Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 février 2021
Cassation partielle
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 168 F-D
Pourvoi n° B 18-24.729
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 17 FÉVRIER 2021
1°/ la société Iceton Limited, société de l’Ile de Jersey, dont le siège est […] (Jersey),
2°/ M. P… D…, domicilié […] (Liban),
3°/ M. R… I…, domicilié […] (Liban),
ont formé le pourvoi n° B 18-24.729 contre l’arrêt rendu le 20 septembre 2018 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (2e chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est […] ,
2°/ à la société Axa assurances région Sud-Est, société anonyme, dont le siège est […] ,
3°/ à la société Boulle services mécaniques, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] ,
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société Iceton Limited et de MM. D… et I…, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés Axa France IARD, Axa assurances région Sud-Est et Boulle services mécaniques, après débats en l’audience publique du 5 janvier 2021 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Kass-Danno, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 septembre 2018), en juillet 2009, la société Boulle services mécaniques (la société BSM), assurée par la société Axa France IARD (la société Axa), a effectué des travaux de réparation sur le moteur bâbord du navire « […] », assuré auprès de la société Concorde, aux droits de laquelle est venue la société Generali, et appartenant à la société Iceton, dont le capital est détenu par deux sociétés, dont les actionnaires sont M. D… et M. I…. Ce moteur ayant été partiellement immergé le 11 septembre 2009, les sociétés Iceton et Generali ainsi que M. D… et M. I… ont assigné la société BSM en indemnisation de leur préjudice. M. D… et M. I…, qui s’étaient désistés de l’instance devant le tribunal de commerce, sont intervenus volontairement en cause d’appel.
Examen des moyens
Sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
2. La société Iceton, M. D… et M. I… font grief à l’arrêt de condamner in solidum la société BSM et la société Axa à payer à la société Iceton la seule somme de 10 000 euros au titre du préjudice de jouissance, alors :
« 1°/ que le principe de la réparation intégrale du préjudice suppose que la victime soit replacée dans la situation qui aurait été la sienne si elle n’avait pas subi le dommage, sans perte et sans profit ; qu’en l’espèce, en limitant la réparation du préjudice de jouissance de la société Iceton à la perte de location du navire sans rechercher, comme cela lui était demandé, si elle n’avait pas subi une perte de jouissance du yacht dès lors qu’il n’avait pas pu être utilisé, du fait de son immobilisation de septembre 2009 à 2016, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard du principe de la réparation intégrale du préjudice et de l’ancien article 1147 du code civil, devenu l’article 1231-1 du code civil ;
2°/ que le juge ne peut pas dénaturer les termes du litige dont il est saisi ; qu’en chiffrant le préjudice de jouissance de la société Iceton à la seule somme de 10 000 euros dans la mesure où le navire aurait été peu loué quand aucune des parties ne soutenait que l’exposante avait loué le navire, la cour d’appel a méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
3°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que, pour justifier de l’étendue du préjudice découlant pour la société Iceton de la privation de jouissance du navire, l’exposante avait régulièrement versé aux débats un arrêt de la cour d’appel de Paris du 5 novembre 1999 ainsi que des annonces de locations de navires ; qu’en fixant à la seule somme de 10 000 euros l’indemnisation du préjudice de jouissance de la société Iceton, sans s’expliquer sur ces éléments de preuve régulièrement versés aux débats et soumis à son examen, la cour d’appel a méconnu les exigences posées à l’article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
3. Ayant relevé que même si le navire, à vocation commerciale, était peu loué, la société Iceton avait subi pendant l’immobilisation de celui-ci un préjudice de jouissance, la cour d’appel, qui n’a pas méconnu l’objet du litige et a procédé à la recherche invoquée par la première branche, a apprécié souverainement le montant de ce préjudice, dont elle a justifié l’existence par l’évaluation qu’elle en a faite, sans être tenue d’en préciser les différents éléments.
