hauteur de 429 866 francs ; que le fonctionnement de SDVS s’accompagnait d’infractions au Code du Travail, et particulièrement de travail clandestin par dissimulation de salariés aucune déclaration préalable d’embauche n’ayant été faite pour cinq salariés tandis que pour cinq autres, ces formalités n’avaient été réalisées qu’a posteriori ; que l’absence de comptabilité ou la tenue incomplète de celle-ci doit être imputée à Edgard X… en sa qualité de dirigeant de fait ; qu’il a encaissé sur son compte personnel des chèques pour un montant de 66 762 francs émis par des clients ou de Mme C… ; qu’à l’occasion d’un cambriolage survenu dans l’agence SDVS, à Comines (59) le directeur a reçu pour instruction de M. A… et de Mme C… de gonfler le montant du vol, de façon à permettre le détournement de sept palettes complètes de vins que cette opération a été montée conjointement par Edgard X…, Mme C… et M. A… ;

« 1) alors que le fait pour un directeur commercial d’établir des bons de commandes et des factures ne saurait en l’absence de toute autre élément constituer un dépassement de pouvoir pas plus que le fait qu’il souscrive un nantissement sur son propre stock de vin de sorte que la Cour qui s’est fondée sur ces éléments dépourvus de toute pertinence pour retenir à l’encontre d’Edgard X… la qualité de dirigeant de fait en affirmant sans plus de justification qu’il agissait d’initiative à la place du gérant, n’a pas en l’état de cette absence de motifs justifié sa décision, la circonstance que l’intéressé ait à une seule occasion signé un acte engageant la société en précisant toutefois qu’il agissait en qualité d’actionnaire majoritaire ne pouvant d’avantage suffire à établir l’existence d’une gestion de fait ; qu’il s’ensuit que ne se trouve pas légalement justifiée la déclaration de culpabilité prononcée des chefs de travail clandestin et de banqueroute qui ne peuvent être retenue qu’à l’encontre d’un dirigeant social » ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-2 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, du principe « non bis in idem », manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Edgard X… coupable de banqueroute par détournement d’actifs ainsi que d’abus de biens sociaux à raison d’une part, de l’encaissement sur son compte bancaire personnel de chèques émis par des clients ou bien de Mme C…, et ce pour un montant de 66 762 francs et d’autre part, du détournement de sept palettes de vins représentant une valeur de 130 000 francs ;

« alors qu’un même fait ne saurait donner lieu à une double déclaration de culpabilité de sorte que la Cour ne pouvait déclarer Edgard X… coupable de banqueroute et d’abus de biens sociaux pour les mêmes agissements » ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, et sans méconnaître la règle non bis in idem, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu’intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D’où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Pometan conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


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