Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 16 janvier 2019, 17-20.684, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 16 janvier 2019, 17-20.684, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Mathec, dont la société Holding Z… et la société Pénélope étaient les actionnaires, a été mise en liquidation judiciaire le 21 juillet 2014, Mme X… étant désignée liquidateur ; que par un jugement du 25 septembre 2015, le tribunal a reporté la date de cessation des paiements de cette société au 21 janvier 2013 ; que Mme X…, ès qualités, a demandé l’annulation de l’apport d’un immeuble par la société Mathec à la société L’Oliveraie réalisé pendant la période suspecte ainsi que son inopposabilité pour fraude aux droits des créanciers de la liquidation judiciaire ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l’article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que pour rejeter la demande d’annulation de l’apport fondée sur les dispositions de l’article L. 632-1 2° du code de commerce, l’arrêt, après avoir estimé que la valeur réelle de l’immeuble était de 953 000 euros, et non 640 198 euros comme convenu entre les parties, et qu’au vu des éléments produits, le passif attaché à l’immeuble que les parties auraient dû prendre en compte pour fixer la valeur de l’apport pouvait être estimé à la somme de 989 000 euros HT, retient que si la valeur de l’immeuble a été sous-évaluée, le montant du passif qui grevait l’immeuble l’a été de façon équivalente et que l’apport n’a pas été sous-évalué en retenant la modique somme de 2 100 euros ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait des conclusions respectives des parties que celles-ci estimaient le montant du passif attaché à l’immeuble à la somme de 638 098 euros, la seule discussion élevée par Mme X…, ès qualités, sur ce point, relative au défaut de prise en compte du remboursement anticipé d’un des prêts souscrits pour financer l’acquisition de l’immeuble à concurrence de la somme de 162 648,73 euros étant par ailleurs rejetée, la cour d’appel, qui a méconnu l’objet du litige, a violé le texte susvisé ;

Sur le deuxième moyen :

Vu l’article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que l’arrêt rejette toutes les demandes de Mme X…, ès qualités ;

Qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme X… qui fondait une demande d’annulation de l’apport de l’immeuble à la SCI L’Oliveraie sur les dispositions de l’article L. 632-2 du code de commerce, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Vu l’article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation prononcée sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi entraîne la cassation, par voie de conséquence, de l’arrêt en ce qu’il rejette la demande d’inopposabilité de l’apport de l’immeuble à la société L’Oliveraie fondée sur les dispositions de l’article 1167 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 au motif qu’au vu des développements relatifs à la demande d’annulation de cet apport réalisé pendant la période suspecte, la société Mathec ne s’était pas appauvrie au détriment de l’ensemble des créanciers ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, infirmant le jugement déféré en ce qu’il a accueilli la demande reconventionnelle de la société L’Oliveraie en résiliation du bail commercial, il déclare irrecevable cette demande et donne acte à la société L’Oliveraie, la société Holding Z…, la société Pénélope, M. Y… et M. Z… de ce qu’ils renoncent à leur action en responsabilité contre Mme X…, ès qualités, dans l’instance d’appel, l’arrêt rendu le 16 mai 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Nîmes ;

Condamne la société L’Oliveraie, la société Holding Z…, la société Pénélope, M. Y… et M. Z… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à Mme X…, en qualité de liquidateur de la société Mathec, la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour Mme X…, ès qualités.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir débouté Maître Christine X…, agissant en sa qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société MATHEC, de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de l’apport à la Société L’OLIVERAIE de l’immeuble sis […] – […] , cadastré section […] , lieudit[…] , pour une surface de 56 ares et 80 centiares, décidé par assemblée générale ordinaire de la Société MATHEC du 24 avril 2013 et repris dans les statuts authentiques de la Société L’OLIVERAIE du 14 mai 2013 ;