4. Le moyen n’est donc pas fondé.
Et sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La société Iceton, M. D… et M. I… font grief à l’arrêt de juger irrecevables les interventions de M. D… et M. I… en cause d’appel, alors :
« 1°/ que peuvent intervenir en cause d’appel les personnes qui n’ont pas été parties en première instance ; que le désistement de l’instance emporte extinction de l’instance et anéantissement rétroactif de tous les actes de procédure accomplis au cours de l’instance, y compris la demande initiale ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que M. D… et M. I… s’étaient désistés de l’instance qu’ils avaient engagée devant les premiers juges, ainsi qu’acté par le jugement du 16 octobre 2015, ce dont il résultait que leur demande initiale avait été rétroactivement anéantie, qu’ils devaient être considérés comme n’ayant jamais eu la qualité de partie en première instance et autorisés à intervenir en cause d’appel ; qu’en retenant, pour déclarer irrecevables les interventions volontaires en cause d’appel de M. D… et M. I…, qu’ils avaient été parties à la procédure de première instance, la cour d’appel n’a pas déduit les conséquences légales de ses constatations et a violé l’article 398 du code de procédure civile, ensemble l’article 554 du code de procédure civile ;
2°/ que peuvent intervenir en cause d’appel, les personnes qui ont figuré en première instance en une autre qualité ; qu’en retenant, pour déclarer les interventions volontaires de M. D… et M. I… irrecevables, qu’ils avaient été parties en première instance sans rechercher, comme cela lui était demandé, si leurs interventions n’étaient pas recevables dès lors qu’ils intervenaient en appel en une qualité différente qu’en première instance, à savoir en leur qualité d’actionnaires et propriétaires de la société Iceton et non plus d’assurés, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 554 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. M. D… et M. I… sont intervenus volontairement en cause d’appel afin que, dans l’hypothèse où il ne serait pas fait droit à la demande de la société Iceton en réparation de son préjudice de jouissance résultant de l’immobilisation du navire, il soit constaté qu’ils avaient personnellement subi ce préjudice de jouissance et que les sociétés BSM et Axa soient condamnées à leur payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts.
7. La cour d’appel ayant condamné les sociétés BSM et Axa à payer à la société Iceton une certaine somme en réparation du préjudice de jouissance subi par l’immobilisation du navire et le moyen critiquant ce chef du dispositif étant rejeté, la demande formée par M. D… et M. I…, à titre subsidiaire, est devenue sans objet, de sorte qu’ils ne justifient pas d’un intérêt à critiquer le chef du dispositif prononçant l’irrecevabilité de leur intervention volontaire.
8. Le moyen est donc irrecevable.
Mais sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
9. La société Iceton, M. D… et M. I… font grief à l’arrêt de débouter la société Iceton de sa demande en condamnation des sociétés BSM et Axa à lui payer la somme de 187 651,20 euros au titre de la remise en état des moteurs et de l’électronique de propulsion, alors :
« 2°/ que la société Iceton, dans ses écritures d’appel faisait valoir que la société BSM, chargée depuis 2007 de l’entretien du navire et de ses moteurs, était en toute hypothèse responsable des conséquences des erreurs commises à l’occasion de cet entretien, à l’origine de la destruction des moteurs, indépendamment du sinistre litigieux ; que la cour d’appel qui n’a pas répondu à ce chef pertinent des écritures d’appel de la société exposante a par là-même, quel qu’en ait été le mérite, entaché son arrêt d’un défaut de réponse à conclusions et l’a privé de motifs en violation de l’article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que la société Iceton reprochait également à la société BSM d’avoir introduit dans les moteurs un liquide de refroidissement inapproprié, à l’origine de leur destruction ; que la cour d’appel qui n’a pas plus répondu à ce chef pertinent des écritures d’appel de la société exposante a par là-même, quel qu’en ait été le mérite, entaché son arrêt