Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 27 septembre 2005, 04-10.730, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 27 septembre 2005, 04-10.730, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt confirmatif attaqué (Paris, 17 octobre 2003), que M. et Mme X… étaient les actionnaires principaux et les dirigeants de trois sociétés de travail temporaire, les sociétés Eric Soutou, Inf V et Darlay services, qui bénéficiaient de concours de la part de la Société nancéienne Varin Bernier (la SNVB) ; que, le 23 janvier 1996, les époux X…, dont les sociétés avaient rencontré des difficultés, ont écrit à la SNVB en indiquant qu’ils étaient conscients des graves anomalies dans la gestion des lignes de crédit sous forme de cessions de créances professionnelles mises à la disposition des sociétés Inf V et Darlay services qui leur avaient été signalées par la banque, qu’en qualité d’actionnaires ils étaient disposés à faire les apports nécessaires pour régulariser la situation à l’égard de la banque, qu’à ce titre ils sollicitaient l’octroi d’un prêt personnel de 5 000 000 francs dont le produit « sera apporté en compte courant dans les deux sociétés », étant entendu que cet apport « s’imputera en totalité sur la réduction des concours mis à la disposition des deux sociétés » et qu’ils s’engageaient à tout mettre en oeuvre pour céder leur groupe ; que, le 25 janvier 1996, la SNVB a consenti un prêt personnel de 5 000 000 francs aux époux X…, destiné à réduire les découverts des sociétés et que, le jour même, la banque a résilié ses concours ; que, le 30 janvier 1996, les époux X… se sont portés cautions des engagements des sociétés Inf V et Darlay services envers la banque à concurrence de 2 500 000 francs pour chacune d’elles, puis, le 8 février 1996, ont signé l’acte authentique par lequel ils affectaient, en garantie de leurs engagements personnels au profit de la banque, divers immeubles ; que, par jugement du 2 décembre 1998, la société Eric Soutou a été mise en liquidation judiciaire et que, le 1er décembre 1999, la procédure a été étendue aux autres sociétés du « groupe », M. Y… étant désigné liquidateur ; que , le 2 août 1999, les sociétés Inf V et Darlay services et les époux X… ont assigné la banque en responsabilité ; que M. X… est décédé le 2 octobre 2002, laissant son épouse en qualité de légataire universelle ; que la SNVB a, le 19 janvier 2000, assigné Mme X… en paiement des sommes qu’elle estime lui être dues ;

Attendu que Mme X… fait grief à l’arrêt d’avoir rejeté ses demandes formées contre la SNVB, alors, selon le moyen :

1 / qu’elle avait fait valoir qu’à partir des années 1995, la banque avait pris la gérance de fait des sociétés Eric Soutou, Darlay services, Inf V , et, consciente, en raison d’erreurs commises du fait de la complexité de gestion de certains comptes clients, de détenir sur les dirigeants, selon la constatation des premiers juges, « un moyen de pression pour ne pas dire de chantage », avait monté et imposé à son seul profit aux dirigeants un emprunt personnel d’un montant de 5 000 000 francs, garanti par le patrimoine personnel de M.et Mme X…, qui devait être intégralement utilisé à apurer la dette des sociétés en cause, avant rupture immédiate et brusque des concours ; qu’ainsi en ne s’expliquant pas sur l’ingérence dolosive de la SNVB, constaté pourtant par le Tribunal, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de motifs, violant l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / qu’en jugeant que la SNVB avait pu, sans faute, immédiatement rompre ses concours, après avoir obtenu un prêt personnel garanti par les dirigeants sociaux destiné à apurer les comptes des sociétés en cause et à régulariser la situation, ce qui privait la cause de l’emprunt en question, destiné précisément à assurer le maintien du crédit, de toute cause, la cour d’appel n’a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 1131,1134 et 1147 du Code civil ;

3 / qu’en ne s’expliquant pas sur le moyen, soutenu en appel, tiré de la carence fautive de la SNVB à assurer, conformément aux dispositions du contrat de prêt, l’emprunt contracté par M. et Mme X…, alors que les primes d’assurance étaient intégrées aux échéances de remboursement, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de motif, violant l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu’après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, que les époux X…, qui ne démontraient pas en quoi le comportement de la banque était allé au-delà de la surveillance qu’elle avait le devoir d’opérer et des exigences qu’elle était en droit de manifester pour le respect des engagements compte tenu du montant des crédits accordés, avaient « commis des indélicatesses » à l’occasion de cessions de créances professionnelles des sociétés Inf V et Darlay services et avaient, par lettre du 23 janvier 1995, sollicité un prêt personnel dont ils entendaient apporter le produit en compte courant dans les deux sociétés afin de régulariser la situation à l’égard de la banque en engageant leur propre patrimoine tout en acceptant la décision légitime de cette dernière de mettre fin à ses concours, l’arrêt retient qu’ils ont obtenu ce prêt le 25 janvier 1996, jour de la rupture des concours bancaires, et qu’ils avaient, le 8 février suivant, affecté en garantie de leurs engagements personnels au profit de la banque divers immeubles, que les fonds empruntés leur ont été remis et que la « déconfiture » des sociétés concernées est intervenue près de quatre ans après la rupture des crédits, ce dont il se déduisait que les époux X… étaient informés de la rupture des concours bancaires avant de garantir leur emprunt; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de répondre aux conclusions invoquées par la troisième branche du moyen dont Mme X… ne tirait aucune conséquence, a pu statuer comme elle a fait et a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X… aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne Mme X… à payer à la Société nancéienne Varin Bernier la somme de 2 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille cinq.


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