Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 29 mars 2011, 09-71.443, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 29 mars 2011, 09-71.443, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Lyon, 17 septembre 2009), qu’à la fin de l’année 2001, la société Ernst et Young Corporate Finance, aux droits de laquelle vient la société Ernst et Young Advisory (la société Ernst et Young) à qui M. X…, actionnaire majoritaire de la société Holding Lancey Investissement, avait donné mandat de rechercher des acquéreurs pour les titres de cette société et de l’assister dans les négociations avec ceux-ci, l’a invité à se rapprocher de la société Matussière et Forest ; qu’en mai 2002, celle-ci a soumis à M. X… une proposition d’acquisition de la totalité des actions de la société Lancey Investissement en rémunérant cette acquisition partiellement en numéraire, partiellement par l’attribution de titres de la société Matussière et Forest ; que le 1er octobre 2002, un protocole de transfert des actions a été établi, reprenant les modalités de paiement exposées dans l’offre ; que le 19 novembre 2002, la société Ernst et Young a perçu des honoraires de succès ; que le 30 avril 2004 la société Papeterie Matussière et Forest a fait l’objet d’un redressement judiciaire ; que le 10 juin 2005, un plan de cession a été adopté, prévoyant une recapitalisation de la société Matussière et Forest par un repreneur ; qu’à la suite de cette opération, les anciens actionnaires de la société Lancey Investissement ont vu leur participation au capital réduite de 16 % à 0, 40 %, la valeur unitaire de rachat des actions passant de 55, 3847 à 0, 085 euros ; que par acte du 3 janvier 2006, M. X… a assigné la société Ernst et Young en réparation de son préjudice, lui reprochant d’avoir manqué à son obligation d’assistance et de conseil en s’abstenant de préconiser la mise en oeuvre d’un audit de la société Matussière et Forest ;

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt d’avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen :

1°/ que le professionnel qui s’entremet dans les opérations de cession de contrôle d’une entreprise, est débiteur à l’endroit de son client, non d’une simple obligation de mise en garde lui imposant de l’informer des risques présentés par l’opération projetée, mais d’une véritable obligation de conseil lui imposant de porter une appréciation sur l’opportunité économique de cette opération et de communiquer cette appréciation à son client ; qu’il s’ensuit que, s’il peut, pour s’exonérer en partie de sa responsabilité, se prévaloir de la faute d’imprudence ou de négligence de son client, il ne peut pas lui objecter que ses compétences ou son expérience personnelles lui permettaient d’évaluer le risque qu’il a pris en traitant ; qu’en relevant, pour débouter M. X… de l’action en responsabilité qu’il formait contre la société Ernst et Young, professionnel de la cession de contrôle des entreprises, que sa compétence et son expérience professionnelles le mettaient à portée de connaître tous les éléments qui lui permettaient de traiter en pleine connaissance de cause, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil ;

2°/ que c’est au débiteur de l’obligation de conseil, et non à son créancier, qu’il incombe de prouver l’exécution de cette obligation ; qu’en relevant, pour débouter M. X… de son action en responsabilité contre la société Ernst et Young, qu’il ne démontre pas que cette société disposait du moyen de détecter la mauvaise situation financière de la société Matussière et Forest, quand il appartenait à la société Ernst et Young de prouver le contraire, la cour d’appel a violé les articles 1147 du code civil, ensemble les articles 2 et 9 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l’arrêt retient que M. X…, dirigeant depuis plusieurs années une entreprise dans le même domaine d’activité dont il connaissait les difficultés conjoncturelles, avait connaissance des comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2001, d’une situation comptable arrêtée au 30 juin 2002, du formulaire destinée à la Commission des opérations de bourse à l’élaboration duquel il avait participé et du rapport du commissaire aux apports et qu’il disposait ainsi d’éléments d’information clairs et suffisants sur la situation financière de la société Matussière et Forest et du groupe Matussière lors de la réalisation de l’opération, objet du mandat confié à la société Ernst et Young, lui permettant de se déterminer ; que de ces constatations établissant que M. X…, professionnel du secteur industriel concerné, disposait de toutes les informations utiles au moment de la conclusion de la convention de cession des titres sur la situation financière de l’acquéreur proposé, la cour d’appel a pu déduire, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche, qu’il n’appartenait pas à la société Ernst et Young, au titre de la mission qui lui avait été confiée, de préconiser un audit de la société Matussière et Forest ; que le moyen, non fondé en sa première branche, ne peut être accueilli en sa seconde branche ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société Ernst et Young Advisory la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour M. X….