d’un défaut de réponse à conclusions et l’a privé de motifs en violation de l’article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que la société Iceton reprochait également à la société BSM d’avoir manqué à ses obligations d’entretien et de conseil, en s’abstenant de procéder à la remise en état des moteurs ou du moins en ne la mettant pas en garde sur les conséquences de l’abandon des moteurs après le sinistre ; que la cour d’appel qui n’a pas plus répondu à ce chef pertinent des écritures d’appel de la société exposante a par là-même, quel qu’en ait été le mérite, entaché son arrêt d’un défaut de réponse à conclusions et l’a privé de motifs en violation de l’article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 455 du code de procédure civile :
10. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
11. Pour rejeter la demande de la société Iceton en réparation du préjudice résultant de la remise en état des moteurs, l’arrêt retient que « le bon entretien des moteurs n’est pas démontré par la société Iceton ni le lien entre le sinistre et leurs problèmes. »
12. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Iceton, qui soutenait que l’endommagement des moteurs était imputable à la société BSM qui avait été chargée de leur entretien depuis 2007 et qui, dans l’exécution de son obligation d’entretien, avait commis des fautes tenant, notamment, à l’emploi d’un liquide de refroidissement inapproprié ayant provoqué leur détérioration et la fente des culasses ainsi qu’à un défaut d’information sur les conséquences de l’abandon en l’état des moteurs après le naufrage, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
Vu l’article 624 du code de procédure civile :
13. La cassation prononcée sur le deuxième moyen du chef du rejet de la demande en paiement d’une certaine somme au titre des frais de remise en état des moteurs entraîne, par voie de conséquence, la cassation de la disposition critiquée par le troisième qui, rejetant, au même motif, la demande en paiement d’une certaine somme au titre des frais avancés par la société Iceton, concernant notamment les moteurs, s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il déboute la société Iceton de sa demande de remise en état des moteurs et de sa demande de remboursement pour frais avancés, l’arrêt rendu le 20 septembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;
Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Montpellier ;
Condamne la société Axa France IARD, la société Axa assurances région Sud-Est et la société Boulle services mécaniques aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Axa France IARD, la société Axa assurances région Sud-Est et la société Boulle services mécaniques à payer à la société Iceton Limited la somme globale de 3 000 euros et rejette leur demande et celle de M. D… et M. I… ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour la société Iceton Limited et MM. D… et I….
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir jugé irrecevables les interventions de Messieurs D… et I… en cause d’appel ;
Aux motifs que selon l’article 554 du code de procédure civile « peuvent intervenir en cause d’appel (
) les personnes qui n’ont [pas] été (
) parties en première instance (
) » ; que MM. D… et I…, après avoir le 9 septembre 2011 fait assigner en paiement la société BSM et la société Axa France, également prise en son établissement secondaire Axa assurances région Sud Est, concomitamment avec la société Iceton, se sont désistés de leur instance, ce dont le jugement du 16 octobre 2015 a pris acte ; que ces deux personnes étaient donc parties à la procédure de première instance, ce qui rend irrecevables leurs interventions volontaires en cause d’appel, ainsi que le soutiennent à bon droit la société BSM et la société Axa France ;