AUX MOTIFS QUE l’article L. 632-1 I du Code de commerce dispose en 2° que sont nuls, lorsqu’ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celle de l’autre partie ; que par jugement du 25 septembre 2015, à la demande de Me X… ès qualités, le Tribunal de commerce de Montpellier a reporté la date de cessation des paiements provisoirement arrêtée au 17 juillet 2014 dans le jugement prononçant la liquidation judiciaire, au 21 janvier 2013 ; que cette décision a été publiée au BODACC le 13 octobre 2015 ; que cette décision a force de chose jugée, et quelles que soient les critiques qui peuvent légitimement être formulées sur la façon dont elle a été obtenue au regard des nombreux éléments comptables produits par les intimés, ensuite de l’arrêt de la Cour de cassation du 4 novembre 2014 n° 13-23.070, la date de cessation de paiement du 21 janvier 2013 fixée par le jugement de report du 25 septembre 2015 s’impose à la Cour et aux parties ; que les actes passés courant avril et mai 2013 dont Me X… ès qualités demande l’annulation ont donc été effectués pendant la période suspecte ; que Me X… ès qualités soutient qu’il y a eu une sous-évaluation de l’immeuble apporté à la SCI L’Oliveraie dans la mesure où les parties ont retenu la valeur comptable de cet immeuble, soit la somme de 640 198 €, alors qu’elles auraient dû prendre la valeur réelle de l’immeuble ; qu’en effet, dans le procès-verbal des délibérations de l’assemblée générale ordinaire du 24 avril 2013 de la SAS Mathec, les deux associés, soit la Société Holding Z… représentée par Monsieur Luc Z… et la Société Pénélope représentée par Monsieur Eric Y…, ont évalué la valeur de l’apport de l’immeuble à la SCI L’Oliveraie ; que pour cela elles ont retenu que la valeur nette comptable de l’immeuble s’élevait à 640 198 €, que le passif correspondait au solde du prêt Crédit Agricole pour 624 104 € et au solde du prêt société marseillaise de crédit pour 13 994 €, soit un passif global de 638 098 €, que la valeur nette de l’apport était donc de 2100 €, et qu’il serait donc attribué 210 parts de la SCI L’Oliveraie à la Société Mathec, soit 10 € la part sociale ; qu’après la constitution de la SCI L’Oliveraie entre la Société Holding Z… Pénélope et la SAS Mathec, cette dernière a revendu ses 210 parts à leur valeur nominale à la Société Holding Z… et à la Société Pénélope par acte de cession de parts sociales du 17 mai 2013 ; que Me X… ès qualités explique que la valeur de l’immeuble était d’environ 953 000 €, et qu’il y a donc eu une sous-évaluation d’environ 300 000 € ; qu’à l’appui de ses prétentions, Me X… ès qualités invoque l’expertise effectuée par Monsieur Éric B…, à la demande des intimés et ce, dans la perspective de la cession projetée ; qu’après avoir évalué l’immeuble selon trois méthodes, technique, locative et valeur du marché, et après avoir fait la moyenne entre les trois résultats obtenus, le 16 août 2012, Monsieur Eric B… avait évalué ledit immeuble à 953 000 € ; que cette valeur correspond d’ailleurs globalement au capital de 1 018 000 € qui avait été emprunté quatre ans auparavant pour son édification par la SARL Mathec ; que la méthode de calcul suivie qui a envisagé toutes les hypothèses, et la proximité des diverses opérations de la cession qui se sont déroulées en avril et mai 2013, soit sept mois plus tard, permettent de retenir que la valeur de l’immeuble apporté à la SCI L’Oliveraie était d’environ 953 000 € ; que comme le soutient Me X… ès qualités, le premier terme qu’aurait dû retenir les parties pour l’évaluation de l’apport étaient sans contexte cette somme de 953 000 € ; que le deuxième terme pour calculer le montant de l’apport effectivement réalisé est la charge financière que représentaient les deux crédits qui grevaient encore cet immeuble puisque le solde du prêt accordé par la Caisse d’épargne avait été soldé par la Société Mathec ; qu’à la suite du refus de la Caisse d’épargne de transférer ce prêt, la Société Mathec l’a soldé pour la somme de 162 648,73 € ; que de ce fait, le prix initialement convenu pour la cession des parts sociales de la Société Mathec par la Société Holding Z… et la Société Pénélope à la Société Mathec Industrie initialement de 500 000 €, a été réduit dans l’avenant n° 2 du 14 mai 2013 et dans l’« Acte d’acquisition des titres de la société Mathec » du 17 mai 2013 à la somme de 337 351,27 €, le complément de prix de 671 000 € restant inchangé ; qu’il n’y a donc pas eu une sous-évaluation du passif de ce fait comme le soutient Me X… ès qualités dès lors que le remboursement anticipé du prêt de la Caisse d’épargne a été effectué par la trésorerie de la Société Mathec, qui était de 374 439 € au 31 décembre 2012, d’après le bilan produit, et qu’il a été tenu compte de cette sortie d’argent des comptes de la société par une diminution du prix des actions ; que cependant, un examen attentif des pièces produites, et plus particulièrement de l’acte intitulé « Transfert de prêt – Avenant au contrat » du 25 septembre 2013 signé entre le Crédit Agricole, la Société Mathec et la SCI L’Oliveraie, révèle que les parties pour leur évaluation du passif n’ont pris en compte que le capital restant dû desdits prêts ; qu’en effet à la date du 25 septembre 2013, sur le prêt Crédit Agricole, sur le capital initial de 800 000 €, le capital restant dû était de 606 803,67 € ; que cette convention produite par les intimés ne précise pas le montant des intérêts et accessoires restant à courir ; qu’en ce qui concerne le prêt souscrit auprès de la Société Marseillaise de Crédit, certes beaucoup moins important, les intimés ne produisent qu’une attestation sur laquelle il est mentionné que sur le capital initial de 18 000 €, le capital restant dû est de 13 778,28 euros au 10 mai 2013 ; que ce document ne précise pas non plus le montant des intérêts restant dû ; que les seuls éléments que la Cour a trouvé dans les nombreuses pièces produites, et plus particulièrement du mail du 9 avril 2013, sont que les parties avaient convenu que la sortie de l’immeuble des actifs de la Société Mathec était une opération neutre et qu’à ce titre le loyer prévu pour le bail commercial serait strictement égal à la somme de remboursement des emprunts, capital et intérêts ; qu’il était aussi convenu qu’au bout du délai de trois ans, la Société Mathec bénéficierait d’une option d’achat, et que pendant cette période, les deux associés de la SCI L’Oliveraie ne pouvaient vendre leurs parts, sauf avec l’accord de la Société Mathec ; que le bail commercial portant sur ledit immeuble a été consenti à la Société Mathec par la SCI L’Oliveraie au prix de 100 900 € hors-taxes par an, avec une réduction de la mensualité à 5908 € hors-taxes du 1er mai au 31 décembre 2013, soit une réduction mensuelle de 2500 € HT ; que toujours d’après la convention de transfert de prêt du Crédit Agricole lequel mentionne qu’au 25 septembre 2013, il restait à courir 115 mensualités, à la date de l’évaluation de l’apport de l’immeuble à la SCI L’Oliveraie, soit le 24 avril 2013, il y avait donc encore 120 mensualités qui restaient à courir, soit 10 ans ; qu’au vu des seuls éléments produits, dans l’hypothèse où les parties ont respecté leurs engagements, le passif attaché à l’immeuble que les parties auraient dû prendre en compte pour évaluer la valeur de l’apport dudit immeuble à la SCI L’Oliveraie peut donc être estimé à environ 989 000 hors-taxes ; qu’il suit de là que si la valeur de l’immeuble a été sous-évaluée, le montant du passif qui grevait ledit immeuble l’a été de façon équivalente, et que donc l’apport de cet immeuble à la SCI L’Oliveraie n’a pas été sous-évalué en retenant la modique somme de 2100 € ; que surtout, il en résulte que Me X… ès qualités échoue dans la démonstration qui lui incombe que dans les opérations d’apport de l’immeuble situé […] , […] à la SCI L’Oliveraie, les obligations de la Société Mathec ont excédé notablement celles de la SARL Holding Z… et de la SARL Pénélope ; qu’elle sera donc déboutée de cette demande ;

