Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur les deux moyens, réunis, ci-après annexés :
Attendu qu’ayant constaté, d’une part, que la société Bar Le France, locataire, avait donné le fonds de commerce exploité dans les locaux loués en location-gérance et, d’autre part, que l’un des associés de la société locataire avait cédé à un tiers ses parts sociales, et relevé que ces opérations avaient été réalisées l’une et l’autre en infraction aux clauses et conditions du bail qui prévoyaient l’accord exprès et par écrit de la SCI Le Solaire, bailleresse, la cour d’appel, qui a souverainement retenu que de tels manquements étaient très graves en ce qu’ils réduisaient à néant les clauses du bail par lesquelles la bailleresse avait entendu se garantir de tout risque de nature à compromettre la bonne exécution du contrat de bail, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Bar Le France aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Bar Le France à payer à la SCI Le Solaire la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la société Bar Le France ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils, pour la société Bar le France
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La SARL BAR LE FRANCE fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR déclaré valable et fondé le congé sans indemnités délivré le 26 novembre 2003,
AUX MOTIFS ADOPTES QUE «selon les clauses du contrat de bail liant les parties, le preneur s’est engagé à ne pas céder le fonds de commerce, le droit au bail, ou donner le fonds en location-gérance sans le consentement exprès et par écrit de la bailleresse à peine de résiliation immédiate du contrat et de tous dommages-intérêts ; qu’il est constant que la SARL BAR LE FRANCE a donné son fonds en location-gérance en vertu d’un acte sous seing-privé daté du 15 janvier 2003, sans autorisation expresse du bailleur ; si la locataire prétend qu’elle en a informé celui-ci par lettre recommandée datée du 7 février 2002, la lettre qu’elle produit paraît correspondre à l’original selon l’empreinte du papier et a été adressée à un certain Monsieur X…, … dont la qualité n’est pas précisée ; qu’en tout état de cause, cette simple correspondance ne satisfait pas à l’exigence qu’impose le bail de recueillir l’accord écrit du propriétaire ; qu’à supposer cette correspondance reçue par celui-ci, l’absence de réponse n’équivaut pas à un agrément, ainsi que la société preneuse le soutient, et ne permettait pas à celle-ci de passer outre sans autre formalité ; que l’infraction au bail est donc caractérisée ; qu’il est indifférent à cet égard que la location-gérance litigieuse n’ait pas été renouvelée dès lors que le manquement de la preneuse à ses obligations n’a pas été régularisé dans le mois du commandement du 25 septembre 2003» ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE «le bail commercial en date du 12.12.1995 stipule que «il est expressément convenu les conditions suivantes au présent bail, que les preneurs s’obligent à exécuter savoir de ne pouvoir céder le fonds de commerce, le droit à ce bail ou donner le fonds en location-gérance qu’avec le consentement exprès et par écrit de la bailleresse, à peine de résiliation immédiate du présent bail et de tous dommages et intérêts» ; que la SARL BAR LE FRANCE prétend qu’elle n’a pas méconnu cette interdiction lorsqu’elle a donné le fonds en location-gérance le 15.01.2003, car elle aurait informé son bailleur par une lettre du 07.12.2002 et aurait interprété l’absence de réponse comme un acquiescement de celui-ci ; que le tribunal a justement retenu qu’une simple lettre ne satisfaisait pas à l’exigence imposée par le bail de recueillir l’accord écrit du propriétaire et qu’à supposer que le bailleur ait reçu cette correspondance, l’absence de réponse ne pouvait être analysée comme un agrément de sa part ; qu’il n’a pas été mis fin à l’infraction dans le mois du commandement délivré le 25.09.2003 puisqu’il n’a été mis un terme au contrat de location-gérance que le 09.01.2004».