Alors, de première part, que peuvent intervenir en cause d’appel les personnes qui n’ont pas été parties en première instance ; que le désistement de l’instance emporte extinction de l’instance et anéantissement rétroactif de tous les actes de procédure accomplis au cours de l’instance, y compris la demande initiale ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que Messieurs D… et I… s’étaient désistés de l’instance qu’ils avaient engagée devant les premiers juges, ainsi qu’acté par le jugement du 16 octobre 2015 (arrêt attaqué, p. 6), ce dont il résultait que leur demande initiale avait été rétroactivement anéantie, qu’ils devaient être considérés comme n’ayant jamais eu la qualité de partie en première instance et autorisés à intervenir en cause d’appel ; qu’en retenant, pour déclarer irrecevables les interventions volontaires en cause d’appel de Messieurs D… et I…, qu’ils avaient été parties à la procédure de première instance, la cour d’appel n’a pas déduit les conséquences légales de ses constatations et a violé l’article 398 du code de procédure civile, ensemble l’article 554 du code de procédure civile ;
Alors, de seconde part, subsidiairement, que peuvent intervenir en cause d’appel, les personnes qui ont figuré en première instance en une autre qualité ; qu’en retenant, pour déclarer les interventions volontaires de Messieurs D… et I… irrecevables, qu’ils avaient été parties en première instance sans rechercher, comme cela lui était demandé (conclusions d’appel des exposants, p. 3 et 4), si leurs interventions n’étaient pas recevables dès lors qu’ils intervenaient en appel en une qualité différente qu’en première instance, à savoir en leur qualité d’actionnaires et propriétaires de la société Iceton et non plus d’assurés, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 554 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir débouté la société Iceton de sa demande en condamnation in solidum de la société BSM et de la compagnie Axa France iard à lui payer la somme de 187 651,20 euros au titre de la remise en état des moteurs et de l’électronique de propulsion ;
Aux motifs propres que ne peuvent être retenus les autres postes demandés : – remise en état des moteurs, car leur bon entretien n’est pas démontré par la société Iceton ni le lien entre le sinistre et leurs problèmes ;
Aux motifs, le cas échéant repris des premiers juges, qu’avant la survenance du sinistre, le tribunal ne dispose que de peu d’éléments tentant à prouver que les moteurs de 16 ans d’âge ont été régulièrement entretenus ; qu’aucun carnet d’entretien ne figure à bord et ainsi, le tribunal n’a pas connaissance du nombre d’heures de fonctionnement de ces moteurs ; qu’après la survenance du sinistre, la société BSM est intervenue rapidement pour nettoyage des moteurs ; que les moteurs ont été déposés à la demande de Iceton contre l’avis des experts des assureurs ; que l’armateur a tardé dans ses prises de position quant à la décision d’intervention sur les moteurs ; qu’après dépose de ceux-ci, de nombreuses interventions ont eu lieu et trois essais en mer se sont avérés non concluants ; qu’à la lecture de l’ensemble des pièces, il se dégage plusieurs points de vue sans que le tribunal soit en mesure d’apprécier que les conséquences du sinistre sur un moteur à l’arrêt soient prouvées ; qu’étant donné l’âge des moteurs, il est surprenant que les différents acteurs se soient engagés dans des dépenses importantes puisqu’elles ont atteint la somme de 48 000 euros en pure perte, ce qui tenterait à prouver que le sinistre ne peut être à l’origine des problèmes moteurs ; qu’en conséquence, le tribunal déboutera la société Iceton de sa somme de remplacement à neuf des moteurs ;
Alors, de première part, que le technicien de maintenance, débiteur d’une obligation de résultat, est présumé responsable des dommages affectant le bien qu’il est chargé d’entretenir et de réparer, de sorte qu’il ne peut s’exonérer de sa responsabilité qu’en rapportant la preuve que les désordres affectant ce bien résulte de la survenance d’une cause étrangère présentant les caractères de la force majeure ; qu’en l’espèce, après avoir constaté que la société BSM avait effectué des travaux sur les moteurs du navire appartenant à la société Iceton, la cour d’appel a rejeté la demande de prise en charge des frais de remise en état de la motorisation et de l’électronique de ce navire en retenant que leur bon entretien ainsi que le lien entre le sinistre et leurs problèmes n’étaient pas démontrés ; qu’en statuant ainsi, quand le technicien de maintenance ne pouvait s’exonérer de sa responsabilité dans les dommages survenus aux moteurs qu’il était chargé d’entretenir et de réparer que s’il démontrait qu’ils avaient été causés par une cause étrangère, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et violé les anciens articles 1147 et 1315 alinéa 2 du code civil, devenus les articles 1231-1 et 1353 du code civil ;
