Cour d’appel de Limoges, Chambre sociale, 2 juin 2008, 07/00785

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Cour d’appel de Limoges, Chambre sociale, 2 juin 2008, 07/00785

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

RG N : 07/00785

AFFAIRE :

Jean-Claude X…

C/

SA JEAN LOUIS COQUET

Licenciement

COUR D’APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 02 JUIN 2008

A l’audience publique de la Chambre sociale de la cour d’appel de LIMOGES, le deux juin deux mille huit a été rendu l’arrêt dont la teneur suit ;

ENTRE :

Jean-Claude X…

demeurant …

APPELANT d’un jugement rendu le 22 mai 2007 par le Conseil de Prud’hommes de LIMOGES

Représenté par Maître Eric BRECY-TEYSSANDIER, avocat au barreau de LIMOGES

ET :

La SA JEAN LOUIS COQUET, dont le siège social est Le Pont de Noblat – 87400 SAINT LÉONARD DE NOBLAT

Intimée

Représentée par Maître Laurent CAPAZZA, avocat au barreau de LIMOGES

A l’audience publique du 05 mai 2008, la Cour étant composée de Monsieur Jacques LEFLAIVE, Président de chambre, de Monsieur Philippe NERVE et de Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Conseillers, assistés de Madame Geneviève BOYER, Greffier, Maître Eric BRECY-TEYSSANDIER et Maître Laurent CAPAZZA, avocats, ont été entendus en leurs plaidoiries.

Puis Monsieur Jacques LEFLAIVE, Président de chambre, a renvoyé le prononcé de l’arrêt, pour plus ample délibéré, à l’audience du 02 juin 2008 ;

A l’audience ainsi fixée, l’arrêt qui suit a été prononcé, ces mêmes magistrats en ayant délibéré.

EXPOSE DU LITIGE :

Monsieur X… a tout d’abord été employé par la société LALIQUE, actionnaire de la société COQUET, à compter du 14 juin 1993 en qualité de consultant industriel pour une durée déterminée fixée jusqu’au 14 décembre 1993.

Ensuite, à compter du 1er janvier 1994, il a été engagé par la société COQUET dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de responsable du site industriel de Saint-Léonard-de Noblat.

Au cours du mois d’octobre 2004, la société LALIQUE a cédé les parts qu’elle détenait dans la société COQUET à la société FWL dont Monsieur A… était l’actionnaire principal.

Dans une note d’orientation établie par Monsieur B…, PDG de la société COQUET, le 19 novembre 2004, il est indiqué que :

Monsieur A… se voit attribuer un bureau permanent au sein de l’entreprise à compter du mercredi 24 novembre ;

la production étant au coeur de la stratégie, il est demandé à Monsieur X… de s’y impliquer directement en apportant aux équipes techniques son expérience ;

cette fonction aura Monsieur A… comme interlocuteur privilégié ;

les trois bureaux des ingénieurs seront regroupés dans un même espace.

Dans un courrier du 26 novembre 2004, Monsieur B… a demandé à Monsieur X… de bien vouloir, comme prévu, se rapprocher de l’encadrement technique et de libérer son bureau afin que Monsieur A… puisse l’occuper.

Le lundi 29 novembre 2004, Monsieur X… a été mis à pied avant d’être convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement par lettre du 3 décembre 2004. Il sera ensuite licencié pour faute grave aux termes d’un courrier du 16 décembre suivant.

Monsieur X… a contesté ce licenciement devant le conseil des prud’hommes de Limoges, lequel par jugement du 22 mai 2007 a :

dit que le licenciement de l’intéressé est fondé, non pas sur une faute grave, mais sur une cause réelle et sérieuse ;

condamné en conséquence la société COQUET à payer au demandeur les sommes suivantes :

• 23. 765,49 € brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

• 2.376,54 € brut au titre des congés payés sur préavis ;

• 25. 152,81 € au titre de l’indemnité de licenciement

dit que la société COQUET devra établir et transmettre bulletin de paie correspondant, certificat de travail et attestation ASSEDIC, rectifiés, conformément au présent jugement ;

constaté que l’exécution provisoire est de droit

condamné la société COQUET aux entiers dépens et payé à Monsieur X… la somme de 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Monsieur X… a relevé appel de cette décision.

