Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 9 mars 2011, 10-81.131, Inédit

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Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 9 mars 2011, 10-81.131, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

– M. Gérard X…,

– M. Patrick Y…,

– Mme Frédérique Z…,

contre l’arrêt de la cour d’appel de VERSAILLES, 21e chambre, en date du 19 janvier 2010, qui les a condamnés, le premier pour abus de biens sociaux et recel, les deuxième et troisième pour abus de biens sociaux, présentation de comptes annuels inexacts et banqueroute, à un an d’emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I – Sur les pourvois de M. Y… et de Mme Z… :

Attendu qu’aucun moyen n’est produit ;

II – Sur le pourvoi de M. X… :

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 242-6 3° du code de commerce, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. X… coupable d’abus de biens sociaux pour les faits commis le 15 novembre 2001 au préjudice de la société Direct production associés à hauteur de 41 024,03 euros, l’a condamné de ce chef à une peine d’un an d’emprisonnement avec sursis ainsi que, solidairement avec M. Y… et Mme Z…, à verser la somme de 179 127,60 euros à Me A…, ès qualités de liquidateur de la société Direct production associés ;

« aux motifs que M. X… faisait racheter la totalité des actions de la société DPA par JMT Management le 10 octobre 2000 moyennant 7,5 millions de francs au moyen d’un emprunt bancaire à qui M. X… avait apporté sa garantie personnelle ; qu’il faisait racheter son emprunt par la société AIF qu’il détenait à 100%, qu’il dirigeait et qui n’avait pas d’autre activité ; que les échéances de remboursement de l’emprunt paraissaient alors en réalité être assumées, pendant un an et demi, par la société DPA qui payait à M. X…, soit directement, soit indirectement la société AIF Management sept chèques entre juin 2000 et novembre 2001 pour un montant de 179 127,60 euros ; qu’en contrepartie M. X… avait émis sur la société DPA des factures de prestation de service pour le même montant mais dont aucun élément tangible ne permettait d’en attribuer le fruit à une prestation effective ; que de plus il s’avérait que le montant de certaines factures était proche de celui de l’échéance de remboursement de prêt ; qu’enfin sur la souche du chéquier on retrouvait les références du prêt ; qu’à l’issue de leurs auditions M. Y… et Mme Z… admettent qu’il s’agissait de factures dont le montant avait été ajusté pour permettre à M. X… de rembourser les échéances de son prêt ; qu’ils ont même prétendu que M. X… avait exercé des pressions sur eux pour les déterminer à agir ainsi ; qu’à l’audience d’appel, ils sont revenus sur ces dépositions, affirmant qu’au moins pour l’essentiel, ou pour partie, ces factures correspondaient à des prestations effectives de conseil de la part de M. X… ; que ce dernier a prétendu que les sept chèques correspondaient à des prestations de conseil et de suivi commercial ; que, résumant ses dépositions antérieures, il a expliqué à l’audience que les prestations en question correspondaient à quatre interventions dans les domaines suivants : le rapprochement entre DPA et Fabricator sous l’égide de JMT, la tentative de revente de JMT à BBDO filiale d’OMNICOM, le rachat par DPA de l’activité de MAC CANN par l’intermédiaire de M. B… et le rapprochement avec DRAFT contenant notamment le contrat FIAT apporté à DPA ; qu’il admettait cependant à l’issue des débats que la facture de la cote D 39, en date du 8 juin 2000, pour 227 500 francs mentionnant des agios (pour signifier intérêts d’emprunt) n’aurait pas dû être adressée à DPA qui l’avait pourtant réglée en deux versements de 117 500 francs et 110 000 francs ; qu’il n’en demeure pas moins que l’indigence des six factures de la cote 18 ne permet pas d’en affecter le montant à une prestation précise ; que toutes les prestations invoquées par M. X… n’incombaient d’ailleurs pas à DPA ; que tel est notamment le cas des intérêts d’emprunt, mais également de la prestation de rapprochement entre DPA et Fabricator sous l’égide de JMT dont la charge incombait donc à cette dernière ; qu’il en est enfin de même en ce qui concerne la prestation de tentative de revente de JMT à BBDO ; que M. X… a, par ailleurs, prétendu qu’il n’était pas le rédacteur de ses factures d’honoraires qui auraient été établies pour les besoins de la comptabilité de DPA, mais il n’a pas été en mesure d’établir les doubles originaux, nécessairement détenus par sa société AIF qu’il contrôlait ou par lui-même ; qu’enfin aucun contrat afférent à ces prétendues prestations de conseil n’a jamais été signé alors qu’en vertu des règles du droit des sociétés une telle convention fût interdite ; que sachant que l’émission des factures de conseil a cessé lorsque le prêt de la banque Sao Paolo qui finançait le rachat de la société DPA a été remboursé, force est de constater que M. X… a fait supporter la charge de l’emprunt à la société absorbée, non par distribution de dividendes, mais par paiement de factures sans objet ; qu’il ne l’a d’ailleurs pas toujours contesté, ayant notamment répondu aux policiers qui l’interrogeaient sur ce point : « vous m’apprenez qu’il est interdit en droit français de faire payer à une société le crédit qui a permis de l’acheter » ; qu’en réglant à concurrence de 179 127,60 euros sept factures n’ayant en réalité d’autre objet que de permettre à celui qui rachetait la société DPA de rembourser l’emprunt bancaire qu’il avait contracté pour son acquisition, Mme Z… et M. Y… ont fait des biens et du crédit de cette société qu’ils dirigeaient un usage qu’ils savaient contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils étaient indirectement intéressés ; que M. X… est devenu associé unique de DPA le 23 juillet 2001 puis officiellement administrateur à partir du 10 septembre 2001 jusqu’au 17 septembre 2001, date de sa démission ; que la prévention couvre la période du 8 juin 2000 au 15 novembre 2001 ; que donc seule la facture du 15 novembre 2001 pour 269 100 francs ou 41 024,03 euros a permis à M. X… de faire, en tant qu’administrateur des biens de la société DPA un usage qu’il savait contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il était directement ou indirectement intéressé, à savoir la société AIF qu’il détenait à 100% ; que pour le surplus, sans ajouter aux faits visés par la prévention, il s’avère que le fait pour M. X… d’avoir en toute connaissance de cause disposé directement ou indirectement des fonds provenant des abus de biens sociaux commis par ses dirigeants constitue le recel d’abus de biens sociaux ;