Alors, de deuxième part que la société Iceton, dans ses écritures d’appel (conclusions d’appel, p. 17 et s.) faisait valoir que la société BSM, chargée depuis 2007 de l’entretien du navire et de ses moteurs, était en toute hypothèse responsable des conséquences des erreurs commises à l’occasion de cet entretien, à l’origine de la destruction des moteurs, indépendamment du sinistre litigieux ; que la cour d’appel qui n’a pas répondu à ce chef pertinent des écritures d’appel de la société exposante a par là-même, quel qu’en ait été le mérite, entaché son arrêt d’un défaut de réponse à conclusions et l’a privé de motifs en violation de l’article 455 du code de procédure civile ;
Alors, de troisième part, que la société Iceton reprochait également à la société BSM d’avoir introduit dans les moteurs un liquide de refroidissement inapproprié, à l’origine de leur destruction (conclusions d’appel, p. 17) ; que la cour d’appel qui n’a pas plus répondu à ce chef pertinent des écritures d’appel de la société exposante a par là-même, quel qu’en ait été le mérite, entaché son arrêt d’un défaut de réponse à conclusions et l’a privé de motifs en violation de l’article 455 du code de procédure civile ;
Alors, de quatrième part, que la société Iceton reprochait également à la société BSM d’avoir manqué à ses obligations d’entretien et de conseil, en s’abstenant de procéder à la remise en état des moteurs ou du moins en ne la mettant pas en garde sur les conséquences de l’abandon des moteurs après le sinistre (conclusions d’appel, p. 17) ; que la cour d’appel qui n’a pas plus répondu à ce chef pertinent des écritures d’appel de la société exposante a par là-même, quel qu’en ait été le mérite, entaché son arrêt d’un défaut de réponse à conclusions et l’a privé de motifs en violation de l’article 455 du code de procédure civile ;
Alors, de cinquième part, qu’il n’est pas permis au juge de dénaturer l’écrit qui lui est soumis, y compris par omission ; qu’en l’espèce, les pré-rapport et rapport d’expertise de Monsieur K…, produits par les parties, indiquaient que les heures de fonctionnement des moteurs s’établissaient à 667 heures pour Bâbord et à 663 heures pour Tribord (productions n° 13, p. 22 et 14, p. 24) ; qu’à supposer que, pour rejeter la demande de prise en charge des frais de remise en état de la motorisation et de l’électronique du navire, la cour d’appel ait implicitement adopté le motif du jugement selon lequel le juge n’avait pas connaissance du nombre d’heures de fonctionnement des moteurs (jugement, p. 6), elle a dénaturé par omission les pré-rapport et rapport d’expertise de Monsieur K… en violation de l’obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause et de l’article 892 du code civil Alors, de sixième part, que les motifs dubitatifs ou hypothétiques équivalent à une absence de motifs ; qu’à supposer que, pour rejeter la demande de prise en charge des frais de remise en état de la motorisation et de l’électronique du navire de l’exposante, la cour d’appel ait implicitement adopté les motifs du jugement selon lesquels « à la lecture de l’ensemble des pièces, il se dégage plusieurs points de vue sans que le tribunal soit en mesure d’apprécier que les conséquences du sinistre sur un moteur à l’arrêt soient prouvées » et « il est surprenant que les différents acteurs se soient engagés dans des dépenses importantes puisqu’elles ont atteint la somme de 48 000 euros en pure perte, ce qui tenterait à prouver que le sinistre ne peut être à l’origine des problèmes moteurs » (jugement du 16 octobre 2015, p. 6), elle a statué par des motifs dubitatifs et méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir débouté la société Iceton de sa demande en condamnation in solidum de la société BSM et de la compagnie Axa France iard à lui payer la somme de 31 953,78 euros au titre de frais avancés par elle ;