1°) ALORS QUE le juge ne peut méconnaître les limites du litige, telles qu’elles sont déterminées par les conclusions respectives des parties ; que la Société OLIVERAIE, la Société Holding Z… , la Société PENELOPE, Monsieur Y… et Monsieur Z… soutenaient, devant la Cour d’appel, qu’à la date de l’apport de l’immeuble à la Société OLIVERAIE, le passif de la Société MATHEC s’élevait à la somme de 638.098 euros ; que Maître X… faisait également valoir qu’à cette date, les associés de la Société MATHEC avaient évalué le passif grevant l’immeuble à la somme de 638.098 euros ; qu’en affirmant néanmoins, pour décider que les obligations de la Société MATHEC n’excédaient pas notablement celles de la Société OLIVERAIE dans les opérations d’apport de l’immeuble à cette dernière, que le passif grevant ledit immeuble devait être évalué à la somme d’environ 989.000 euros hors taxe, la Cour d’appel a méconnu les limites du litige, en violation des articles 4 et 7 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE tout jugement ou arrêt doit être motivé à peine de nullité ; que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu’en affirmant tout à la fois, d’une part, qu’« il n’y a donc pas eu une sous-évaluation du passif » (arrêt p. 13 §1) et, d’autre part, que « si la valeur de l’immeuble a été sous-évalué, le montant du passif qui grevait ledit immeuble l’a été de façon équivalente » (arrêt p. 14 §1), affirmant ainsi que le montant du passif avait été et n’avait pas été sous-évalué, la Cour d’appel s’est prononcée par des motifs contradictoires, en violation de l’article 455 du Code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE, est nul, lorsqu’il est intervenu depuis la date de cessation des paiements, tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l’autre partie ; qu’en décidant que l’existence d’une disproportion notable entre les obligations de la Société MATHEC et celles de la Société OLIVERAIE dans les opérations d’apport de l’immeuble à cette dernière devait être appréciée au regard de la comparaison entre la valeur nominale des actions remises à la Société MATHEC et la valeur vénale de l’immeuble, déduction faite du capital à rembourser au titre des prêts immobiliers grevant l’immeuble et des intérêts d’emprunt à échoir, bien que l’assiette du passif à prendre en considération pour l’évaluation de l’actif net ait été composée du seul capital emprunté à l’exclusion des intérêts à échoir, la Cour d’appel a violé l’article L 632-1, 2°, du Code de commerce.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir débouté Maître Christine X…, agissant en sa qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société MATHEC, de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de l’apport à la Société L’OLIVERAIE de l’immeuble sis […] – […] , cadastré section […] , lieudit[…] , pour une surface de 56 ares et 80 centiares, décidé par assemblée générale ordinaire de la Société MATHEC du 24 avril 2013 et repris dans les statuts authentiques de la Société L’OLIVERAIE du 14 mai 2013 ;