« 1) alors que la seule constatation qu’une facture a été établie à la date du 15 novembre 2001 ne caractérise pas la réalisation d’un usage abusif des biens sociaux de la société à qui cette facture a été adressée ; que, pour condamner le prévenu pour des faits commis le 15 novembre 2001, la cour d’appel se borne à constater l’existence d’une facture établie à cette date par la société AIF Management à l’adresse de la société DPA sans constater le moindre usage des biens de cette dernière société ; qu’elle a ainsi violé l’article L. 242-6, 3°, du code de commerce ;

« 2) alors qu’en se bornant à constater que la facture établie le 15 novembre 2001 par la société AIF Management pour un montant de 269 100 francs avait permis à M. X… de faire usage des biens de la société sans constater, ni à cette date ni à une date antérieure, que cette facture a donné lieu à un règlement, la cour d’appel a violé l’article L. 242-6, 3°, du code de commerce ;

« 3) alors qu’à supposer que le versement à M. X… de la somme de 225 000 francs ayant eu lieu le 6 novembre 2001 constitue l’usage des biens sociaux retenu par la cour d’appel, cette dernière s’est bornée, pour apprécier l’existence d’une contrepartie à ce versement, à se référer aux mentions de la facture émise le 15 novembre 2001, à une date postérieure et pour un montant différent sans rechercher, ainsi qu’elle y était expressément invitée, si ce versement ne trouvait pas sa cause dans une autre opération que celle mentionnée sur cette facture, en l’occurrence le paiement des prestations réalisées par M. B… pour le rapprochement entre la société DPA et la société Mac Cann, et sans examiner les pièces que le prévenu produisait aux débats pour démontrer la réalité de cette opération (correspondances, rapport, attestation du prestataire) ; que la cour d’appel n’a ainsi pas légalement motivé sa décision ;

« 4) alors qu’en omettant de répondre au moyen présenté par le prévenu et pris de ce qu’il disposait d’un compte courant créditeur au sein de la société DPA, la cour d’appel n’a pas légalement motivé sa décision » ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 242-6, 3°, du code de commerce, 321-1 du code pénal, 388, 512 et 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir ;