Aux motifs propres que ne peuvent être retenus les autres postes demandés : – remise en état des moteurs, car leur bon entretien n’est pas démontré par la société Iceton ni le lien entre le sinistre et leurs problèmes ; – frais divers concernant notamment ces moteurs, pour le même motif ;
Et aux motifs, le cas échéant repris des premiers juges, que la société Iceton sollicite le tribunal pour le remboursement de frais avancés par elle pour les frais de garde de moteur, les frais d’assurances et des frais ordonnés par l’expertise judiciaire ; que le tribunal n’a pas retenu le remplacement des moteurs comme conséquence du sinistre ; que le tribunal estimera que ces frais sont dus par la société Iceton du fait de son indécision sur le remplacement des moteurs ; qu’en conséquence, le tribunal déboutera la société Iceton de sa demande de remboursement pour frais avancés ;
Alors, de première part, que la cassation s’étend à l’ensemble des dispositions de la décision censurée qui présentent un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire entre elles ; qu’en l’espèce, dès lors que la cour d’appel a débouté la société Iceton de sa demande en remboursement des frais divers en se fondant sur les motifs l’ayant conduit à rejeter la demande en remboursement des frais de remise en état des moteurs (arrêt attaqué, p. 7), l’accueil du deuxième moyen de cassation entraînera la remise en cause des dispositions de l’arrêt attaqué portant sur la demande en remboursement des frais divers en application de l’article 624 du code de procédure civile ;
subsidiairement
Alors, de deuxième part, qu’ainsi que le rappelle la cour d’appel, la société Iceton demandait le remboursement de « frais divers », décrit par la cour d’appel comme « concernant notamment les moteurs » ; qu’il s’en déduit que l’ensemble de ces frais n’étaient pas nécessairement en rapport avec les moteurs du navire, de sorte qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 ancien du code civil ;
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné in solidum la société BSM et la compagnie Axa France iard à payer à la société Iceton la seule somme de 10 000 euros au titre du préjudice de jouissance ;
Aux motifs propres que la société Iceton, même si son navire à vocation commerciale était peu loué, a subi pendant l’immobilisation de celui-ci un préjudice de jouissance que la cour chiffre à 10 000 euros ;
Alors, de première part, que le principe de la réparation intégrale du préjudice suppose que la victime soit replacée dans la situation qui aurait été la sienne si elle n’avait pas subi le dommage, sans perte et sans profit ; qu’en l’espèce, en limitant la réparation du préjudice de jouissance de la société Iceton à la perte de location du navire sans rechercher, comme cela lui était demandé, si elle n’avait pas subi une perte de jouissance du yacht dès lors qu’il n’avait pas pu être utilisé, du fait de son immobilisation de septembre 2009 à 2016 (conclusions d’appel, p. 32 et 33), la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard du principe de la réparation intégrale du préjudice et de l’ancien article 1147 du code civil, devenu l’article 1231-1 du code civil ;
Alors, de deuxième part, que le juge ne peut pas dénaturer les termes du litige dont il est saisi ; qu’en chiffrant le préjudice de jouissance de la société Iceton à la seule somme de 10 000 euros dans la mesure où le navire aurait été peu loué quand aucune des parties ne soutenait que l’exposante avait loué le navire, la cour d’appel a méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
Alors, de troisième part, que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que, pour justifier de l’étendue du préjudice découlant pour la société Iceton de la privation de jouissance du navire, l’exposante avait régulièrement versé aux débats un arrêt de la cour d’appel de Paris du 5 novembre 1999 ainsi que des annonces de locations de navires (productions n° 17 à 23) ; qu’en fixant à la seule somme de 10 000 euros l’indemnisation du préjudice de jouissance de la société Iceton, sans s’expliquer sur ces éléments de preuve régulièrement versés aux débats et soumis à son examen, la cour d’appel a méconnu les exigences posées à l’article 455 du code de procédure civile.
ECLI:FR:CCASS:2021:CO00168