Monsieur X… demande à la cour de :

réformer le jugement entrepris et de déclarer le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

en conséquence, condamner la société COQUET à lui payer les sommes suivantes :

• 255. 846,74 € à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

• 24.086,85 € brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

• 2.408,68 € brut au titre de l’indemnité de congés payés ;

• 25. 152,81 € net au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement

ordonner à la société COQUET d’avoir à délivrer le bulletin de paie, le certificat de travail et l’attestation ASSEDIC, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la notification de l’arrêt à intervenir ;

condamner la société COQUET aux entiers dépens d’appel et à lui verser une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il soutient que son licenciement est illégitime car faisant suite à une violation du principe de non-cumul des sanctions caractérisée par le fait que son licenciement a été précédé d’une mise à pied fondée sur les mêmes faits et qui a perdu son caractère conservatoire, faute d’avoir été immédiatement suivie par la mise en oeuvre de la procédure de licenciement. Par ailleurs, il prétend que son employeur aurait commis un détournement de procédure car la véritable cause de ce licenciement réside dans la volonté de celui-ci de l’amener à prendre sa retraite.

Sur le fond, il conteste la réalité des griefs que lui reproche son employeur.

La société COQUET demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner Monsieur X… aux entiers dépens de première instance et d’appel puis de le condamner à lui payer une indemnité de 3.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Elle prétend qu’il n’y a pas eu de violation du principe de non-cumul des sanctions car le délai séparant la mise à pied conservatoire de l’engagement de la procédure de licenciement est restreint. Elle conteste les allégations de l’appelant quant au détournement de procédure et soutient, au contraire, que les griefs ayant fondé le licenciement sont établis.

SUR CE,

Sur le licenciement :

– Sur la violation de la règle du non-cumul des sanctions :

Le lundi 29 novembre 2004, Monsieur X… a été convoqué par son employeur qui, le jour même, l’a informé oralement de sa mise à pied à titre conservatoire. La société COQUET lui a ensuite adressé, le vendredi 3 décembre, une convocation à un entretien préalable en vue de son licenciement dans laquelle elle confirmait la mise à pied à titre conservatoire dans l’attente de la décision à intervenir.

La mise à pied à titre conservatoire s’inscrit donc dans la procédure de licenciement mise en oeuvre quatre jours plus tard, ce très bref délai ne faisant pas perdre à la mise à pied son caractère conservatoire. La décision des premiers juges sera confirmée sur ce point.

– Sur le licenciement :

Dans la lettre de licenciement, il est particulièrement reproché à Monsieur X… :

• son changement de comportement depuis la prise de contrôle de la société par Monsieur A…,

• de ne pas accepter la politique de partenariat avec Jaune de Chrome,

• d’avoir critiqué publiquement les actions de Monsieur A…,

• d’avoir tenu des propos violents en présence des cadres et des employés à la suite de la réunion du 5 novembre,

• d’avoir tenu des propos injurieux à l’égard des actionnaires et envers le président accusé de lâcheté,

• d’avoir pris du retard dans le plan d’action de la production, en particulier au niveau du montage de la cabine d’émaillage.

Monsieur C… témoigne que Monsieur X… faisait passer les produits Jaune de Chrome pour une source de pollution et qu’il a déclaré, à propos de Monsieur A…, « qu’il n’avait rien à foutre de cet homme-là » et que  » l’usine allait droit au mur ».

Madame D… indique que l’intéressé critiquait systématiquement la direction, qu’il refusait très souvent de répondre à ses questions souvent techniques.

Monsieur E… confirme les retards pris dans montage de la cabine d’émaillage pour l’atelier Jaune de Chrome, en précisant que « pendant environ un mois et demi rien n’a bougé ».