« en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. X… coupable de recel d’abus de biens sociaux pour les faits commis entre le 8 juin 2000 et le 15 novembre 2001 au préjudice de la société Direct production associés à hauteur de 138 103,57 euros, l’a condamné de ce chef à une peine d’un an d’emprisonnement avec sursis ainsi que, solidairement avec M. Y… et Mme Z…, à verser la somme de 179 127,60 euros à Me A…, és qualités de liquidateur de la société Direct production associés ;

« aux motifs qu’il ressort de l’enquête qu’une société, JMT Management avait été créée le 24 mars 1998 comme société holding destinée à racheter la société DPA et à la fusionner avec une autre entité ayant un objet social complémentaire à savoir la société Fabricator ; qu’à cet effet les actionnaires fondateurs de la société DPA, dont M. Y… et Mme Z…, respectivement président et membre du conseil d’administration, avaient été démarchés d’abord par le fils de M. X… qui dirigeait Fabricator puis par M. X… lui-même, considéré comme professionnel en la matière ; que la société JMT Management, holding de la société DPA, à présidence tournante entre les trois prévenus, était ainsi constituée, avec pour actionnaires M. Denis X… (25%), la société AIF Management, détenue et dirigée par M. X… (20%), M. C… (15%), M. Y… (13,33%), Mme Z… (13,33 %), M. D… (12%) et la société IML (1,32 %) ; que M. X… faisait racheter la totalité des actions de la société DPA par JMT Management le 10 octobre 2000 moyennant 7,5 millions de francs au moyen d’un emprunt bancaire à qui M. X… avait apporté sa garantie personnelle ; puis, qu’il faisait racheter son emprunt par la société AIF qu’il détenait à 100%, qu’il dirigeait et qui n’avait pas d’autre activité ; que les échéances de remboursement de l’emprunt paraissait alors en réalité être assumées, pendant un an et demi, par la société DPA qui payait à M. X…, soit directement, soit indirectement la société AIF Management sept chèques entre juin 2000 et novembre 2001 pour montant de 179 127,60 euros ; qu’en contrepartie M. X… avait émis sur la société DPA des factures de prestation de service pour le même montant mais dont aucun élément tangible ne permettait d’en attribuer le fruit à une prestation effective ; que de plus il s’avérait que le montant de certaines factures était proche de celui de l’échéance de remboursement de prêt ; qu’enfin sur la souche du chéquier on retrouvait les références du prêt ; qu’à l’issue de leurs auditions M. Y… et Mme Z… admettent qu’il s’agissait de factures dont le montant avait été ajusté pour permettre à M. X… de rembourser les échéances de son prêt ; qu’ils ont même prétendu que M. X… avait exercé des pressions sur eux pour les déterminer à agir ainsi ; qu’à l’audience d’appel, ils sont revenus sur ces dépositions, affirmant qu’au moins pour l’essentiel, ou pour partie, ces factures correspondaient à des prestations effectives de conseil de la part de M. X… ; que ce dernier a prétendu que les sept chèques correspondaient à des prestations de conseil et de suivi commercial ; que, résumant ses dépositions antérieures, il a expliqué à l’audience que les prestations en question correspondaient à quatre interventions dans les domaines suivants : le rapprochement entre DPA et Fabricator sous l’égide de JMT, la tentative de revente de JMT à BBDO filiale d’OMNICOM, le rachat par DPA de l’activité de MAC CANN par l’intermédiaire de M. B… et le rapprochement avec DRAFT contenant notamment le contrat FIAT apporté à DPA ; qu’il admettait cependant à l’issue des débats que la facture de la cote D 39, en date du 8 juin 2000, pour 227 500 francs mentionnant des agios (pour signifier intérêts d’emprunt) n’aurait pas dû être adressée à DPA qui l’avait pourtant réglée en deux versements de 117 500 francs et 110 000 francs ; qu’il n’en demeure pas moins que l’indigence des six factures de la cote 18 ne permet pas d’en affecter le montant à une prestation précise ; que toutes les prestations invoquées par M. X… n’incombaient d’ailleurs pas à DPA ; que tel est notamment le cas des intérêts d’emprunt, mais également de la prestation de rapprochement entre DPA et FABRICATOR sous l’égide de JMT dont la charge incombait donc à cette dernière ; qu’il en est enfin de même en ce qui concerne la prestation de tentative de revente de JMT à BBDO ; que M. X… a par ailleurs prétendu qu’il n’était pas le rédacteur de ses factures d’honoraires qui auraient été établies pour les besoins de la comptabilité de DPA, mais il n’a pas été en mesure d’établir les doubles originaux, nécessairement détenus par sa société AIF qu’il contrôlait ou par lui-même ; qu’enfin aucun contrat afférent à ces prétendues prestations de conseil n’a jamais été signé alors qu’en vertu des règles du droit des sociétés une telle convention fût interdite ; que sachant que l’émission des factures de conseil a cessé lorsque le prêt de la banque Sao Paolo qui finançait le rachat de la société DPA a été remboursé, force est de constater que M. X… a fait supporter la charge de l’emprunt à la société absorbée, non par distribution de dividendes, mais par paiement de factures sans objet ; qu’il ne l’a d’ailleurs pas toujours contesté, ayant notamment répondu aux policiers qui l’interrogeaient sur ce point : « vous m’apprenez qu’il est interdit en droit français de faire payer à une société le crédit qui a permis de l’acheter » ; qu’en réglant à concurrence de 179 127,60 euros sept factures n’ayant en réalité d’autre objet que de permettre à celui qui rachetait la société DPA de rembourser l’emprunt bancaire qu’il avait contracté pour son acquisition, Mme Z… et M. Y… ont fait des biens et du crédit de cette société qu’ils dirigeaient un usage qu’ils savaient contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils étaient indirectement intéressés ; que M. X… est devenu associé unique de DPA le 23 juillet 2001 puis officiellement administrateur à partir du 10 septembre 2001 jusqu’au 17 septembre 2001, date de sa démission ; que la prévention couvre la période du 8 juin 2000 au 15 novembre 2001 ; que donc seule la facture du 15 novembre 2001 pour 269 100 francs ou 41 024,03 euros a permis à M. X… de faire, en tant qu’administrateur, des biens de la société DPA un usage qu’il savait contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il était directement ou indirectement intéressé, à savoir la société AIF qu’il détenait à 100% ; que pour le surplus, sans ajouter aux faits visés par la prévention, il s’avère que le fait pour M. X… d’avoir en toute connaissance de cause disposé directement ou indirectement des fonds provenant des abus de biens sociaux commis par ses dirigeants constitue le recel d’abus de biens sociaux ;