ALORS QU’en vertu de l’article L 632-2 du Code de commerce, les paiements pour dettes échues effectués à compter de la date de cessation des paiements et les actes à titre onéreux accomplis à compter de cette même date peuvent être annulés si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements ; que dans ses conclusions d’appel, Maître X… soutenait que l’apport de l’immeuble fait à la Société L’OLIVERAIE était nul, dès lors que cette dernière avait bénéficié de cet apport en connaissance de l’état de cessation des paiements de la Société MATHEC ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen péremptoire des conclusions de Maître X…, duquel il se déduisait que l’apport litigieux réalisé au cours de la période suspecte de la Société MATHEC devait être annulé, la Cour d’appel a violé l’article 455 du Code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir débouté Maître Christine X…, agissant en sa qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société MATHEC, de sa demande tendant à voir prononcer l’inopposabilité aux créanciers de la liquidation judiciaire de l’apport à la Société L’OLIVERAIE de l’immeuble sis […] – […] , cadastré section […] , lieudit[…] , pour une surface de 56 ares et 80 centiares, décidé par assemblée générale ordinaire de la Société MATHEC du 24 avril 2013 et repris dans les statuts authentiques de la Société L’OLIVERAIE du 14 mai 2013 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, aux termes de l’article 1167 du Code civil alors applicable, les créanciers peuvent, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits ; qu’à l’occasion de l’ouverture d’une procédure collective, ce droit conféré aux créanciers, peut également être exercé en leur nom et dans leur intérêt collectif, s’agissant d’une action tendant aux mêmes fins, par le représentant des créanciers ; que cependant, au vu des développements qui précèdent, contrairement à ce que soutient Me X… ès qualités, la Société Mathec ne s’est pas appauvrie au détriment de l’ensemble des créanciers dès lors que si l’immeuble situé […] , […] , a été sous-évalué, il n’est pas démontré que son apport à la SCI L’Oliveraie ne l’avait pas été ; que le fait que la Société Mathec se soit défaite pendant la période suspecte du seul bien immeuble qui aurait pu être valorisable, est insuffisant pour constituer une atteinte aux droits des créanciers dans la mesure où corrélativement, le passif de cette société a été diminué du passif grevant ledit immeuble ; que Maître X… ès qualités sera aussi déboutée de cette demande ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Me X… ès qualités invoque les dispositions de l’article 1167 du Code de commerce au prétexte que la Sté MATHEC aurait volontairement appauvri son patrimoine dans le but de préjudicier aux créanciers ; que le caractère frauduleux de l’acte n’est nullement démontré par le demandeur au moment de la cession ; qu’au moment de la cession, la Sté MATHEC était en « excellente santé financière » selon le rapport du CAS en date du 05/04/2013 ; qu’en effet il ressort de ce rapport enregistré auprès du Greffe que :