Ces témoignages corroborés par ceux d’autres salariés de l’entreprise (Mesdames F…, G…, H… et I…) démontrent la réalité des griefs retenus par l’employeur. Ces griefs, qui étaient de nature à entraver la bonne marche de l’entreprise et à compromettre ou, à tout le moins, à rendre plus difficile la mise en oeuvre des mesures destinées à redresser l’entreprise, constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Par ailleurs, Monsieur X…, qui se contente d’affirmer que son employeur a tenté de le pousser à prendre sa retraite, sans produire d’éléments permettant d’établir la réalité de cette assertion qui est contredite par le contenu de la note du 19 novembre 2004 dans laquelle il lui est demandé d’apporter son expérience aux équipes techniques, n’est pas fondé à invoquer un détournement de procédure.

Enfin, s’agissant de la modification de son contrat, il ne résulte pas des éléments de la cause qu’il s’y est opposé et que celle-ci lui a été imposée dans le but de l’inciter à quitter la société.

Le jugement entrepris sera donc confirmé.

Sur l’indemnisation :

– Sur l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité de congés payés :

L’indemnité compensatrice de préavis a été calculée par les premiers juges sur la base de la moyenne brute annuelle du salaire, laquelle inclut nécessairement les primes et les avantages en nature dont Monsieur X… demande la prise en compte.

Toutefois, l’article C9 de la convention collective prévoit que le salaire de référence servant au calcul de cette indemnité est égal à la moyenne des appointements effectifs normaux perçus par l’intéressé durant les trois derniers mois à traitement complet.

Il résulte des pièces produites qu’outre un salaire brut de 5.800 €, la rémunération de Monsieur X… comprend une prime d’ancienneté de 338,44 € et des avantages en nature dont le montant est annualisé (5.236 €). La prime de Noël payée en décembre (4.243,53 €) doit également être prise en compte dès lors qu’elle ne constitue pas une prime exceptionnelle. La base de calcul est donc la suivante :

1/3 (6.574,44 € +6.574,44 € + (6.574,44 €+4.243,53)) = 7.988,95 €

Le montant de l’indemnité compensatrice du préavis de trois mois s’élève à 23.966,85 €. L’indemnité de congés payés y afférents s’élève à 2.396,68 €.

Le jugement entrepris sera donc infirmé s’agissant du montant de ces deux indemnités.

– Sur l’indemnité conventionnelle de licenciement

La somme allouée par les premiers juges est acceptée par chacune des parties. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes :

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a ordonné la délivrance à Monsieur X… d’un certificat de travail conforme à la décision, ce certificat devant mentionner les périodes de travail effectuées dans le cadre, d’une part, du contrat à durée déterminée et, d’autre part, du contrat à durée indéterminée.

Le jugement sera également confirmé s’agissant de la délivrance du bulletin de paye correspondant aux diverses indemnités allouées et à l’attestation ASSEDIC rectifiée.

Il n’apparaît pas nécessaire d’assortir cette condamnation du paiement d’une astreinte.

A la suite de la présente procédure, la société COQUET a exposé des frais non compris dans les dépens. L’équité commande de l’en indemniser. Monsieur X… sera condamné à lui payer la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qui concerne le montant de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité de congés payés y afférents ;

Statuant à nouveau :

Condamne la société COQUET à payer à Monsieur X… les sommes suivantes :

– 23.966,85 € brut au titre de l’indemnité compensatrice du préavis

– 2.396,68 € brut au titre l’indemnité de congés payés y afférents

Y ajoutant,

Dit que le certificat de travail devra mentionner les périodes de travail effectuées dans le cadre, d’une part, du contrat à durée déterminée et, d’autre part, du contrat à durée indéterminée ;

Condamne Monsieur X… à payer, en cause d’appel, à la société COQUET la somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne le même aux entiers dépens d’appel ;

Cet arrêt a été prononcé à l’audience publique de la Chambre sociale de la cour d’appel de LIMOGES en date du deux juin deux mille huit par Monsieur Jacques LEFLAIVE, président de chambre.


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