« alors que s’il appartient aux juges du fond de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, ils ne peuvent, au prétexte de cette requalification, ajouter des faits et des délits non visés à la prévention, sauf acceptation du prévenu à être jugé sur des faits et circonstances non compris dans la poursuite ; qu’en l’espèce M. X… a été cité pour avoir « à Levallois-Perret, entre le 8 juin 2000 et le 15 novembre 2001, en qualité d’administrateur de la société DPA SA, fait, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de cette société, un usage qu’il savait contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il était directement ou indirectement intéressé, en l’espèce en faisant régler une somme totale de 1 175 000 francs hors taxe, soit 179 400 euros en échange de sept fausses factures qu’il avait établies au profit de la société AIF MANAGEMENT SARL, dont il était le gérant, faits constituant le délit d’abus de biens sociaux ; qu’en condamnant M. X… pour recel d’abus de biens sociaux, bien que les faits caractérisant le délit de recel ne soient pas compris dans la poursuite, que M. X… ait refusé d’être jugé sur ces faits distincts, et en faisant abstraction de la qualité d’administrateur de la société DPA sous laquelle M. X… était poursuivi, la cour d’appel a violé les textes susvisés » ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 242-6, 3°, du code de commerce, 321-1 du code pénal, 388 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir ;

« en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. X… coupable de recel d’abus de biens sociaux pour les faits commis entre le 8 juin 2000 et le 15 novembre 2001 au préjudice de la société Direct production associés à hauteur de 138 103,57 euros, l’a condamné de ce chef à une peine d’un an d’emprisonnement avec sursis ainsi que, solidairement avec M. Y… et Mme Z…, à verser la somme de 179 127,60 euros à Me A…, ès qualités de liquidateur de la société Direct production associés ;