Le pourvoi fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué D’AVOIR débouté M. Jean-Luc X… de l’action en responsabilité contractuelle qu’il formait contre la société Ernst & Young advisory, laquelle vient aux droits de la société Ernst & Young corporate finance ;

AUX MOTIFS QUE « Jean-Luc X…, qui dirigeait déjà depuis plusieurs années et dans la même zone géographique, une entreprise dans le même domaine d’activité dont il connaissait les difficultés conjoncturelles, avait déjà connu une opération de cession d’entreprise, avait connaissance des comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2001, d’une situation comptable arrêtée au 30 juin 2002, du formulaire e destiné à la cob à l’élaboration duquel il a participé et du rapport du commissaire aux apports Y…, disposait ainsi d’éléments d’information clairs et suffisants sur la situation financière de la sa Matussière & Forest et du groupe Matussière lors de la réalisation de l’opération objet du mandat confié à la société Ernst & Young corporate finance lui permettant de se déterminer ; qu’il n’incombait pas à la société Ernst & Young, dans le cadre du mandat qui lui avait été confié, de préconiser un audit de la sa Matussière & Forest, voire du groupe Matussière & Forest » (cf. arrêt attaqué, p. 8, 2e attendu) ; « qu’ainsi, l’appelant qui a accepté de se voir attribuer des actions de la sa Matussière & Forest en contrepartie d’une partie des parts sociales qu’il détenait dans la sas Lancey investissement, opération dont il ne pouvait méconnaître les risques, ne démontre pas de manquement du mandataire à son obligation d’assistance et de conseil, voire de bonne foi, de ce co-contractant à l’origine du préjudice allégué » (cf. arrêt attaqué, p. 8, 3e attendu) ; « que le tribunal dit et juge … que M. X… ne démontre pas que la société Eycf avait la capacité de détecter l’insuffisance de la situation financière de la société acheteuse, sans que lui-même ait eu la possibilité de s’interroger à ce sujet, alors qu’il connaissait les perspectives d’évolution du secteur économique dans lequel il évoluait depuis plusieurs années, et avait personnellement participé au choix des critères d’évaluation des deux groupes et à la négociation sur leurs valorisations respectives, et disposait d’éléments suffisants pour prendre connaissance de la situation financière de MF préalablement à la concrétisation de l’échange » (cf. jugement entrepris, p. 6, 6e attendu) ;

1. ALORS QUE le professionnel qui s’entremet dans les opérations de cession de contrôle d’une entreprise, est débiteur à l’endroit de son client, non d’une simple obligation de mise en garde lui imposant de l’informer des risques présentés par l’opération projetée, mais d’une véritable obligation de conseil lui imposant de porter une appréciation sur l’opportunité économique de cette opération et de communiquer cette appréciation à son client ; qu’il s’ensuit que, s’il peut, pour s’exonérer en partie de sa responsabilité, se prévaloir de la faute d’imprudence ou de négligence de son client, il ne peut pas lui objecter que ses compétences ou son expérience personnelles lui permettaient d’évaluer le risque qu’il a pris en traitant ; qu’en relevant, pour débouter M. Jean-Luc X… de l’action en responsabilité qu’il formait contre la société Ernst & Young advisory, professionnel de la cession de contrôle des entreprises, que sa compétence et son expérience professionnelles le mettaient à portée de connaître tous les éléments qui lui permettaient de traiter en pleine connaissance de cause, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil ;

2. ALORS QUE c’est au débiteur de l’obligation de conseil, et non à son créancier, qu’il incombe de prouver l’exécution de cette obligation ; qu’en relevant, pour débouter M. Jean-Luc X… de son action en responsabilité contre la société Ernst & Young advisory, qu’il ne démontre pas que cette société disposait du moyen de détecter la mauvaise situation financière de la société Matussière & Forest, quand il appartenait à la société Ernst & Young de prouver le contraire, la cour d’appel a violé les articles 1147 du code civil, ensemble les articles 2 et 9 du code de procédure civile.


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