(1) Le chiffre d’affaires est en progression de 3.58 %,

(2) Le résultat d’exploitation qui s’élève à 191 459.00 € est en augmentation de 40.24 %,

(3) Le résultat s’élève à 85 993.00 €,

(4) Les capitaux propres s’élèvent à 867 645.00 € pour un capital social de 20 000.00 €,

(5) La trésorerie est positive à hauteur de 472 923.00 € ;

que les conclusions du Commissaire affirment que la structure financière est satisfaisante ; que la situation de la SARL MATHEC est donc optimale pour réaliser l’opération projetée ; que le bilan de sortie avant la vente pour la période 2012 le démontre également ; que force est donc de constater que la demanderesse n’apporte nullement la preuve d’une situation difficile susceptible de nuire à d’éventuels créanciers ; qu’en outre, non seulement la demanderesse doit apporter la preuve de l’existence de créances au jour de la cession d’actifs, ce qu’elle n’a pas démontré, mais elle doit également démontrer que les dirigeants et actionnaires de la Sté MATHEC ont volontairement réalisé l’opération dans le but de préjudicier aux créanciers en diminuant la solvabilité de la SAS MATHEC ; que la « bonne santé » de la SAS MATHEC ne permet pas de présumer une quelconque intention de diminuer la solvabilité de la SAS MATHEC ; qu’en effet, il ressort des pièces versées aux débats qu’approchés par Monsieur C… en qualité de candidat acquéreur, les dirigeants de la SARL MATHEC proposaient de vendre la totalité de l’outil de production en ce compris l’immobilier ; que pour établir une discussion sur le prix de vente de l’immobilier, les dirigeants de la SARL MATHEC faisaient évaluer l’actif immobilier par un cabinet d’expertise, fourchette haute de 950 000.00 €, étant précisé que le bien était affecté d’un passif immobilier de 800 746.00 € (Caisse d’Epargne 162 648.00 €, prêt CREDIT AGRICOLE 624 104.00 €, prêt SMC 13 994.00 €) ; que les discussions sur le prix de cession de cet actif immobilier, n’ont pas permis de trouver un accord, alors même qu’une évaluation avait été calculée par l’ensemble des parties à la somme de 686 000.00 € ; que c’est dans ces conditions que le 30/08/2012, le candidat acquéreur adressait une lettre d’intention prévoyant au préalable la cession de l’immeuble ; qu’il y a lieu de constater que dans le cadre de la vente des titres de MATHEC, le prix de base était de 337 351.27 € outre un complément de prix de 671 000.00 € consignés dans l’attente de la résolution définitive et d’un litige opposant la SAS MATHEC à la SARL CONTRALCO, risque garanti par une garantie de passif à hauteur de 299 000.00 € outre la consignation de 671 000.00 €, soit une garantie de 970 000.00 € au total ; qu’il est ainsi démontré que la seule intention des dirigeants sociaux et associés de la SAS MATHEC n’était que de s’adapter aux exigences du candidat acquéreur et faciliter la cession des parts sociales de la SAS MATHEC ; qu’il ressort que la demanderesse n’apporte pas la preuve de l’existence de créances au jour de la cession d’actifs, ce qu’elle n’a pas démontré ; qu’elle ne démontre pas non plus que les dirigeants et actionnaires de la Sté MATHEC ont volontairement réalisé l’opération dans le but de préjudicier à d’éventuels créanciers ; que la demanderesse n’apporte pas la preuve de la diminution du patrimoine de la SAS MATHEC lors de la vente à la SCI L’OLIVERAIE ; qu’ainsi, le Tribunal ne peut que constater que les conditions nécessaires à l’ouverture d’une action paulienne ne sont pas réunies ; que la demande de Maître Christine X… es-qualités ne peut donc prospérer ;