« aux motifs qu’il ressort de l’enquête qu’une société, JMT Management avait été créée le 24 mars 1998 comme société holding destinée à racheter la société DPA et à la fusionner avec une autre entité ayant un objet social complémentaire à savoir la société Fabricator ; qu’à cet effet les actionnaires fondateurs de la société DPA, dont M. Y… et Mme Z…, respectivement président et membre du conseil d’administration, avaient été démarchés d’abord par le fils de M. X… qui dirigeait Fabricator puis par M. X… lui-même, considéré comme professionnel en la matière ; que la société JMT Management, holding de la société DPA, à présidence tournante entre les trois prévenus, était ainsi constituée, avec pour actionnaires M. Denis X… (25%), la société AIF Management, détenue et dirigée par M. X… (20%), M. C… (15%), M. Y… (13,33%), Mme Z… (13,33 %), M. D… (12%) et la société IML (1,32 %) ; que M. X… faisait racheter la totalité des actions de la société DPA par JMT Management le 10 octobre 2000 moyennant 7,5 millions de francs au moyen d’un emprunt bancaire à qui M. X… avait apporté sa garantie personnelle ; puis il faisait racheter son emprunt par la société AIF qu’il détenait à 100%, qu’il dirigeait et qui n’avait pas d’autre activité ; que les échéances de remboursement de l’emprunt paraissait alors en réalité être assumées, pendant un an et demi, par la société DPA qui payait à M. X…, soit directement soit indirectement la société AIF Management sept chèques entre juin 2000 et novembre 2001 pour un montant de 179 127,60 euros ; qu’en contrepartie M. X… avait émis sur la société DPA des factures de prestation de service pour le même montant mais dont aucun élément tangible ne permettait d’en attribuer le fruit à une prestation effective ; que de plus il s’avérait que le montant de certaines factures était proche de celui de l’échéance de remboursement de prêt ; qu’enfin sur la souche du chéquier on retrouvait les références du prêt ; qu’à l’issue de leurs auditions M. Y… et Mme Z… admettent qu’il s’agissait de factures dont le montant avait été ajusté pour permettre à M. X… de rembourser les échéances de son prêt ; qu’ils ont même prétendu que M. X… avait exercé des pressions sur eux pour les déterminer à agir ainsi ; qu’à l’audience d’appel, ils sont revenus sur ces dépositions, affirmant qu’au moins pour l’essentiel, ou pour partie, ces factures correspondaient à des prestations effectives de conseil de la part de M. X… ; que ce dernier a prétendu que les sept chèques correspondaient à des prestations de conseil et de suivi commercial ; que, résumant ses dépositions antérieures, il a expliqué à l’audience que les prestations en question correspondaient à quatre interventions dans les domaines suivants : le rapprochement entre DPA et Fabricator sous l’égide de JMT, la tentative de revente de JMT à BBDO filiale d’OMNICOM, le rachat par DPA de l’activité de MAC CANN par l’intermédiaire de M. B… et le rapprochement avec DRAFT contenant notamment le contrat FIAT apporté à DPA ; qu’il admettait cependant à l’issue des débats que la facture de la cote D 39, en date du 8 juin 2000, pour 227 500 francs mentionnant des agios (pour signifier intérêts d’emprunt) n’aurait pas dû être adressée à DPA qui l’avait pourtant réglée en deux versements de 117 500 francs et 110 000 francs ; qu’il n’en demeure pas moins que l’indigence des six factures de la cote 18 ne permet pas d’en affecter le montant à une prestation précise ; que toutes les prestations invoquées par M. X… n’incombaient d’ailleurs pas à DPA ; que tel est notamment le cas des intérêts d’emprunt, mais également de la prestation de rapprochement entre DPA et FABRICATOR sous l’égide de JMT dont la charge incombait donc à cette dernière ; qu’il en est enfin de même en ce qui concerne la prestation de tentative de revente de JMT à BBDO ; que M. X… a par ailleurs prétendu qu’il n’était pas le rédacteur de ses factures d’honoraires qui auraient été établies pour les besoins de la comptabilité de DPA, mais il n’a pas été en mesure d’établir les doubles originaux, nécessairement détenus par sa société AIF qu’il contrôlait ou par lui-même ; qu’enfin aucun contrat afférent à ces prétendues prestations de conseil n’a jamais été signé alors qu’en vertu des règles du droit des sociétés une telle convention fût interdite ; que sachant que l’émission des factures de conseil a cessé lorsque le prêt de la banque Sao Paolo qui finançait le rachat de la société DPA a été remboursé, force est de constater que M. X… a fait supporter la charge de l’emprunt à la société absorbée, non par distribution de dividendes, mais par paiement de factures sans objet ; qu’il ne l’a d’ailleurs pas toujours contesté, ayant notamment répondu aux policiers qui l’interrogeaient sur ce point : « vous m’apprenez qu’il est interdit en droit français de faire payer à une société le crédit qui a permis de l’acheter » ; qu’en réglant à concurrence de 179 127,60 euros sept factures n’ayant en réalité d’autre objet que de permettre à celui qui rachetait la société DPA de rembourser l’emprunt bancaire qu’il avait contracté pour son acquisition, Mme Z… et M. Y… ont fait des biens et du crédit de cette société qu’ils dirigeaient un usage qu’ils savaient contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils étaient indirectement intéressés ; que M. X… est devenu associé unique de DPA le 23 juillet 2001 puis officiellement administrateur à partir du 10 septembre 2001 jusqu’au 17 septembre 2001, date de sa démission ; que la prévention couvre la période du 8 juin 2000 au 15 novembre 2001 ; que donc seule la facture du 15 novembre 2001 pour 269 100 francs ou 41 024,03 euros a permis à M. X… de faire, en tant qu’administrateur, des biens de la société DPA un usage qu’il savait contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il était directement ou indirectement intéressé, à savoir la société AIF qu’il détenait à 100% ; que pour le surplus, sans ajouter aux faits visés par la prévention, il s’avère que le fait pour M. X… d’avoir en toute connaissance de cause disposé directement ou indirectement des fonds provenant des abus de biens sociaux commis par ses dirigeants constitue le recel d’abus de biens sociaux ;