ALORS QUE le preneur a fait le nécessaire pour remplir son obligation, le bailleur ne peut plus exercer le droit de reprise sans indemnité d’éviction ; qu’en adressant dans le délai d’un mois du commandement une demande d’autorisation d’une location gérance, opération en soi non interdite par le bail, le preneur a rempli son obligation ; qu’en considérant cependant que la SARL BAR LE FRANCE n’avait pas mis fin à l’infraction dans le mois du commandement délivré le 25 septembre 2003, la cour d’appel a violé l’article L.145-17 du code de commerce,
ALORS QUE le bailleur ne saurait de bonne foi se prévaloir d’un manquement grave du preneur pour justifier le non renouvellement du bail sans indemnité d’éviction alors que, par son comportement, il a participé à la réalisation de ce manquement ; qu’en s’abstenant de répondre à la SARL BAR LE FRANCE, qui soutenait que l’attitude passive du bailleur l’avait abusée et conduite à considérer qu’il n’avait aucune objection à la location gérance de sorte que la conclusion de la location gérance sans autorisation écrite ne pouvait caractériser le manquement grave justifiant l’absence d’indemnité d’éviction, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.145-17 du code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION
La SARL BAR LE FRANCE fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR déclaré valable et fondé le congé sans indemnités délivré le 26 novembre 2003,
AUX MOTIFS ADOPTES QUE «le contrat de bail stipule encore des obligations à la charge de la société locataire, qui doivent être énoncées dans ses statuts à peine de résiliation immédiate du bail, selon lesquelles : – tous les associés et futurs devront se porter caution solidaire et personnelle pour le paiement des loyers et pour l’exécution des clauses et conditions du bail ; – toute cession de part dans la SARL sera considérée comme une cession d’une partie du droit au bail et devra être précédée d’une autorisation expresse et écrite de la bailleresse ; que la vente de ses parts sociales par Patrice Y…, actionnaire à 50 % de la SARL BAR LE FRANCE, n’a pas été soumise à l’agrément du bailleur, ce qui n’est pas contesté ; que la société locataire ne peut se contenter de soutenir que l’obligation mise à sa charge est abusive et illicite sans aucunement le démontrer pour s’en exonérer, dans la mesure où les modalités de la cession litigieuse contreviennent à ses propres statuts et où aucun texte ni aucun principe n’interdit à un bailleur de convenir avec les actionnaires de la société preneuse d’une telle restriction à la libre disposition de leurs parts ; la clause dont s’agit tend à éviter le transfert du fonds à un tiers inconnu du bailleur et ne s’inscrit pas dans la prohibition édictée par l’article L. 145-16 du code de commerce qui déclare nulles les conventions interdisant au locataire de céder son bail ou les droits définis par le statut des baux commerciaux ; qu’à ce titre encore, l’infraction aux obligations issues du contrat de bail est caractérisée et n’a pas été régularisée dans le mois du commandement» ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE «par ailleurs, le bail du 12.12.1995, mentionne que : «monsieur et madame Z… ont sollicité l’autorisation de céder leur droit au bail à la SARL LE BAR FRANCE qui doit se constituer entre monsieur Y… et madame A… ; la bailleresse autorise ladite cession sous les conditions expresses suivantes qui devront figurer dans les statuts de cette SARL, sous peine d’encourir la résiliation immédiate du bail sans procédure et l’expulsion serait ordonnée par ordonnance de référé constatant l’infraction : 1° – tous les associés et futurs devront se porter caution solidairement et personnellement pour le paiement des loyers et pour l’exécution des clauses et conditions du bail ; – toute cession de part dans cette SARL sera considérée comme une cession d’une partie du droit au bail et par suite, devra être précédée d’une autorisation expresse et par écrit de la bailleresse» ; que la cession de ses parts par monsieur Y… (50 %) le 06.03.2001 n’a pas été autorisée préalablement par le bailleur et aucune régularisation n’a été effectuée dans le mois du commandement ; que l’appelante n’est pas fondée à soutenir que la clause précitée serait inapplicable à la cession partielle car elle ne pourrait équivaloir à un quelconque transfert de fonds de commerce ou appropriation par un tiers inconnu du bailleur ; que cette clause est claire et ne fait aucune référence à un nombre de parts dont la cession serait nécessaire pour la rendre applicable ; ; qu’il résulte de ce qui précède que ces manquements par la SARL LE BAR France à ses obligations contractuelles sont très graves car ils réduisent à néant les clauses imposées par la bailleresse qui souhaitait, en agréant tout nouveau détenteur du capital social de la société preneuse et tout locataire gérant, se garantir de tout risque de nature à compromettre la bonne exécution du contrat»,
ALORS QUE ne constituent pas des motifs suffisamment graves justifiant la privation du preneur à bail commercial de toute indemnité d’éviction des manquements connus et tolérés depuis longtemps n’ayant causé aucun préjudice ; que la SARL BAR LE FRANCE a soutenu expressément que l’absence d’agrément de la cession des parts sociales ne pouvait caractériser le motif grave de nature à justifier la privation de toute indemnité d’éviction ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile, ALORS QUE l’identité des associés d’une société à responsabilité limitée est sans conséquence sur la bonne ou la mauvaise exécution des engagements souscrits par cette société ; que la personnalité juridique de chacun des associés étant distincte de celle de la société, les associés ne sont pas liés personnellement par les engagements contractés par la société ; qu’en décidant le contraire pour caractériser le motif grave susceptible de priver le preneur de toute indemnité d’éviction, la cour d’appel a statué, en violation de l’article 455 du code de procédure civile, par un motif inopérant.