1°) ALORS QUE la cassation entraîne, sans qu’il y ait lieu à une nouvelle décision, l’annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l’application ou l’exécution du jugement cassé ou qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation, du chef de l’arrêt attaqué ayant décidé que dans les opérations d’apport de l’immeuble, les obligations de la Société MATHEC n’avaient pas excédé notablement celles de la Société L’OLIVERAIE, de sorte qu’il convenait de débouter Maître X…, ès qualités, de sa demande en nullité de cet apport, entraînera par voie de conséquence l’annulation du chef du dispositif de l’arrêt ayant décidé que la Société MATHEC ne s’étant pas appauvrie du fait de l’apport de l’immeuble à la Société L’OLIVERAIE, il convenait de rejeter sa demande tendant à voir juger que cet apport avait été réalisé en fraude des droits des créanciers de la liquidation judiciaire, et ce en application de l’article 625 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE, subsidiairement, le créancier dispose de l’action paulienne lorsque la cession, bien que consentie au prix normal, a pour effet de faire échapper un bien à ses poursuites en le remplaçant par des fonds ou des valeurs plus difficiles à appréhender ; qu’en se bornant à énoncer, pour débouter Maître X… de sa demande tendant à voir juger inopposable aux créanciers de la liquidation judiciaire l’apport de l’immeuble de la Société MATHEC à la Société L’OLIVERAIE, que cet apport n’avait pas appauvri la Société MATHEC, sans rechercher si ce transfert d’actif, valorisé 953.000 euros et en contrepartie duquel la Société MATHEC avait perçu 210 actions de la Société L’OLIVERAIE d’un montant de 10 euros chacune, avait eu pour effet de porter atteinte au droit de gage des créanciers, ce dont il résultait qu’il présentait un caractère frauduleux, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regarde de l’article 1167 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3°) ALORS QUE les créanciers peuvent, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits ; que la fraude paulienne résulte de la seule connaissance qu’a eue le débiteur du préjudice qu’il causait au créancier ; qu’en déboutant Maître X… de sa demande tendant à voir juger inopposable aux créanciers de la liquidation judiciaire l’apport de l’immeuble de la Société MATHEC à la Société L’OLIVERAIE, aux motifs adoptés qu’elle n’apportait nullement la preuve d’une situation difficile susceptible de nuire aux créanciers, qu’il n’était pas démontré que les dirigeants sociaux et associés de la Société MATHEC avaient réalisé cet apport dans le but de préjudicier aux créanciers et qu’il n’était pas non plus démontré par le mandataire liquidateur de l’existence de créances à la date de cette cession d’actif, après avoir pourtant relevé que l’apport dont avait bénéficié la Société L’OLIVERAIE avait été réalisé tandis que la Société MATHEC se trouvait en cessation des paiements, ce dont il résultait nécessairement l’existence de créanciers auxquels l’apport avait causé préjudice nonobstant l’absence d’intention de nuire à ces derniers, la Cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article 1167 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

ECLI:FR:CCASS:2019:CO00020


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