« 1) alors que les juges du fond ne peuvent déduire de la seule imprécision d’une facture sur la présentation de laquelle une société a effectué un versement que ce dernier est dénué de contrepartie sans apprécier les justifications apportées par le prévenu sur l’existence et la consistance des prestations susceptibles de constituer cette contrepartie ; qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt que le prévenu faisait valoir que les prestations de conseil facturées à la société DPA avaient trait aux diligences réalisées pour le rapprochement entre cette société et les sociétés Fabricator, Draft et Mac Cann ; qu’il résulte de ces mêmes constatations la réalité du rapprochement avec la société Fabricator et l’implication du prévenu dans cette opération ; qu’en déduisant de la seule imprécision des factures que les versements étaient dénués de contrepartie et avaient pour seul objet le remboursement de l’emprunt contracté pour l’achat de la société DPA sans se prononcer sur la réalité et la consistance des diligences précitées, la cour d’appel a violé les articles L. 242-6, 3°, du code de commerce et 321-1 du code pénal ;

« 2) alors que les frais occasionnés par la création d’une société holding à l’initiative des actionnaires de deux sociétés ayant des activités complémentaires dans le but d’effectuer un rapprochement entre ces deux sociétés peuvent être légalement assumés par ces dernières dès lors que cette opération a été effectuée en vue de leur rapprochement et qu’ayant permis de les rassembler au sein d’un groupe de sociétés, cette prise en charge est nécessairement justifiée par l’intérêt du groupe ainsi créé ; qu’il résulte des constatations de l’arrêt que la société DPA et la société Fabricator avaient des activités complémentaires, qu’elles avaient souhaité se rapprocher, et que c’est pour rendre effectif ce rapprochement que la société JMT Management, société holding, a été créée avec, concomitamment, l’acquisition par cette société de l’intégralité de leurs parts sociales ; qu’en retenant que les frais de prestations de conseil relatifs à cette opération relevaient de la charge exclusive de la société JMT Management et ne pouvaient être assumées par la société DPA, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 242-6, 3°, du code de commerce et 321-1 du code pénal ;

« 3) alors qu’il ne résulte d’aucune disposition légale ou réglementaire qu’un contrat de prestation de conseil et de suivi commercial passé avec une société commerciale doit faire obligatoirement l’objet d’un écrit ;

« 4) alors qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt que l’emprunt contracté par la société JTM Management pour financer l’acquisition de la société DPA a été racheté par la société AIF Management avant l’émission des factures litigieuses ; qu’en constatant que la cessation de l’émission de factures de conseil, le 15 novembre 2001, était concomitante à la fin du remboursement du prêt, la cour d’appel a entaché sa décision d’une contradiction de motifs quant à l’existence d’une obligation de payer des échéances d’un emprunt à la date des versements visés par la prévention, fait dont elle a déduit que les factures avaient pour seul objet de faire assumer par la société DPA la charge du prêt et n’avaient aucune contrepartie ; que la cour d’appel n’a donc pas légalement motivé sa décision ;

« 5) alors que le délit d’abus de biens sociaux suppose un usage des biens sociaux à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle son auteur est directement ou indirectement intéressé ; qu’il résulte des constatations de l’arrêt que l’emprunt contracté par la société JMT Management pour financer l’achat de la société DPA a été racheté par la société AIF Management, dirigée par M. X…, puis par M. X… lui-même ; qu’il résulte en outre de ces constatations que M. Y… et Mme Z… auraient versé à la société AIF Management des fonds au vu de factures établies par cette société et pour permettre à M. X… de faire assumer par la société DPA la charge de l’emprunt contracté pour l’achat de cette société ; qu’en s’en tenant à ces constatations dont il résulte ni que M. Y… et Mme Z… étaient intéressés, directement ou indirectement, dans la société AIF Management, ni qu’ils auraient eu un intérêt personnel à permettre à M. X… de se faire rembourser le rachat de l’emprunt contracté par la société JMT Aménagement, ni que ces versements auraient eu pour effet d’éteindre la créance détenue par M. X… contre la société JTM Management dont ils étaient associés, la cour d’appel a violé les articles L. 242-6, 3°, du code de commerce et 321-1 du code pénal ;

« 6) alors que le fait de disposer de fonds provenant d’un délit ne constitue un recel que s’il en résulte que son auteur dissimule, détient, transmet ces fonds, ou fasse office d’intermédiaire afin de la transmettre, ou en bénéficie ; qu’il résulte des constatations de l’arrêt que les fonds ont été versés par la société DPA à la société AIF Management sans qu’il n’y apparaisse que, reçus par la société AIF Management, les fonds auraient été ensuite remis au prévenu et qu’il en aurait personnellement bénéficié ; que, dès lors, en se bornant à constater que M. X… aurait disposé des fonds provenant de l’abus de biens sociaux commis par M. Y… et Mme Z…, la cour d’appel n’a pas légalement motivé sa décision ;

« 7) alors qu’à supposer que le fait pour M. X… de disposer des fonds provenant d’un abus de biens sociaux constitue un acte de détention, de dissimulation, de transmission de ces fonds, un office d’intermédiaire pour cette transmission ou le fait d’en bénéficier, la prévention ne visant que le fait, pour l’intéressé, d’avoir fait verser des fonds au profit de la société AIF Management en échange de sept fausses factures qu’il avait établies et ne comprenant pas le fait de détenir, dissimuler, transmettre, faire office d’intermédiaire, ou bénéficier de ces fonds, en condamnant le prévenu pour des faits étrangers à la prévention sans qu’il n’ait donné son consentement à être jugé sur ces faits, la cour d’appel a méconnu les termes de sa saisine, a violé l’article 388 du code de procédure pénale et a excédé ses pouvoirs » ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que M. X…, poursuivi du chef d’abus de biens sociaux en raison de sept versements effectués du 8 juin 2000 au 15 novembre 2001 par la société Direct production associés (DPA) au profit de la société AIF Management dont il était le gérant, a été déclaré coupable de ce délit par le tribunal ;

Attendu qu’après avoir relevé que M. X… n’était devenu administrateur de la société DPA qu’à partir du 10 septembre 2001 et invité ce prévenu à s’expliquer sur la nouvelle qualification de recel d’abus de biens sociaux envisagée pour les faits antérieurs à cette date, les juges du second degré retiennent à son encontre le délit d’abus de biens sociaux pour la somme versée le 15 novembre 2001 et celui de recel pour les six autres versements ;

Attendu qu’en prononçant ainsi, et dès lors que le prévenu a été mis en mesure de s’expliquer sur la nouvelle qualification envisagée, qui n’ajoutait rien aux faits de la prévention, la cour d’appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu’intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable, a justifié sa décision ;

D’où il suit que les moyens, dont le premier et le troisième se bornent à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;


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